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Full text of "Bulletin de l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique"

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L’ACADÉMIE ROY AL DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


ANNÉE 1837, 


TOME IV. 


BRUXELLES, 


M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADEMIE ROYALE. 


1838. 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No I. 


Séance du 14 janvier. 


M. De Gerlache, directeur. 
M. Quetelet , secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


M. le ministre de l’intérieur annonce que S. M. le Roi a 
donné , le 31 décembre dernier, son agrément aux nomina- 
tions faites par l’académie, dans sa dernière séance, de 
MM. les professeurs Plateau , Dumont et Cantraine, comme 
membres dans la classe des sciences. 

La sociélé royale géologique de Cornouailles fait parve- 
nir à l'académie la collection complète des mémoires qu’elle 
a publiés jusqu’à ce jour. Un hommage semblable est fait 
par la société royale des sciences, de l’agriculture et des 

. artsde Lille, qui, par l'intermédiaire de M. Delezenne, en- 
voie 13 vol. in-8° de ses mémoires. Des remercimens seront 
adressés à ces sociétés. 

| Tom. 1v. ! 


Le secrétaire présente les programmes des concours 
ouverts pour 1837, par la société royale de Lille et par la 
société des antiquaires de la Morinie. 

Il est ensuite donné lecture d’une lettre de M. Nathaniel 
Bowditch , de Boston, qui fait hommage à l’académie d’un 
exemplaire de sa traduction en anglais de la Mécanique 
céleste, et du commentaire qu’il y a joint. Remercimens. 

Le secrétaire annonce qu’il a reçu un mémoire en ré- 
ponse à la 3*question du concours pour 1837, qui demande 
un mémoire sur l'analyse algébrique dont le sujet est laissé 
au choix des concurrens. Ce mémoire, ou plutôt cette note, 
dont le billet cacheté porte la lettre M, a pour objet un 
Essai analytique sur la force de percussion produite 
par un corps solide , tombé d’une certaine hauteur. 

M. le baron De Stassart remet, de la part de M. le major 
Bavier, une note sur la fabrication du sucre de betteraves, 
qui est renvoyée à l'examen de M. Dehemptinne. 


COMMUNICATIONS. 


Météorologie. — Le secrétaire présente les tableaux mé- 
téorologiques de l’année 1836, d’après les observations 
faites à l'observatoire de Bruxelles, pour faire suite aux 
tableaux des trois années précédentes, qui ont été insérés 
dans les Nouveaux Mémoires de l’académie. I résulte de 
ces tableaux et de leur comparaison avec ceux qui ont été 
donnés antérieurement pour le climat de Bruxelles, que 
l’année 1 836, sous le rapport de la pression atmosphérique 
et des températures, a présenté des résultats qui se sont 
trés-peu écartés de ceux qu’on pourrait regarder comme 
les valeurs moyennes du lieu d'observation. 

Voici quelle a été la température moyenne de l’année, 


cit dé CES Sd nd or ti init 


(3) 
en la déduisant de différentes méthodes admises par les 


physiciens ; on trouvera en regard les observalions faites 
à Alost par M. le professeur Maas. 


TEMPÉRATURE MOYENNE DE 1836. BRUXELLES. ALOST. 
D’après les maxima et minima moyens . . -110°,4 cent. +10 0 cent. 
» » Biol 00 2 40!S + 10.6 
» les observ. de 9 h, du matin. “+ 10.3 + 10.6 
» la tempér. moyenne d'octobre. + 12.0 + 12.0 


La pression aimosphérique a présenté également une 
varialion diurne semblable à celle des années précédentes. 
Voici quels ont été les écarts de la moyenne aux heures 
des observations. 


BRUXELLES. ALOST. 


mm. 
Hauteur moyenne du baromètre réd. . . . . 754.82 758.18 
Différence à 9 heures du matin. . . . . . <+0.23 +0.18 
» ARS 2 et RU OUT Je, 57 ODA MMER0I06 
» à 4 heures du soir. . . . . . . 0.36 —0.37 
»” à 9 heures » A De EU LD0 EF OIR 


Cet accord entre les observations de Bruxelles et d’Alost 
est d'autant plus remarquable, que plusieurs physiciens 
à qui l'on doit des observations barométriques , pour le 
climat de Bruxelles, et entre autres MM. Kickx et l'abbé 
Mann , ont écrit ne pas même avoir reconnu de variation 
diurne du baromètre. 

Les variations de l'hygromètre n’ont présenté aucune 
circonstance remarquable. 

Ce qui peut surtout caractériser l'année 1836, c'es la 
grande quantité d’eau qui a tombé ; elle est de plus de 824 
millimètres pour Bruxelles et de près de 893 millimètres 


(847) 

pour Alost; on a compté dans la première de ces villes 
jusqu’à 198 jours pendant lesquels il a plu, et 185 dans la 
seconde ; andis que, année commune, on en compte 160 
environ, pendant lesquels on recueille un peu moins de 
700 millimètres d’eau. 

On pourra se faire une idée plus juste des résultats de 
l'année 1836, en les comparant directement à ceux des 
trois années précédentes , comme on l’a fait dans le tableau 


suivant. 
PRESSION ATMOSPHÉRIQUE 
ou hauteur du baromètre réd, 

ne E— 
(1) 1533. 1834 1835. 1836. 
Pression à 9 heures du matin . . 755.42 759.42 757.24 755.05 
» » midi. . . . . . . 7565.35 759.12 757.08 7654.86 
» » 4 heures du soir. . . 754.95 758.67 756.70 754.46 
» » 9 » n « . . 155.86 759.19 757.16 754.98 
Moyenredes maxima absolusmensutls, 765.47 768.72 767.86 767.58 
» » minima » + . . 736.99 744.48 740.17 738.08 
Maximum absolu de l’année . . . 775.85 773.48 778.67 776.87 
Minimum » n. . . 786.66 736.89 724.60 725.74 


TEMPÉRATURE, 


thermomètre centigrade, 
"mm A 


1833. 1834. 1836. 1836. 


‘Température à 9 heures du matin. . . +10°.5-+120.1+100.7-+1003 


» nil AM EE 12.7 14.3 12.8 12.5 
» » 4 heures du soir . . . 12.6 14.5 12.8 12.4 
» » 9 » Dr net 9.1 11.0 9.5 9.4 
Moyenne des maxima diurnes . . . . 14.4 16.1 14.5 14.0 
» AUTRE 2e 621.1 8.221067 6.8 
» » températ. de chaque jour. 10.3 12.1 10.6 10.4 


Température maximum de l’annnée . . 28.8 33.1 29.8 29.9 
» minimum. « … . . . + — 9.3— 3.9 —10.4—11.5 


(1) Pour rendre les moyennes du baromètre et celles du thermomètre 
comparables, on a fait subir aux nombres de 1833, une correction en 


HUMIDITÉ DE L'AIR, 
hygromètre de Saussure, 


1833. 1834. 1855. 1836. 


min. mm : LLLLI LES nim,. 


Quantité d’eau tombée . . . . . . 761.61 511.03 617.99 824.34 
Hygromètre à 9 heures du matin. . . 79.75 80.9 84.6 78.2 
» D 'OULE. - 0 ee ele Nrrt0 ST O7 077 enr 071.7 
» » 4 heures du soir . . . 71.59 72.6 77.1 71.3 
» » # » . « . 80.14 85.6 87.8 80.8 
Moyenne des maxima du mois. . . . 92.8 96.8 99.8 94.4 
» » minima » . =. . 63.8 53.5 69.8 55.8 
Hauteur moyenne de l’année . . . . 76.15 78.0 81.7 75.5 


ÉTAT DU CIEL. 


1833. 1834. 1835 1836 


Nombre de jours de pluie . . . . . 108 166 161 198 
» » de grêle Ab EEE 5 8 12 9 
» DATE NEICE Sr: QUE 11 8 12 18 
» » de gelée SET > (1 . 39 21 46 31 
” » de tonnerre . . . . 7 13 5 13 
y » de brouillard, . . . 25 19 25 27 
» » de ciel ent. couvert . 48 27 42 46 
» » de ciel ent. serein. . 12 30 13 17 


Observations météorologiques horaires. — Le secré- 
laire communique ensuite à l'académie les observations 
météorologiques horaires, faites à l'observatoire , le 21 et 

. le 22 décembre dernier, époque du solstice d'hiver, pour 
répondre à l'appel adressé aux astronomes par sir John 
Herschel, dans la vue de déterminer les oscillations atmos- 


plus de Omm 56 pour le baromètre, et en moins de 00.8 pour le ther- 
momètre ; conformément à ce qui a été dit dans les Annales de l’ob- 
servatoire , Ke partie, pag. 63. 


(6) | 
phériques des deux hémisphères terrestres. (Ÿ’oyez les Bul- 
letins de l'académie , tomes II et III.) Les tableaux suivans 
présentent , à côté des observations de l'observatoire de 
Bruxelles , celles qui ont été faites à Louvain par M. Crahay 
et à Alost par M. le professeur Maas ; les mêmes tableaux 
renferment aussi les observations faites à Londres, dans les 
appartemens de la société royale, par M. Roberton. Pour 
rendre comparables les indications des instrumens ,on a eu 
soin de réduire celles du baromètre en mesure métrique 
el celles du thermomètre à l'échelle centigrade. L’hygro- 
mètre qui a été employé à Bruxelles et à Alost, est celui 
de Saussure. 

La figure qui est jointe à ces tableaux, donnera une idée 
plus juste des oscillations que le baromètre a éprouvées 
dans les quatre stations indiquées. Ces oscillations, malgré 
les distances, ont été à peu prés exactement les mêmes. 
Ainsi, le 22 décembre, le baromètre a atteint sa plus 
grande élévation, à Bruxelles , à Alost et à Louvain, entre 
neuf et dix heures du matin. Le maximum a été observé à 
Londres un peu plus tard, vers 10 heures; puis l’abaïsse- 
ment a graduellement continué dans ces quatre villes, à 
peu prés de la même manière. 

Pendant ces deux jours d'observation, l’aspect du ciel a 
été le même en Belgique et en Angleterre. Le temps a été à 
peu près constamment couvert; l'air élait humide, et 
généralement chargé de brouillard ou du moins vaporeux. 

Il s’est présenté une circonstance particulière, relative- 
ment au thermomètre ; en Belgique, la température s’est 
faiblement abaissée dans la soirée, tandis qu’à Londres 
aux mêmes époques, elle s’est élevée un peu pendant les 
deux jours d'observations; on remarque néanmoins une 
tendance semblable dans les nombres d’Alost. 


Bullekn de l'Acaderne 


DS TE di 


| % #4 de. ur eémaR ss 


HE Reapr, Rires 
a CORDES % 


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Va 
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(#3 


Observations météorologiques horaires , faites au solstice d’hi- 


ver 1836. 


VENT. 
CRE 


Alost. | Londres. 


BAROMÈTRE RÉDUIT. 


| 


DATE. | —— RFGr 


Re 


Bruxelles|Louvain.| Alost. |Londres. Bruxelles 


nm, mm, mm, mm, 
6h.m 765.13 766.784 | 768.69 | 768.87 ? ? Sso 
7 » | 765.27 |766.997 | 768.63 | 768.93 ? sso » 
8 » | 765.41 |767 034 | 768.94 | 768.83 ? s » 


9 » 765,57 |767 257 | 768.94 | 769 08 so SsO 


10 » 765.53 |767.167 | 769.17 | 769.41  SSO S » 
im 765.55 » 768:83 | 769.35 so SsO so 
12 » 765.14 |766.904 |/768 61 | 769.12 » so 0S0 
1h.s. | 765.02 |766 529 | 768.40 | 769.28 » 050 0 
2 » 765.05 |766.618 | 768.42 | 769 38 » 0 » 
3 » 764.88 |766.481 | 768.59 | 769.23 » ONO ” 
A 765.05 |766.694 | 768 77 | 769.43 » 0 0S0 
5 » 765.06 |766.494 | 768.66 |769.41 ? ? so 
6 » 765.14 |766.758 | 768.68 | 769.48 P ? ? 
7 » 765.32 | 766.871 | 768.85 | 769 88 ? ? ? 
8 » 765 48 |766.971 | 769.06 |770.12 ? ? ? 
9 » 765.69 | 767.184 | 769.30 | 770 35 8 ? ? 
10 » 765 83 |767,384 | 769,38 | 770.62 ? ? ? 
11 » 765.73 | 767 284 | 769.38 | 770.82 s0 ? ? 
12 » 765.94 » » 770.77 ? » so 


(1) NH ne paraît pas que le baromètre ait été réduit pour Londres. 


DATE. 


765.75 


1 765,84 


765.97 
766,44 
766.28 
765.99 
765.88 


.1765 30 


764.97 
764.36 
763.68 
762.68 
762.32 
761.43 
759.56 
757.66 


(8) 


BAROMÈTRE RÉDUII. 


» 769.38 
767.310! 769.33 
767.397] 769,36 
767.647| 769.64 
767.943] 769.98 
767.826| 769.84 

» 769.55 
767.440| 769.28 
767.703| 768.74 
766.536 768.30 
766.026| 767.73 
765.117| 766.98 
764.096| 766.22 
763.941 765.90 


770.82 
771.03 
771.18 
771.03 
770.98 
770.82 
770.93 
771.33 
771.59 
771.84 
771.59 
770.98 
770.14 
769.43 
768.93 
768.21 
767.58 
766.79 


VENT. 


Bruxelles] Louvain.| Alost. |Londres sm] at. | Londres, 


Π


Observations météorologiques horaires, fuites au solstice d'hiver 


en 1836. 

BRUXELLES. LOND. 
DATE. 

Therm, | Hygrom. Thermom., 

21 décem., 

6 h. m. + 5.0 
7 » 51 
8 » 5.6 
9 » 6.0 
Ms 6.8 
li » 7.2 
Rs LE) 
1h.s 8.0 
“À 7.9 
8 » 7.9 
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18 » 


BRUXELLES. 


Therm, 


Hygrom. 


Thermom. 


‘ je "1 
27 CR ER CS 


PE ES 


“ 


4 


Bullehin de: L'Acadenue ; Tome [V. 


Fig. L ARGYNNIS PAPHIA. Manstruosite Gynandromorphe . 
Fig. 2. Double systeme nerveux dans le Lymneus glutinosus . 


(11) 
LECTURES. 


Entomologqie. — Notice sur un lépidoptère gynandro- 
morphe ; par M. Wesmael, membre de l'académie. 


« Si la science de la vie ou la physiologie présente 
d'immenses difficultés, si les phénomènes observés ont été 
diversement interprétés, si les lois générales qu’on en a 
déduites sont en bien petit nombre et pleines d'incertitude, 
c'est que nous ne pouvons diriger nos expériences que sur 
des machines faites non par nous mais par la nature, ma- 
chines aussi compliquées que délicates, et qui se détra- 
quent dès que nous les soumettons à des modifications un 
peu violentes. Si sur ces machines vivantes, animaux ou 
végétaux , nous pouvions accumuler ou distribuer à volonté 
l'agent de la vie, comme nous accumulons et nous distri- 
buons, par exemple, l’agent de l’électricité sur certains 
instrumens construits par nous exprès pour cela, il est 
probable que bientôt nous pourrions soumettre aux règles 
du calcul les phénomènes vitaux, comme nous savons cal- 
culer la plupart des phénomènes qui sont du domaine de la 
dynamique. 

» De loin en loin cependant le hasard nous offre de ces 
machines vivantes, accidentellement et profondément mo- 
difiées, que nous désignons sous le nom de monstres, 
êtres qui, après avoir été long-temps l’objet d’une curiosité 
sans but, sont avec raison regardés aujourd’hui comme 
de précieux sujets d'étude mis en expérience sous nos 
yeux par la nature elle-même. En effet, le développement 

en plus ou en moins d'un ou de plusieurs organes, ou 
leur association insolite, en d’autres termes la monstruo- 


(12) 
sité, place l'être organisé dans des conditions d'autant 
plus propres à nous révéler les lois de la vie que celles- 
ci ont eu à lutter plus violemment contre l'influence 
des circonstances qui contrariaient leur marche habi- 
luelle. 

» Chaque fois que nous procédons à la recherche de 
quelque loi générale, nous avons d'autant plus de chances 
d'arriver à la découverte de la vérité, que nos expériences 
ou nos observations sont tout à la fois plus variées et plus 
multipliées. Aussi serait-ce à tort que l'étude des monstruo- 
sités se renfermerait dans le cercle des animaux vertébrés, 
et dédaignerait les documens que peuvent lui fournir les 
embranchemens inférieurs : sous des formes infiniment 
diversifiées , la vie est une, et ses lois sont les mêmes dans 
quelque membre de l’animalité qu’elle se manifeste. D'un 
autre côté, il ne faut pas non plus se lasser d’enregistrer 
les cas identiques qui se représentent; car c’est sur la 
masse des faits comme sur leurs conséquences habilement 
déduites, que doivent s'appuyer les théories, pour avoir 
quelque chance de stabilité. 

» Telles sont les considérations qui m'ont engagé à con- 
signer ici un cas de monstruosilé analogue à bien d’autres 
déjà observés chez les lépidoptères : il s’agit d’un argynne 
paphia (vulgairement papillon tabac d'Espagne) qui tient 
à la fois des caractères du mâle et de ceux de la variété 
femelle décrite par quelques auteurs sous le nom de ’a- 
luisien. Nous passerons successivement en revue les trois 
régions principales du corps, tête, thorax et abdomen, 
ainsi que leurs appendices. 

1° De la tête. 

» Les palpes et les antennes n’offrant pas, chez l’argynne 

paphia, de différences sexuelles appréciables, il ne faut 


(15) 
pas s'attendre à en trouver ici : aussi ces organes sont-ils 
parfaitement symétriques quant à la forme et à la colora- 
tion. Il n’en est pas de même des yeux dont le droit est un 
peu plus grand que le gauche: or, les yeux des mâles oc- 
cupent une plus grande étendue que ceux des femelles, 
dans cette espèce. 
2° Du thorax. 


» Considéré dans son ensemble, le thorax paraît être 
symétrique ; mais les poils qui le couvrent sont d’un jaune 
plus verdâtre dans la moitié de gauche que dans celle de 
droite. 

» À la premiére paire de pattes (celles qui ne servent 
pas ou ne servent qu'imparfaitement à la locomotion) la 
patte droite est conformée comme chez les mâles, la patte 


_ gauche comme chez les femelles (1). 


Les quatre pattes postérieures n’offrent pas de différen- 
ces sensibles de conformation. 

» L'aile antérieure droite est généralement colorée 
comme chez le mâle; mais elle a contre le bord posté- 
rieur une rangée de taches noires aussi fortement mar- 
quées que chez la femelle, L'aile antérieure gauche offre 
un mélange de la coloration du mâle et de celle de la 
variété femelle /e valaisien. L'aile postérieure droile est 


(1) Les pattes de devant chez les mâles de ’argynne paphia , sont plus 
courtes, plus velues et ont les articles des tarses peu distincts, excepté 
le dernier qui est légèrement brunâtre; tandis que chez les femelles, 
ces pattes sont notablement plus longues, ont moins de poils, et ont des 
tarses composés de cinq articles distincts, garnis chacun en dessous 
d’une paire de petites épines brunes et dont les quatre derniers articles 
ont une teinte brunâtre en dessous. 


(4) 
celle d’un mâle quant à ja disposition des taches, mais 
celles-ci sont un peu plus grandes et sur un fond d’un 
testacé plus sombre. L’aile postérieure gauche est absolu- 
ment colorée comme chez le valaisien. 


3° De l’abdomen. 


» La différence de coloration partage nettement le dos 
de l'abdomen en deux moitiés latérales : celle de droite est 
colorée comme chez l’arg. paphia mäle ; celle de gauche, 
comme chez la variété femelle Ze valaisien. L'extrémité 
de droite est armée des pièces copulatrices mâles et d’un 
faisceau de poils ; ces pièces et ce faisceau manquent com- 
plétement de l’autre côté, Quant au pénis je ne sais s’il 
existe, mais je n’ai pu l’apercevoir. 

» En résumé, si on excepte l'aile antérieure gauche 
qui offre un mélange des couleurs des deux sexes, le 
reste du corps et de ses appendices retracent assez fidé- 
lement, dans chaque moitié latérale, les caractères d’un 
sexe différent, ceux du mâle à droite, ceux de la femelle 
à gauche. Ce cas de gynandromorphisme a donc la plus 
grande analogie avec celui mentionné par Ochsenheimer , 
el relatif également à un arg. paphia mâle à droite et 
femelle à gauche. 

« Hubner a aussi représenté (pl.190, fig. 935 et 936) une 
monsiruosité de larg. paphia qui, par la forme de son 
abdomen, semble être du sexe femelle. Toute la moitié droite 
du corps et les deux ailes du même côté sont colorés comme 
chez le valaisien ; tandis que les deux ailes de gauche 
et la moitié gauche du corps ont la coloration du paphia 
male. Voilà donc trois cas de gynandromorphisme dans la 
même espèce : dans les deux premiers, la moitié droite est 
mâle tant sous le rapport des formes que de la coloration ; 


(15) 
dans le troisième cas, là moitié droite est femelle, et la 
gauche est mâle, mais par coloration seulement. 

» M. Burmeister, dans son excellent manuel d’entomo- 
logie, se demande quel est, en règle générale, dans les cas 
de gynandromorphisme, le côté mâle, le droit ou le 
gauche , et pourquoi tel côté est plutôt male que tel autre. 
Un relevé fait par lui des cas de cette monstruosité men- 
tionnés jusqu’aujourd'hui, donne pour résultat 1° 23 cas 
de gynandromorphisme complet, dont 14, mâles à droite 
et femelles à gauche, et 9, femelles à droite et mâles à 
gauche; 2° 11 cas de gynandromorphisme incomplet, 
dont G avec prédominance du sexe femelle et 5 avec prédo- 
minance du sexe mâle; le sexe prédominant occupant or- 
dinairement le côté droit. Ces résultats, dans l’une et 
l'autre catégorie, paraissent à M. Burmeister en harmonie 
avec la plasticité prédominante et la vigueur du côté 
droit chez les animaux. Or, il est à remarquer que le cas 
de gynandromorphisme représenté par Hubner et celui 
que je viens de décrire viennent parfaitement à l'appui de 
cette conclusion , le premier s’offrant avec coloration fe- 
melle à droite et prédominance du sexe femelle; le second 
étant mâle à droite et femelle à gauche; 7oy. pl. 1 fig. 1. 

L'insecte qui est l’objet de cette notice fait partie de 
ma collection, el a été pris par moi près des étangs de 
Rouge-Cloître, à Auderghem, près de Bruxelles. 


Mollusques. — Description du double système nerveux 
dans le xxmxeus GLurinosus, par À. J. Vanbeneden. 


« Le limneus glutinosus est connu depuis long-temps. 
Muller (O.-F.), dans son Æistoire naturelle des vers, paraît 
en avoir donné la premiére description. Mais si on voit la 
figure de la coquille dans plusieurs ouvrages de conchy- 


(16) 
liologie, l'animal n'a pas encore élé représenté, que je 
sache, et à plus forte raison la disposilion des organes in- 
térieurs reste encore à faire connaître. 

» D’après le grand développement du manteau qui peut 
recouvrir toute la coquille, M. Nilsson , dans sa Fauna 
Sueciæ, avait déjà cru devoir faire de cette espèce un type 
de genre sous le nom d’amphipeplea. Nous ne nous occu- 
perons point maintenant de la valeur des modifications 
internes dans leurs applications zoologiques ; nous ne nous 
proposons que de faire connaître le grand développement 
de son système nerveux, y compris le représentant du 
grand sympathique des animaux supérieurs, désigné sous 
le nom de nerfs stomato-gastriques. 

» Si l’on coupe, dans cette espèce , l'œsophage à son 
origine, et qu'on le renverse, on aperçoit un anneau 
ganglionnaire tellement compliqué qu'il semble au pre- 
mier coup d'œil inextricable. 

» Nous donnerons d’abord la description de cet anneau 
avec les différens nerfs qui en partent, et nous examine- 
rons, aprés, les ganglions et les nerfs s{omato-qastriques. 

» Le collier œsophagien, composé de ses nombreux 
ganglions, se réunit autour de l'œsophage sous la forme 
d’un double anneau. On peut y reconnaître quatre paires 
de ganglions disposés symétriquement et un ganglion im- 
pair. 

» Ces deux anneaux sont placés l’un sur l’autre. Le supé- 
rieur, qui est le plus grand , dépasse l’autre de la moitié, 

» On distingue dans le premier de ces anneaux, trois 
paires de ganglions, dont la première , d’un blanc laiteux, 
représente le cerveau, et les deux autres, d’une couleur 
jaunâtre, sont situés au-dessous de l’œsophage. 

» Les nerfs qui en partent sont disposés d’une manière 


(17) 
plus ou moins symétriques, excepté ceux qui se rendent 
à la verge et qui ne se répètent point du côlé gauche. 
Aussi le ganglion droit, d’où partent ces derniers nerfs, 
est-il plus gros que celui du côté opposé. Il semble formé 
par la réunion de trois ganglions. 

» Celle première paire, outre les nerfs de la verge du 
 côlé droit, fournit les nerfs optiques et quelques filets qui 
se rendent à la bouche. 

» Du côté interne on voit naître la commissure trans- 
verse qui doit unir les deux ganglions supérieurs , et con- 
stituer la portion sub-æsophagienne. Du bord postérieur 
partent les commissures longitudinales qui vont constiluer 
avec les ganglions qui suivent, les deux anneaux. Le bord 
antérieur reçoit aussi un filet nerveux du système sloma- 
to-gastrique qui établit ainsi les rapports entre les deux 
systèmes. 

» Les ganglions qui constituent la seconde paire, sont 
plus petits que les précédens el n’envoient que quelques 
filets qui se perdent dans les parties voisines. 

» La troisième paire de ganglions fournit des nerfs 
assez longs qui vont se rendre dans l'extrémité postérieure 
de l’animal. 

» Le second anneau est placé immédiatement sous le 
précédent. Il naît par deux commissures longitudinales, 
qui proviennent de la première paire de ganglions. Il n’est 
point aussi grand que le précédent et on ne compte que 
trois ganglions, dont un est médian. 

» Ce dernier donne des filets en petit nombre, et les 
autres en fournissent aux extrémités antérieures des or- 
ganes de la génération ; mais les principaux d’entre eux 
s'irradient vers la circonférence, et se perdent dans la 
couche musculaire du pied. 

Tom. 1v. ris 


(18) 


» Il nous reste à parler maintenant du grand sympa- 
thique ou des nerfs stomalo-gastriques. 

» M. Brandt, dans son dernier travail qu'il vient de 
publier sur ce système (1), dit : que les nerfs stomato-gas- 
triques des animaux invertébrés, présentent trois dispo- 
sitions différentes : un système impair du médian, un sys- 
tème pair ou latéral, et un troisième , où les deux premiers 
se trouvent réunis. La première disposition se trouve, 
selon cet auteur, dans les mollusques céphalopodes, la se- 
conde dans les gastéropodes , et la troisième dans les crus- 
lacés et les insectes. à 

» Nous avons trouvé , dans l'animal qui fait le sujet de 
celte communication , les deux systèmes réunis, disposi- 
tion que M. Brandt croyait exclusivement propre aux ar- 
ticulés. 

» Nous ferons remarquer ici que nous sommes loin d’at- 
tacher une aussi grande importance que M. Brandt, à cette 
distinction de système pair et impair, surtout dans les 
mollusques. 

» Nous avons vu les ganglions pairs disposés sous la 
cavité buccale comme chez ses congénères ; mais de plus 
nous avons trouvé le système impair placé au milieu du 
précédent. Il n’est constitué que par un seul ganglion qui 
forme avec les deux autres un triangle en dessous de la 
cavité buccale. 

» Ce ganglion impair se lie aux deux autres par une 
commissure oblique. La planche montre cette disposition 
à la face inférieure de la cavité buccale. Cette partie est 
retournée. 


(1) Annales des sciences naturelles, février, 1836, pag. 86. 


(19) 

» Il part du système pair un filet nerveux , mince, qui 
se rend à la partie antérieure de la bouche. Du bord op- 
posé naît de chaque ganglion un autre filet qui va se 
rendre à la première paire de ganglions, et établir avec 
le cerveau la communication dont nous avons parlé plus 
haut. Les principaux filets de cette même paire de gan- 
glions sont ceux qui longent l’œsophage, et qu’on peut 
poursuivre jusque dans le voisinage de l’estomac. 

» Enfin on aperçoit à leur bord interne un autre filet 
qui établit la communication avec le ganglion moyen. 

» Ce dernier ganglion ne nous a point présenté de filets 
nerveux distincts. » 


Explication de la planche. 


Cette figure représente le double système nerveux. L’œsophage est 
coupé à son origine, ‘et la cavité buccale est renversée pour montrer 
les ganglions stomato-gastriques. 

aa. La première paire de ganglions , le cerveau. 

b. La commissure transverse, 

cocc. Ganglions constituant l'anneau supérieur. 

ddd. Ganglions formant l’anneau inférieur. 

ce.  Ganglions stomato-gastriques. 

f.  Cavité buccale. 

gg.  Nerfs optiques. 

hh. Nerfs qui se rendent à l’extrémité postérieure 


Botanique. — Note sur la MarcmanTrA FRAGRANS des 
auteurs belges , par M. le professeur Kickx. 


«M. Dumortier à qui la botanique indigène doit tant de 
belles découvertes, fut, je pense, le premier à signaler 
la marchantia fragrans comme appartenant à notre flore. 
Il la trouva dès 1825 à Héverlé, près de Louvain, où d’a- 
prés ses indications il me fut facile de la recueillir. 


( 20 ) 

» Ayant eu plus tard l’occasion d'examiner un échantillon 
de /a M. fragrans Balb. étiqueté de la main de Persoon , 
je conçus des doutes sur l'identité de la plante belge avec 
l'espèce qu’elle représentait. Mais ces doutes s’évanouirent 
en partie par la publication du 1‘ fascicule des plantes 
cryptogames des Ardennes, où je vis notre hépatique sous 
le même nom. 

» Je me contentai donc dans ma flore cryptogamique des 
environs de Louvain, tout en rapportant aussi la plante qui 
fait l’objet de cette note à la M. fragrans, d'indiquer 
entre autres que chez elle la déhiscence du sporange 
me semblait avoir lieu par dents et non par fissure circu- 
laire. 

» Le beau travail de Bischoff sur les hépatiques , publié 
simultanément avec ma flore, est venu depuis lors me 
révéler l'erreur ou j'étais tombé; et il m'est bien 
prouvé aujourd'hui que la M. fragrans des botanistes 
belges n’est que la M. hemispherica Linn. qui constitue à 
présent le genre Rebouillia tel que Bischoff l’a circonscrit. 

» Je renvoie au mémoire du professeur allemand pour 
tous les détails descriptifs, qui sont en général d’une exac- 
titude frappante. Il me suffit d'en formuler le résultat 
comme sui : 


MARCnANTIA HEMISPHERICA Linn. 
Resouiciia meuispnerica Besch. Leberm. tab. LXIX fig. I. 


Fimbriaria fragrans Dintr. Comm. bot, p. 116,e specim. aul. 
marchantia fragrans Libert crypt. rd. fase. 1. N° 10 Kx. flor. 
crypt. Louv. No 169! 


Localités. Ardennes (Libert), Visé, Tongres , Louvain , Bruxelles, 
Assche, et probablement toute la partie méridionale de la Bel- 


gique. 


(21) 

» Je terminerai ma note en faisant observer que la 
mauvaise figure de la M. hemispherica donnée par Cheval- 
lier (For. des environs de Paris, pl. 15, fig. 9), figure qui 
n’a pas peu contribué à m'égarer , se rapproche beaucoup 
de celle de la grimaldia rupestris Bisch. 


Antiquités nationales. — Quelques observations sur la 
colonne itinéraire de Tongres, par M. le professeur 
Roulez. 


« Les observalions que j'ai l'honneur de communiquer 
à l'académie ont été faites à l’occasion de la publication 
d’un mémoire de M. Cudell, qui est inséré au Bulletin des 
séances n° 10, année 1836 (1). 

» Je remarquerai d'abord que c’est improprement que 
l'on a donné,jusqu'ici à la colonne, dont faisait parlie le 
fragment trouvé à Tongres, le nom de colonne ou de pierre 
milliaire , puisque les distances n’y sont pas marquées en 
milles, mais en lieues (/eugæ , du mot celtique leak). 
Son vrai nom est donc celui de colonne leugaire. 

» Parmi les diverses questions que soulève la décou- 
verte de ce monument, j'examinerai d’abord celle qui a 


(1) Afin de prémunir les savans contre toute erreur, M. Cudell eût dü, en 
se conformant à l’usage reçu, avertir au moins dans une note, que 
l'inscription qui fait l’objet de son mémoire et qui y est présentée 
comme inédite , avait déjà été publiée par C. V. Hennequin , de origine 
et natura principatus urbis Trajecti ad Mosam medio ævo ; Lovan 1829. 
Le baron De Reiffenberg, Mouvelles archives des Pays-Bus , n° 3, no- 
vembre 1829, ct d’après ce dernier dans Férussac, Zullotin des sciences 
historiques , etc., tom. XVIE, pag. 175, no 104. R, 


(22) 
rapport à l'époque à laquelle il appartient. M. Cudell (1) 
s'appuyant principalement sur une inscription milliaire, 
qui a été trouvée prés de Rémagen, et qui, remonte au 
règne de Marc-Aurèle et Lucius Verus, avance que l’u- 
sage de compter les distances par lieues gauloises n’était 
pas encore en vigueur du temps de ces empereurs, et que 
par conséquent il faut regarder la colonne de Tongres 
comme postérieure à ceite époque ; il la croit même plus 
récente que la table de Peutinger (2). Mais la pierre mil- 
liaire de Rémagen n’est pas la seule qui devait être prise 
en considération dans cette question; d’autres inscriptions 
que l’auteur du mémoire ne paraît pas avoir connues , ren- 
dent douteuse au moins son assertion. Il y a presqu’un 
siècle qu’un membre de l'académie des inscriptions, Fré- 
ret, s’oceupa de rechercher ce que l’on connaissait jus- 
qu’alors de colonnes itinéraires découvertes dans la Gaule 
Chevelue , et en rassembla dix-neuf, dont quelques-unes 
appartiennent à la Germanie voisine du Rhin. De ces co- 
lonnes, il y en a huit portant les milles romains et onze 
sur lesquelles le mot /euga se lit en entier ou en abrégé (3). 
Quelques années après, un correspondant de la même aca- 
démie, le savant antiquaire alsacien Schoepflin, en fit con- 


(1) pag. 381—383 

(2) Ce n’est pas au temps de Septime Sévère (201—211 ap. J.-C.) comme 
le dit M. Cudell, pag. 381, not. 2, mais au règne d'Alexandre Sévère 
(222—235) que feu le géographe Mannert rapporte la composition de la 
table de Peutinger. Du reste il aurait pu se prévaloir de l’opinion, quoique 
moins vraisemblable, d’un autre savant, M. Kantancsich, qui pense 
qu'elle a été rédigée sous Marc-Aurèle même. 

(3) Æistoire de l’académie des inscript. et belles-lettres , tom, XIV, 
pag. 150 et suiv. 


(28) 
naître deux nouvelles, offrant l’une des milles romains, 
l’autre des lieues gauloises (1). Depuis, d’autres sont encore 
venues au jour ; Car outre la pierre milliaire de Rémagen, 
on peut encore citer une pierre leugaire trouvée en 1817 
à Sion dans le Valais (2). Parmi lesinscriptions milliaires, 
la plus récente est du temps de Postume , et parmi celles 
qui indiquent les distances en lieues gauloises la plus an- 
cienne remonte au règne de Septime Sévère et avait été 
placée par un magistrat romain ; il résulte de là que l’usage 
de la lieue gauloise est antérieur à l'époque présumée de 
la rédaction de la table de Peutinger, et qu'après ce temps 
on plaça encore des pierres milliaires. Fréret (3) a déjà con- 
staté le fait que, dans le même pays et sous le même empereur 
(notamment sous Maximin}; on avait marqué les distances 
en milles et en lieues sur des colonnes différentes : toutefois, 
comme ces pierres ont été trouvées sur des routes différentes 
aussi, 1l n’a pas osé en déduire que sur la même route il 
y eût deux sortes de colonnes, les unes posées de mille en 
mille, les autres de lieue en lieue. Mais l'hypothèse trés-vrai- 
semblable que le savant français n’a pas voulu proposer, 
ne pourrions-nous pas la mettre en avant, aujourd'hui que 
le rapprochement des inscriptions de Rémagen et de Ton- 
gres semble lui apporter un nouveau degré de vraisem- 
blance. Il est permis d’invoquer encore, comme autorité à 
l'appui de cette opinion, la circonstance que dans les itiné- 
raires on emploie pour certaines routes les lieues à côté des 


(1) Histoire de l’académie des Inscriptions, tom. XXI, pag. 65 et suiv. 

(2) Elle est publiée dans Orelli, Znscréptionum latinarum selectarum 
amplissima collectio , etc., vol. IT, pag. 450 , n° 5063 , et dans Osann, 
Sylloge inscriptionum græcarum et latinarum , pag. 660, n° II. 

(3) Ouv. cité pag. 151. 


(24) 
milles ; ce qui me paraît provenir moins d’une réduction 
postérieure de milles en licues (1) que de l'existence simul- 
tanée d’un double système de mesures itinéraires. Par la 
raison que la colonne de Tongres ne connaît que la me- 
sure gauloise , il ne faudrait pas se hâter de conclure 
que celles d’autres villes, des villes surtout qui, comme 
Lyon, par exemple, se trouvaient sur la limite des deux 
systèmes, ne les aient pas offerts réunis. Du reste il ne se- 
rait pas impossible qu’au temps d’Ammien Marcellin la 
mesure gauloise eût prévalu sur l’autre ; ce qui explique- 
rait l’assertion de cet auteur (2). 

» Quant aux routes indiquées sur le fragment de la 
colonne de Tongres, je pense que celle qui occupe la pre- 
miére face contenait les stations à partir de Tengres jusqu’à 
Strasbourg seulement, et que lesstations de la deuxième face 
commençaient à Trèves. Le tableau suivant, qui constitue 
la base de mon hypothèse, servira également à la justifier : 


————————° —— ———————————  ————— ———————————————  —— — 


(1) Les divergences dans les indicâtions de la colonne de Tongres et 
de la table de Peutinger , qui pour la plupart consistent en un chiffre : 
ajouté de trop, ou omis, me paraissent porter avec plus d’évidence le 
caractère de fautes de copiste que d’erreurs provenant d’une réduction, 
comme le pense M. Cudell, pag. 382. Dans l’exemple que le même auteur 
cite, pag. 895, et qui est emprunté à la route de l’itinéraire, qui con- 
duit de Lyon à Boulogne sur mer, j'y lis , pag. 362, édit. de Wesseling: 


Durocortoro Suessonas M. P. XXXVII. Leugas XXP. 


La colonne de Tongres ne compte que XXIHII lieues ; mais il faut re- 
marquer que ce chiffre n’équivaut qu'à XXXVI milles, et que l’itiné- 
raire à côté de ses XXV lieues porte XXX VII milles. Cette différence pro- 
vient sans doute de ce que l'itinéraire a compté une fraction pour un 
nombre entier. 


(2) XV. 1. 


NT PT. 


(Tungri) (Trever.) 
ITEM. 
Noviomagus. À CAS. 
Durocorier. 
Rigomagus. - Ad Fines. TELLO. 
Antunnacum. 
Confluentes. Aug. Suessionum. Fines Atrebatum. 
Bondobrica. 
Vosolvia 
Isara. k Nemetacum. 
Bingium. 
Rovdium. 
Mogontiacum. 
Seeviæ. ITEM 
Bauconica. 
Samarabriva (1). 
Borbitomagus. Ad 


(Argentorato.) 


» Je prends pour point de départ Samarabriva qui, sur 
la colonne, se trouve à une hauteur intermédiaire entre 
Bauconica, et Borbitomaqus. La route qui continuait 
après Samarabriva , ne pouvait plus dans aucun cas s’éten- 
dre fort loin, et il est très-vraisemblable qu’elle s’arrêtait à 
Cassel , puisque sur la face suivante, la troisième du frag- 


(1) Je pense que dans l'itinéraire d’Antonin où plusieurs MSS. portent 
Samarabrivas (voy. la note p. 380, éd. Wesseling.), il faut lire sur 
l'autorité de la colonne de Tongres Sumarabrivam, etc. I est probable 
que l’a y aura été changé en 0, conformément à la leçon des passages 
de César et de Cicéron , auxquels il fant bien se garder de toucher. 


(26 ) 

ment , sont marquées en abrégé les diverses routes qui par- 
taient de ce dernier lieu. En effet, on trouve que les distances 
qui séparent Samarabriva de Cassel s'accordent assez bien 
avec le nombre de celles qui doivent leur correspondre 
sur la face précédente, si l’on fait attention que la station 
de Samarabriva, comme plus haut celle d’Augusta Sues- 
sonum, a occupé un espace double, le chiffre de la dis- 
tance n'ayant pu y être gravé sur la même ligne que le nom 
du lieu. Ce point une fois admis, il devient évident que la 
première face du fragment n’a pas contenu toutes les sta- 
tions depuis Tongres jusqu’en Italie, comme le conjecture 
M. Cudell (pag. 398), et j'en conclus que probablement 
elle ne les donnait que jusqu’à Strasbourg. D'un autre 
côté, si l’on suppose, ce qui du reste paraît vraisemblable, 
que les stations de cette route commençaient à partir de 
Tongres, il s’ensuivra que la route tracée sur la seconde 
face ne remontait pas plus haut que Trèves. Sans quoi il 
n’y aurait plus de proportion entre les stations gravées 
sur les deux faces de la colonne. Je forme des vœux pour 
que la découverte de quelque nouveau fragment vienne 
décider laquelle des deux opinions de celle de M. Cudell 
ou de la mienne, approche le plus de la vérité. 

» Ge n’est pas sans raison que M. Cudell a relevé, comme 
le fait le plus remarquable constaté par le monument de 
Tongres , l’usage où étaient les Romains de suppléer, par 
des colonnes publiques, érigées au milieu des villes capi- 
tales , au défaut de cartes géographiques et à la difficulté 
de se procurer des itinéraires manuscrits. C’est sans doute 
le souvenir d’une pareille colonne qui s’est perpétué , quoi- 
que probablement pas immédiatement, dans un monument 
de la même nature arrivé jusqu’à nous : je veux parler de 
la colonne heptagone de Bavai, sur laquelle l'ouvrage du 


(27) 

chanoine De Bast (1) nous fournit les renseignemens sui- 
vans : « Une pierre heptagone, de quelques pieds de 
hauteur, était placée autrefois au milieu de Bavai; elle 
indiquait les sept chaussées qui partaient de cette ville 
comme d’un centre. commun. J'ai eu le loisir de voir et 
d'examiner chez M. le curé de Bavai la pierre heptangulaire 
qu’on avaït transportée dans son jardin. Avant la révolu- 
tion, ce monument était posé au milieu du marché; il ne 
paraît pas fort ancien; il ne date, à ce qu'il me semble, 
que du dix-septième siècle... Cette pierre en avait rem- 
placé une autre, dont M. le curé de Bavaï a vu encore la 
base, » 

» Je terminerai cette note en émettant la conjecture 
que le milliaire (milliarium aureum) érigé par Auguste 
sur le forum romain, donnait également l'itinéraire des 
principales routes de l'Italie. Mon hypothèse , qui, si elle 
n'est pas appuyée, ne se trouve pas non plus contredite 
par les témoignages des anciens, s'accorde fort bien avec 
l'opinion le plus généralement accréditée (2) que les 
milles ne se comptaient pas depuis la colonne elle-même, 
mais à partir des portes de la ville. » 


Littérature. — M. Namur, bibliothécaire à l’université 
de Louvain, présente un mémoire manuscrit, écril en 
latin, ayant pour titre : Narratio de vita et meritis 


(1) Second supplément au recueil d’Antiquités Romaïines et Gauloises, 
Gand, 1813, p.93. Cf. Heylen, Mém. de l’Acud. de Brux., tom. IV, p.434. 

(2) Voy. entre autres Adam, Antiquités Romaines , tom. I, p. 605, 
éd. 2, Les interprètes de Dion Cassius, LIV,8, p. 737. (T. VI, p. 106, 
éd. Sturz). C, Sachse, Geschichte und Bescreibung der alten Stadt 
Riom. , Hannov, 1828, tom IL, p. 420. 


( 28 ) 

Rudolphi Agricolæ. Cet écrit est renvoyé à l'examen de 
MM. Bekker et De Reiffenberg. > 

Le secrélaire perpétuel présente ensuite à l'académie le 
troisième volume de ses Pulletins , pour l’année 1836, 
ainsi que l'Annuaire de l’Académie , pour l’année 1837, 
formant le troisième de la collection. 

M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de 
la prochaine réunion au 4 février. 


OUVRAGES PRÉSENTFS. 


Transactions of the royal yeological society of Corn- 
wall, volume first, second , third and fourth. 4 vol in-8e, 
London, 1818, 1822, 1828, 1832. 

Mémoires de la société royale des sciences , de l'agri- 
culture et des arts de Lille. 14 vol. in-8°. 

Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles pour 1837, 
formant le 4° de la collection. 1 vol. in-18, Bruxelles, chez 
Tircher, rue de l'Étuve, 1836. 

Compte rendu des travaux de la société philotechni- 
que. Par le baron De La Doucette, broch. in-8°, Paris, 
1837. 

Bulletin de la société de médecine de Gand. In-8», 
2 feuilles. 

Journal de la société de la morale chrétienne. Tom. 10, 
n° 5, novembre. Paris, 1836. 

Mecanique celeste by the marquis De La Place; transla- 
ted by Nathaniel Bowditch, 3 vol. in-4°, Boston, 1834. 

Dictionnaire des hommes de lettres, des savans et 
des artistes de la Belgique. 1 vol. in-8°, Bruxelles, 1836, 
à l'établissement géographique de M. Vandermaelen. 

Compendium floræ belgicæ , ediderunt A. L.S. Lejeune 


HR Er ns 


| ( 29 ) 
et R. Courtois, tomus 3, in-&, Verviæ , 1836 , apudA. Re- 
macle. 

Flore cryptogamique des environs de Louvain, par 
Kickx, 1 vol. in-12, Bruxelles, 1835, chez Vandooren 
frères. - 

Réflexions sur un passage de Gilles d'Orval, relatif 
aux environs de Tongres, par Kickx, brocb. in-8°, Gand, 
1835 , chez Duvivier, fils. 

Relation d’une promenade botanique et agricole dans 
la Campine, par Kickx, broch. in-8°, Bruxelles, 1835, 
chez Vandooren, frères. 

_ Synopsis molluscorum Brabantiæ , aut. Kickx, 1 vol. 
in-4°, Lovanii, typis Francisci Michel. 

Esquisses historiques de l'ancien pays de Liége, par 
Polain, 1 vol. in-12, Bruxelles, 1837, chez Hauman. 

Messager des sciences et des arts de la Belgique 
(année 1836, 4e livraison), 1 vol. in-8°, Gand, 1836, chez 
Léonard Hebbelynck. 


M Sr: oi g 


ht 
ler ies Lee Aus 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 2. 


Séance du # février. 


M. De Gerlache, directeur. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


M. le ministre de l’intérieur adresse à l’académie diflé- 
rens ouvrages et entre autres un exemplaire du fableau gé- 
néral du commerce de la Belgique , que vient de publier 
son département. 

M. le baron de Stassart présente, de la part de M. Ch. De 
Brouckere , plusieurs exemplaires d’un mémoire sur l’éta- 
blissement des caisses d'épargne dans les campagnes. 

M. Kesteloot, membre de l'académie, fait hommage d’un 
opuscule de sa composition intitulé: Julde aan Gerardus 
Van Swieten, dans lequel il s'attache à représenter ce 
savant comme étant aussi estimable sous le rapport du 
caractère que de la profondeur des connaissances. 

Tow. 1v. 3 


(32) 

M. le major Bavier demande à l'académie des renseigne- 
mens sur le concours ouvert par le Gouvernement, concer- 
nant les moyens d'économiser le combustible dans l'in- 
dustrie. L’académie n’ayant aucune part à ce concours, 
l'auteur sera invité à s'adresser directement aux commis- 
saires du Gouvernement. 

Il est donné communication d’une lettre de M. H. B. Wa- 
terkeyn, professeur de physique à Malines, qui a observé 
dans cette ville et dans la soirée du 26 janvier, une aurore 
boréale. « À 9 heures du soir, le météore présentait dans 
la partie occidentale et un peu vers le nord, une lueur 
rougeâtre très-sensible, sans affecter de forme bien régu- 
lière. Le ciel était serein à l'exception des parties voisines 
de l’aurore, où l’on pouvait reconnaître de légers nuages 
qui cachaïent par intervalles une partie de la lueur rou- 
geatre ; à 9 ‘/4 heures, se phénomène avait disparu; les 
nuages semblaient se dissiper lentement; mais à 9 3/, heures, 
le phénomène à reparu de nouveau, moins brillant que la 
premiére fois. La lueur s’est aflaiblie ensuite de plus en plus 
jusqu’à 10 heures, époque à laquelle elle a disparu en 
entier. » 

Ce phénomène ne paraît pas avoir été observé dans d’au- 
tres localités, sans doute à cause des nuages ; à Bruxelles, 
vers 9 heures , le ciel était trop couvert pour qu'on pût 
l’apercevoir. 

M. Jérôme Martynowki, réfugié polonais, fait parvenir 
de Liége, un mémoire manuscrit de sa composition sur la 
formation des puissances ordinaires et celle du développe- 
ment logarithmique d’une fonction explicite d’une seule 
variable ; commissaires MM. Pagani et Garnier. 

M. H. Slacquez, docteur en médecine à Venloo, soumet 
également au jugement de l'académie un mémoire manus- 


DE 


(35 ) 
crit sur la géométrie, et particulièrement sur la détermina- 


tion des surfaces des polygones. Commissaires MM. Tim- 
mermans et Quetelet. 


CONCOURS DE 1837. 


L’académie avait proposé pour le concours de 1837, 
sept questions dans la classe des lettres, et huit dans la 
classe des sciences. Le secrétaire annonce qu'il a reçu les 
mémoires suivans : 

1° Sur la cinquième question de la classe des lettres : 

Indiquer l’époque précise des inventions, importations et 
perfectionnemens qui ont successivement contribué aux progrès 
des arts industriels en Belgique, depuis les dernières années du 
dix-huitième siècle jusqu’à nos jours, avec l'indication des per- 
sonnes qui , les premières, en ont fait usage parmi nous. 

Uu mémoire portant la divise: Nous sommes entrés dans 
une époque de paix, de travail réqulier, de développe- 
ment intellectuel, scientifique, industriel. C’est de ce 
côté qu'il faut chercher la force et la gloire. L'esprit de 
guerre , de conquête a fait son temps (Guizot). 

Commissaires MM. Cornelissen , Cauchy et Dehemp- 
tinne. 

2° Sur la troisième question de la classe des sciences : 

Un mémoire sur l'analyse algébrique , dont le sujet est laissé 
au choix des concurrens. 

Un essai analytique sur la force de percussion produite 
par un corps solide tombé d’une certaine hauteur, Le billet 
cacheté porte la lettre M. 

Commissaires MM. Pagani, Timmermans et Dandelin, 

3 Sur la quatrième question de la classe des sciences : 


Déterminer les modifications que subissent les appareils san- 


(34) 

guins et respiratoires dans les métamorphoses des batraciens 
anoures. 

Un mémoire portant la divise : Mon verbis sed factis. 

Commissaires MM. Dumortier, Fohmann et Wesmael. 

4° Sur la sixième question de la classe des sciences : 

Quelle est la quantité de matière colorante de nos garances 
comparées à celles d’ Avignon et de Zélande ? Peut-on obtenrr des 
garances indigènes la même nuance que des garances étrangères ? 
Les vieilles garances ont-elles des avantages sur les nouvelles et 
en quoi consistent ces avantages ? Donner un moyen certain et 
facile pour reconnaître la falsification et la qualité des garances? 

Trois mémoires, le premier portant pour divise: Àes 
non verba. 

Le second, écrit en flamand, et portant un billet cacheté 
sans divise. 

Le troisième, par M. Verplancke, fabricant de garances 
à Tronchiennes. 

Commissaires MM. Dehemptinne, Martens et Van Mons. 

Ce troisième mémoire, dont l'auteur s’est fait connaître, 
n’est pas destiné au concours, mais a été communiqué à 
l'académie comme pièce de renseignement. M. Verplancke 
a joint à son manuscrit un ouvrage flamand de sa compo- 
sition sur la culture de la garance, dont il s’est spécialement 
occupé, ainsi que différens échantillons de garance. 


COMMUNICATIONS. 


Températures de la terre. — M. Quetelet fait part des 
résultats qu'il a obtenus dans ses observations sur la tem- 
pérature de la terre, à différentes profondeurs et pendant 
le cours de l’année 1836. Ce n’est que le 20 décembre der- 
nier, que le thermomètre dont la boule descend à 24 pieds 
de profondeur, a atteint son maximum élévation par 


(35) 


suite des chaleurs de l'été; le même thermomètre avait 
atteint son minimum le 14 juin de la même année. 

« Les résultats de 1836 rapprochés de ceux des deux 
années précédentes, ont présenté les dates qui suivent pour 
la marche du maximum de température à l'intérieur de la 
terre, à parlir de la surface jusqu’à la profondeur de 24 
pieds. (Dans les séances des mois de mars et d'avril de 1836, 
il a été donné un aperçu des instrumens employés et des 
formules de correction). 


A LA PROFONDEUR : 


de 0,58 pieds 


» 1,38 » 
» 2,31 » 
» 83,08 » 
» 6,00 » 
» 12,00 » 
» 24,00 » 


ÉPOQUE DE LA PLUS HAUTE TEMPÉRATURE, 


1834. 1835. 1836. 
26 juillet. 2 août. 17 juillet, 
4 août. 10 » 22 » 
10 » 15 » 26 » 
14 » 18% 29 » 
4 septembre. 8 septembre. ? (1) 
8 octobre. 8 octobre. 10 octobre. 


12 décembre. 3 décembre. 20 décembre. 


» Voici comment les froids de l'hiver se sont successi- 
vement transmis au-dessous de la surface du sol, 


A LA PROFONDEUR : 


de 0,58 pieds 


» 1,38 
» 2,31 
» 3,08 
» 6,00 
» 12,00 
» 24,00 


ÉPOQUE DE LA PLUS BASSE TEMPÉRATURE (2). 
ER 


1835. 1836. 
17 janvier. 21 janvier. 
24 23 » 
10 février. 24 février. 
18 » 26 » 
19 mars. ? 
20 avril. 4 avril. 
16 juin. 8 juin. 


me 


(1) Ce thermomètre a été cassé dans le cours de 1836. 
(2) Les thermomètres ayant été placés en terre à la fin de 1833, les 
minima n’ont pu être déterminés d’une manière certaine pour 1834, 


( 36 ) 
ainsi l'on peut estimer que le #naæimum et le minimum 
de température ont employé, terme moyen, environ 144 
jours à se transmettre depuis la surface jusqu’à 24 pieds de 
profondeur; ce qui donne pour vitesse de leur marche 
1 pied par 6 jours. 

» En 1836, la différence de température du mois le 
plus chaud au mois le plus froid a été de 14°,9 à la surface 
de la terre ; cette même différence n’a plus été que de 1°,41, 
à 24 pieds de profondeur. Voici qu'elles ont été les diffé- 
rences, d’après les résultats moyens de 1834, 1835 et 
1836; nous donnons à côté des résultats observés, les 
résultats calculés par la formule connue 


4 A, = Ae 1%, 
d'où l’on déduit 


log. À, — log. À — pa log.e, ou log. À, = a — bp, 


À, étant la différence des températures maximum et mi- 
nimum à p pieds de profondeur, et a et b étant deux 
constantes. 


Excès du maximum sur Le mini- 
mum de température de l’année 


S d'après 

RS 

PROFONDEUR : l'observation. le calcul. 
de 0,58 pieds 13,00 13,13 
» 1,58 » 12,35 18,17 
» 2,81 » 11,25 11,15 
» 83,08 » 10,36 10,36 
» 6,00 » 7,59 7,86 
» 12,00 » 4,47 4,45 
» 24,00 » . 1,43 1,43 


» La formule, en y mettant les valeurs des constantes 
qui ont servi aux calculs , était 


log. À» = 1,14198 — 0,04111 p. 


(37 ) 
d’après cette formule , on trouve que la différence du mois 
le plus chaud au mois le plus froid ne serait plus que de 


1°,0 centigrade à 29 pieds de profondeur. 
0,1 » à 52 » 
0,01 » à 76 » 


à cette dernière limite, on pourrait donc regarder les va- 
riations annuelles de la température comme à peu près 
nulles , et l’on aurait atteint la couche des températures 
invariables. Cette valeur de 76 pieds ou de 24,7 mètres, 
est à peu près la valeur que j'ai trouvée pour Paris, Stras- 
bourg et Zurich ; elle n’est que de 17,8 pour Édim- 
bourg. » 

M. Quetelet annonce que M. Kupffer, dont l'intention est 
de faire en Russie des recherches analogues aux siennes 
sur les températures de la terre , lui a fait parvenir quel- 
ques résultats calculés sur le coefficient qui dépend de la 
faculté conductrice de la terre pour la chaleur. Ces résul- 
tats se trouvent en partie dans l’important ouvrage de 
M. Kupfler sur son voyage dans l’Oural. 

« Vous trouverez dans mes feuilles ci-jointes, dit 
M. Kupffer, une discussion des observations de Zurich, 
Strasbourg , etc. La valeur de z (c’est le coefficient de votre 
p ; divisé par log. e ou par 0,43429) est à Bruxelles, selon 
vous, égal à 0,0973 et 0,0887 ; il est d’après mes calculs 


de 0,1554 
» 0,1332 
» 0,0904 pour Strasbourg. 
» 0,1102 pour Zurich. 


pour Édimbourg. 


» Cette valeur serait-elle plus grande pour les hautes la- 
titudes que pour les basses? Les observations de Zurich ne 
sont cependant pas favorables à cette supposition. » 


( 38 ) 

M. Quetelet annonce qu'il a eu la curiosité de faire une 
recherche semblable à celle de M. Kupffer, mais son coef- 
ficient pour Zurich est plus favorable à l'hypothèse du sa- 
vant physicien russe que le précédent; tandis que celui 
calculé pour Paris lui est contraire. M. Quetelet pense du 
reste qu’on ne pourra rien obtenir de bien satisfaisant à ce 
sujet, tant que les résultats des observations ne seront pas 
corrigés des effets de l'inégalité de température dans toute 
l'étendue du thermomètre. Cette partie de la physique du 
globe peut être considérée comme étant encore neuve. 

On ne possède à peu prés rien sur les varialions diurnes 
de la température de la terre au-dessous du sol, des obser- 
vations ont été commencées en 1836, à l'observatoire de 
Bruxelles, sur cette partie intéressante , mais la difficulté 
de ces observations et surtout celle de protéger des instru- 
mens exposés en plein air et dans un jardin qui n’a pour 
clôture qu’une palissade délabrée, a occasionné la perte de 
plusieurs thermomètres les plus importans. Les observa- 
tions qui ont été recueillies ne sont cependant pas sans in- 
térêt, et paraîtront avec celles sur les variations annuelles 
dans les mémoires de l'académie pour 1836. 


Magnétisme terrestre. — M. Quetelet annonce ensuite 
que sur l'invitation de M. Kupffer et sur celle de M. Le 
baron de Humboldt , it se propose de prendre part aux ob- 
servations sur les variations horaires du magnélisme ter- 
restre que l’on se prépare à faire dans la plupart des grands 
établissemens d'observation qui existent en Europe. Il s’est 
adressé à cet effet à M. le ministre de l’intérieur qui a bien 
voula lui promettre son appui, et a prié en conséquence 
M. le baron de Humboldt, de faire construire à Berlin 
l'appareil de M. Gauss destiné à ces observations délicates. 


( 39 ) 
L'observatoire possède déjà d’excellens instrumens anglais 
pour la détermination de la déclinaison et de l’inclinaison 
de l’aiguille magnétique. 


Poids et mesures des bestiaux. — 11 est donné con- 
naissance ensuite, que le ministère des finances vient de 
faire vérifier par la pratique, les moyens qui ont été propo- 
sés à l'académie, dans sa séance du 2 avril dernier, pour 
substituer à la pesée des bestiaux, des mesures de longueur 
toujours plus faciles à obtenir et moins dispendieuses pour 
le trésor. Les essais qui ont eu lieu, principalement dans 
les provinces de Limbourg et d'Anvers, ont offert un résul- 
tat très-satisfaisant. 

D'aprés 160 pièces de bétail, pesées et mesurées à la 
barrière de Lommel, la différence des poids a été d’environ 
2 pour cent, tandis que la tolérance accordée par le Gou- 
vernement est de 5 pour cent; au bureau de Turnhout, la 
différence a été moindre encore. Sur toutes les observations 
faites, la plus grande différence qu’on ait remarquée entre 
la pesée directe et le nombre que donnait le tarif d’après 
les mesures prises , a été de 33 kilogrammes pour une 
pièce de bétail pesant 331 kilogrammes, l'erreur s'élevait 
donc a un dixième, et elle pouvait provenir en grande par- 
tie de la défectuosité des mesures et des pesées. 


LECTURES. 


Ornithologie. — Description d’une espèce nouvelle de 
Héron, parle chevalier B. Dubus, membre de la chambre 
des représentans. 


« Le Roi, dont la sollicitude pour les progrès des sciences 
a déjà été très-utile au musée d'histoire naturelle de 
Bruxelles, vient encore d'enrichir cet établissement, en 
lui faisant don d’une caisse de dépouilles d'animaux de 


( 40 ) 
la côte de Guinée en Afrique. Cette caisse contient des 
quadrupèdes, des oiseaux et des insectes. Les boîtes de 
papillons renferment un certain nombre d'espèces rares et 
précieuses , et parmi les oiseaux on distingue surlout un 
Anastomus lamelligerus ainsi qu’un héron et un this que 
je crois inédit. Voici la description du héron (1). 


AÂRDEA CALCEOLATA. — léron aux pieds jaunes. 


ÆArdea corpore nigro; crista occipitali sparsa, longa, 
P g P p ? g 
pendula , collo infimo et tergo plumis subulatis, longis 
ornatis, cauda et remigibus nigro-ardesiaceis pulveru- 
lentis ; tibiæ parte nuda, tarso, unguibus, rostro loris- 
? P ? s UNJ ; 
que nigris; digitis et podarthris flavo-ochraceis. 


«Les formes du héron aux pieds jaunes rappellent le sous- 
genre des Crabiers dont il possède les caractères , et parmi 
lesquels il doit être placé. Il a le corps généralement noir ; 
l’occiput est orné d’une huppe de plumes longues, effilées 
et pendantes; le dos et les scapulaires sont couverts de 
plumes subulées et très-longues, mais qui n’atteignent 
cependant pas l'extrémité de la queue; d’autres moins 
longues et également subulées pendent de la base du cou; 
toutes ces plumes sont d’un noir grisâtre pulvérulent. Les 
rémiges et les rectrices sont de la même couleur. Le reste 
du plumage est entièrement noir ainsi que le bec, l’espace 
nu entre l'œil et le bec, la partie nue du tibia, la presque 
totalité des tarses et les ongles; la base des tarses et les 
doigts sont jaunes d’ochre. 


(1) La description de l’ibis paraîtra dans un numéro suivant des 
Bulletins. 


(41) 

» La longueur totale de ce héron, depuis l'extrémité du 
bec jusqu’au bout de la queue, est de 48 centimètres; le 
bec, depuis la commissure jusqu’à la pointe, a 8 centimèt. 
et demi, la partie nue ou tibia 4 centimètres et demi, le 
tarse 8 centimètres et le doigt du milieu, sans l’ongle, 5 
centimètres. 

Cet oiseau habite la côte de Guinée. » 


Mollusques. — Description d’une nouvelle espèce du 
genre »reissena, par M. le professeur G.-J. Vanbeneden. 
(Voyez tom. IT des Bulletins). 


« Le genre Dreissena que j'avais établi sur le Mytilus 
polymorphus, et que Rossmassler vient d'admettre aussi 
sous le nom de Trichogonia dans son iconographie (1) ne 
comprenait encore que deux espèces. Je viens de recevoir 
de la part de M. d'Orbigny , une nouvelle espèce du même 
genre, qui nous offre à peu prés la même taille que celles 
qui sont déjà décrites, mais qui nous présente surtout de 

remarquable une coloration dans l’intérieur de la coquille 
qui la rapproche davantage des moules marines. Nous 
l'avons désignée sous le nom de: 


Dreissena cyanea, Nob. 


Car. : coquille oblongue plus haute qu’épaisse, finement 
striée à l'extérieur. Son intérieur d’un bleu foncé. 

Ce dernier caractère la fait aisément distinguer des 
autres espèces qui sont blanchâtres à l'intérieur. Elle 
manque en outre de la carène longitudinale du Dreissena 


(1) Rossmassler, Zconographie der land und susswassermollusken. 
Dresden und Leipzig, 1836. 


- 


(42) 
polymorpha et de la double série de lamelles du Dreissena 
africana. 

Elle est à l'extérieur d’un brun roussâtre; son bord infé- 
rieur est légérement échancré aux deux valves pour le 
passage du byssus. Elle a les crochets décorticés et les val- 
ves ne sont point parfaitement égales, comme le montre 
la fig. IT; le crochet de l’une étant légèrement enfoncé 
dans l’autre. 

Les lames d'accroissement sont très-peu prononcées, ce 
qui rend la coquille finement striée à l'extérieur. 

En dessous de la petite lame qu’on remarque sous le cro- 
chet dans ce genre, on voit une saillie que M. Nyst a prise 
pour caractère du Mytilus cochleatus. Gette saillie se re- 
trouve aussi dans le Dreissena africana. 

La coquille est aussi plus dure et plus épaisse que dans 
les autres espèces. 

Nous n'avons pas vu l'animal, mais tout nous porte à 
croire qu'il doit être identique. Du reste, l'impression pal- 
léale nous indique la présence d’un siphon rudimentaire, 
caracière qui coïncide sans doute avec la réunion du man- 
teau. Les impressions musculaires présentent aussi la 
même disposilion. 

Nous ne connaissons rien de certain sur la localité de 
cette espèce. M. d'Orbigny, qui a eu l'obligeance de me la 
communiquer , l’a reçue d’un de ses amis, qui la croit du 
Sénégal. 

Je saisis avec empressement cette occasion pour revenir 
sur quelques points de l’anatomie du Dreissena poly- 
morpha, que j'ai consignée dans un mémoire inséré dans 
les Annales des sciences naturelles. (Avril 1835.) Un envoi 
d'individus beaucoup plus grands m'a permis d'étendre 
plus loin que je ne l'avais fait, mes recherches sur le système 


Bulletin de L'Academie Zorme 1. 


ARDEA CALCEOLATA ( B. Dabus.) 


LA 
3 de grandeur naturelle 


" 
Ras 
vu 
= 
; 
[ 
" 


(45 ) 
nerveux , et de donner cerlains détails avec plus d’exacti- 
tude. Je reviendrai peut-être sur les différens systèmes 
dans une monographie que j'ai l'intention de faire de ce 
genre, les planches qui accompagnent mon premier tra- 
vail laissant beaucoup à désirer. 

Le système nerveux est composé de trois paires de gan- 
glions (fig. IV &, b, c) dont deux se trouvent réunies en 
une masse. 

La première paire qui est la seule séparée, est située 
sur les côtés de la bouche vers l’angle antérieur. (Fig. IV et 
V a). Elle se compose de deux ganglions de forme allongée, 
et représente le cerveau. Ils communiquent entre eux au 
moyen d’une commissure transverse, qui représente la 
portion sus-æsophagienne du collier. 

Ces ganglions fournissent : 1° un filet enavant qui s’en- 
fonce dans les parois du manteau et qui se dirige immé- 
diatement aprés, d'avant en arrière , pour marcher paral- 
lèlement à celui du côté opposé; 2° un autre filet plus 
mince que le précédent, naissant derrière lui et suivant 
à peu près la même direction ; 8° à la partie postérieure 
et en dehors du même ganglion, un filet assez gros, qui 
s'enfonce dans l'ovaire et qui se dirige directement d'avant 
en arrière. C’est lui qui va établir la communication avec 
la paire postérieure. Il donne , sur son trajet, deux autres 
filets très-minces dont l'un m'a paru se rendre d’avant en 
arrière et l’autre en sens contraire. Ces deux filets naissent 
non loin des ouvertures des oviductes. 

Ce nerf, dans un quart de son trajet, est enfoncé dans 
l'ovaire, et immédiatement placé sous la peau dans le reste 
de son étendue. 

La fig. IV montre encore un filet parlant des mêmes 
ganglions, mais que je n’ai point retrouvé dans tous les 
individus. 


(4) 

Enfin, en dedans du filet qui établit la communication 
avec la paire postérieure, on en voit un dernier de la même 
grosseur, qui se dirige obliquement d’avant en arrière 
pour s'unir à la seconde paire de ganglions. Il s’enfonce 
légèrement dans des fibres musculaires qui partent du 
côté de la bouche pour s’unir à la languette. 

En considérant la seconde paire comme l’analogue du 
ganglion sous-æsophagien du collier nerveux des gastéro- 
podes, ce dernier filet forme les côtés du collier , et celui-ci 
nous présente alors les mêmes dispositions qu’on trouve 
dans le collier nerveux des autres classes de mollusques. 

La seconde paire de ganglions ou la portion sous-Ͼsopha- 
gienne , est réunie en une seule masse qui occupe la ligne 
médiane. On aperçoit des échancrures en avant et en 
arrière , qui sont les traces de la réunion. 

On découvre facilement cette paire, soit en suivant le 
dernier filet dont nous venons de parler, soit en enlevant 
la languette avec précaution. Son volume est plus considé- 
rable que les deux ganglions cervicaux réunis. 

Il part de son extrémité postérieure deux filets assez 
prononcés qui s’enfoncent dans l'ovaire; deux autres par- 
tent de chaque côté et paraissent s’enfoncer dans les fibres 
musculaires de la languette. 

La dernière paire de ganglions est placée sur le milieu 
du muscle adducteur postérieur. Elle est unie comme la 
précédente sur la ligne médiane. 

On découvre facilement cette paire sans dissection, en fai- 
sant plonger l’animal pendant quelques jours dans l'alcool. 

Sa forme est carrée. Des deux angles postérieurs par- 
tent deux gros filets, qui se dirigent en arrière. Ceux-ci se 
bifurquent en quittant le muscle et se perdent autour des 
ouvertures postérieures du manteau, 


(45 ) 

En avant des précédentes, il en naît un autre de même 
grosseur , et qui se dirige directement en dehors, Arrivé 
aux branchies, ce filet se retourne brusquement et borde 
toute cette partie postérieure des branchies en se dirigeant 
en arrière. 

Nous avons parlé déjà des deux filets qui se trouvent en 
avant et qui établissent la communication entre cette paire 
et le reste de ce système. 

C'est par erreur que j'avais dit dans mon premier mé- 
moire, que Mangili avait représenté un ganglion sus-æso- 
phagien proprement dit. 

J'ai trouvé un oviducte dans tous les individus que j'ai 
examinés. On en aperçoit un de chaque côté en plaçant 
l'animal sur le dos el en écartant les branchies du corps. 

Il présente une légère proéminence , terminée par deux 
lèvres, au milieu desquelles on voit une ouverture allongée. 

A peu de distance de cet oviducte, il existe en outre une 
seconde ouverture, qui communique avec une cavité assez 
grande, au milieu de laquelle flotte le cœur et ses oreil- 
lettes. C’est, je crois, cette cavité que Bojanus a regardé 
dans les anodontes pour le sac pulmonaire, et qui avait 
engagé cet anatomiste à déposséder les branchies de leur 
fonction respiratoire. 

Nous croyons trouver de l’analogie entre ces cavités et 
celles que Cuvier a appelées, dans les céphalopodes, cavités 
veineuses. Dans l’un et dans l’autre cas, elles communiquent 
directement au dehors, et l’élément ambiant entoure les 
principaux organes de la circulation. 

Cette disposition peut aussi être comparée à ce que nous 
présentent les Æplysies dans les gastéropodes , et nous ne 
sommes pas loin de croire que des recherches ultérieures 
sur le système aquifère ne viennent jeter un grand jour sur 


(46 ) 
ces dispositions curieuses, dont la physiologie attend vi- 
vemeni la solution. 


Explication de la planche. 


Fig. 1, I et II. — Coquille du Dreëssena cyanea. ( Gr. nat.) 
Fig. IV. Système nerveux du Dreissena polymorpha isolé et fortement 
grossi. 
a. La première paire de ganglions. 
b. La seconde paire. 
c. La troisième paire. 
d. Commissure sus-æsophagienne. 
e. Bouche. 
Fig. V. Le même animal placé sur le dos, le manteau ouvert. (fig.gross ) 
a, b,c. Indiquent les mêmes ganglions que dans la fig. IV. 
1. Manteau. 
2. Branchies. 
3. Languette. 
4. Muscle adducteur postérieur. 
5. Muscle adducteur antérieur. 
6. Tentacules labiaux. 
7. Bouche. 
8. Anus. 


Anatomie. — M. Dumortier donne lecture de la note 
suivante présentée par M. le docteur Burgraeve, profes- 
seur d'anatomie à l’université de Gand. 

« Dans la séance du 16 mai dernier, M. Bourgery a com- 
muniqué à l’académie des sciences de Paris des recherches 
nouvelles sur la structure des poumons. Cet auteur admet 
des canaux capillaires aériens incurvés ou légèrement 
sinueux, inclinés et entrelacés en divers sens , et se jetant 
tous les uns dans les autres, de façon à donner l’idée d’un 
labyrinthe, ce qui les a fait nommer par l’auteur, canaux 
labyrinthiques. Nous ne pensons pas, d’après nos prépa- 
rations, pouvoir adopter la forme sinueuse et embarrassée 


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des canaux de M. Bourgery. Nous croyons même que cette 
disposition, si elle existait, serait propre à jeter de graves 
confusions dans l’accomplissement d’une de nos plus im- 
portantes fonclions organiques. 

Depuis cette communication de M. Bourgery , j'ai mul- 
tiplié mes préparations sur les poumons , sans arriver à un 
résultat autre que celui de Reissensen. Cependant il m'est 
souvent arrivé, sous une pression trop forte de la colonne 
mercurielle, de déterminer la rupture de quelques divi- 
sions bronchiques, de donner ainsi lieu à la formation de 
canaux sinueux qu’un esprit préoccupé aurait pu regarder 
comme des canaux labyrinthiques. C’est même d’une ma- 
nière analogue que M. Bourgery admet le développement 
de ses labyrinthes. À mesure que l’âge avance, dit l’auteur, 
ou par suite de maladies , les canaux paraissent s’accroîlre 
ou mieux s’accroissent véritablement , mais en diminuant 
beaucoup de nombre. Cet effet est dû à ce que les cloisons 
venant à se briser çà et là par l'effort respiratoire, un ou 
plusieurs canaux se transforment en un seul dans lequel 
pendent les fragmens déchirés. M. Bourgery n’a-t-il pas vu 
ces canaux labyrinthiques dans ces déchirures des dernières 
ramifications bronchiques ? » 

M. Dumortier fait remarquer que les belles préparations 
de M. le professeur Burgraeve, viennent pleinement à 
l'appui de son opinion. 


Botanique. — Notice sur un cas d’hybridité dans les 
fougères , par M. Martens, membre de l'académie, 


« On sait que la plupart des botanistes regardent les 
fougères comme des plantes agames ne se reproduisant pas 
par graines, et qu’ils considèrent les sporules dont leurs 

Ton. 1v. 4 


( 48 ) 

feuilles sont pourvues à leur face postérieure comme des 
corps analogues aux bulbilles que l’on voit sur plusieurs 
phanérogames. Dans cette manière de voir les fougères ne 
sauraient se croiser ou plutôt l’on ne pourrait jamais ob- 
tenir des fougères hybrides , comme on obtient des phané- 
rogames hybrides lorsque les graines d’une espèce sont 
fécondées par la poussière séminale d’une espèce voisine. 
Mais un fait que j'ai eu l’occasion de constater dans une 
des serres du jardin botanique de Louvain , ne me permet 
pas de douter que l’hybridité ne se rencontre également 
parmi les fougères, et qu'ainsi cette intéressante famille de 
végétaux ne doive être rangée parmi les plantes douées 
d'organes sexuels: ce qui justifie la division, proposée par 
quelques botanistes, des plantes acotylédonées de M. De 
Jussieu en cryptogames et en agames proprement dites, 
en rangeant au nombre des premières les salviniées, les 
équisétacées, les mousses, les hépatiques, les lycopodia- 
cées et les fougères, qu’ils regardent comme pourvues 
d'organes sexuels, mais très-petits et peu distincts. 

» Quoi qu'il en soit, on ne saurait, ce me semble, 
douter que les espèces de fougères, très-voisines l’une de 
l’autre, ne pussent parfois se croiser et nous donner des 
espèces hybrides, à la manière des plantes munies d’or- 
ganes sexuels trés-apparens. Le fait suivant est propre à 
dissiper tous les doutes à ce sujet. On cultivait depuis 
quelque temps, dans une des serres du jardin botanique de 
Louvain, deux belles espèces de fougères, le gymnogramme 
chrysophylla Spr., et le gymnogramme calomelanos 
Kaulf., deux espèces très-distinctes et différant surtout en 
ce que l’une a le dessous de ses feuilles, ou frondes, couvert 
d’une poussière du plus beau jaune doré, et l’autre a le 
dessous de ses feuilles argenté et présente d’ailleurs un 


PR 


Le sn jé 


(4 ) 
feuillage beaucoup plus robuste et diversement découpé. 
Ces deux espèces se trouvaient placées tout près l’une de 
l'autre, et il n’y avait dans la même serre aucune autre 
espèce de fougère. Le jardinier en chef Donkelaar, voulant 
multiplier le gymnogramme chrysophylla à cause de la 
beauté de son feuillage , en avait semé les sporules avec 
soin sur de petits pots au-dessous de cloches de verre. Ces 


._sporules levèrent en grande quantité; mais au lieu de 


donner des fougères semblables à la plante mère, elles ne 
fournirent, à l'exception de deux ou trois pieds, que des 
fougères dont les formes, le port et tous les caractères 
étaient, en quelque sorte, intermédiaires entre ceux du 
gymnogramme chrysophilla et ceux du gymnogramme 
calomelanos et se rapprochaient même davantage de cette 
dernière espèce que de la précédente, qui leur avait servi 
de mère. Ainsi , au lieu d’avoir des plantes dont le feuillage 
est jaune doré luisant à sa face postérieure, comme dans 
le gymnogramme chrysophylla, on eut des fougères dont 
les feuilles à leur face postérieure offrent une poussière 
d’un jaune pâle et terne, tirant un peu sur la couleur 
argentée des frondes du gymnogramme calomelanos. Le 
feuillage des nouvelles fougères est tout aussi robuste et 
aussi grossier que celui de cette dernière espèce, et con- 
traste avec le feuillage délicat et élégant du gymnogramme 
chrysophylla. La forme de leurs frondes ressemble aussi 
beaucoup plus à celle des frondes du gymnogramme ca- 
lomelanos qu’à celle de leur plante mère. Leurs pinnules, 
au lieu d’être ovales incisées comme dans le gymnogramme 
chrysophylla , sont plus ou moins lancéolées , allongées 
etpinnatifides comme dans le gymnogramme calomelanos; 
de sorte que l’on peut dire , qu’abstraction faite de la pous- 
sière jaunâtre de la face postérieure des frondes, la nou- 


( 50 ) 
velle espèce hybride de gymnogramme se rapproche biert 
davantage du gymnogramme calomelanos que du gym- 
nogramme chrysophylla, quoique provenue de sporules 
recueillies sur cette dernière espèce. 

» Afin de mieux faire juger de l’analogie et des diffé- 
rences de notre espèce hybride d’avec celles dont elle est 
provenue, je crois devoir faire suivre ici les phrases dia- 
gnostiques des trois espèces de fougères dont il est question. 


Gyuvocramme carysopnyLLa , Spr. — Frondibus bipinnatis, 
pinnis lanceolatis, pinnulis approximatis sessilibus ovatis 
incisis striatis, superioribus coadunatis, subtus aureo-fari- 
nosis, 


GymwocrAmME caLomeLANoSs, Xaulf. — Frondibus,bipinnatis, 
pinnis apice attenuatis, pinnulis lanceolatis acuminatis in- 
ciso-serratis, inferioribus pinnatifidis , summis confluentibus, 
subtus albo-farinosis. 


GxmnoGRAMME uysrinA, /Vobis. — Frondibus bipinnatis, 
pinnis apice attenuatis , pinnulis ovato-lanceolatis inciso-ser- 
ratis, inferioribus pinnatifidis, summis confluentibus , sub- 
tus flavicantibus. 


« J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l’académie 
les trois espèces de fougères dont je viens d’énumérer les 
caractères distincts. » 


— Le secrétaire donne communication de la note sui- 
vante, sur les plantes du littoral belge et surtout des envi- 
rons de Nieuport, qui lui a été adressée par M. le professeur 
Kickx, correspondant de l'académie. 

« De toutes les provinces de la Belgique, les Flandres 
sont le plus imparfaitement connues sous le rapport de 
leurs productions naturelles ; l’une, la Flandre-Orientale, 


(51) 
a eu son botanographe, mais on est généralement d'accord 
sur la nécessité de refaire presqu’en entier son travail : 
l’autre, la Flandre-Occidentale , n’a été explorée que sur 
quelques points et par des botanistes qui n’ont guére pu- 
blié leurs découvertes. 

» Tels sont les motifs qui m’engagent à donner aujour- 
d’hui la liste des espèces les plus remarquables que j'ai 
observées sur notre littoral, liste que je ne désespère point 
d'augmenter par la suite, lorsque j'aurai pu revoir les mé- 
mes localités dans des saisons différentes. 

» Un herbier des environs de Nieuport , rassemblé en 
1795 par feu le docteur Rouzée, et que je dois à l’obli- 
geance de mon beau-père M. le professeur Kesteloot, qui 
ne fut pas étranger à sa confection, m'a fourni un certain 
nombre d'espèces rares que j'ai cru devoir mentionner avec 
celles qui sont le résultat de mes propres recherches. Il en 
est de même pour quelques plantes faisant partie de l’her- 
bier des environs d’Ypres, que son auteur, M. Amare , m'a 
permis de visiter. 

» J'ai suivi, dans cette énumération, la série proposée 
pour l’arrangement des familles par De Candolle. La syno- 
nymie de Van Hoorebeke, que j'y ai jointe, est basée sur 
la confrontation de mes espèces avec celles de son 
herbier. 

» Du reste, il existe à Gand deux herbiers de feu 
M. Charles Van Hoorebeke : tous les deux incomplets et 
renfermant beaucoup de plantes mal déterminées : tous les 
deux portant le titre d’herbier de la Flandre-Orientale quoi- 
qu’on y rencontre la presque totalité des plantes exotiques 
cultivées à cette époque (1813—1819) voire même les gen- 
res Piper, Justicia, Kæmpferia, Protea, etc: tous les deux 

. délabrés; celui du museum de l’université moins cepen- 


(52) 
dant que celui de la société de botanique, dont il parait 
avoir été distrait. 


1. Ranvwcurus parviecornus Linn. Hoor! Herb. Mus. Dans les 


moissons de Ramscapelle près de Wieuport. Tige ascendante et 
même quelquefois dressée. Rare. 

2. Ranvxcuzus muricarus Linn. Hoor! Herb. Soc. Environs de 
Wieuport (Herb. Rouzée). L’échantillon que je décris a des feuil- 
les velues tandis qu’on les dit glabres. 

5. Conypazis niérrara Pers. Fumaria bulbosa Æocr ! Herb. Mus. 
Environs de Wieuport ( Herb. Rouzée). Je note ici comme un fait 
appartenant à l’histoire de la botanique dans notre patrie, que 
long-temps avant le mémoire du docteur Bischoff sur la germination 
de quelques espèces de Corydalis, M. Dumortier avait déjà observé 
que ces plantes sont réellement monocotylédones. La découverte 
de Bischoff datant de 1854 et celle de notre compatriote de 1826 
(V. Kx. pl. off. et ven. agri Lov. page 522), il y a une priorité 
incontestable en faveur du dernier. 

4. Lermiux 16ErtS Linn. Au pied de l’ancien fanal de Wieuport. 
Très-rare. Son congénère, le L. ruderale Linn. est d'autant plus 
fréquent partout dans les vallées des dunes. 

5. Sisxmsrium surinum Linn. Hoor! Herb. Soc. Dans les vallées 
des dunes près d’Oostdunkerke. Le catalogue mss. d'Hoorebeke le 
cite dans la Fl.-Or. Mussche n’en parle point. 

6. Marcozmia marrrima RB. Je n'indique cette espèce comme 
croissant à Wieuport que sur la foi de l'herbier de Rouzée. M. Du- 
mortier l'avait au reste déjà admise dans son Prodrome d’après le 
témoignage de Tinant. Hoorebeke, dans son catalogue mss., et 
Mussche , dans celui du jardin de Gand , la disent exotique. 

7. Hezranraenun éurrarun Mill. Hoor! Herb. Mus. Bords des 
champs sablonneux aux environs de Wieuport. Feu M. Amare l’avait 
aussi trouvé près d’Fpres. 

8. Hezranraemux osscurux Pers. Je n’ai vu de cette espèce que 
deux échantillons également incomplets, l’un faisant partie de 
l'herbier de Rouzée , l’autre cueilli en mai 1856 par M. Kesteloot 
dans la même localité. Ils ont cependant les caractères généraux 
de l’Helianthème auquel je les rappor&. 


NPA 


(55 ) 

9. Pozxcaa oxverera Achb. P. Amara Hoor! Herb. Mus. sur 
les berges gazonneuses d’Ostende à Furnes. 

10. Dranruus ccaucus Lin. D. deltoides 8 Dmtr? D. arenarius 
Hoor ! Herb. Mus. Dans le sable mobile des dunes du côté 
d’'Oostdunkerke. Rare. 

11. Suene nurans Linn. Prés secs des dunes. La plante du lit- 
toral constitue une variété à tiges presque nues , à feuilles ramas- 
sées en grand nombre vers le bas. C’est le silene nutans B dunen- 

“sis Dmtr. 

12. Anevanra marervara Dec. À. Media Linn. Abondant sur les 
bords humides du chenal à Wieuport , ainsi que près de Blanken- 
berg. Atteint une stature beaucoup plus élevée que la suivante. 
L'arenaria salina Ser. paraît, d’aprèsles descriptions, intermédiaire 
entre les deux. 

15. Anexanra marina Roth. À. rubra (3 marina Linn. Croîit à 
Wieuport (Herb. Rouzée ). Tiges plus rameuses à la base et plus 
couchées que celles de la précédente ; feuilles toujours plus cour- 
tes que l’entrenœud; pédoncules souvent visqueux ; semences 
subpyriformes, immarginées, quelquefois un peu scarieuses sur 
les bords. Ce n’est qu’une variété de l’arenaria rubra. 

14. Lancon rexuironom Linn. Hoor! Herb. Mus. vallées des dunes 
près de Wieuport ( Herb. Rouzée. ) 

1%. Cononizza mwa Linn. Hoor! Herb. Mus. Environs de 
Wieuport. ( Herb. Rouzée.) 

16. Trirouon sugrenraneux Linn. Hoor! Herb. Soc. Sable des 
dunes près d’Oostdunkerke. Indiqué par Hoorebeke dans la F1.-Or. 

17. Rosa prmrmvezzarozta Linn. Pelouses sèches et arides, au 
pied des dunes, au lieu dit Kleyne-labeure près de Mieuport. 

18. Rosa romexrosa Sm. Dans les haies de Lombarzyde entre 
Nieuport et Ostende. Rare. 

19. Ruvus »seunocæsius Weih. Dans le sable des dunes entre 
Lombarzyde et Westende. Nain, sans surgeons ou tiges stériles 
folifères. Feuilles ternées, tomenteuses en dessous , la foliole 
moyenne longuement pétiolée et plus ou moins imparfaitement 
lobée. Si l'absence des surgeons était constante, on ne pourrait 
considérer cette ronce comme une variété du Rubus cæsius Linn. 


(54) 


ainsi que l'ont fait Reichenbach, Bluff et Fingerhuth, etc. 

20. Hoxcxkexxa Percoines Ehrh. Partout au pied des dunes. 
Meyer a, le premier, remarqué qu'il suinte des racines de cette 
plante une excrétion visqueuse qui agglutine le sable. J'ai vérifié 
le fait un grand nombre de fois el l’ai constamment trouvé exact. 

21. OExanrne Lacuewazr Gm. Croît toujours pêle-mêle avec le 
Juncus maritimus Linn., dans les prés tourbeux d’Oostdunkerke 
près de Nieuport , où elle est néanmoins rare. 

22. OExanrse PeucepaniroziA Poll. Lej. et Court. Chx. de pl. 
n° 542. Environs d’Ypres. (Herb. Amare.) 

25. Sesezx monranux Linn. Hoor! Herb. Soc. J'ai rencontré un 
pied de cette ombellifère dans les fortifications de Wieuport du 
côté de la porte de Dunkerke. Ce qui m'a fait croire qu’elle pou- 
vait y être spontanée, c’est qu’elle est indiquée dans la Flandre- 
Orientale par Hoorebeke. 

24. Toris nonosa Gœrtn. Hoor! Herb. Soc. Pelouses arides 
des dunes entre Ostende et Blankenberg. MM. Van Haesendonck 
et Westendorp l'ont cueilli sur la digue de l’Escaut entre Anvers 
et le fort Philippe. 

25. Tonus neczecra ÀS. Sur les bords des jardins au pied des 
haies à Lombarzyde. Le Caucalis arvensis Hoor. est le Torilis hel- 
vetica Gem. 

26. Cnucranezza aAuGusrirozra Linn. C'est avec doute et seule- 
ment d’après l’herbier de Rouzée que j'indique cette espèce aux 
environs de ÂVieuport. Notons cependant que Boerhaave l’a cité 
sur les côtes de la Hollande, et Lobel sur celles de l'Angleterre, en 
supposant toutefois , comme les auteurs le prétendent, que le 
Rubia minima du botaniste flamand soit bien notre Crucianelle. 

27. Bancknausia Taraxacirorra Dec. Dans les fortifications de 
Nieuport du côté de Lombarzyde. Indiquée par Hoorebeke dans la 
Flandre-Orientale. 

28. Cuscura Eprinun Weih. C. europœa Æoor ! Herb. Mus. et Soc. 
Sur le lin près de Vieuport. 

29. Ecuiospermum Larpuca Lehm. Myosotis lappula Linn. Hoor! 
Herb. Soc. Environs de Wieuport. (Herb. Rouzée ). 

30. Sazvia versenaca Linn. Hoor ! Herb. Mus. et Soc. Bords des 
chemins près de Wieuport. (Herb. Rouzée). 


(55 ) 

51. Suzpa maririma Dmtr. Chenopodium maritimum ZLinn. Bords 
du chenal à Wieuport, la variété (S. filiformis Dmitr. ) pêle-mêle 
avec le type de l'espèce dont elle s'éloigne par un port plus grêle. 

92. ATRIPLEX PORTULACOIDES Linn. Endroits humides du chenal 
à MWieuport et près de Blankenberg au lieu dit Wuteringhuys. 
M. Dumortier me l’a communiqué de Cnoke, et mon collégue 
M. le professeur Manderlier de Philippines. 

53. Arrtpex Farivosum Dmtr. Environs de MWieuport ( Herb. 
Rouzée ). Cette arroche est réunie par M. Lejeune à l’Atriplex 
roseum Linn. dont elle paraît distincte, pour autant que je puis 
en juger par l’unique échantillon que j'ai sous les yeux, et par sa 
comparaison avec l’Atriplex roseum publié dans le Choix de pl. 
de la Belgique, sous n° 618. — L'Atriplex roseum Â0or. n'existe 
dans aucun des deux herbiers de ce botaniste, et les traditions 
locales donnent ce nom à la variété rouge de l’Atriplex hortensis, 
ce qui coïncide parfaitement avec ces mots du catalogue de Mus- 
che : FT. Or. dans les jardins. Quant à l’Atriplex laciniatum Æoor., 
il manque dans l’herbier du museum , et la plante qui figure pour 
telle dans celui de la société de botanique n’est que l’Atriplex 
hastatum Linn. 

54. Arriprex TRiANGULARE Wild. Bords du chenal à Wieuport. Le 
même rameau porte des feuilles sinuées-dentées et entières. Ma 
plante n’étant pas en fruit, je n’ai pu constater la présence des 
caraclères tirés de cet organe ni du calice qui le recouvre. Le 
reste de la description de Reichenbach cadre bien avec elle. 

55. Arripzex microspermum #, et K. près de Wieuport sur le 
bord du canal d’Ostende, ainsi que près de Blankenberg. 

36. Arniezex marinum Linn. Croit à Vieuport avec l’Atriplex por- 
tulacoïdes. Je ne me charge point de concilier ce que les auteurs 
disent de cette espèce. Linné et Persoon l’appellent « herba pu- 
silla , vix palmaris » et d’autre part, Reichenbach lui assigne 
une stature de 2 à 5 pieds et la déclare plus robuste que la sui- 
vante. Il est possible que l’on confonde le vrai type de l'espèce 
linnéenne avec une variété de l’Atriplex littorale, la même peut- 
être que M. Dumortier a nommé Serratifolia. 

57. Armvzex Lrrronae Linn. Hoor! Herb. Soc. Sur les bords 
du canal de Blankenberg au lieu dit Blauwe-Duyve Kecte, non loin 


(56 ) 
de la ville. M. Manderlier l’a trouvé dans les polders de Bochaute 
et sur les bords de l’Escaut à Anvers. Mes échantillons ont tous 
des feuilles entières, entremêlées de quelques autres inégalement 
dentelées. 

58. Kocmia mirsura M. et K. Chenopodium hirsutum Linn. 
Dans les polders de S. Jean in Eremo et Watervliet, et près de 
Blanke.:berg avec l'espèce précédente. 

39. Sarsoza runcrna Dnitr. Je n’en ai trouvé qu’un seul individu, 
le long de l’estran, entre Vieuport et Furnes , encore les fruits en 
étaient-ils déjà tombés. C'est la Salsola tragus Vh. non Hoor! 

40. Naras mixorn Linn. Dans le canal appelé het vaerdeken a 
Ramscapelle près de Nieuport. ; 

41. Zanicuezvra pepuncuzaTa Rchb. Dans les eaux saumâtres, sta- 
gnantes de Lombarzyde. Août. 

42. Axacampris pyraminauis Rich. Orchis pyramidalis Linn. Croît 
près de Nieuport du côté d'Oostdunkerke, en société avec l’Orchis 
conopsea Linn. 

453. Opunys movorcmis Linn. Environs de Vieuport. ( Herb. Rou- 
zée). Les feuilles varient beaucoup en largeur. 

44. Scinpus rriquerer Linn. Heleogiton triquetrum Achb. Sur 
les bords fangeux du chenal à Wieuport, d’où l’on peut suivre cette 
espèce , d'un côté par Bruges, Gand et Termonde, de l’autre par 
Blankenberg, Sas-de-Gand et Anvers jusqu'aux portes de Malines. 

45. Scnoenus nicricans Linn. Prés tourbeux de Wälskerke, entre 
Nieuport et Ostende. Son congénère, le Schænus mariscus, m'a été 
communiqué des environs de Blankenkerg par M. Dumortier. 

46. Carex piorca Dec. Hoor! Herb. Mus. Trouvé fortuitement 
parmi le gazon qui entourait des bulles d’Anacamptis pyramidalis 
envoyés de Vieuport au jardin botanique de Gand. Croît aussi à 
Fpres. ( Herb. Amare ). 

47. Vusria sromoines Dmtr. Festuca bromoides Linn. Hoor! 
Herb. Mus. Pelouses arides des dunes près de Middelkerke. 

48. Vurpra myurus Gm. Festuca myurus M. et K. Hoor ! Herb. 
Mus. Sur les dunes entre Ostende et Blankenberg. Juin. 

49. Acroryrux suxceum Beauv. Belle et grande espèce assez 
abondante sur les dunes de Wieuport. Le Triticum junceum Hoor! 
Herb. Mus. et Soc. n'estque l'Agropyrum pungens G Dmir. 


Massage 


(57 ) 

50. Acnorxnum mTenmeDiom Æchb. non Gaud. A. littorale a obtus. 
florum Dmtr. Dans le sable des dunes partout. Se distingue 
d’après Reichenbach, de l'Agropyrum rigidum par des bractées 
9-neryées et par un rachis nu. Au reste, ces deux espèces sont 
très-voisines. — L'Agropyrum littorale 8 et 9 Dmtr. constitue nous 
paraît-il l’A. acutum RS. 

51. Acrorvruu Pux6exs Dmtr. Agropyrum littorale Host. Croit 8 
(acutum Dnmtr.) sur les bords du chenal à Vieuport ; y( braba- 
tum Dmtr.) sur ceux du canal de Furnes entre l’Arundo phragmites. 

89. Bracuyvonru misracuvox Dmtr. Trachynia distachys Rchb. 
Environs de Wieuport. (Herb.Rouzée). Le Bromus distachys Hoor. 
portant plus de trois épis, on peut en conclure que les échantil- 
lons de son herbier proviennent d’un pied cultivé : car on sait 
que tel est l’effet de la culture sur cette espèce. 

#5. Ervmus anexarius Linn. Sur les dunes. Plus grand et moins 
grêle que l'Elymus geniculatus Curt. avec lequel on le confond et 
qui se trouve plus communément sur nos côtes. L'Elymus arena- 
rius Hoor. Herb. Soc. appartient à cette dernière espèce : mais 
l'Elymus arenarius Æoor. Herb. Mus. n’est, comme M. Dumortier 
l'a depuis long-temps observé, que l'Agropyrum pungens 3 men- 
tionné plus haut. 

54. Kozcerra arenarta Dmtr. Dans le sable des dunes, surtout 
entre Wieuport et Ostende. On y observe facilement aussi bien que 
sur le précédent et sur le Phleum arenarium , une excrétion radi- 
cale analogue, quoique moins visqueuse , à celle de l’'Houckenya 
peploides et qui contribue en partie selon Sprengel à donner aux 
dunes la fertilité dont elles jouissent. 

55. Ormunus ruronmis Roth. Lepiurus strigosus Dmtr. Au pied 
des dunes le long de l’estran entre Wéeuport et Ootsdunkerke, 
très-rare. 

56. Briza zurescexs Desv.Prés tourbeux de Mannekensvere. Août. 
Nous n’avons trouvé que quelques individus de cette espèce , qui 
sans doute y est plus abondante avant la fenaison. Croît aussi aux 
environs d'Ypres (Herb. Amare). La Briza media 6 albida Le. et 
Mich. Agrost. n° 175, couvre abondamment les collines arides des 
dunes. 


(58 ) 

57. Cuara rraGiuis Desv. Dans les eaux stagnantes, claires , de 
Lombarzyde. Les mots d'Hedwig « Referebat silvam viridissimam » 
peignent très-bien l'aspect de cette espèce. 

58. Fucus ceranoines Linn. Desm. Crypt. Fase. N° 15. Sur toute 
la côte. Cette espèce y est cependant beaucoup moins commune 
que le Fucus divaricatus et vesiculosus. 

59. Fucus canaricurarus Linn. Desm. Crypt. fase. I. N° 14. Se 
rencontre quelquefois dans les masses de varec éparses sur le sable. 

60. Fucus sennarus Linn. Desm. Crypt. fase. 4. N° 159. Assez 
abondant. Porte souvent en grande quantité le Spirorbis nauti- 
loides Zum. 

61. Laminaria micrrara mx. Fucus digitatus Linn. Grande et 
belle espèce que je n'ai vue qu'aux environs de Wieuport. 

62. Laminaria saccmariNa Lmzx. Ulva saccharina Dec. Entre 
Wieuport et Ostende. Varie beaucoup en largeur et en consistance. 

65. Hazionvs siciquosa Lyngb. Cystoseira siliquosa .4g. Desm. 
Crypt. fas. 1. N° 19. Assez rare. 

64. Hariwmnys nonosa Lyngb. Desm. Crypt. fas. 11. N° 509. Se 
rencontre jelée sur la côte pêle-mêle avec les autres espèces. 

65. Himanrmarta 10REA Lyngb. Desm. Crypt. fasc. 4. N° 160. 
On en trouve cà et là des fragmens. 

66. Forcezraria rorunxpa Lyngb. Polyides rotunda Gaill. J'ai 
découvert un échantillon de cette espèce parmi le varec amoncelé 
dans le sable près de ieuport. Rare. 

67. Harvmenia crzrara Lmx. Desm. Crypt. fase. 3. N° 110. Avec 
le précédent. Rare. 

68. Cnoxpnus rorymorpaus Lmr. Fucus crispus Linn. Desm. 
Crypt. fase. 1. N° 10. Entre Ostendeet Furnes. 

69. Srnærococcus pricarus Agdh. Gigartina plicata Lmr. Aux 
environs de Vieuport. Très-rare. 

70. Sruærococcus cowrenvoines Wlr. Fucus confervoides Linn. 
Environs de Vieuport. Plus commun que le S. plicatus. 

71. Dicrxora rascioca Lmx. Desm. Crypt. fase. 5. N° 205. Wieu- 
port. Je dois la connaissance de cette fucoïdée ainsi que des deux 
précédentes à M. Van Baekel, pharmacien à Nieuport, qui eut la 
bonté de m'envoyer une grande partie de Thalassiophytes dont le 
triage m'a procuré plusieurs espèces intéressantes. 


(59 ) 

72. Panisa pavonia Zmx. Desm. Crypt. fase. 2. N° 60. Se ren- 
contre cà et là aux environs d’Ostende, rarement ailleurs. 

75. Ucva purpurea Roth. Desm. Crypt. fasc. 14. N° 657. Entre 
Ostende et Nieuport. Assez rare. £ 

72. Hurcmiwsra nierescexs Agdh. Polysiphonia fucoides Dub. 
Entre Wieuport et Furnes. Assez abondante. 

75. Dasvrricua venticiccatTa Lmx. Cladostephus myriophyllum 
Ag. Desm. Crypt. fasc. 8. N° 552. Épars sur la côte parmi les 
débris amenés par le flux. 


» Il s'entend que nous avons omis à dessein un bon 
nombre d'espèces connues pour se trouver dans les localités 
que nous décrivons, Nos côtes présentent du reste un fait 
bien remarquable de géographie botanique que nous ne 
pouvons nous empêcher de citer : c’est l’analogie de leur 
végétation avec celle d’une partie de la côte des Asturies 
aux environs de Gisou près du cap Penas ( V. Duridi iter 
Asturicum in ann. se. nat. Août 1836; pag. 119). Quelque 
singulier que puisse paraître ce rapprochement, il ne 
saurait être douteux pour ceux qui connaissent les espèces 
du littoral belge. » 


Chimie. — M. le professeur Martens donne lecture d’an 
mémoire de sa composition sur les produits de la combus- 
tion lente de la vapeur alcoolique et de la vapeur éthérée 
autour d'un fil de platine incandescent. Les principales 
conclusions de ce travail sont: 

1° La vapeur d'alcool est celle de l’esprit de bois éprou- 
vent autour du fil de platine chauffé au rouge, une com- 
bustion imparfaile, qui leur enlève une certaine quantité 
d'hydrogène et les transforme en de nouveaux composés 
analogues à ceux que l’on obtient en les distillant avec un 
mélange de péroxide de manganèse et d’acide sulfurique; 


(60 ) 

2° Les produits de la combustion lente de l'alcool et de 
l'esprit de bois sont analogues l’un à l’autre, si l’on consi- 
dère l’aldéhyde comme un corps isomère à l’acétate d’éther 
alcool, et le composé du docteur Gregory comme un for- 
miate tribasique d’éther méthylène; 

3° De même que l'alcool, en s’acidifiant dans l'air sous 
l'influence du noir de platine, se transforme en acide acé- 
tique, de même aussi en subissant la combustion lente qui 
donne naissance au phénomène de la lampe sans flamme, 
il se transforme partiellement en cet acide qui, se trouvant 
à l’état naissant en présence de la vapeur alcoolique, se 
combine avec elle en l'éthérisant, surtout sous l'influence de 
la température élevée maintenue par le fil de platine in- 
candescent ; d’où la variété d’éther acétique qui constitue 
l’aldéhyde et qui, quoique subissant plus difficilement 
la combustion lente que l'alcool, finirait cependant aussi, 
sous l'influence oxidante prolongée du fil de platine, par 
être transformée en acide acétique, après que tout l'alcool 
aurait subi la combustion lente qui le transforme en 
aldéhyde; 

& L'esprit de bois, qui se transforme sous l'influence 
du noir de platine et de l’air en acide formique, subit aussi, 
lors de la combustion lente autour du fil de platine incan- 
descent, une transformation analogue ; mais l’acide formi- 
que produit n’est pas d’abord libre ; il éthérifie, au moment 
de sa formation, de la vapeur d'esprit de bois et se combine 
avec elle, en donnant naissance à un formiate basique 
d’éther méthylène ; 

5° L'éther ordinaire s’acétifie presqu’entièrement par 
l'effet de la combustion lente, sous l'influence d’un fil de 
platine chauffé au rouge; en même temps il se forme un 
peu d’aldéhyde qui, uni à l'acide acétique produit, con- 


(61) 
stitue l'acide lampique des auteurs, acide auquel il con- 
viendrait plutôt de donner le nom d'acide éthérique pour 
rappeler son origine. » 

Ce mémoire est renvoyé à la Commission chargée de 
l’examen des mémoires des membres. 

— Le secrétaire présente une note de M. Le Roy, phar- 
macien à Bruxelles, sur le même sujet dont M. Martens 
vient d'entretenir l'académie, et met sous les yeux de l’as- 
semblée un flacon contenant le produit de la combustion de 
l'alcool autour du fil de platine. Renvoyé également à des 
commissaires. 


Théorie de l’éther hydrique. — M. Van Mons présente 
la note suivante sur la manière dont se compose l’éther 
hydrique. 

« Le sulfate d’éther neutre n’a point d'existence qui 
soit indépendante d’un autre corps; ce corps peut être un 
second atome de son acide , un atome de sel de son acide, 
un d'acide éthérénique (2 acide sulfurique anhydre et 2 
bicarbure d'hydrogène). J'ai ajouté : peut-être un second 
atome de sa base, pas un atome d’eau. La combinaison 
du sulfate acide est bien connue; celle des sulfates à double 
base, éther et autres, le sont également. Le sulfate neutre 
fixé en composition par l’acide éthérénique existe dans 
l'huile de vin pesante; le même fixé par un second atome 
d’éther n’a pas encore été signalé, c’est cependant celui qui 
se forme en vertu des affinités les plus puissantes, et qui, 
en abandonnant son excès de base pour reprendre à sa 
place un excès d’acide, doit se prêter le mieux à fournir 
de l'éther , un élément de sursaturalion étant plus facile 
à détacher qu’un de saturation simple. 

» À froid et jusqu’à une température donnée, le mélange 


(62) 
de poids égaux et ainsi d’atomes égaux (49 et 46) d'acide 
sulfurique et d'alcool s'unissent en sulfate acide d’éther ; 
deux atomes acide anhydre et un atome éther forment ce 
sel. Il reste un atome alcool affaibli par trois atomes eau 
dont deux proviennent des deux atomes acide qui se sont 
constitués anhydres, et le troisième, de l’atome alcool qui 
s’est deshydraté en éther. À une chaleur plus élevée , mais 
toujours inférieure à 124°, le sulfate, qui jusqu'alors avait 
été avec excès d'acide, devient avec excès de base. Le sel 
neutre, menacé dans son existence par l’effort que fait la 
chaleur pour détacher son excès d'acide, s'empresse de l’af- 
fermir davantage en prenant à la place de l’acide sursatu- 
rant un second atome de base, qu'il trouve dans l’atome 
alcool resté intact. Si cet alcool n’était pas présent et si 
on administrait un feu capable de volatiliser un des trois 
atomes eau devenus libres, le sulfate acide s’adjoindrait 
assez intimement les deux atomes eau restans pour que 
ses deux atomes acide anhydre puissent les prendre en 
échange de deux atomes éther, c’est le cas du sursulfate 
desséché le plus complétement possible, qui, à la distilla- 
tion, laisse échapper tout son éther et reste de l’acide absolu. 
C'est aussi à peu près celui de l'éther qu’on prépare par 
instillation d'alcool et à une chaleur constante de 140°. 
L'alcool cède son eau à l'atome acide qui doit naître an- 
hydre et qui, pour pouvoir se détacher , doit être hydraté, 
et, devenu éther, il prend près du sel neutre la place de 
l'acide. Il y a alors 1 soussulfate (1 acide et 2 éther), 
1 acide absolu et 3 eau. À une chaleur de 124, qui 
est celle où le hquide bout, l’éther sursaturant est à son 
tour détaché du sulfate neutre et remplacé par l'acide re- 
devenu anhydre. Ce sel ne peut renoncer à son fixant-base 
sans reprendre son fixant-acide. Le changement est déter- 


(63 ) 
miné par l’affinité de volatilisation de l’éther et par le 
besoin du sulfate neutre d’être maintenu en existence. 
Le sursulfate est régénéré par la retraite de l’éther, et un 
atome eau de plus est devenu libre. Si l'acide sulfurique 
était plus volatil que l’éther, le sous-sel serait le produit de 
la retraite de l'acide et le sel avec excès de base aurait 
la stabilité de composition qu'a maintenant le sel avec 
excès d'acide. Il ne serait pas décomposable par l’eau , qui 
ne pourrait se substituer à l’excès d’éther sans faire de 
l'hydrate de sel neutre que nous avons dit ne pouvoir se 
former. Il serait seulement substituable dans son excés 
d’éther par le sel que cet excés formerait avec un acide 
étranger ; pas par un sel formé de son acide avec une base 
étrangère. Le sulfate neutre n’a pu être constitué ; le sous- 
sulfate a été constitué mais pas encore isolé. Quand, pour le 
soustraire à l’acide libre avec lequel il coexiste dans le mé- 
lange suffisamment chauffé, on sature cet acide par une 
base , le sel qui se forme se substitue à l’éther, lequel, re- 
prenant l’eau de l'acide qui s'engage avec la base, se ré- 
génère en alcool. Tout est naissant de quelque chose et, si 
ce n’est d'acide, de base ou de sel, c’est d’eau, dans les 
changemens de sursaturation qui, pour la conservation du 
sulfate neutre, s’opérent. Le soussulfate est surement con- 
tenu dans un mélange d'alcool et d'acide qui a subi un 
échauffement voisin de celui où l’éther s’en retire , et il 
persiste en composition jusqu’à ce que la chaleur, assistée 
de l'acide libre, en ait chassé l'excès de base. Le soussel ne 
peut être empêché de se former en présence de ce qui est 
requis en acide pour saturer l’excès de sa base, car cette 
saturation donnerait lieu à du sel neutre lequel n’a point 
d'existence libre. Le carbonate neutre d’ammoniaque, qui 
également n’a pas d'existence libre, se forme avec excès de 
Tom. 1v. 5 


( 64) 
base dans une atmosphère de gaz acide carbonique; cet 
excès de base fixe en composition le carbonate neutre 
comme l’excés d’éther fixe en composition le sulfate neutre. 
Il y a la différence que près du premier sel l'excès de base 
peut être remplacé par l’eau et pas près du second sel, qui 
n’est pas hydratable, et que ce remplacement demande un 
second atome de son acide ou un atome des corps nommés. 

» On recompose le sulfate avec excès de base lorsqu’à sa 
régénération en sulfate avec excès d’acide (résidu de l’éther) 
on ajoute une nouvelle et demi-quantité d'alcool , et qu’on 
chauffe. En élevant ensuite davantage la température, 
l'échange du sursaturant-base contre le sursaturant-acide 
se répète et ainsi de suite, aussi souvent qu’au résidu non 
décomposé, d'autre alcool est ajouté. 

» Le sulfate d’éther avec excès de base, que je suppose se 
former dans le mélange d'alcool et d'acide sulfurique, ne 
fait qu’augmenter de 1 le nombre des sels d’éther avec pa- 
reil excès qui ont déja été obtenus et qui sont le souscar- 
bonate est le bisousformiate d’éther. 

» Le sulfate d’éther neutre qui alternativement se sursa- 
ture d’acide et d’éther dans la vue de rendre l’alcool libre 
d’eau, est enire autres assimilable au gaz nitreux qui alter- 
nativement se charge et se décharge d’oxigène pour en sa- 
turer l’acide sulfureux. L'un et l’autre s’acquitte d’un mes- 
sage d'élaboration et de transport dont le but est de rendre 
la soustraction ou l’adjonction d’un composant plus facile. 
D'un pareil message se charge l’hydrate d’acide sulfurique 
qui, avec l'assistance de la chaleur, alternativement se dé- 
pouille et se recharge d’eau pour la transmettre naissante 
à l’amidon qui s’en compose en sucre. 

» Dans le mode d'interprétation que je présente, l’em- 
ploi de tous les ingrédiens qui composent le mélange pour 


(65 ) 
l'éther hydrique est renseigné jusqu’à la dernière particule, 
et la conjonction et disjonction se fait d’après les lois les 
plus sévères de l’affinité chimique. » 


Météorologie. — Le secrétaire présente, de la part de 
M. Crabay, huit tableaux météorologiques dont quatre 
contiennent les résultats des observations faites à Maestricht 
sur les températures moyennes à quatre époques de la 
journée, mois par mois, pendant 16 années; les quatre 
autres sont relatifs aux hauteurs barométriques. Ces ta- 
bleaux sont destinés à faire suite à un mémoire actuelle- 
ment sous presse, renfermant le résumé des observations 
météorologiques faites à Maestricht depuis 1818. 


Conchyliologie. — M. De Koninck, agrégé à l’université 
de Liége, présente un mémoire manuscrit de sa compo- 
sition, accompagné de planches, contenant la description 
des coquilles fossiles de l'argile de Pazeele , Boom , Schelle, 
etc. Commissaires MM. Wesmael, Dumortier et Sauveur. 


Littérature ancienne. — M. le baron de Reiïflenberg 
lit le rapport suivant sur un mémoire intitulé : Narratio 
de vita et meritis Rodolphi Agricolæ, pour lequel :il 
avait été nommé commissaire avec M. le professeur Bekker. 

«En 1828, l’université de Groningue mit au concours 
l'éloge de Rodolphe Agricola, l’un des restaurateurs de la lit- 
térature classique, principalement de la langue grecque, et 
le père de la saine dialectique, dans le nord de l’Europe. 
M. Pie Namur , alors élève à l’université de Louvain et 
M. T.-P. Tresling, élève à celle de Groningue, obtinrent cha- 
cun une mention honorable, Le second fit imprimer son tra- 
vail en 1830 ; le mémoire du premier , resté inédit, vient 


( 66 ) 
d'être mis sous les yeux de l'académie, après avoir subi de 
nombreuses améliorations. 

» Cette disputation où le jeune auteur a fait preuve d’un 
esprit de recherche et de critique digne d’éloges, est écrite 
en latin, comme toutes celles du même genre , et présente 
un tableau complet de la vie et des études d’Agricola. La 
partie bibliographique a dû coûter à l’auteur beaucoup de 
temps et de peine. 

» S'il nous était permis de lui donner un conseil, nous 
l'engagerions à rédiger son mémoire en français, en s’at- 
tachant davantage à l'élégance de la forme et en faisant 
dominer dans sa composition quelques-unes de ces idées 
générales qui ennoblissent les pelits détails, et tirent un 
livre des vulgarités de l’érudition pour le placer dans la 
sphère élevée de la philosophie. 

» M. Bekker, à qui l’affaiblissement de sa vue n'a pas 
permis d'examiner maintenant le mémoire de M. Namur, 
mais qui en a eu autrefois connaissance, m'a déclaré 
souscrire à ce jugement. » 

L’académie adopte les conclusions de ce rapport. 


Histoire nationale. — M. De Reiffenberg lit ensuite un 
discours contenant des réflexions sur la direction des études 
historiques, et particulièrement sur la manière d'écrire 
l'histoire du pays. Il en parcourt les différentes périodes 
et cherche à les caractériser en montrant l’idée générale 
qui domine les faits particuliers. Ce mémoire, destiné à 
être inséré dans le recueil de l’académie , est renvoyé à la 
commission d'examen. 

Le même membre communique encore les deux notes 
qui suivent: 


Sur l'antiquité des cartes à jouer. — M. Duchesne 


(67 ) 

aîné, conservateur-adjoint du cabinet des estampes à la 
bibliothèque royale de Paris, vient d'insérer dans lAn- 
nuaire historique publié pour 1837 par la société de 
l'histoire de France, des recherches curieuses sur les 
cartes à jouer. Aprés le P. Menestrier , Court de Gebelin, 
le baron de Heineken, Saverio Bettinelli, l'abbé Rive, 
Breitkopf, Pierre Zani, Jansen, Singer, Bartsch, MM. Ga- 
briel Peignot , Wilson, Rey, et le Bibliophile Jacob , il a 
trouvé sur ce sujet usé sans être épuisé, des particularités 
aussi neuves qu'instruclives. Cependant ici encore vien- 
nent se confirmer les ingénieuses observations de notre 
confrère M. Cornelissen sur la presque impossibilité de dé- 
terminer rigoureusement l’origine de la plupart des inven- 
tions humaines, puisque, malgré son savoir et sa critique, 
M. Duchesne n’est amené qu’à un résultat approximatif. 
De sa dissertation il conclut que les cartes sont d’origine 
italienne et inventées dans le courant du XIV siècle, sans 
fixer l’année ni l’auteur de cette innovation. Ce qu'il n’a pu 
découvrir, je ne viens point le révéler avec cet orgueil 
des petites choses si naturel aux érudits; je veux seulement 
attirer l'attention sur un passage d’un vieux italien, pas- 
sage à l’appui de l’opinion de M. Duchesne, et'qui, jusqu'ici 
a été inaperçu. On ne lit guère, en effet, dans nos con- 
trées et même en Italie la Spagna Istoriata, une des 
nombreuses contrefaçons des anciennes épopées des trou- 
badours et des trouvères. Or , dans cet ouvrage, Roland a 
recours à un sortilége, pour découvrir les ennemis de 
l'empereur Charlemagne. 


Fece un cerchio e poscia gittà le carte. 
Canro XX. 


I fait un cercle, dit l’auteur, et puis jette les cartes. 


( 68 ) 
S'agit-il ici de ces cartes qui servent à amuser l’oisiveté , 
et dans lesquelles les devineresses lisent l'avenir ? Je suis 
disposé à le croire, d'autant plus que la Spagna Istoriuta , 
imprimée à Milan en 1519, passe pour avoir été composée 
au XIV° siècle , ce qui est d'accord avec M. Duchesne. 


Sur la signification du mot srAmPIEN. — Une notice 
de M. André Van Hasselt sur Louis Van Vaelbeke, nous a 
appris que le mot stampièn signifie une forme particulière 
de productions rimées. M. Van Hasselt , poète lui-même, a 
rendu à la poésie Van Vaelbeke, dont on avait fait un simple 
fabricant de rébus. Mais qu'était-ce que les stampièn ? 
M. Willems, dont l'autorité a tant de poids dès qu'il s’agit 
de littérature flamande, M. Willems pense que c’étaient une 
espèce de chansons à danser ; puisque M. Willems le dit, 
je devrais le croire aveuglément et me taire. Qu'il me soit 
néanmoins permis de hasarder une conjecture. Dans les 
chambres de rhétorique on récitait autrefois des poésies ap- 
pelées kniedicht, parce que c’étaient des impromptus, qu’on 
écrivait sur le genou. Sfampièn me semble vouloir dire 
se tenir debout, et le wallon a retenu le mot stampé pour 
signifier être sur ses jambes. Ceux qui ne savent ni le wallon 
ni le rouchi peuvent s’en assurer en recourant au Glossaire 
de M. Hécart ou aux Scènes populaires montoises , si vive- 
ment tracées par un homme que nous avons trop tôt perdu. 
Je penche donc à croire que les stampièn étaient des 
composilions rapides, pour ainsi dire instantanées et com- 
posées, comme dit Horace : Sians pede in uno. 


M. le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la 
prochaine réunion au 4 mars, premier samedi du mois. 


cn 


(69 ) 
OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Tableau général du commerce de la Belgique avec les 
pays étrangers pendant les années 1831, 1832, 1833 et 
1834, dressé et publié par le Ministre de l'Intérieur ; 
1 vol., in-12 , Bruxelles 1736. 

Encyclographie des siences médicales, suivie du 
bulletin médical belge, publié sous la direction du doc- 
teur Marinus, tome 37 , 38, 39 et 40, 1835 ; tome 1, 2, 3, 
4,5, Get 7, 1836, in-8°, Bruxelles; de la part du Ministère 
de l'Intérieur ainsi que l'ouvrage précédent. 

Séances publiques de la société d'amateurs des sciences 
et arts de la ville de Lille , 4° et 5° cahier, 2 vol. in-&. 

Recueil des travaux de la société d'amateurs des 
sciences, de l’agriculture et des arts à Lille, années 1819, 
1820, 1821, 1822, 1823, 1824, 1825 et 1826; 4 vol. in-&°. 
Lille. 

Mémoires de la société royale des sciences , de l'agri- 
culture et des arts à Lille, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 
1832, 1853 et 1834; 7 vol. in-&. Lille. 

Hulde aan Gerardus Van Swieten, door J. EL. Kes- 
teloot, broch. in-oct. 1826, sans désignation de lieu. 

Sur le passage du premier livre de la Géométrie de 
Boëce relatif à un nouveau système de numération , par 
Chasles, broch. in-4°. Bruxelles chez Hayez 1836. (Extrait 
des mémoires de l'académie de Bruxelles). 

Mémoire sur la Géométrie des Hindous , par Chasles, 
broch. in-4° chez Hayez. (Extrait des mémoires de l’aca- 
démie des Bruxelles). 

Rapport à M. le ministre de l’intérieur sur les ar- 
chives de la Chambre des Comptes de Flandre à Lille , 
par M. Gachard , broch. in-8 , Bruxelles 1836. 


(70) 

Revue belge publiée par l'association nationale pour 
l’encouragement et le développement de la littérature en 
Belgique , 2° année, 1 vol. in-8. Liége 1836. 

Institutions provinciales, communales et corpora- 
tions , par M. Just Paquet, 1 vol. in-8°. Paris 1835. 

Annales littéraires et-philosophiques , 1°° liv., janv. 
1837; in-8. Liége, chez Lardinois, éditeur. 


Cu te Le SR 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 3. 


Séance du 4 mars. 


(Dans le nouveau local de l'académie, ci-devant hôtel du Ministère 
de l’ Intérieur). 


* M. de Gerlache, directeur. 
M. Quetelet , secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


Le secrétaire communique une lettre du cabinet du 
Roi, qui annonce que Sa Majesté a reçu avec une bienveil- 
lance particulière les trois premiers volumes des bul- 
letins ainsi que les annuaires pour 1835, 36 et 37; et 
qu’elle a fait transmettre à l'académie l’assurance de tout 
l'intérêt que lui inspirent les travaux et l’activité de la 
compagnie. 

Il est également donné lecture d’une lettre par laquelle 
M. le Ministre de l'intérieur informe l'académie qu'il a mis 

Tom. 1v. 6 


(72) 
provisoirement à sa disposition, pour local des séances, 
les salons du rez-de-chaussée de l’ancien hôtel du Minis- 
tère de l’intérieur. Des remercimens ont été adressés par le 
bureau à M. le Ministre de l'Intérieur pour ce témoignage 
de bienveillance, et l'académie, en les sanctionnant, arésolu 
qu'il en serait fait mention dans le bulletin de la séance. 

L'académie vote aussi des remercimens à M. Dumortier 
pour les services qu'il lui a rendus dans cette circonstance. 

Il est ensuite donné communication dedifférentes lettres 
relatives aux échanges des mémoires avec l'académie im- 
périale de St-Pétersbourg, la société royale d'Édimbourg, 
l'académie royale d'Irlande, la société philosophique amé- 
ricaine de Philadelphie, le museum d'histoire naturelle de 
Paris, etc. 

Le secrétaire-général du congrès scientifique de France 
adresse à l’académie quelques exemplaires d’une circulaire 
relative à la session du congrès, qui doit avoir lieu à Metz, 
au mois de septembre prochain. 


Magnétisme terrestre et aurores boréales.—M. Quete- 
let communique l'extrait suivant d’une lettre de M. Bache, 
professeur de philosophie naturelle à l’université de Penn- 
sylvanie, relativement au magnétisme terrestre et aux ob- 
servations faites dans différentes parlies des Etats-Unis. 

« Les difficultés que l’on rencontre dans l'appréciation 
exacte de la partie horizontale de l'intensité magnétique de 
la terre, à cause de la résistance du milieu dans lequel 
l'aiguille doit osciller, m'ont déterminé, ainsi que M. le 
professeur Courtenay, à produire les oscillations dans un 
milieu raréfié. Vous trouverez des moyens semblables sug- 
gérés par M. Harris de Plymouht et par M. R. H. Fox, 
d’après ses propres observations sur les effets perturbateurs 


(78) 

des courans d’air. J'ai construit un appareil portatif pour 
produire les oscillations dans un milieu raréfié; il a pleine- 
ment justifié mon altente. Nous avons exposé en détail la 
supériorité de cette méthode dans ‘an mémoire lu à la 
société philosophique américaine de Philadelphie ; ce mé- 
moire sera imprimé. Voulez-vous, s’il est possible, m’en- 
voyer une aiguille sur laquelle vous puissiez compter, pour 
que nous cherchions à estimer les intensités relatives ici et à 
Bruxelles. Je vous la renverrai , si vous le désirez, avec un 
appareil faisant le vide, pour que vous puissiez juger deses 
avantages. Trois des stations où nous avons observé l’inten- 
sité, sont à peu près sur la ligne de même intensité qui 
passe par Philadelphie; nous avons aussi une station entre 
New-Yorck et Halifax, lieux qui ont été compris dans les 
observations du capitaine Sabine. L'inclinaison magné- 
tique se détermine d’une manière si imparfaile par la mé- 
thode ordinaire que l'intensité totale qu’on en déduit , ne 
peut s’obtenir avec une exactitude salisfaisante que pour 
autant que les observations d’inclinaison ont été suffisam- 
ment multipliées. Je parle ici des observations faites à de 
hautes latitudes et particulièrement de celles que je vous 
envoie. Elles ont été faites avec soin comme vous pourrez 
voir et avec un excellent instrument , mais encore la diffé- 
rence de quelques minutes sur cet élément produit une 
différence si grande sur l'intensité Lotale , qu’on sent le 
besoin d'employer des instrumens plus parfaits ou de faire 
des observations plus nombreuses avant d’en déduire l’élé- 
“ment cherché. L'augmentation de l’inclinaison magnétique 
"me bien prouvée par ces observations. Je remarque que 

“xous avez rencontré une difliculté semblable. 
» Nous ayons eu trois magnifiques aurores boréales pen- 
- dant les sept derniers mois: une du 17 au 18 novembre, et 


«ré 


(74) 
les autres du 18 au 19 avril et du 19 au 20 mai, la partie 
la plus brillante du premier phénomène m’a été cachée 
par les nuages, mais l'aiguille horizontale était si vivement 
affectée que je m'attendais bien à entendre parler de la 
grande splendeur de ce phénomène pour les autres localités 
où il avait été plus visible. Pendant la seconde aurore bo- 
réale, la variation de l’aiquille était augmentée au lieu 
‘être diminuée comme d’ordinaire. Pendant les deux 
dernières aurores boréales, j'observai l'intensité magnéti- 
que horizontale qui était décidément plus faible que dans 
des temps ordinaires. Je prévis même l’arrivée de la seconde 
en observant une diminution graduelle d'intensité com- 
mençant dans l'après-midi, quand l'intensité aurait dû 
croître au contraire, après l'instant du minimum.» 
Les résultats des observations de l’inclinaison magnéti- 
que d’après MM. Bache et Courtenay sont les suivantes : 


LATITUDE, LONGITUDE INCLINAIS, 

Baltimore . . . . . . . . 99°17 3" 76063760”  70°68/.6 
Philadelphie . .. LEA LP 39 56 59 75 11 31 7è 0.2 
New-Yorck {1} . . . .:. . 4042 40 ‘74 1 8 7251.7 
Westpoiat ets Le L A1-2S 45)", 74 73 37.2 
Providence PE EAN NE NAT A9 RS 71 25 26 74 2.8 
Springfield". " PONMPE UMASNE ST TR UT 74 10.7 
AABaRYIE AUS DE ARMAND SZ 73 44 49 74 40.1 
Tremblemens de terre. — Le secrétaire donne aussi 


lecture d’une lettre qu'il a reçue de M. Étienne Elaerts, 
professeur à Sion, relativement au tremblement de terre 


(1) M Le capitaine Sabine a trouvé, au mois de décembre 1822 , une 
inclinaison de 7300’,5. 


( 75) 
du 24 janvier dernier, dont il a été fait mention dans les 
journaux. M. Elaerts regrette de n'avoir pu, à cause du 
mauvais état de sa santé, suivre la marche de ses instrn- 
mens météorologiques autant qu'il aurait désiré le faire. 
« Deux secousses qui se suivaient de près, dit-il, vers 
1 heure 58, ont été trés-sensibles à Sion. J'étais éveillé; le 
bruit m'a paru se diriger du midi vers le nord; le ciel était 
calme, très-peu nuageux. Je n’ai eu la force que de me 
transporter vers mon baromètre : il se trouvait à 716%, qui 
est à peu près la hauteur moyenne à Sion; la veille, vers 6 
heures, il était à 717%M,80 ; le thermomètre du baromètre 
marquait , si je ne me trompe + 8°c. Mes autres instrumens 
se trouvaient trop éloignés. J’ajouterai encore une particula- 
rité qui m'a paru trés-frappante : c'est que, la veille, mon hy- 
gromètre était monté d'environ 15, tandis que depuis près 
de 2 mois il se trouvait tellement fixé entre 90 et 100°, que, 
soupçonnant quelque dérangement, je ne me donnais plus 
la peine d’en tenir note. À Brigue (onze lieues de Sion) le 
tremblement de terre a été beaucoup plus sensible et y a 
même causé quelques dégâts ; plusieurs jours après (jus-- 
qu’en février) on y entendait encore un bruit souterrain 
semblable à un bruit de fourgons qui allait en diminuant, 
et on ressentait de temps à autres de légères secousses. Dans 
la nuit du 30 au 31 janvier, des secousses plus fortes que 
celles du 24, peu sensibles à Brigue , ont causé à quelques 
lieues de là, en remontant vers les sources du Rhône, des 
dégâts plus ou moins considérables. Depuis le 24, le ciel en 
Valais continue à être calme, très-légèrement nuageux ; 
ce qui est fort extraordinaire dans celte saison. Aussi les 
chroniqueurs de nos montagnes , appuyés sur leur vieille 
expérience , pronostiquent-ils de nouveaux tremblemens 
plus sérieux que les premiers. Ces bonnes gens se trompent 


(76) 
sans doute bien souvent dans leurs déductions; mais leurs 
données sont presque toujours sûres. » 

— M. le major Bavier écrit à l’académie pour lui donner 
communication d'un mémoire manuscrit sur le Cancer 
gamarellus pulex. Commissaires MM. Cantraine et Wes- 
mael. 

Concours de 1837.— Un mémoire est adressé à l’aca- 
démie en réponse à la quatrième question que la elasse 
des lettres avait proposée pour le concours de 1837, savoir : 


Présenter une dissertation raisonnée sur la poésie française, 
dès sa première origine, jusqu'à la fin du règne d’Albert et 
d'Isabelle, en y ajoutant un choix judicieux, mais sobre, des 
passages les plus saillans , propres à caractériser l’esprit et le 
genre des ouvrages de poésie française publiés ou restés ma- 
nuscrits. 


Quoique ce mémoire ait été envoyé après le terme fixé 
par le programme, l'académie, considérant que l’auteur 
n'avait pas de concurrens dont les droits se trouveraient 
lésés, a résolu que son travail serait admis au concours, 
pourvu que les commissaires aient le temps nécessaire 
pour terminer leur examen. Les commissaires désignés sont 
MM. le baron De Reiffenberg , De Gerlache , et le baron 
De Stassart. 


COMMUNICATIONS. 


Aurore boréale du 18 février. — M. Quetelet fait part 
de ses observations sur la dernière aurore boréale qui doit 
avoir été aperçue à de très-grandes distances, mais dont les 
descriptions connues jusqu’à présent ne semblent pas être 
fort bien d'accord. 

Le commencement de la soirée avait été remarquable 


(77) 

par la pureté du ciel ; le phénomène se manifesta vers sept 
heures 174 ; toute la partie du ciel comprise entre le NNE 
et l’ouest, jusqu’à une hauteur assez considérable, était 
éclairée d’une lumière rougeûtre trés-intense. Peu à peu le 
phénomène se manifesta plus fortement vers l'occident. 
À 9 heures on apercevait, un peu au delà du zénith , un 
demi-cercle allant de l’est à l’ouest sud-ouest, en passant 
sous la lune et par la constellation d’orion (1). 

Le nord était alors assez clair, et c'était à l’ouest que 
l'aurore boréale conservait le plus d'intensité. Le phéno- 
mène dura jusque vers minuit; le ciel avait commencé à 
se couvrir insensiblement, et vers une heure de la nuit, il 
tomba quelques gouttes de pluie. Dans la soirée on aper- 
çut plusieurs étoiles filantes remarquables. Les instrumens 
météorologiques ont donné les indications suivantes : 


BAROMÈTRE, TH. DU BAR. TH. LIBRE, HYG, SAUS. 


À 8h. dusoir 757nm,37 19°.5 cent. 60.3 cent. 73°.0 
À 11 h. 30’ 755mm,15 190,0 6°.6 730.0 


Il est aussi donné communication d’une lettre de M. le 
professeur Van Mons , concernant la même aurore boréale 
observée à Louvain, on y trouve à peu près les mêmes parti- 
cularités que dans la note précédente ; cependant M. Van 


(1) Cette circonstance a été mentionnée par des observateurs, à l’in- 
stitut de France, mais elle ne semble pas avoir été remarquée à Paris. 
Voici ce qu’on lit à cet égard dans le no 198 du Journal de l’Institut. 
« À Paris, elle (l’aurore boréale) a été peu marquée, et n’eût pas attiré 
Vattention sans la nuance très-rougeâtre qu’elle offrait malgré la grande 
Clarté de la lune. Mais elle n’a point affecté la forme d’un arc: on voyait 
seulement çà et là dans le ciel des plaques colorées qui attestaient sa 
présence , etc.» 


(78 ) 
Mons dit avoir remarqué, vers 5 : heures du soir, deux 
larges barres parallèles, dirigées du nord vers l’ouest et 
d’une teinte noire bleuûtre ; les barres que, selon lui, l’on 
remarque quelquefois dans le ciel, mériteraient une at- 
tention toute particulière de la part des observateurs. 


Occultation de mars par la lune. — (Note communi- 
quée par le directeur de l’observatoire). « L'observation 
de ce phénomène qui succédait à celui de l’aurore boréale, 
a été entravée à Bruxelles par un voile de légers nuages qui 
ont commencé à se montrer vers 11 heures du soir. Les 
nuages étaient cependant assez transparens pour permettre 
de voir encore la planète et la lune qui s’en rapprochait 
de plus en plus. Je fis, dans cette circonstance, usage de 
l’équatorial de MM. Simms et Troughton , ayant 3 pouces 
anglais ? d'ouverture avec un grossissement de 144 fois. 
Les nuages ont été cause que j'ai probablement observé le 
premier contact et l’instant de la réapparition un peu trop 
tard. L'observation de l'instant de l'entrée totale me paraît 
mériter toute confiance. Voici mes résultats : 


Premier contact . . . 11"14/36/.i +. m. de Brux.' 
Entrée totale . . . . 1115 656 
Réapparition . .. . . 1225 6.0 
Sortie totale . . . . 12 25 29.0 


» Pendant que j'observais à l’équatorial, M. l'ingénieur 
De Behr, aidé de M. Mailly, observait dans une autre partie 
du bâtiment avec une lunette de Troughton de 3 pouces an- 
glais : d'ouverture et un grossissement de plus de 100 fois. 
L'entrée totale fut aperçue à 11:15’ 0,5 t. m Les chrono- 
mètres avaient élé soigneusement comparés et vérifiés par 
les passages de différentes étoiles. » 


mé tot de mn ol 2 D becotieé > ne 


(79) 

L'état du ciel n’a point permis de faire l'observation de 
celte occultation ni à Paris ni à Allona. M. Quetelet a 
reçu depuis une lettre de M. Schumacher, correspondant 
de l'académie et directeur de l'observatoire d’Altona, qui 
a bien voulu lui transmettre les observations faites à 
Goettingue par le célébre professeur Gauss. En voici les 
résultats : 


Entrée du second bord demars @h38/14”.0t.sid.de Gœttingue, Observ. 
. très-exacte. 
Sortie du même bord , . .10 50 26.9 Exacte de 1” à 2”. 


M. Schumacher annonce en même temps que M. Nehus 
vient de calculer les observations d’Altona et de Bruxelles 
pour la dernière éclipse de soleil du 15 mai, suivant les for- 
mules rigoureuses de M. Bessel; et qu’il a trouvé pour dif- 
férence des longitudes des deux observatoires : 


Par le commencement de l’éclipse 22’ 16/.08 en temps. 
Par le Gr APR Te NET SUN eSTI0/ 04 


Valeurs qui s'accordent avec celles calculées par M. Rum- 
ker , d’après les observations de la même éclipse. 


Étoiles filantes. — M. Quetelet présente quelques nou- 
veaux renseignemens à l'appui de l'opinion qu'il a émise 
dans la séance du 3 décembre , relativement à la fréquence 
des étoiles filantes. Il persiste à croire que ce n’est pas le 
milieu de novembre seul qui soit remarquable par le grand 
nombre d’apparitions de ces météores, mais que le milieu 
du mois d'août, et particulièrement le 10, mérite aussi 
de fixer l'attention. En présentant cette remarque à l’aca- 
démie , ses élémens de conviction avaient élé puisés dans 
les rapprochemens de différentes observations faites par 


( 80 ) 
d'autres physiciens et des apparitions les plus Re 
bles qui ont été mentionnées par eux. 

L'objet de la nouvelle communicalion de M. Quetelet 
est de fixer l’attention sur quelques nouveaux exemples qui 
viennent à l'appui de son assertion, et qui lui étaient échap- 
pés lors de la rédaction de sa première note. Ainsi, M. Sau- 
veur a cité, depuis, la nuit du 10 août 1836 , comme ayant 
fixé spécialement son attention par le grand nombre des 
étoiles filantes. 

M. Quetelet ajoute que, de son côté, il a retrouvé acci- 
dentellement, dans les registres de l'observatoire, l'indica- 
tion de deux faits semblables qu’il avait perdus de vue, 
parce que n’observant plus d’une manière réguliére les 
étoiles filantes, depuis plusieurs années, il n’annotait plus 
les apparitions de ces sortes de météores. Or, par une cir- 
constance singulière , les deux seules observations d’appa- 
ritions extraordinaires qui se trouvent consignées dans les 
registres de l'observatoire, appartiennent l’une au 10 août 
1834, et l’autre au 10 août 1835 ; la première est écrite de 
sa main (1) et la seconde par M. Mailly, attaché à l'observa- 
toire pour la partie des calculs. Les voici : 

«1834, 10 août. — Vers 2 heures du matin, un globe 
de feu a été aperçu s’élevant comme une fusée SSO. Dans 
la soirée, une étoile filante trés-brillante , direction NNO 
vers SO, partant à environ 80° au-dessus de l'horizon, 

s'éteint vers 30°; son éclat est à peu près aussi grand que 
celui de la lune qui est plus à l’ouest. Les étoiles filantes 


(1) M. Quetelet ajoute que c’est M. Plateau qui a le premier appelé 
son attention sur le grand nombre et la beauté des étoiles filantes de la 
nuit du 10 août 1834. 


an ds mit 
RÉ OS RÉ ns 


un TT 


5 ( 81 ) 
sont assez nombreuses. — 11, on voit encore beaucoup 
d'étoiles filantes d’un bel éclat dans la soirée. — 15, pen- 
dant les nuits précédentes et celle-ci, on continue à voir 
de trés-belles étoiles filantes. » 
« 1835, août. — La soirée du 10 au 11 a été remar- 
quable par un grand nombre d’éloiles filantes. » 


LECTURES. 


Géométrie. — L'académie adopte les conclusions du 
rapport suivant sur un mémoire de M. Stacquez, ayant pour 
objet la mesure des surfaces. Commissaires MM. Quetelet 
et Timmermans, rapporteur. 

« La méthode employée par l’auteur pour résoudre 
quelques problèmes de géométrie n’a rien de bien nou- 
veau, déjà on avait fait usage d’une manière beaucoup plus 
rationnelle de la méthode de la décomposition des surfaces 
en carrés, pour démontrer certaines propositions, entre 
autres les propositions relatives au carré de l’hypothénuse. 
D'ailleurs l’auteur ne paraît pas avoir remarqué que la 
coïncidence des angles de ses figures géométriques avec 
les points d’intersection de son treillis est une condition 
indispensable, et par conséquent cette coïncidence devrait 
d’abord être prouvée, tandis qu'il peut être démontré au 
contraire qu’en général cette coïncidence est impossible, 
ce qui réduit à peu de chose l'importance de la méthode à 
laquelle, d’ailleurs, on peut encore reprocher d’avoir con- 
duit l’auteur à la trisection de l'angle. Nous pensons en 
conséquence que le mémoire de M. Stacquez n’est pas de 
nature à devoir fixer l'attention de l'académie. » 


Analyse. — L'académie entend aussi la lecture du rap- 


(82) 
port suivant, sur un mémoire de M. Martynowski et décide 
que des remercimens seront adressés à l’auteur pour sa 
communication. Commissaires MM. Garnier et Pagani, 
rapporteur. 

« Le travail de M. Martynowski sur le développement 
des puissances d’un polynome indéfini et sur le dévelop- 
pement du logarithme du même polynome, quoique ne 
résolvant pas tout-à-fait le problème, ainsi que paraît le 
croire l’auteur, mérite cependant les éloges et les encoura- 
gemens de l’académie. M. Martynowski fait preuve de sa- 
gacité, et l’on voit par son mémoire qu’il possède bien la 
matière qu'il traite. Nous ferons d’abord remarquer une 
légère inexactitude qui lui est échappée en disant que le 
procédé dû à Euler repose sur la théorie des logarithmes, 
en ce que l’on dit différentier logarithmiquement une 
fonction au lieu de dire le quotient de la dérivée de cette 
fonction divisée par la fonction elle-même. M. Martynowski 
aurait dû voir que celte locution est une manière abrégée 
de s'exprimer que l'usage a consacrée, el qui est tout-à-fait 
indépendante de la propriété des logarithmes qui lui a 
donné naissance. 

Quant à la loi du terme général du développement du 
polynome (objet principal du mémoire), on sait depuis 
long-temps qu'elle dépend de la manière dont on doit 
former ce quel’auteur nomme les combinaisons de sommes 
égales. 1 est vrai de dire que M. Martynowski indique 
comment on peut avoir successivement ces combinaisons ; 
mais cela n'offre aucune difficulté ; et il nous semble que 
s’il avait donné un moyen sûr el expéditif pour former la 
combinaison de la somme égale à #, il eût enrichi l’ana- 
lyse et rendu son travail beaucoup plus intéressant. L’algo- 
rithme que propose M. Martynowski ne remplit pas ce but.» 


( 83 } 

Chimie. — M. Dehemptinne rend compte à l'académie, 
dans les termes suivans , d’une notice de M. le major Bavier, 
sur la fabrication du sucre de betteraves. 

« M. le major Bavier rappelle dans ce mémoire un 
procédé sur la fabrication du sucre de betteraves , publié 
par Frédéric Heusinger, dans un journal allemand. 

» Cet auteur, attribuant à la pelure de la betierave 
l'amertume du suc frais obtenu de cetle racine, attri- 
buant en outre aux maliéres visqueuses de sa pulpe la 
difficulté d’en isoler la matière sucrée, etc., croit obvier 
à ces inconvéniens, en faisant peler la betterave et la 
sécher à l'ombre après l'avoir coupée par tranches, pour 
en extraire la matière sucrée par l’eau froide. 

» Par ce mode opératoire, les fabriques pourraient re- 
tirer pendant toute l’année le suc de la betterave ; mais il 
reste à décider par l'expérience si le produit serait aussi 
abondant que par le travail ordinaire, et si la difficulté de 
la dessiccation n'offre pas des inconvéniens plus grands 
que ceux que l’auteur a voulu éviter. » 


— M. Martens communique les réflexions suivantes sur 
la notice de M. Leroy , présentée à la séance précé- 
dente, et sur laquelle il a été invité à faire un rapport 
verbal. 

« M. Leroy, en soumettant à la combustion lente, de 
l'alcool et de l’éther, d'après le procédé de Daniell, 
décrit dans le Journal de Physique de M. De Blainville, 
t. 88, p. 254, a également recueilli les produits de ces 
combustions et a reconnu, comme moi, que celui pro- 
venu de l'alcool est neutre et éthéré , et que celui fourni 
par l’éther est seul acide. M. Leroy n'a pas cherché à dé- 
terminer la composition de ces produits, comme je l'ai 


( 84) 
fait dans mon mémoire présenté à la dernière séance. 
D'ailleurs le procédé qu'il a suivi pour les obtenir n’est 
point neuf, et si je n'ai pas cru devoir le suivre, c’est que 


\ 


je l'ai trouvé irès-imparfait pour les raisons exposées 
dans mon mémoire. 

» Il me reste à dire un mot de l'observation principale 
de M. Leroy, et qui lui est propre, savoir : que la combus- 
tion lente de l’éther fournirait outre l'acide lampique 
ordinaire , une petite quantité d’un liquide huileux amer, 
acide, moins volatil que le liquide acide précédent et 
plus pesant que l’eau. Sur ce point, mes observations 
ne s'accordent pas a vec les siennes. De même que MM. Fa- 
raday et Daniell, je n’ai jamais obtenu en opérant avec 
de l’éther pur, qu'un seul liquide acide, très-fluide, 
sans mélange de matière huileuse. Je suis donc porté à 
croire que le produit huileux obtenu par M. Leroy, est 
provenu de ce qu'il a opéré probablement avec de l’éther 
du commerce, qui contient encore beaucoup d'huile 
douce de vin pesante, et qui, comme je l'ai reconnu, 
laisse ce corps huileux pour résidu, mêlé à de l'acide 
lampique, lorsqu'on le soumet à la combustion lente. 
Cette matière huileuse a du reste les caractères décrits 
par M. Leroy, de sorte que je suis porté à croire que son 
acide huileux n’a été que de l'huile de vin pesante, pro- 
venue de ce qu’il aura opéré avec de l’éther impur. » 


— Notice sur les caractères chimiques des chlorures de 
soufre, par M. le professeur Martens. 

& On sait que parmi les métalloïdes simples connus, 
sept sont principalement électro - négatifs , savoir : l’oxi- 
gène, le fluor, le chlore , le brome, l’iode , le soufre et le 
sélénium ; que ces substances électro-négatives , en s’unis- 


( 85 ) 
sant respectivement à des métalloïdes électro-positifs par 
rapport à elles, donnent ordinairement naissance à des 
composés acides, dans lesquels le corps électro-négatif 
doit êlre considéré comme principe acidifiant; de sorte 
qu'il faut admettre de nos jours sept classes d'acides mé- 
talloïdiques différens , savoir : les oxacides, les fluacides, 
les chloracides, les bromacides, les iodacides, les sul- 
facides et les sélénacides. L'ancienne division des acides 
en oxacides et hydracides ne saurait plus être main- 
tenue : 1° parce que la dénomination d’hydracides fait 
supposer que l'hydrogène joue le même rôle dans les acides 
hydrogénés que l’oxigène dans les oxacides , ce qui n’est 
pas, vu que l’hydrogène ne joue jamais le rôle de prin- 
cipe acidifiant ; 2° parce que nous connaissons des acides 
métalloïdiques qui ne renferment ni oxigène ni hydro- 
gène , tels sont les acides fluoborique, fluosilicique , chlo- 
rosilicique , etc. C’est d’après ces raisons que, depuis près 
de deux ans, j'ai embrassé dans mon cours de chimie la 
classification des acides précédemment indiquée. Par suite 
de cette manière de voir sur la nature des acides, j'ai été 
conduit à ranger parmi ces derniers corps plusieurs com- 
posés binaires qu’on a regardés jusqu'ici comme neutres 
ou indifférens. Ainsi les chlorures de phosphore, par 
cela même qu'ils ont la propriété de former des composés 
neutres avec l’ammoniaque qui est une base très-puis- 
sante, devront, d’après la définition généralement admise 
pour les composés acides, être rangés parmi cette der- 
nière classe de corps et recevoir les noms d'acide chloro- 
phosphoreux et chlorophosphorique. Mais si le chlorure 
de phosphore jouit de propriétés acides , il est naturel de 
supposer que le chlorure de soufre a fortiori, sera un 
composé acide, parce que le soufre étant plus électro- 


( 86 ) 

négatif que le phosphore, on doit présumer, d’après la 
théorie électro-chimique , que le chlorure de soufre sera 
plus électro-négatif et par suite plus acide que le chlorure 
de phosphore. Dans l'intention de vérifier cette induction 
de la théorie, j'ai entrepris quelques expériences dont Je 
vais avoir l'honneur de communiquer les résultats à l’aca- 
démie. 

» Les chlorures de soufre (proto et deutochlorure), li- 
quides ou en vapeur, rougissent vivement le papier de 
tournesol. On a long-temps attribué ce fait à l'humidité 
du papier ou de l'air, qui, décomposant le chlorure de 
soufre, le transformerait en acides chlorhydrique et sul- 
fureux ; mais il est facile de s'assurer qu’en faisant arriver 
de la vapeur de chlorure de soufre dans un flacon très- 
sec, en présence de papier de tournesol préalablement 
-desséché à une température au-dessus de 100°, celui-ci 
rougit vivement à l'instant même où il vient en contact 
avec la vapeur de chlorure de soufre. Ce fait seul ne se- 
rait pas concluant pour prouver le caractère acide de cé 
composé ; mais ce qui achève de dissiper tous les doutes 
à cet égard, c’est l’action du chlorure de soufre sur le 
gaz ammoniac. J'ai fait arriver du gaz ammoniac, préala- 
blement desséché, dans un ballon bien sec, contenant 
un peu de bichlorure de soufre pur, à l'instant même le 
ballon s’est rempli d’épaisses fumées et il s’est déposé sur 
ses parois , un composé particulier brunâtre et floconneux; 
tout le gaz ammoniac était absorbé, et il n’en sortait rien 
par le tube étroit dont se trouvait munie la tubulure du 
ballon, pour laisser échapper le gaz excédant ; en même 
temps le bichlorure de soufre, qui se répand en vapeur 
dans le ballon, finit par disparaître , en s’unissant à l’am- 
moniac, et au bout d’un certain temps, on ne trouve plus 


Fo. Cu voit séitte 


(87 ) 

à la place qu’un composé floconneux , brunâtre , très-léger, 
volalil, neutre au tournesol, et ayant une saveur salée 
trés-piquante, analogue à celle des sels ammoniacaux. 
L'addition de l'acide sulfurique concentré le décompose 
avec dégagement de vapeur de bichlorure de soufre, et il 
reste du sulfate d’ammoniaque. C’est donc un véritable 
composé salin de bichlorure de soufre et d’ammoniaque, 
auquel je donnerai le nom de chlorosulfate d'ammoniaque, 
et dont la composition peut sans doule être représentée 
par la formule CA°S, N°H5, d'après la manière dont il 
réagit sur les autres corps, ainsi que nous allons le voir 
tout à l'heure. 

» On peut aussi obtenir facilement ce chlorosulfate , en 
faisant arriver simultanément et par deux tubulures dif- 
férentes , dans un ballon bien sec, de la vapeur de bichlo- 
rure de soufre et du gaz ammoniac préalablement desséché 
par son passage sur de la chaux vive ; la combinaison des 
deux fluides élastiques se fait alors dans le bailon avec nn 
développement considérable de chaleur. Le phénomène 
est le même quand on substitue le protochlorure de soufre 
au bichlorure. Dans ce dernier cas, la chaleur produite 
lors de la combinaison, paraît même plus considérable. 
Le chlorosulfite d'ammoniaque ainsi obtenu est jaunâtre, 
tandis que le chlorosulfate a une couleur d’un brun 
pourpre foncé. 

» Examinons d’abord les caractères de ce dernier, que 
J'ai préparé en plus grande quantité et avec le plus grand 
soin. Le sel , au moment où on le retire du ballon où il a 


- été préparé, doit être promptement mis dans un flacon 


bien sec , bouché à l'émeril, si on veut le conserver intact. 

11 atlire l'humidité avec une avidité extrême, et lorsqu'on 

le laisse quelques instans à l'air, il s’échaufle comme un 
Tom, 1v. 7 


( 88 ) 

corps pyrophorique , fume fortement et dégage une quan- 
tité très-sensible d'acide sulfureux ; c’est qu’alors il se dé- 
compose par l'absorption de l'humidité et donne naissance 
à du chlorhydrate d'ammoniaque avec production de gaz 
sulfureux. Au bout de peu de jours d'exposition à l’air, 
sa décomposition est à peu prés totale; il a pris alors une 
couleur jaunâtre, de brun pourpre qu’il était auparavant, 
el se Lrouve réduit à l’état de chlorhydrate d’ammoniaque, 
mêlé d’un peu de sulfite ou d’hyposulfite d'ammoniaque 
et de soufre, qui retient fortement une certaine quantité 
de chlorosulfate non décomposé. Cette décomposition se 
concevra facilement , lorsque nous aurons examiné l’action 
de l’eau sur ce sel. 

» Action de l'eau. Le chlorosulfate d’ammoniaque se 
décompose instantanément lorsqu'on le dissout dans l’eau. 
Il se produit alors du chlorhydrate d’ammoniaque, de 
l'hyposulfite d’ammoniaque et de l'acide sulfureux, en 
même Lemps qu'il se dépose une certaine quantité d’un corps 
jaune brunâtre, mou, résiniforme , collant plus ou moins 
aux doigls, et qui n'est, comme je l’ai reconnu, que du 
soufre uni intimement avec un peu de chlorosulfate 
d'ammoniaque, et même, à ce qu'il m'a paru, avec un peu 
de chlorure de soufre, que les lavages répétés à l’eau ou 
à l'alcool ne peuvent lui enlever, et qui ne s’en sépa- 
rent qu’à une température d’au delà de 200°. L’eau dans 


laquelle on a délayé le chlorosulfate d’ammoniaque, sé- 


parée du précipité de soufre impur, dont il vient d’être 
question, présente un liquide d’une couleur jaunâtre, 
d’une acidité très-marquée, due à la présence de l’acide 
sulfureux qui s'y décèle par l’odeur et par le précipité 
qu'y forme l’eau de barite. Les sels de barite solubles ne 
précipitent point le liquide en question, il ne renferme 


DL pes 


( 89 ) 

donc point d’acide sulfurique; mais il précipite abon- 
damment par le nitrate d'argent, qui y produit un préci- 
pité blanchäâtre , passant promptement au brun, et enfin 
au noir ; ce changement de teinte se produit surtout très- 
rapidement lorsqu'on chauffe , et montre que le précipité 
est formé, au moins en partie, d'hyposulfite d'argent ; il 
contient aussi beaucoup de chlorure d'argent qui s’en 
sépare aisément à l’aide de l’ammoniaque qui ne dissout 
point le sulfure noir d’argent, provenu de la décomposi- 
tion de l’hyposulfite. L’acétate de plomb produit aussi 
avec l’eau dans laquelle on a dissout du chlorosulfate 
d’ammoniaque , un précipité blanc, noircissant lorsqu'on 
le chaufle à la température de l’ébullition du liquide. 
D'après ces réactions, il est clair que le chlorosulfate 
d’ammoniaque, traité par l’eau, a donné naissance à du 
chlorhydrate d’ammoniaque, de l’hyposulfite d’ammo- 
niaque et plus ou moins d'acide sulfureux. Cette décom- 
position est trés-bien représentée par la formule : 


CAS, N2H6 + H20 —CA2H°, N°H° + SO. 


L’acide hyposulfureux , que la formule indique comme 
libre, ne l’est point entiérement; il est uni à plus ou 
moins d’ammoniaque, probablement par l'effet d’une 
espèce de partage qui s'établit entre celte base, relative- 
ment aux acides présens d'après la loi de Berthollet. Au 
reste, l’acide hyposulfureux libre se décompose en acide 
sulfureux et en soufre, et de la ces deux produits résultant 
aussi de l’action de l’eau sur le chlorosulfate d’ammo- 
niaque. 

» L'alcool et l’éther dissolvent abondamment le chloro- 
sulfate d'ammoniaque. En employant de l'alcool anhydre, 
j'ai obtenu une solution d’un jaune foncé, qui s’altère 


( 90 ) 
promptement à l'air dont elle attire l'humidité et finit 
par laisser déposer du sel ammoniac; en même temps sa 
couleur s’affaiblit et elle finit même par devenir incolore au 
bout de quelques jours, ce qui annonce la décomposition 
du chlorosulfate par l’eau que la solution a absorbée. 

» Une solution récente et concentrée de chlorosulfate 
d'ammoniaque dans de l'alcool anhydre donne avec une 
solution aqueuse de nitrate d'argent un précipité blanc- 
jaunâtre tellement abondant, que quelquefois tout le li- 
quide se prend en masse. Ce précipité se fonce promptement 
en couleur à l’air, en dégageant de l’acide sulfureux, et 
finit par devenir complétement noir au bout de peu de 
temps ; il noircit subitement lorsqu'on le chauffe. Ges ca- 
ractères indiquent suffisamment qu’il renferme beaucoup 
d’hyposulfite d'argent. Ce dernier s'y trouve mêlé à du 
chlorure d'argent que l’on peut en séparer par l’ammonia- 
que après que tout l'hyposulfite a été transformé en sul- 
fure. L’acétate de plomb produit aussi dans la solution 
alcoolique de chlorosulfate d’ammoniaque un précipité 
blanc , qui devient noir lorsqu'on le chauffe jusqu’à 100°, 
Ces résultats s'expliquent aisément en ayant égard au mode 
de décomposition que le chlorosulfate doit éprouver par 
l’eau des solutions salines ajoutées. 

» Lorsqu'on ajoute de l’eau à une solution alcoolique de 
chlorosulfate d'’ammoniaque, ou lorsqu'on dissout ce sel 
dans de l'alcool aqueux, il se décompose aussi très-promp- 
tement avec produclion de chlorhydrate d'ammoniaque, 
qui se dépose en grande partie à raison de sa faible solubi- 
lité dans l'alcool, et d'acide hyposulfureux, qui finit par se 
transformer complétement en acide sulfureux avec dépôt 
desoufre entraînant en combinaison un peu de chlorosulfate 
d'ammoniaque ou de chlorure de soufre. Gette décomposi- 


tee RS did ds de. Mn. 


talent ah 


(91) 
tion et surtout la transformation de l'acide hyposulfureux 
en acide sulfureux, se font bien plus rapidement à chaud 
qu'à froid. 

» Eu égard à la grande affinité du chlorosulfate d’ammo- 
niaque pour l’eau, il était naturel de supposer qu'il pour- 
rait peut-êre à la longue déshydrater et éthérifier l’alcool; 
mais après avoir laissé de l'alcool anhydre pendant plu- 
sieurs jours en contact avec une quantité de chlorosulfate 
d’ammoniaque bien plus grande que celle qu'il pouvait 
dissoudre , le mélange se trouvant renfermé dans un flacon 
bouché à l'émeril, et l'ayant ensuite soumis à la distilla- 
tion , je n’en ai retiré aucune quantité appréciable d’éther; 
l'alcool était resté intact. 

» Le chlorosulfate d'ammoniaque dissous dans l’éther se 
décompose encore par l’intermède de l’eau comme la so- 
lution alcoolique, et se comporte de la même maniëére avec 
les solutions aqueusesde nitrate d'argent, d’acétate de plomb. 

» Le chlorosulfite d’ammoniaque, que l’on obtient trés- 
facilement neutre, en faisant arriver simultanément dans 
un ballon du gaz ammoniac et de la vapeur de proto-chlo- 
rure de soufre, n’attire pas aussi puissamment l'humidité 
de l'air et n’y exhale pas une odeur très-marquée d'acide 
sulfureux comme le chlorosulfate : aussi est-il plus stable, 
c'est-à-dire qu’il se conserve plus long-temps à l'air sans 
altération. Il se dissout entièrement dans l'alcool anhydre, 
et la solution devient laiteuse par l'addition de l’eau qui 
en précipite abondamment du soufre : le liquide filtré 
donne avec le nitrate d'argent un précipité brunâtre formé 
d'hyposulfite et de chlorure d'argent. Ces résultats s’expli- 
quent parfaitement en attribuant au chlorosulfite d’am- 
moniaque la composition CAS,N°H5, d’où 


2 CAS, N H6 + H°0 = Ch'H°, N H5 + SO,N'HS + 5. 


(92) 

» On sait que lorsqu'on verse du bichlorure de sonfre 
dans de l’ammoniaque liquide concentré, il y a une réac- 
tion très-vive avec développement considérable de chaleur, 
et il se forme, outre du chlorhydrate, du sulfate et du 
sulfite d'ammoniaque , un composé pourpre insoluble. Ce 
composé est analogue à celui qui se produit lorsque le 
chlorosulfate d’ammoniaque est décomposé par l’eau; car 
il est formé comme lui de soufre retenant un peu de chlo- 
rure de soufre ammoniacal en combinaison. Quant aux 
fumées pourpres qui se produisent en versant du bichlo- 
rure de soufre dans de l’ammoniaque liquide concentré, 
elles ne peuvent être attribuées qu’à la combinaison de la 
vapeur de bichlorure de soufre avec le gaz ammoniacal qui 
s'échappe de l’ammoniaque liquide employé, c’est-à-dire 
à la formation d'un peu de chlorosulfate d’ammoniaque 
dans l'air. Aussi ces fumées ne s’observent pas en opérant 
avec de l’'ammoniaque liquide faible. Il n’est pas étonnant 
non plus que dans cette réaction il se produise du sulfate 
et du sulfite d’ammoniaque, plutôt qu’un simple hypo- 
sulfite ; puisque par la haute température produite au mo- 
ment de Ja réaction, l'hyposulfite d’ammoniaque doit 
nécessairement se décomposer, au moins en partie, en 
sulfate et en sulfite d'ammoniaque. On observe un phéno- 
méne analogue en versant du bichlorure de soufre dans de 
l'alcool très-concentré ; ici encore la décomposition du 
bichlorure est accompagnée de beaucoup de chaleur, aussi 
se produit-il non-seulement de l'acide chlorhydrique, de 
l'acide sulfureux et du soufre , ces deux derniers résultant 
de la décomposition de l'acide hyposulfureux qui doit se 
former en même temps que l’acide chlorhydrique , mais il 
se produit encore une quantité assez sensible d’acide sul- 
furique, facile à reconnaître à l’aide des sels de baryte. 


den nb + Cas Le nr te om 


( 93 ) 

» Le bichlorure de souffre paraît constituer un acide très- 
puissant ; car ni l’acide nitrique ni l’acide chlorhydrique 
concentrés ne décomposent à froid le chlorosulfate d’am- 
moniaque, en-en chassant le bichlorure acide. L’acide sul- 
furique concentré produit seul cette décomposition et 
déplace entièrement l'acide chlorosulfurique. 

» Ce qui empêchera peut-être quelques chimistes de 
considérer avec nous les chlorures de soufre comme de véri- 
tables acides, c’est qu'ils ne peuvent se combiner avec les 
oxides alcalins et les neutraliser. Mais je ferai remarquer 
que cette propriélé négative leur est commune avec tous 
les acides non oxigénés, et est une suite de la loi générale 
qu’un acide ne se combine ordinairement qu'avec des bases 
métalliques à même élément électro-négalif. Cette loi en- 
trevue par l'illustre chimiste suédois n’est point, à la 
vérité, admise jusqu'ici par tous les chimistes ; mais quand 
on aura bien pesé tous les faits, on finira par l’inserire à côté 
des autres lois qui régissent les combinaisons des substances 
inorganiqnes. Je n’ai pas hésité d’après cela à la proclamer 
comme telle depuis plus d’un an dans mes leçons de chi- 
mie. Son admission résume du reste et explique une foule 
de faits isolés jusqu'ici dans la science, et répand un nou- 
veau jour sur l’histoire chimique des sels, qui devient 
ainsi beaucoup plus complète et embrasse une masse de 
corps qui, malgré leur grande analogie de composition 
avec les sels, n'avaient pu convenablement leur être assi- 
milés jusqu'ici, et dont on ne pouvait guère assigner la 
place dans le cadre chimique que l’on s'étail tracé des 
composés inorganiques. 

» Les chlorures de soufre constituant des chloracides, 
c'est-à-dire des acides dans lesquels le chlore est le principe 
acidifiant, ne peuvent, d’après la loi précédente, s'unir 


(94) 
aux oxides basiques ; ils ont cela de commun avec tous les 
acides non oxigénés. Ainsi les acides fluoborique et fluosi- 
licique ne se combinent pas non plus aux oxides ; mais ils 
neutralisent les flüures alcalins ou basiques, et forment 
avec eux des composés salins analogues à ceux que les 
oxacides forment avec les oxides. 

» Il paraît que les bases métalloïdiques ont cela de parti- 
culier, qu’elles peuvent neutraliser indistinctement les di- 
verses classes d'acides. Ainsi l’'ammoniaque neutralise les 
fluacides, les chloracides, les sulfacides, aussi bien que les 
oxacides ; il n’est donc pas étonnant qu'il puisse former un 
composé parfaitement neutre avec l'acide chlorosulfuri- 
que. Ce dernier acide a d’ailleurs une telle affinité pour lui 
qu’il décompose les carbonates ammoniacaux avec une vive 
effervescence d'acide carbonique, tandis qu'il est sans effet 
sur les carbonates des oxides alcalins , à moins qu’on n’a- 
joute de l’eau pour déterminer sa décomposition. » 


— L’académie reçoit ensuite communication d’une note 
de M. le professeur Van Mons , Sur Le radical organique 
universel reconnu dans la carbide et son oxide. L'auteur 
entend par carbide la combinaison d’un atome carbonne 
avec un atome hydrogène. Cette note sera insérée dans le 
prochain bulletin. 


Chimie. — Note sur l'emploi de la phloridzine, par 
L. De Koninck, agrégé à l’université de Liége. 


« Quoique l'académie ne s'occupe point de médecine, je 
me suis cependant cru suffisamment autorisé pour lui com- 
muniquer la présente note, par la question d'économie 
qu’elle renferme, non-seulement pour la Belgique, mais 
pour l’Europe entiére. 


2. 


RS RS SEE mn tn 


(55 ) 

» Lorsque, il y a un an, je présentai mon Mémoire sur 
les propriétés et l'analyse de la phloridzine, j'indiquai 
bien la propriété fébrifuge que je lui avais reconnue et que : 
j'appuyai même par quelques observations, mais je fus loin 
de prévoir les résultats auxquels on est arrivé aujourd'hui. 

» En effet, depuis lors, plusieurs praticiens distingués 
ont essayé son emploi, soit à ma demande, soit à la simple 
lecture de mon mémoire, et en ont obtenu les meilleurs 
résultats. Je citerai surtout MM. le professeur Vancoetsem 
à Gand , qui sur 28 cas de fièvre intermittente quotidienne 
ou tierce a obtenu 25 cas de guérison ; Colson, directeur 
de l’hôpital militaire de Gand , qui sur 12 observations en 
compte 10 de réussite (1); le docteur Vanleeuw, qui a 
réussi dans les 23 cas où il a employé la phloridzine; le 
docteur Le Roy à Versailles, qui en a obtenu les plus 
grands succés dans un très-grand nombre de cas; enfin le 
docteur Hanegraeff à Anvers, qui sur 122 cas n’a constaté 
que 7 à 8 non réussites. 

» Je pourrais encore augmenter cette liste, si je ne le 
croyais entièrement inutile. J’ajouterai cependant que dans 
tous les cas où j'ai administré moi-même la phloridzine, 
j'ai constamment réussi. Le nombre de mes propres obser- 
vations monte jusqu’aujourd’'hui à 42. Je ferai observer 
que les expériences les plus nombreuses ont été faites dans 
deux villes de notre pays, qui par leur situation topogra- 
phique fournissent annuellement le plus grand nombre de 
malades fiévreux, et où les fièvres sont constamment les 
plus rebelles; c’est ce qui a même valu à l’un des nombreux 


(1) Voyez Bulletin de la société de médecine de Gand, tom. IX, p. 108 
et suiv. 


(5% 
types, sous lesquels se présente cette maladie , le nom de 
fièvre des polders. Les fièvres quartes semblent résister 
plus fortement à l'emploi de la phloridzine que les quoti- 
diennes et les tierces. Cela ne doit point paraître étonnant, 
puisqu'elles résistent ordinairement aussi au sulfate de qui- 
nine el aux autres préparations fébrifuges. 

» L'efficacité de la phloridzine dans le traitement des 
fièvres une fois admise (et je pense qu'il ne peut plus 
exister de doute à cet égard), voyons quels sont les autres 
avantages que l’on peut retirer de son emploi. 

» La phloridzine existe en plus grande quantité dans 
l'écorce fraîche des pommiers que dans celle de tout autre 
arbre fruitier, d'où on pourrait également lextraire. C’est 
donc celle-ci qui mérite la préférence sur les autres. L’é- 
corce du tronc et des branches en contient également. Or 
cet arbre est indigène, croit même à l’état sauvage dans 
nos forêts et possède une croissance assez rapide. L’écorce 
de sa racine contient jusqu’à 5 p. ° de phloridzine, qui 
s’extrait par un procédé fort simple et peu couteux, in- 
diqué dans mon mémoire. Tous ces avantages permettent 
de la livrer avec profit au commerce, au prix de 3 francs 
l’once, en supposant qu’on l’extraie en grand, tandis que le 
surfate de quinine se paie 7 à 8 francs. Ce dernier produit 
n’a pas encore trouvé de fabricant dans notre pays, el nous 
en sommes encore tributaires de la France, ce qui fait 
refluer tous les ans des capitaux énormes vers ce pays, qui 
à son tour est obligé d’en renvoyer la plus grande partie 
au nouveau monde. 

» Par l'emploi de la phloridzine , nos capitaux ne sorti- 
raient non-seulement pas de l’Europe, mais resteraient dans 
notre pays, outre qu'il en résulterait un grand bénéfice pour 
les hospices et l'administration des différens hôpitaux du 


(949 

royaume, puisque , généralement, la dose de phloridzine 
nécessaire à la guérison d'une fièvre n’est pas plus forte que 
celle du surfate de quinine. Cette question d'économie a 
été trés-bien sentie par la commission des hospices d’An- 
vers, qui, à la sollicitation de M. lé docteur Hanegraeff, a 
ordonné à son pharmacien de préparer une grande quan- 
tité de phloridzine, et c’est par cette substance que se trai- 
tent actuellement tous les malades fiévreux qui réclament 
son secours. Outre les avantages pécuniaires, la phlorid- 
zine possède encore la propriété de ne point irriter l’esto- 
mac ni les intestins, et de ne pas causer les bourdonnemens 
d'oreilles et les congestions sanguines trop souvent occa- 
sionnés pas l'emploi du sulfate de quinine, surtout lors- 
que l’on est obligé de l’administrer à haute dose. » 


Météorologie. — Résumé des observations météorologqi- 

1 q 
ques faites à Louvain dans le courant de l'année 1836, 
par M. Crahay, membre de l'académie. 


Dans la nouvelle série des observations que j'ai com- 
mencée dans cette ville, je me suis proposé pour but prin- 
cipal de déterminer pour diverses époques de l’année les 
instans auxquels le baromètre atteint sa plus grande et sa 
moindre hauteur diurne. J'avais déja dirigé mes recher- 
ches vers ce point pendant les trois dernières années de 
mes observations à Maestricht, et les résultats ont montré 
qu’en effet pendant les six mois d'été le maximum arrive 
moyennement plus tôt, le ménimum plus tard que pendant 
les mois d'hiver. Ces observations ne comprenaient pas un 
nombre suffisant d'années pour que l’on pût en déduire 
les variations que ces instans éprouvent de mois en mois; 
et d’ailleurs les heures de ces observations n'étaient pas 
assez rapprochées des instans où les limites ont lieu pour 
qu'il fût possible d’en déduire ces derniers avec toute 


( % ) 

l'exactitude désirée; c’est pour ce motif que, dans la nou- 
velle série, j'ai fixé les observations du baromètre aux 
trois heures équidistantes : huit, neuf et dix du matin, et 
à celles de trois, quatre et cinq de l'après-midi. Les 
moyennes par mois, toutes corrections faites, se trouvent 
consignées dans le tabeau À ci-joint; j'y ai compris éga- 
lement le maximum et le minimum de pression atmos- 
phérique pour chaque mois. Mon absence , pendant le mois 
d’août et les dix premiers jours de septembre, a produit 
une fâcheuse lacune dans mon travail, de sorte que les 
moyennes ne comprennent que 10 273 mois de l’année. 

Il est évident qu'il faudra plusieurs années d’observa- 
tions avant que les irrégularités accidentelles dans la pres- 
sion se soient effacées en se compensant dans les moyennes, 
et par conséquent avant que la loi de la variation qu'é- 
prouvent, d’un mois à l’autre, les instans du maximum et 
du minimum, soit mise en pleine évidence. Etnéanmoins, 
la seule année 1836 fait dejà apercevoir cette variation 
quand on calcule les heures du maximum et du minimum 
par les moyennes hauteurs barométriques de trois en trois 
mois. C’est ce résultat que je présente ici; il faudra re- 
marquer que pour le troisième trimestre, j'ai dû me borner 
à prendre la moyenne du seul mois de juillet et des 20 der- 
niers jours de septembre. 


MAXIMUM DU| MINIMUM DU DURÉE 


TRIMESTRES. 


MATIN. SOIR, de l’oscillaton 


Janvier, février, mars . 111,223 3h,333 

Avril, mai, juin . 9,281 4,775 7,494 
Juillet, . .. . . septembre . 7,944 6,000 10,056 
Octobre, novembre, décemb. | 10,283 1717 3,434 


“rl 


(99 ) 
En établissant les calculs sur les hauteurs barométriques 
moyennes, prises de 6 en 6 mois, je trouve: 


MAXIMUM MINIMUM DURÉE 
à à de l’oscillaton 

SR MOIB d'été. Lave code 8h,917 4b,893 7,976 
Six mois d'hiver. . . . . 10,708 1,864 3,156 


Ces résultats viennent à l’appui de ceux que j'ai com- 
muniqués à l’académie l’an dernier : ils prouvent que dans 
notre pays, de même que dans le midi de la France, ainsi 
que Ramond l’a constaté, les instans du maximum arri- 
vent de meilleure heure, et ceux du minimum plus tard 
en été qu’en hiver. 

L'interruption que mes observations ont éprouvée est 
la cause que le tableau des températures est également 
incomplet, et que je ne puis en déduire les moyennes an- 
nuelles, Un des résultats les plus curieux à tirer des ob- 
servations thermométriques , c’est celui de la température 
moyenne de l’année, afin d’en faire la comparaison soit 
avec celle des années antérieures, soit avec celle des autres 
endroits ; mes tableaux ne s’y prêtent qu’à l’aide d’une hy- 
pothèse sur les moyennes du mois d'août et de septembre. 
Or, en supposant que dans ces deux mois elles aient été 
les mêmes que celles que m'ont offert mes séries d’obser- 
vations de Maestricht, savoir pour le mois d'août 17°,61, 
et pour celui de septembre 14°,80 au lieu de 11°,70 que 
donnent les vingt derniers jours; en combinant ces nom- 
bres avec les demi-sommes des maxima et des minima 
diurnes de mes tableaux de 1836, j'arrive à 9°,67, tandis 


(100 ) 


qu'a Bruxelles on a obtenu 10°,40, à Alost 109,0. Il ré- 
sulterait de là que la température moyenne de Louvain, 
dans la partie haute de la ville, est inférieure à celles 
de Bruxelles et d’Alost, et cependant les nombres que j'ai 
supposés pour les mois d’août et de septembre sont cer- 
tainement trop foris, car ils attribuent au mois d'août 
une température supérieure à celle de juillet, ce qui est 
le contraire de ce qui a lieu moyennement , et surtout de 
ce qui a eu lieu l’année passée; le mois de septembre a 
été généralement frais et humide. D'ailleurs le mois d’oc- 
tobre seul a fourni à Bruxelles et à Alost 12°, à Louvain, 
il n’en a donné que 10°,44. 

Une différence plus sensible encore se remarque dans 
les quantités d’eau tombées du ciel dans les trois villes ; 
et à cet égard la comparaison est plus exacte, puisque les 
eaux tombées pendant mon absence ont été soigneusement 
conservées afin que je pusse les jauger. La hauteur est de 
893 millimètres à Alost, de 824 à Bruxelles, et seulement 
de 745 à Louvain. Ce dernier nombre est inférieur à celui 
d’Alost de 148 millimètres, et à celui de Bruxelles de 79 
millimètres. Cette différence est due, sans aucun doute, 
à ce que les orages et les averses qui les accompagnent 
ont été rares à Louvain, pendant que presque partout ail- 
leurs en Belgique ils ont été assez fréquens l'été passé. 
Comme je n’habite cette ville que depuis un an, j'ignore 
si la circonstance d’être rarement visitée par les orages y 
est habituelle, et tiendrait peut-être à son exposition; le 
fait est que, non compté le mois d'août (à partir du 5), 
ni la première dixaine du mois de septembre, intervalle 
pendant lequel les orages ont été peu fréquens, nous n’en 
avons eu que six à Louvain, et trois fois seulement nous 
avons entendu gronder le tonnerre dans le lointain; à 


Es RS à 


(101) 


Bruxelles on a compté treize jours de tonnerre. Aussi est- 
il arrivé plusieurs fois que les journaux nous ont appris 
que de forts orages ont éclaté sur plusieurs points, pen- 
dant qu'a Louvain on n’en a guère rien ressenti. Je ci- 
terai en particulier le 1% mars où un fort ouragan a 
régné presque partout en Belgique , la foudre est tombée 
en plusienrs endroits accompagnée de grêle et de pluie. 
À Louvain, tout s’est borné à quelques coups de vent peu 
inlenses et on a aperçu quelques éclairs dans le lointain, 
du côté du couchant, sans entendre le tonnerre ; la quan- 
tité de pluie tombée était insignifiante. 

S'il est vrai que les orages se bornent souvent à de cer- 
taines localités, il arrive parfois aussi qu'ils éclatent 
presque simultanément à des distances considérables ; 
l'exemple de ce dernier cas s’est offert le 28 septembre : 
un orage accompagné de fortes explosions de tonnerre et 
d’une pluie abondante fondit sur Louvain à 3 heures et 
demie du matin, et, d'après les journaux, un orage éga- 
lement fort se fit sentir , à la même heure, non-seule- 
ment sur plusieurs points dans notre pays, mais même en 
France, à Compiègne, à Paris. 


({ 102 ) 


HAUTEUR MOYENNE DU BAROMÈTRE. 


MOIS. 


gheures | 9heures |10 heures| 3 heures | 4 heures | 5 heures 


du matin. |du matin | du mat. | dusoir. | dussoir. | du soir. 


Maximum absolu. 
Minimum absolu. 


mm mm mm mm 


e ; : mm mm 


mm, à . « UE, 


Janvier . . . . | 759,670 |759,922 760,077 | 759,115 | 759,151 |759,122 5 778,515 732,918 
Février . . . . 53,420 53,442 53,537 52,965 53,054 53,130 71,934 30,241 
Mars: + Se 6 50,232 50,342 50,336 49,701 49,578 | 49,553 69,317 26,217 
Avril." 55,808 55,964 56,058 55,694 55,611 55,664 63,527 37,970 
Mai &. Re 61,683 61,673 61,585 60,715 60,573 60,482 71,922 47,523 
Juin ee , . * 58,446 58,472 58,418 57,815 57,625 57,571 68,180 49,357 
JTE 59,032 59,009 59,012 58,577 58,491 58,358 78,358 42,893 
MONES: due ete » » » » » » » » 

Septembre. Aa 57,362 57354 57,268 56,926 56,953 57,049 66,408 44,335 
Octobre . . .. 56,328 56,463 56,482 56,160 56,262 56,457 70,476 36,048 
Novembre. .. 51,744 51,806 51,823 51,388 51,545 51,831 65,628 35,993 
Décembre , . . 55,067 55,171 54,328 54,390 54,412 67,943 34,317 


Moyenne des11 
mois 0. 2 


756,320 | 756,343 | 755,762 |755,749 | 755,785 769,292 | 737,983 


to ous où nn 


DATE 


DU MAXIMUM. 


mm 


45,597 | 2 à 10 h. m. 
41,693 [15 à 10 h. m. 
43,100 [18 À 7 hs. 
25.557 | 4à 51 s. 
24,399 |15 à 9 h. m. 
18,823 |27 à 9 h. m 
25,465 |31 à 5h. s. 
» » 
22,073 |[22 à 10 h. m. 
34,428 |20 à 10 h. m. 
59.635 | 94 8h. m 
33,626 |22 à 9 h. m 


31,309 


a) Les hauteurs barométriques sont corrigées de l'effet de la capillarité et réduites à zéro de température. 


D) Manquent les observations des5,6,7,8et9, | c) Manquent les observations du mois entier 


| d) Manquent le 10 pr 


DATE 


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Janvier , 


( 104) 


. 


Septembre 
Octobre. 
Novembre 
Décembre 


TOTAL DE L'ANNÉE. . 


de jours de pluie, del’ 


k eau tombéeen|de jours de ton-|de jours de brouil- 
de neige ou de 


S © À 


Ces brouillards étaient de l'espèce qui 


est accompagnée d’odeur de tourbe 
en combustion, 


Le tonnerre a éclaté au-dessusou dans 


la proximité de la ville de Louvain : 
en juin, le 16 et le 17 au soir ; le 19 
pendant l'après-midi; en juillet, 
le 22 après-midi; le 5 août vers 4 
heures du matin et le 28 septembre 
4 3 heures et demie du matin. 


Bulletin de L'Acadenue. Tome I. 


IBIS OLIVACEA ( Dubus) 


27 de grandeur naturtlle 
, 


Ornithologie.— Note sur l’Zbis olivacea. Ibis olivâtre 
par M. le chevalier Dubus. 


This facie cum fronte nudis nigris; occipite cristato ; plumis 
cristae longiusculis, supra violaceis , subius fuscis ; regione 
paroticé fuscescenti-fulvé ; collo et pectore ex fuscescenti-oli- 
vaceis; tergo et scapularibus olivaceo-virescentibus; abdo- 
mine obscurè bruneo-olivaceo ; uronygio tectricibusque caudae 
obscurè virescenti-cupreis; caudé, remigibus tectricibusque 
alarum majoribus nigro-violaceis ; alarum tectricibus mediis 
minoribusque nitidè viridibus in violaceum vergentibus ; 
rostro brunneo-rubescenti ; pedibus lividis. 


Le front est en partie couvert par un prolongement peu 
dilaté de l’arête de la mandibule supérieure. Une peau 
nue et noiratre couvre les joues, la région ophthalmique , 
lestempes, ei se termine en angle aigu derrière les yeux; la 
région parolique est fauve; l’occiput et la partie supé- 
rieure et postérieure du cou sont ornés d’une huppe de 
plumes longues, étroites, arrondies à l'extrémité, violettes 
au-dessus, d’un brun fauve en dessous; le sommet de la tête 
est brun-olivâtre ainsi que la gorge et le haut du cou; la 
partie inférieure du cou et la poitrine sont de la même 
couleur, mais toutes les plumes de ces parties sont mar- 
quées longitudinalement dans le milieu et bordées de brun 
fauve; le haut du dos, les scapulaires, les flancs et l’abdo- 
men sont d’un olivâtre bronzé; le bas du dos et les couver- 
turessupérieuresetinférieures de la queuesont d’un verdâtre 

« foncé; la queue, les rémiges et les grandes couvertures des 
À ailes sont violettes ; les moyennes et les petites couvertures 
“sont d’un vert métallique très-brillant; le bec, qui est proba- 
« blement rouge dans l'oiseau vivant, est brun rougeâtre , et 
. les pieds sont d’un brun livide. 


( 106 ) 

La longueur totale de cet ibis, depuis la pointe du bec 
jusqu’au bout de la queue, est de 67 centimètres; le bec a 
depuis la commissure jusqu’à la pointe 11 centimètres, la 
partie nue du tibia 3 centimètres , le tarse 7 centimètres 


et le doigt du milieu , sans l’ongle, 6 centimètres. 
Il habite la côte de Guinée. 


Mollusques.— Histoire naturelle et anatomie du sys- 
tème nerveux de genre Mxruina, par F. Cantraine. 


« L'expérience nous apprend chaque jour combien une 
détermination rigoureuse des espèces est indispensable en 
zoologie : il importe d'autant plus qu'une telle détermina- 
tion soit philosophique et repose enfin sur des données 
physiologiques et anatomiques exacles , que cette branche 
des sciences physiques est appelée par ses sœurs comme 
auxiliaire. Dans les syslèmes, on ne s'aperçoit pas de l’im- 
portance de ce point ; le nombre des espèces augmente, 
quelques genres ou sous-genres se trouvent créés et le mal 
se borne là : dans l'application il n’en est pas de même, et 
l'on a vu qu’une espèce mal déterminée et dont les habi- 
tudes n’ont point été bien étudiées, peut arrêter la marche 
de la science et porter ceux qui la cultivent à douter des 
vues grandes et justes qui les guidaient. Dans ce cas se 
trouve une espèce de mollusque, qui vit dans les eaux 
douces d’une grande partie de l'Europe, et qui fut décrite 
un peu confusément par Pallas, sous le nom de Mytilus 
polymorphus. 

» Pallas , lorsqu'il commença ses voyages, pouvait pos- 
séder les notions que l’on doit s'attendre à trouver dans un 
homme chargé d’une mission aussi importante, sans avoir 
pourtant des connaissances profondes sur toutes les parties 


( 107 ) 

dont il s’occupait : il pouvait méme avoir une excellente 
théorie et nous donner pourtant, dans les commencemens 
de l'application de cette théorie, des résultats plus ou moins 
équivoques. Bien des naturalistes célèbres ne feraient pas 
mieux, si on les éloignait de leur bibliothèque et si on les 
obligeait à s'occuper pratiquement des trois règnes de 
la nature. Le génie de l'homme n’est pas assez parfait 
pour embrasser une telle immensité, à moins qu’il ne 
veuille tout effleurer. En outre, il est bon d'observer que 
Pallas visita en 1769 la Mer Caspienne et le Volga où il 
découvrit ce mollusque : c'était donc la premiére année 
de son apprentissage et âgé d'à peine 28 ans, âge bien 
tendre pour que l'on puisse en attendre un tact et une phi- 
losophie parfaits , surtout si l’on considère l'état des 
sciences à celle époque. Malgré toutes ces considérations 
que l’on aurait pu faire, c’est pourtant de cette époque 
que date le préjugé de l'existence d'une moule qui vivrait 
indistinctement dans l’eau salée des mers et dans les eaux 
douces des fleuves. Un tel mollusque, vivant dans des mi- 
lieux si différens, excita avec raison l'attention des natu- 
ralistes, et fit douter chez les géologues de l'importance du 
caractére fourni par les coquilles fossiles pour la détermi- 
nation des terrains. 

» Cependant dans la préface de l’appendice des Voyages 
de Pallas (1) rédigé par Lamarck, ce savant, dont l'œil pé- 
nétrant ne se laissait pas facilement éblouir, émit ses doutes : 
sur les déterminations et les observations du voyageur russe, 
surtout à l'égard des mollusques : Quand on a peu d’u- 


(1) Traduction française, 8 vol, in-8o, ct atlas, Paris , an 2 de la répu- 
blique ; vol. VIIL, pag, 4. 


( 106 ) 

sage de voir et de déterminer des espèces, dit le natu- 
ralisite français (1), on croit souvent ne voir que peu 
d'objets différens dans les lieux mêmes qui en sont abon- 
damment remplis. Et à la note au bas de la même page : 
Le professeur Pallas a vu dans la Daourie et dans d'au- 
tres provinces de la Russie fort éloignées d'Europe, des 
coquilles de plusieurs rivières de ces contrées. Il les a né- 
gligées, les prenant pour ce qu’il appelle des moules... 
il voyait peut-être sans s’en douter de nouvelles espèces 
fort intéressantes et fort remarquables par leurs carac- 
tères. Jusqu'ici Lamarck ne fait que compatir au peu d’ex- 
périence de Pallas et avertir que.ses relations doivent être 
consultées avec circonspection. Plus loin, pag. 211, il ajoute: 
Pallas rapporte ici à la même espèce une moule marine 
et une moule d’eau douce que je présume fort devoir être 
distinquées au moins comme espèce, si toutefois elles sont 
véritablement du même genre. 

» Ces passages devaient porter les savans à résoudre cette 
difficulté dont Ja solution était si importante pour la géolo- 
gie ; car c'était sur l'existence d'une moule observée dans 
les collines de Weïissenau que reposait un des plus forts 
argumens qui furent opposés à l'opinion du baron De 
Férussac sur l’origine lacustre de ces collines (2). Malgré 
ces averlissemens et ces réflexions de Lamarck, la chose en 
demeura là jusqu’à cette époque où M. Van Beneden fit 
connaître plus amplement le mytilus polymorphus qu'il 
érigea en genre, mais sur lequel il ne fit que répéter ce 
que dit Pallas qu’il n’a pas compris, ajoutant que c’est 


(1) Traduction française , vol. VIII, pag. 4. 
(2) Baron De Férussac,! Mémoire de la société d'histoire naturelle de 
Paris, vol. I, pag. 144. 


( 109 ) 
peut-être un exemple unique dans l’histoire des mollusques 
d’'habiter des contrées et des milieux si diflérens (1). 

» Cependant il suffit de lire la diagnose que donne Pal- 
las pour se convaincre qu’elle se compose de deux parties, 
et qu'il y est question de deux espèces distinctes. La 
voici : « Mvrizus pocyuorpaus. Marinus ad summum 
» mole nuclei pruni, marino eduli oblongior; valvulæ 
» præsertim versus nates magis carinatæ , latere incum- 
» bente planiusculæ atque excolores , superiore verd parte 
» circulis gryseo fuscis, undulisve variæ. Nates acutis- 
» simæ, subdeflexæ. Fluviatilis, sæpe quadruplo ma- 
» jor, subfuscus, latior ; valvulis exacte semiovatis , 
» argute carinalis, latere incumbente plano-excavatis : 
» natibus acutis, deorsum inflexis. Cavum commune testæ 
» versus nates obsolele quinqueloculare, dissepimentis 
» brevissimis (2). » Pallas y établit d’abord cette distinction 
marinus et fluviatilis, et l'on voit que les caractères qu’il 
assigne aux individus fluviatiles ne conviennent nullement 
aux individus marins : premièrement, il y a la taille de l’es- 
pèce fluviatile sæpe quadruplo major ; puis la conforma- 
tion de la partie apicale de la cavité : cavum commune 
testæ versus nates obsolete quinqueloculare, caractère im- 
portant qui seul suffit pour établir la séparation. Si les deux 
cloisons dans chaque valve qui ont valu le caractère quin- 
queloculare n'existent que dans les adultes, on en rencontre 
pourtant toujours une très-prononcée dans le jeune âge. 


(1) Van Beneden. Mémoire sur le Driessena , présenté à l’académie de 
Bruxelles dans la séance du 17 janvier 1835, et imprimé dans les Ann. 
des sciences naturelles , avril 1835. 

(2) Pautas, Voyages. Traduction française, édit. in-4o, Paris 1788, 
vol. T, pag. 740, no 91, Même ouvrage in-80, p.210, no 5283. 


( 110 ) 

» D'après cette analyse, on voit que Pallas a réuni, sous le 
nom de mytilus polymorphus, deux espèces qu’il a très- 
bien circonscrites dans la diagnose, dont la première partie 
regarde une espèce marine très-voisine de la petite moule 
nommée par Poli mytilus minimus , dont elle a la taille 
et la forme; la seconde partie appartient à une coquille 
uniquement d’eau douce, qui vit dans plusieurs fleuves, 
rivières, canaux et lacs de l'Europe, analogue à la moule 
observée par Férussac dans les collines de Weïssenau, et 
qui constitue un genre très-différent des vraies moules par 
la conformation de l’animal. C'est donc à tort que l’on a 
avancé à plusieurs reprises que ce mollusque habite in- 
distinctement les eaux douces et salées. Je puis assurer d’a- 
près mes observations qu’il ne souffre pas l'eau salée, car 
quoique excessivement commune dans le lac de Harlem, 
dont elle couvre les pierres , les pieux et les écluses, et dans 
les canaux aboutissant au Rhin près de Leyde, cette co- 
quille ne se montre plus, dans le Rhin, dans les endroits où 
l’eau de la mer arrive lors des hautes marées. 

» On pourrait faire une objection pour soutenir l’iden- 
tité de la moule du Volga et du Jjaïk avec celle de la Mer 
Caspienne. Guthrie (1) dit que l’eau de cette mer est douce 
sur les bords, et n’est salée qu’au centre; donc rien ne s’op- 
pose à ce que cette moule vive sur les bords de celte mer 
comme dans les fleuves qui y portent leurs eaux. Cet argu- 
ment serait bon si la donnée de Guthrie était exacte ; mais 
on a tout lieu de la révoquer en doute, car Pallas dit, 
pag. 678, vol. I de l’édition in-4° : L'eau de ce golfe (le der- 
nier de Strelezkoï) est déjà très-salée ; et pag. 681 , toutes 


(1) Guthrie, Aërégé de la nouvelle géographie universelle, Paris 1813, 
pag 776, ‘ 


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Bulletin de L'Academre 


Tome IV 
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Systéme nerveux du Mytilina Poly morpha. 


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les pierres de l’ile (Kamenoï) sont garnies d’une moule 
(Mytilus polymorphus) dont j'ai parlé en divers endroits. 
Ce qui prouve que la salure de la Mer Caspienne est très- 
grande dans une localité encore dépendante du Jaïk, par 
conséquent plus rapprochée de la source de ce fleuve que 
l'île de Kamenoï, qui est dans la Caspienne. Un simple 
coup d’œil jeté sur la carte de cette mer suflit pour s’assu- 
rer de l'exactitude de ces citations. 

» Le nouveau genre comprenant le Mytilus polymorphus 
et les autres coquilles dont l'animal a les bords du manteau 
réunis, et qui ont le port des moules, fut établi par nous, 
en 1834, dans une lettre à M. Quetelet. Nous lui avons 
donné le nom de Mytilina , afin d'indiquer les rapports 
que la coquilie présente. Nous n’en connaissions que deux 
espèces; la première des fleuves d’une grande partie de 
l'Europe, et identique avec le Mytilus polymorphus flu- 
viatilis de Pallas : la seconde nous l'avons trouvée en 1828 
dans les terrains tertiaires du Siennois; depuis, nous en 
tenons de l’obligeance de notre estimable collègue M. Kickx 
des individus vivans. 


Myrixina. N. 


Testa æquivalvi, longitudinali , bysso affira , loculari ; dissepi- 
mentis duobus aut quatuor; cardine sub edentulo. 


Animal Mytilinas inhabitans Myrocæa Poli. — Corps rhom- 
boïdal allongé, terminé en arrière par deux tubes rudimen- 
taires ou foraminiformes; une fente médiocre à la partie an- 
térieure etinférieure du manteau pour donnerpassage au pied 
et au byssus. — C'est une conformalion très-analogue à celle 
de l'animal du Donax rhomboides. Poli(1) (Byssomia. Cuv.) 


» Les Mytilomyes ne sont pas les senles coquilles bivalves 


(1) Poli Testacea utriusque Siciliæ. Parmæ, 3 vol. in-fol., vol. 2, p.81, 
tab, XIV, fig. 16 


(" HIS) 
dont la cavité apicale soit divisée par des cloisons ; on 
trouve dans le genre Mytilus des espèces qui présentent la 
même conformation. 

» Le Mytilus bilocularis Linn., par exemple, dont le 
port Lotal est si ressemblant avec celui de l'espèce type des 
Mytilomyes, ne peut être rigoureusement déterminé sous le 
rapport générique qu’à l’aide des impressions musculaires 
postérieures. Dans cette moule, l'impression du muscle ré- 
tracteur est enclavée dans celle du muscle transverse, et 
bordée en arrière et supérieurement par elle : dans les 
Mytilomyes ces impressions sont distinctes et ont toutes 
deux une forme oblongue. Quant à l'impression du muscle 
transverse antérieur, elle est la même dans les deux espèces 
et se voit sur la cloison. 

» Le système nerveux des Mytilomyes consiste en 4 gan- 
glions, ou trois paires dont deux soudées. Nous l'avons 
étudié avec soin surle Mytilus polymorphus Pall. (Voyez 
la planche.) 

» Les deux ganglions antérieurs ou la paire céphalique « 
sont supérieurs à l’œsophage, quoique placés à la commis- 
sure des lèvres: un filet nerveux assez épais et caché dans 
la lèvre supérieure , joint ces deux ganglions entre eux. 
En outre , de chacun d’eux sortent six nerfs: 

» 1° Un nerf qui va en avant , donne une petite branche 
au muscle transverse (adducteur) antérieur, se reporte en- 
suite en arrière et en bas pour longer le bord musculeux 
du manteau. 

» 2° Un nerf beaucoup plus fin qui, d’abord parallèle au 
précédent, se perd bientôt dans le manteau. 

» 3°, 4° Deux petits nerfs qui vont aux tentacules labiaux. 

» 5° Un nerf assez fort qui entre en tortillant dans la 
masse du foie en allant en haut et en arrière ; il en sort tout 


( 115 ) 
près du côté intérieur de l’orifice des ovaires : depuis là, 
appliqué contre la paroi inférieure du manteau, il converge 
avec son congénére pour se joindre au ganglion posté- 
rieur. 

» 6° Un nerf un peu moins fort qui perce la base du 
muscle rétracteur antérieur du pied, glisse entre ce muscle 
et le foie vers la base du pied, où il se met en contact avec 
le ganglion pédieux. 

» Le ganglion pédieux ou moyen d, semble formé de deux 
ganglions soudés ensemble; il est placé à la base antérieure 
du pied, et les trois paires de nerfs qui en sortent, embras- 
sent celte base à différentes hauteurs pour se disperser 
dans les muscles du pied. 

» Le ganglion postérieur g, est situé sur la face infé- 
rieure du muscle transverse (adducteur) postérieur. Il est 
plus grand que les autres et plus large ; il est bien inférieur 
au tube intestinal, quoique placé plus haut dans le corps 
que les ganglions céphaliques. Il émet quatre paires de nerfs. 

» 4° La première paire est contenue dans l’espace qui 
reste entre les deux nerfs qui vont en avant se joindre aux 
ganglions céphaliques. Je n’ai pu les suivre que jusqu'où 
le canal intestinal entre dans le dos de manteau. 

» 2° La paire de nerfs qui vont joindre les ganglions 
céphaliques. 

» 3 Plus en dehors, il y a une paire de nerfs assez forts 
qui vont aux branchies : le nerf va d’abord en avant , se 
recourbe ensuite en arrière pour monter le long du bord 
postérieur des branchies. 

» 4° Une paire de nerfs qui vont en divergeant en arriére 
jusqu’au bord postérieur du muscle transverse postérieur ; 
à côté de l'anus chaque nerf se divise en trois branches 
dont la plus épaisse se continue en arrière, et aprés avoir 


( 114) 
donné un filet au muscle transversal du trou anal du man- 
teau , elle va se perdre dans les fibres circulaires qui entou- 
rent le siphon destiné à la respiration. 

» La seconde branche court en dehors de la précédente 
parallèlement à elle, elle va plus loin : peut-être va-t-elle 
à la rencontre du premier nerf du ganglion céphalique. La 
troisième branche se courbe tout court autour du bord 
postérieur du muscle transverse postérieur, rampe dessus à 
côté du rectum en avant; elle se perd bientôt. 

» Ce genre doit être placé dans la cinquième famille des 
acéphales de Cuvier, dans le voisinage des Byssomies. 

» Les espèces appartenant au genre Mytilina sont : 


1o Myrraina pocymerpna. Nob. 


M Testà loculuri, levi, postice compressa; valvis carinatis, latere 
incumbente plano-excavutis ; natibus acutis deorsum énflexis. 
ApuuTe. Testa quinqueloculari ,olivaceo-fusca. 
Pallas, Voyages, trad. fr. édit. in-4° vol. I, pag. 740, no 91. 
ae — — in-8° vol, VITE, pag. 210. 
Linn. Gmel, Systema naturæ, édit. 13a, pag. 3363, no 57. 
Jeuxe ET Moiex Ace, Testa triloculart, superne olivaceo aut z0- 
nula autvariegata. 
Myrius rorymorpuus, Schroter, Flussconchyl , pag. 197. 
— — Einleit, II, pag. 471, no 57. 
— Georgi, Gecgr des Rossis. Reichs. IV, 
pag. 2207. 
— Eichwald, Zoolog., I, pag. 286. 
— Sowerby, Gener. of Schells , genre Mytilus , 
fig. 4. 
— Sowerby, Zoolog. journal, T, pag. 584 
— Menke , Synopsis moll., pag. 105. 
Miruvs Hacenu. Baer, Progr de Mytilo, année 1825. 
— —  Tsis , année 1826, pag. 525 
— —  Kleeberg, Mol. Loruss., pag. 36, n° 2. 
—  E FIUYI0 VorGa Chemn Conch cab. XI, pag. 256, tab, 
205, fig. 2028. 


RS, un St ne do D a 


(115) 


Myrius vOLGENSis , Gray, An 0f Philos. 
— — Wood, Zndex testac., supplém., pag. 8, n° 6, 
pl. 11, fig. G(optim.) 
— ?srarnu, var L, Basterot, Sur les terrains de Bordeaux. 
— xanearTus, Waardenburg {non Lam.) Mollusca belgica , 
pag. 38 
—  Anca, Kickx, Description d’un nouveau Mytile, in-&, 
Bruxelles 1834. 
Daressewa rocymoreuus. Van Beneden, Magasin de Zoologie, (Bulle- 
tin de Zoologie de Guerin) 2me livraison, 
pag. 44, année 1835. 
— roiYmorPHA, Van Beneden, Bulletin de l’Académie de 
Bruzxelles,ann 1835, pag 25. 
— — Van Beneden, Bulletin de l’Académie de 
Bruxelles, pag. 44. 
— — Van Beneden, Annales des Sc. naturelles, 
avril 1835, avec figures. 
Frooconta ememmTzu, Rossmassler, Jconographie, 1 cahier 1835, 
pag. 113, pl. IT, fig. 69. 


» Cette coquille n’est pas aussi inconstante dans ses formes 
que le qualificatif qui lui fut donné, pourrait le faire 
croire. Toujours elle adopte la forme sémi-ovale-trigone, 
toujours aussi le plan ventral est presque droit dans le sens 


de l’épaisseur, arqué ou sinueux dans le sens de la longueur 


et limité de chaque côté par une carène , bien prononcée 
dans tous les âges, qui va du sommet au bord postérieur : 
vers le milieu de ce plan, les bords des valves laissent 
entr'eux une ouverture pour le passage du byssus. Toute 
la surface de la coquille est marquée de stries d’accrois- 
sement. Les crochets sont aigus et la valve gauche présente 
à son limbe apical inférieur une espèce de dent lamelleuse 
qui est reçue dans une cavité de l’autre valve. Intérieure- 
ment on observe aussi à la région apicale deux lames septi- 
formes verticales, dont la plus grande donne attache au 
muscle transverse antérieur : les jeunes et les moyens in- 


( 116 ) 

dividus n’en ont qu’une. L'impression palléale est entière; 
à la région dorsale postérieure, on voit les impressions 
musculaires qui sont fort grandes. Tout l’intérieur est d'un 
blanc bleuâtre, cependant dans les individus observés par 
Baer, loc. cit. , il était violet. Extérieurement les adultes 
sont d’un brun olivâtre irrégulièrement nuancé; les jeunes 
et ceux d’un âge moyen sont d’un gris jaunâtre marqués de 
zones concentriques irrégulières olivätres, et souvent, à la 
région dorsale, on voit des zigzags de la même couleur; 
dans ces individus , on remarque ordinairement un rayon 
plus ou moins interrompu, d’un gris jaunâtre qui va du 
sommet au bord postérieur. Le plan ventral ou inférieur 
est d’un gris jaunâtre plus ou moins coloré de brun. Les 
plus grands individus que je recueillis, ont les dimensions . 
suivantes : 

» Long. 16 lignes, hauteur 8, épaisseur 9 172. 

» Il est étonnant que tant de conchyologistes aient écrit 
sur le Mytilus polymorphus de Pallas et qu'aucun d'eux 
jusqu’à ce jour n’ait fait attention au caractère quinquelo- 
culare, que le voyageur russe assigne à son espèce et qui 
est propre aux adultes, 

» Celte espèce vit dans les lacs et rivières d’une grande 
partie de l’Europe; elle préfère les caux limpides et peu 
agilées. Elle a aussi été trouvée dans la Gêéete, près de 
Jodoigne. 

» On la rencontre à l’état fossile, à Düren entre Aix-la- 
Chapelle et Cologne , à Klein Spauwen prés de Tongres, 
dans'les collines de Weissenau , dans les terrains de Bor- 
deaux (?) et dans d’autres localités. 

» Le gammarus pulex est son ennemi; il en fait une 
grande destruction; 7’oy. Georgi, loc. cit., pag. 2207. 


(41h) 


20 MyTiLiNa cocuLeaTA. Nob. 


M. Testa oblongo-angusta, leviter arcuaté aut modioliformi , lutea, 
fusco nebulata; valvis tumidiusculis; septo apicali postice unidentato. 
Myrius cocazearus, Kickx. Nyst. Zulletins de l’Académie de Bruxelles, 
vol Il, pag. 235, avec fig. 
—  Brardii Brongn., Mémoires sur les terrains du Vicentin, 


pl. 6, fig. 14. 


» Cette espèce a une forme ovale-oblongue, quelquefois 
légèrement arquée ; sa surface est marquée de siries con- 
centriques ou d’accroissemens, que l’épiderme fait paraître 
lamelleuses. Une ouverture à la région ventrale antérieure 
pour le passage du byssus. Les valves sont bombées sans 
carêne; la gauche porte à son bord inférieur, comme celle 
de l'espèce précédente, une dent lamelleuse apicale qui se 
loge dans une cavité de la valve opposée. La cloison apicale 
est unique ; elle est muuie d’un appendice en forme de 
cuilleron ou de dent triangulaire lamelleuse, placé du 
côté du bord supérieur. L’impression palléale présente en 
arrière un sinus bien marqué. Le fond de la couleur est 
gris ou gris jaunâtre ; les adultes sont fortement teints de 
brun distribué par larges bandes irrégulières; dans les 
jeunes individus ces bandes sont noirâtres et à la région 
dorsale on voit des zigzags de la même couleur : un rayon 
blanchätre, souvent interrompu, va du sommet au bord dor- 
sal postérieur. La région ventrale est ordinairement d’un 
gris jaunâtre. L'intérieur est d’un blanc de nacre.—Long. 8 
lignes, haut. 4, épaiss. 3 174 (1). 

» Cette espèce a été trouvée dans le deuxième bassin du 
port d'Anvers, où elle abonde sur les pieux, les radeaux, 
la carêne des bâtimens, se fixant par un byssus peu 


(1) M Nyst, /oc. oit., dit cette coquille inéquivalve. Nous ne pouvons 
partager sa manière de voir. 


( 118 ) 

soyeux : il paraît qu’elle y fut apportée vers la fin du règne 
de Napoléon. Elle s’y est bien acclimatée et vit dans l’eau 
légérement saumâtre de ce bassin (nous en ignorons le 
degré de salure); d’où fut-elle apportée ? Tout porte à croire 
que jadis elle était bien répandue, vu qu’à l’état fossile 
elle existe dans beaucoup de localités. Je la trouvai à Sienne 
hors la porte Ovile dans de l'argile bleue : M. Brongniart 
Va rencontrée dans le Vicentin et mon savant collègue, 
M. Kickx, m'en a montré des individus recueillis à Düren, 
et à Klein Spauwen. A Sienne et dans les dernières loca- 
htés, elle se trouve dans un terrain d’eau douce en société 
avec des Paludines. 

» Nous avertissons les géologues que le Balanus miser 
Lam. peut s’habituer à l’eau saumâtre, puisqu'on le trouve 
aussi dans le deuxième bassin d'Anvers avec le Mytilina 
cochleata; c'est la seule coquille marine vivante que jy aie 
trouvée. 

» Ici se termine le travail dont je m'étais occupé en 1834; 
je le publie non pour revendiquer l'honneur d’avoir le pre- 
mier assigné au Mytilus polymorphus Pall., la place qu’il 
doit occuper dans les systèmes , mais pour le faire connai- 
tre tel qu’il est sous les rapports historique , anatomique et 
zoologique. M. Van Beneden a entrepris, vers la même 
époque, et a publié un travail sur le même sujet (1), La fin 


(1), A la dernière séance de l’académie M. Van Beneden a rectifié une 
partie des erreurs qu’il avait commises dans son mémoire, surtout celles 
qui se trouvaient dans l’exposition du système nerveux. L'auteur, qui 
dans sa première publication avait décrit le ganslion moyen ou pédieux 
sans l’avoir connu , le décrit ici avec plus de précision : cependant il s’y 
sert encore de l’expression collier nerveux, quoique nous ayons démon- 
tré dans la séance du 2 juillet dernier qu’un tel collier n’existe pas dans 
les Bivalves. Voy. Pulletins de l’académie, vol AT, pag. 245. 


( 449) 

de son mémoire contient la description d'une espèce de 
Mytilina, à laquelle il donna le nom de Driessena africana : 
la diagnose qu’il en donne est ainsi conçue : Coguille 
oblonque ; crochets arrondis ; bord inférieur droit sans 
échancrure ; surface extérieure régulièrement feuilletée 
parcourue par deux petites crètes longitudinales. Je n'ai 
pas vu cette coquille qu'il dit être du Sénégal , mais d’a- 
près la figure qu’il en donne et l'analyse du système ner- 
veux, nul doute que ce ne soit une espèce de ce genre voi- 
sine du pol{ymorphus. La cloison sous le crochet à son bord 
libre légèrement sinueux (1). | 

Nous finirons en avertissant que les diagnoses des deux 
genres Trichogonia et Driessena , manquent au principe 
philosophique sans lequel une définilion ne vaut rien : 
Definitio omni et soli definito conveniat. La diagnose du 
premier genre ne convient qu'au Mytilus polymorphus 
Pall. et aux espèces dont les valves sont carénées; celle du 
second genre ne convient qu’au jeune âge du Mytilus poly- 
morphus, el aux espèces qui n’ont qu’une cloison apicale : 
elle correspond au 2%° groupe établi par Rang dans le 
geure Mytilus. (Manuel, etc.) 


(1) Aprèsavoir, dans son mémoire, figuré la cloison apicale du Dréessena 
africana comme analogue à celle du Mytilus polymorphus , il dit à la 
séance dernière que la saillie ou cuilleron observé dans le Mytilus coch 
leatus, Kickx, se retrouve aussi dans le Driessena africana. Xl donne en 
méme temps la diagnose d’une nouvelle espèce de Driessena. Coquälle 
oblonque plus haute qu’épaisse, finement striée à l'extérieur. Son inté- 
rieur d’un bleu foncé. Une espèce établie sur la couleur de l’intérieur 
nous semble mériter confirmation. (Sa description nous paraît faite sur un 
individu malade.) 


Tom. 1v. 9 


(120) 


EXPLICATION DE LA PLANCHE, 


a. Ganglion céphalique gauche. 
7 | Tentacules labiaux. 


c. Muscle rétracteur antérieur coupé. 
d. Ganglion pédieux. 

e. Pied. 

f. Branchies, 

g- Ganglion postérieur. 

hk. Muscle transverse postérieur. 


Botanique. — M. Kickx présente la note suivante sur 
une communicalion faite par M. Martens, à la séance pré- 
cédente de l'académie. 

« J'aurai quelques renseignemens à ajouter à ceux que 
vous a donnés M. Martens sur un cas d’hybridité dans les 
fougères. 

Ces renseignemens consistent à déclarer : 

1° Que j'étais arrivé de mon côté à constater aussi le 
croisement spontané des gymnogrammes chrysophylla et 
calomelanos cultivés en serre ; 

2° Que le semis du G. hybrida fait par M. Donkelaer, 
jardinier de l’université de Gand, nous prouve la solution 
d’une question doublement intéressante, de décider si le 
produit hybride sera fertile, et de démontrer, dans ce cas, 
vers lequel des deux types, maternel ou paternel, il tendra 
à retourner. On sait, en effet, que la tendance à revenir 
par le semis au type maternel, est en général la plus fré- 
quente, quoique d'autre part l’on puisse, par des fécon- 
dations artificielles successives, ramener certains hybrides 
indifféremment à l’un ou à l’autre ; 

3° Que j'ai constaté le même croisement entre deux 


(121) 

fougères de notre pays, l'asplenium ruta-muraria et 
l'asplenium germanicum croissant péle-mêle en 1835 
sur les murs du cimetière de Scharbeek. Le produit hybride 
tenait à l'asplenium ruta-muraria par les deux paires 
inférieures de folioles ailées , et à l'asplenium germanicum 
par la forme des pinnules de ces folioles, pinnules qui, au 
lieu d'être (comme dans l'asplenium ruta - muraria) 
rhomboïdales-oblongues, obtuses et irréguliérement denti- 
culées , étaient au contraire allongées, rétrécies en coin à 
leur base, et simplement dentées au sommet. 

Ge sont là autant de données qui viennent à l'appui de 
l'observation de M. Martens, et sur lesquelles je me propo- 
sais d'entretenir l'académie avec plus de détails, si je n’avais 
élé devancé par notre honorable collégue. » 


Antiquités. — Notice sur un anneau antique en or 
trouvé dans les environs de Spa, par M. Rouler. 

« Dans la séance du 5 mars 1836, notre honorable con- 
frère, M. Dumortier, a présenté à l'académie, de la part de 
M°'e Libert de Malmédy, l'empreinte d’un prétendu an- 
neau de chevalier romain. (Woy. le Bulletin, p. 67). Au 
mois d'août dernier, m'élant rencontré avec cette célèbre 
botaniste, elle a bien voulu me communiquer l’anneau 
lui-même : j'en donne ici un dessin que je dois à l’obli- 
geance de mon ami M. Morren. 

» L'anneau est massif et de l'or le plus fin; ilse distin- 
gue autant par la beauté de la forme que par le travail 
soigné des ornemens; il est enrichi d’une pierre précieuse 
ayaët une figure gravée en creux. L'exécution de la gravure 
- ne s'élève pas au-dessus du médiocre , et prouve qu’elle est 
l'œuvre d’un artiste peu habile. La pierre est un onyx. 
Cette pierre précieuse est du nombre de celles qui ont été 


travaillées de bonne heure et qui plus tard même furent 
eucore employées préférablement pour les cachets ; de là 
vient qu’on les trouve ordinairement en plus grande quan- 
tité dans les collections. L'auneau a, à l'intérieur, 23 mil- 
liméètres en largeur et 20 en hauteur; sa hauteur totale 
est de 28 milliméires sur 20 de largeur. La partie infé- 
rieure a élé un peu maltraitée; on aperçoit également 
quelque dégradation à l'encadrement de la pierre. 

» La figure représente un jeune homme dans la force de 
l'âge, le corps entièrement nu, la têle couverte d’un bon- 
vel, portant d’une main une couronne et tenant de l’aütre 
une palme qui se replie sur le poignet , el passe par des- 
sous le bras. Il a un pied levé et semble effleurer à peine 
la terre de la pointe de l’autre pied. J'avais cru d’abord, 
qu’il fallait y voir un génie des jeux gymniques (Ay&») s'a- 
vançant pour couronner un vainqueur (1). Mais, avec un. 
peu plus d'attention, il ne pouvait pas m'être difhicile de me 
convaincre que la posture de la figure, qui est évidemment 
celle d'un homme qui court, ne saurait convenir au génie 
dans cette circonstance. Je penche donc à y reconnaitre un 
vainqueur dans le jeu de la course à pied; il est repré- 
senté ayant déjà fourni sa carrière et reçu les insignes de 
la vicloire; car si l'artiste lui a donné l'attitude d'un 
homme , emporté par une course rapide , c’est seulement 
pour indiquer le genre de jeux auquel il a pris part, et il 
faut même remarquer que cette attitude est plutôt con- 
ventionnelle que conforme à la nature. 

» Le bonnet dont notre vainqueur à la course à pied est 
coiflé, contre l'usage ordinaire, mérite une attention par- 


(1) Sur ces génies des jeux gymniques, voir la savante note de M. Welc- 
ker sur Philostrate. Zmaggq, p: 561. 


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(12952) 

ticulière à cause de la singularité de sa forme. On remar- 
quera facilement à la figure qui a été dessinée sur une plus 
grande échelle, que ce bonnet semble offrir deux bour- 
relets et que son sommet terminé plutôt en ovale qu'en 
poinle est rejelé en arrière. À part celte dernière circon- 
stance que l'on pourrait regarder comme étant l'efiet de la 
course, ce bonnet a, pour l'ensemble, quelque ressemblance 
avec celui que portent quelquefois (1) les sauteurs (de- 
sultores) ou cavaliers dans les courses à cheval. Il existe, 
dans la riche collection de pierres gravées en creux du 
musée royal des antiques de Berlin , une chalcédoine, une 
cornaline et une pâte antique représentant un jouteur 
pour les courses à pied avec une palme et une couronne; 
c’est là tout ce qu’en dit l'excellent catalogue explicatif de 
M. Toelken (2). Comme ces pierres proviennent du cabinet 
du baron de Stosch, je regrette de n'avoir pas eu à ma 
disposition la description qu’en a donnée Winckelmann (3). 
Peut-être y aurais-je trouvé des détails propres à jeter quel- 
que jour sur le sujet de ma notice. 

» La bague trouvée près de Spa est du genre de celles que 
les Romains appelaient annuli signatorii , c’est-à-dire, 
anneaux servant à sceller les lettres, les actes, les cassettes 
et autres objets que l’on voulait soustraire aux recherches; 
on y faisait graver les images des dieux, les portraits des an- 


(1) Voir une pierre gravée dans Beger, Thesaurus Brandenburgensis, 
t. 1, p. 136, et la figure d’une lampe reproduite d’après Bellori dans 
Montfaucon, Antiquité expliquée, t. V, p.231, planche 197 

(2) E. H Toclken. Erklwrendes Verseichniss der antiken verticft 
geschnittenen Steine der koeniglich Preussischen Gemmensammlung. 
Berlin, 1835 , p. 352. 

(1) Description des pierres gravées du feu baron de Stosch dédiée à 
S. Æ, le car inal Albanë, par l'abbé Winckelmann Fiorence, 1760-1764. 


( 134 ) 

cêtres , du prince, l’emblême de quelqu'événement mémo- 
rable ou d'un acte quelconque de la vie privée, etc. Il est 
à présumer que notre anneau a orné le doigt d’une per- 
sonne, qui elle-même, ou par l'entremise d’un de ses es- 
claves, avait remporté la victoire au jeu de la course à pied : 
on metlait chez les Romains une extrême importance à ces 
succès du cirque. Maintenant à quelle classe de citoyens 
appartenait le possesseur de l'anneau? C'est là une ques- 
tion assez indiflérente en elle-même, et qu’il est impossible 
de résoudre. Si l’on a cru qu'il était chevalier, c’est que 
l'on n’a pas fait attention que, sous les empereurs, beau- 
coup d’autres personnes que les chevaliers et les sénateurs 
jouissaient du privilége de porter un anneau d’or. » 


M. le directeur a fixé l’époque de la prochaine séance au 
8 avril. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Mémoires de l’académie impériale des sciences de 
S*- Pétersbourg. Sciences mathématiques, physiques et 
naturelles, tom. I, 3° livraison. — Sciences politiques, 
histoire et philologie, tom. IT, 2e à 5% livraison , tom. IV°, 
1 livraison. — Sciences naturelles, tom. IL, 17° et 2° li- 
vraison. Cinq volumes in-4°, St-Pétersbourg. 

Mémoires présentés à l'académie impériale des sciences 
de S!- Pétersbourg, par divers savans, tom. IT, 1° et 
2e livraison , un vol. in-4°, St-Pétersbourg, 1836. 

Recueil des actes de la séance publique de l'académie 


(1% ) 
impériale des sciences de S'-Pétersbourg, tenue le 29 
décembre 1835; in-4°, St-Pétersbourg, 1836. 

Observations to determine the magnetic Dip at Bal- 
timore, Philadelphia, ete., by À. D. Bache, une feuille 
in-4°. 

Proceedings of the royal irish academie, 1836-1837, 
n° 1 et 2, deux feuilles in-8&. 

Transactions of the royal society of Edinburgh , vo- 
lume XII , in-4°, Edimbourgh , 1836. 

Programme des cours, semestre d’été de 1836-1837, 
Université de Liége. 

Annuaire historique pour l’année 1837, publié par 
la société de l’histoire de France, un vol. in-12, Paris, 
1836. 

Mémoires et observations de la société de médecine 
d’ Anvers , premier fascicule, un vol. in 8, Anvers, 1836. 

Règlement de la société de médecine d'Anvers , une 
feuille in-8°, Anvers, 1837. 

Elementa pathogeniæ in usum auditorum domesti- 
cum congesta. Gandavi, apud A. B. Sleven , typographum, 
1825 ,in-8°. De la part de M. Kesteloot, auteur de cet ou- 
vrage. 

Manuel de l’histoire de la littérature grecque, par 
J. E. G. Roulez, un vol. in-8°, Bruxelles, chez. À. Demat, 
1837. 

Note sur deux espèces nouvelles d’Aplysie, par MM. 
Van Beneden et Robb, brochure avec une planche, in-8°, 
sans désignation de lieu. 

Levens-Schets van heer en meester Raepsaet door Cor- 
nelissen , un vol. in-24°, Gand , 1837. 

Journal de la société de la morale chrétienne , tom. X, 
n°6, ettom. XI,n° 1et2,in-8°, Paris, 1836. 


( 126 ) 
Histoire ‘des avoueries en Belgique, par le baron Jules 
de St-Genois, 1 vol. in-8°, chez Hauman, à Bruxelles 1837. 


Note sur les équations indéterminées du second degré , 
par M. Chasles, brochure in-4°, Paris 1837. 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — Nc 4. 


Séance du 8 avril. 


M. de Gerlache, directeur. 
M. Quetelet , secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


Il est donné lecture de différentes lettres de l’institut de 
France, de la société géologique, de l'académie royale de 
médecine, de l’amirauté d'Angleterre, etc., relatives aux 
échanges des publications de l'académie. 

La société Havraise d'études diverses fait parvenir le 
résumé analytique de la 3° année de ses travaux. 

M. le baron O’Sullivan de Grass, envoyé de S. M. le Roi 
des Belges à Vienne, adresse à l'académie des renseigne- 
mens sur le tremblement de terre qui s’est fait sentir, le 
14 mars dernier, à Vienne et dans plusieurs autres parties 
de l'Autriche; ce phénomène se manifesta par deux se- 
cousses dont la première eut lieu à 4 heures 43 minutes 
du soir; la seconde, entièrement semblable, suivit la pre- 
mière de quelques secondes, La direction du mouvement 

Tom, 1v. 10 


(128 ) 


allait du NO au SE; et la durée de chaque secousse 
était de deux à trois secondes environ. L'état de l’atmos- 
phère ne présentait aucune circonstance extraordinaire. 
Le tremblement de terre s’est fait sentir encore à Tulln, 
Brünn, Gratz, Linz, cle. 

M. Moreau de Jonnées présente quelques renseignemens 
sur une statistique générale de la France, dont le premier 
volume est sous presse. Ce volume contiendra les résultats 
de 35 ans du mouvement de population de la France. 

M. Delzenne, professeur de physique à Lille , donne de 
nouveaux détails sur l’aurore boréale du 18 février dernier, 
dont il a été parlé dans le bulletin précédent. Il semble- 
rait, d’après les renseignemens circonstanciés que M. Del- 
zenne présente sur ce phénomène, que le demi-cercle 
lumineux allant de l’est à l'OSO , en passant un peu plus 
bas que le zénith, n’était pas visible à Lille. 

M. Le Roy, pharmacien à Bruxelles, écrit une lettre de 
réclamations contre le rapport présenté à la séance précé- 
dente de l’académie, sur sa note concernant les produits 
de la combustion de l'alcool et de l’éther pur par le fil de 
platine incandescent. M. Le R oy assure que, contrairement 
à l'opinion émise dans ce rapport, il a toujours opéré avec 
de l’éther pur. 

M. Vloebergs, pharmacien à Aerschot, adresse à l’aca- 
démie de nouvelles recetles sur la teinture. À renvoyer 
aux commissaires chargés de l'examen des communications 
précédentes de M. Vloebergs. 

Le conseil d'administration de la société d’horticulture 
de Gand fait hommage de la notice de 5273 plantes ex- 
posées le 10 mars dernier, dans son salon inaugural sous le 
dôme du Casino; en même temps que d’un exemplaire 
d’une nouvelle édition du discours de feu M. Vanhulthem, 


( 129 ) 
son ancien président , prononcé le 29 juin 1817, première 
partie. La seconde partie contiendra une notice sur les 
progrès de la société depuis 1817 jusqu’à l’époque actuelle. 


COMMUNICATIONS. 


Magnétisme terrestre. — M. Quetelet communique le 
résultat des observations qu'il a faites le 24 et le 28 mars 
dernier, dans le jardin de l'observatoire, sur la déclinai- 
son et l'inclinaison de l’aiguille magnétique. 

D'après une première série d'observations sur la décli- 
naison , l'angle trouvé a été de 22° 4° 2,6; et, d'après une 
seconde série 22° 4’ 38,0. Ainsi, la déclinaison moyenne 
était de 22° 4 20”’,3. 

Deuxséries d’observations sur l’inclinaison ontégalement 
donné , le 29 mars, 68° 29',4 et 68 28',2; et par consé- 
quent pour valeur moyenne 68° 28,8. 

Il résulte de ces observations que la déclinaison et l'in- 
clinaison de l'aiguille aimantée diminuent progressivement 
à Bruxelles, depuis dix ans que les observations magnétiques 


y sont faites avec régularité (1), comme on en pourra juger 
d’ailleurs par les nombres qui suivent : 


ÉPOQUES. DÉCLINAISON. INCLINAISON. 
1827. Octobre. . +; + + 220288 68°56’,5 
1830. Fin demars. . . . . . 22 25,3 68 52,6 
RD TL NU | 68 49,1 
1833. — le at SR ITR 68 42,8 
1834. 3 et 4 avril . : : … 22:15, 68 38,4 
1835, Fin de mars., L . . : 22 6,4 63 35,0 
1836. — TR es CNRS! 7.6 68 32,2 
16370 OU MAP VOS" 43 68 28,8 


(1) Il est à regretter qu’on ne cherche pas à constater ailleurs, avec 
plus de soin, la rétrogradation de l’aiguille vers l’est, aujourd’hui que 
l’on s’occupe si activement de l'intensité du magnétisme terrestre. 


( 130 ) 

Afin d'éviter, autant que possible, les effets des variations 
diurnes et annuelles du magnétisme terrestre, les diffé- 
rentes observations ont été faites vers les mêmes heures 
du jour et les mêmes époques de l’année. 

— Au sujet des observations du magnétisme terrestre à 
Bruxelles, M. Quetelet communique les résultats suivans 
sur la détermination de la composante horizontale de l'in- 
tensité magnétique, d’après une lettre qu'il a reçue de 
M. le professeur Forbes d'Edimbourg. 


AIGUILLE N° 1. 


AIGUILLE PLATE. 


Paris. 1833 et 1835 1,000 1,000 
Édimbourg. 1832 0,840 0,839 
— 1833 0,841 et 0,842 0,840 et 0,840 
— 1835 0,839 et 0,839 0,840 et 0,842 
Bruxelles. 1832 0,959 et 0,960 0,965 
Genève. Août 1832 1,078 et 1,078 1,076 
# Novemb. 1852 | 1,075 et 1,073 1,067 et 1,066 
1,074 


M. Quetelet avait trouvé , de son côté, les valeurs sui- 
vantes, au moyen de quatre aiguilles magnétiques : 


Paris. Juin et juillet 1830. . . . . 1,0000 intensité horiz. 
Bruxelles. Juin 1830 . . . . . . . (0,9697 
Genève. Juillet 1830. . . . . . 1,0805 


De sorte qu’en résumant toules les observations faites 
jusqu’à ce jour, sur la détermination de la partie horizon- 
tale du magnétisme terrestre à Bruxelles, et en prenant 
pour unité la valeur observée à Paris, on trouve : 


(131) 


ANNÉES, INTENSITÉ HORIZ. OBSERVATEURS. 

1828 0,951 MM. Le capitaine Sabine. 

1829 0,958 Quetelet. 

1830 0,970 — 

1831 0,951 Nicollet, Plateau et Quetelet. 
1832 0,971 Rudberg, d'Upsal. 

1832 0,961 Forbes, d’Édimbourg. 

1833 0,969 Quetelet. 

Moyenne. . 0,963 


Météorologie. — L'académie reçoit communication des 
observations météorologiques horaires, faites le 21 et le 
22 mars dernier, à Bruxelles, Louvain et Alost, sur la 
demande de Sir John Herschel, pour déterminer les oscil- 
lations atmosphériques et leurs relations réciproques dans 
les deux hémisphéres. Les observations correspondantes 
devaient commencer le 21 mars, à six heures du matin, et 
continuer ensuite d'heure en heure jusqu’au lendemain à 
six heures du soir. 


( 4329 | 


Observations horaires, faites à l’équinoxe du printemps de 1837, 
par M. Quetelet, à l'observatoire de Bruxelles. 


ÉPOQUES 
des 
Observations. 


THERM. 
exté- 
rieur. 


BAROM. 
réduit. 


HYGRO- 


x VENTS. 
METRE. À 


CIEL, 


21 mans. mme (1) 


! 


Gh. mat. | 753,34 | —507 8205 | NE. | Quelques nuages à l'hor. 
7 753,29 4,9 80,0 » Nuageux. 
8 753,03 4,1 75,0 » Quelques nuages à l’hor. 
9 752,90 3,2 67,0 » Nuageux. 
10 752,68 2,3 58,5 » EU 
11 752,49 2,5 56,0 » Eclaircies. 
12 752,24 2,1 56,0 » Presque couvert. 
1h soir. 751,94 2,0 55,0 » Éclaircies 
2 751,60 2:2 60,0 » Un peu de grésil. 
| 3 751,57 1,7 | 53,0 » Éclaircies. 
| 4 751,60 | 3,0 | 73,5 | » Neige à 4 12h. 
5 751,57 3,3 73,5 » Nuageux. 
6 751,83 | 3,7 | 62,0 » + » 
R 1 752,63 431 64,0 » Serein. 
8 752,12 | 45 | 65,5 » ” 
9 752,17 4:9 67,0 n » 
10 752,11 | 5,0 | 68,5 | » » 
11 752,10 | 5,2 | 71,0 » n 
12 752,14 | 5,5 | 74,0 » » 
22 mars. 
1h. mat. 752,11 5,5 77,0 » » 
2 751,94 | 5,6 | 78,0 F. » 
3 751,82 5,9 79,0 » » 
4 752,06 6,0 81,0 » » 
5 752,13 6,2 82,5 » » 4 
6 752,43 6,2 84,0 » Peu de nuages à l'horiz. 
7 752,62 4,5 80,5 » Nuageux. 
8 752,83 4,2 76,0 » » 
9 752,95 2,8 67,0 » Quelques nuages à l’hor. 
10 753,11 1,9 62,5 » Nuageux. 
11 753,01 1,7 50;5 » : » 
12 752,99 1;1 47,5 » Éclaircies, 
1 b. soir 752,93 0,5 47:0 | NNE. » 
2 752,82 | 0,6 | 48,0 | NE. » 
3 752,82 0,6 47,5 N. D 
4 753,01 2,0 57,5 » Nuageux. 
5 753,17 2,2 74,0 » y 
6 753,39 2,3 68,0 » Presque découvert. 


(1) L'hygromètre est trop bas de 4° environ; on n’a pas cru devoir changer les 
nombres observés. 


(133) 


Observations météorologiques horaires, faites à Louvain, à 
l’équinoxe du printemps de 1837, par M, le professeur 
Crahay. 


ÉPOQUES 
des 
Observations. 


BAROMÈTRE | THERM. 


4 
réduit à Oo.{extérieur, SEAT AU ECIETr 


21 mars. mm. 
6 h. du mat. 754,723 —508 
7 54,623 4,7 Quelques nuages. 
8 54,484 4,1 
9 54,401 3,2 Gros nuages. 
10 54,188 2,8 Gros nuages, un peu de neige. 
11 » » » 
12 53,773 2,1 Couvert, vent. 
1 h. après m. 53,597 17 Éclaircies rares. 
2 53,224 1,9 Couvert. 
3 53,324 3,6 Couvert, neige. 
4 53,135 3,9 Éclaircies , neige. 
5 53,187 3,8 À Éclaircies, 
6 53,339 Eh Éclaircies, un peu de neige. 
7 53,467 3,9 Nuages. 
8 53,569 4,7 
9 53,622 4,9 Clair. 
10 53,598 5,3 


6 h. du mat, 53,954 À 

7 54,141 i p 

8 54,215 - Légers nuages. 
9 54,425 ; 
10 54,486 , 


11 k 54,447 
12 54,458 
1h. après m. 54,355 
2 54,303 
3 54,288 
4 54,453 
5 
6 


y 
Éclaircies. 


Quelques parcelles de neige. 


Couvert, neige. 
, Éclaircies. 
Éclaircies, neige. 


I 1 © © 1 = © D I & © 1 © 


54,592 
54,970 


CO 9 DO Dei bi bé bei 19 19 CO O1 Où Où 


12 
12 

# 

= 

7 

@ 


Minimum de température du 21 au 22 : —70,1. 
Houteur de l’eau tombée du ciel pendant les journées du 21 et du 22: Ocm,05. 
Minimum de température du 22 au 23 : —9,0. 


(154 ) 


Observations horaires, faites à l’équinoxe du printempsde 1837, 
par M, Maas, professeur au collége dA lost. 


ÉPOQUES c 
d BAROM. 
es THERM.[VENTS. ÉTAT DU CIEL. 


Observations. réduit, 


21 Mans. mm, 
6 h. mat, 756,93 
756,84 
756,59 
756,45 
756,27 
756,09 
755,78 
755,41 
755,23 
755,24 
755,25 
755:22 
755,30 
755,50 
755,60 
755:77 


So 


O & LD Où & LS © D © À © O1 «1 1 D CG OO À 


Serein. 

» 
Cumulus. 
Cirr.-cum,. 

Couvert. 
Eclaircies. 
Nuages. 


. 4 © 


AS 8 4 


pendant peu 
de temps. 
Eclaircies. 
Nuages, 
» 
Serein. 


» 


» 
Nuige. | Chaque fois 


» 


< © .e. |0 je. 


Es O0 OO CS HO ID Det RO Det ei be mi O9 CO Qt 


2 
3 
4 
5 
6 
7 
8 
9 
0 
1 


1 
1 


+ 


22 Mans. 
4 h. mat. 


h, soir, 


ENE 

NE 

NNE. Neige, grèle. 
Nuages, 


1 mi © © © © pi mn be 19 OT O1 O1 47 


OU D min mé © OU SI 08 me 19 ei I Où 


» 


«Cet équinoxe estremarquable par Le froid et la sécheresse qui ont régné. Les vents 
méridionaux qui ont souflé le 23 n’ont que peu réchauffé l'atmosphère; on aurait 
pu en inférer la grande quantité de neige tombée dans les pays que ces vents ont eu 
à parcourir. Cette conclusion n'est juste que pour autant que les vents du sud au- 
raient été généraux : or, à mon grand étonnement, j'ai tu par les feuilles (Urion) 
que, le 23, il a régnéà Bruxelles un vent de NE, cependant je suis parfaitement sûx 
de mon observation par sa singularité même. » (Note de M, Maas.) 


(135 ) 


LECTURES. 


Analyse. — MM. Pagani et Garnier font un rapport 
sur une nouvelle note adressée à l'académie par M. Jérôme 
Martynowski, réfugié polonais. L'auteur s’est proposé la 
recherche du coefficient général dans le retour des suites, 
si la fonction proposée est 


Z=T+AX + a 2 + ax, + etc. 
et le développement de x en z de la forme 


æ— 02 + 02° + 0,25 + c,74 + elc. ; 


un coeflicient quelconque tel que €», à l'exception du pre- 
mier c = 1, est 


Em = — à, + (m+2)a,02—(m +2) (m +3) a 08 +... 
+(m+2|m—11]1).(1)".a,0m. 


Dans cette expression a,02, a,QG3.... sont les combinai- 
sons de sommes égales de # lettres &,, a, a, a, prises 
2 à 2,3 à 3,etc. jusqu'à » à m, et préparées comme 
pour le calcul des puissances ordinaires, c’est-à-dire cha- 
cun des termes qui y entrent élant préalablement divisé 
par le produit d'autant de factorielles à base el accroisse- 
ment égaux à un posilif qu'il v a de diverses puissances 
dans ce terme, avec la condition que les exposaus de ces 
factorielles soient égaux aux exposans de ces puissances. 

Les commissaires chargés d'examiner le nouveau travail 
de M. Martynowski ont été d'avis que l’auteur méritait les 
encouragemens de l'académie, mais que l’on pouvait éle- 
ver contre la composition du terme général de la série en 
retour, les mèmes objections qu'ils ont signalées dans leur 
rapport précédent. L'académie adopte ces conclusions. 


( 136 ) 

Entomologie. — M. Wesmael lit la note qui suit sur le 
Fulgore Porte-Lanterne. 

« Depuis les ouvrages de M! De Mérian, on est géné- 
ralement resté persuadé que le Fulgore Porte-Lanterne , 
l'un des plus beaux insectes de l'Amérique Méridionale, a 
la faculté de répandre dans les ténèbres une lumière phos- 
phorescente , par le prolongement antérieur de la tête: ce 
fait a pourtant été contesté assez récemment, et on lit à 
ce sujet, dans la Revue Entomologique de Silbermann , 
t. I, pag. 222: 

« M. le comte de Hoffmansegg, s'appuyant des commu- 
» nications de Sieber, a, le premier, attaqué l’assertion 
» de Mike De Mérian, et déclaré qu’elle était sans fonde- 
» ment. Le prince de Neuwied a ensuite confirmé ce dé- 
» menti, en déclarant qu’il n'avait jamais remarqué la 
» moindre trace de lueur sur le Fulgore du Brésil, qui 
» n’est pas rare du tout dans ce pays. » 

» En présence de dénégations aussi formelles, j'ai cru 
devoir porter à la connaissance de l'académie un récit tout 
contraire qui m'a été fait, par un naturaliste belge récem- 
ment revenu du Brésil. M. Linden m'a assuré yÿ avoir pris 
un Fulgore pendant une nuit obscure , et ne l'avoir aperçu 
qu’à cause de la vive lueur qu’il répandait. J’attache d’au- 
tant plus d'importance à celte déclaration de notre com- 
patriote, que je n’ai aucune raison pour douter de sa 
véracilé. » 


Minéralogie. — M. Dumont présente un travail de sa 
composition, contenant une série de tableaux analytiques 
pour la détermination des minéraux. 

« Le cours de minéralogie que je suis appelé à donner 
à l’université de Liége, dit l’auteur, m'ayant fait recon- 


(137) 

naître que les méthodes que l’on trouve dans les auteurs 
présentaient beaucoup de difficultés aux élèves pour la dé- 
termination des minéraux, j'ai cru devoir composer des 
tableaux analytiques indiquant un certain ensemble de 
caractères et les essais chimiques les plus faciles à exécu- 
ter, au moyen desquels on parvient en peu d’instans à con- 
naître l'espèce à laquelle appartient un minéral quelcon- 
que. 

» Je me suis en même temps attaché dans la rédaction 
de ces tableaux, à rapprocher les espèces qui ont entre elles 
le plus d’analogies physiques et chimiques, afin de facili- 
ter la comparaison de caractères distinctifs qui échappent 
lorsque ces espèces sont éloignées. : 

» Enfin j'ai cherché à disposer l’ensemble de manière à 
obtenir une dégradation dans les caractères, et à présenter 
les minéraux dans un ordre naturel. 

» Les résultats satisfaisans que l’usage de ces tableaux 
m'ont donnés, m’engagent à les communiquer à l'académie, 
espérant d’ailleurs que les conseils de mes confrères me 
donneront encore le moyen de les améliorer. » 

Commissaires MM. Cauchy, D'Omalius et Sauveur. 

Mollusques.—M. Kickx lit la note suivante sur trois 
limaces , nouvelles pour la Faune belge. 

« L'histoire naturelle des limaces se résume presque 
tout entière dans les écrits de Swammerdam, Muller, 
Draparnaud , Brard et Férussac. 

» Leurs travaux, bien qu'ayant donné à cette partie de 
la science une puissante impulsion, laissent cependant en- 
core à désirer; d'abord en ce que toutes les espèces d'Eu- 
rope sont loin d'être connues, ces animaux long-temps 
dédaignés n'ayant attiré l'attention des zoologues que dans 


( 138 ) 


un petit nombre de localités très-restreintes; puis aussi en 
ce que plusieurs de celles qu'ils ont décrites, le sont im- 
parfaitement. 

» Il serait donc à souhaiter que les naturalistes des di- 
vers pays s’altachassent désormais à compléter nos connais- 
sances sur ces gastéropodes, pour autant que le hasard 
leur en fournisse l’occasion ; car « c’est bier dans le livre 
» de la nature qu’on doit lire quand on veut travailler sur 
» l'histoire naturelle, mais on ne peut pas y lire quand on 
» veut : il faut des lieux, des saisons, des circonstances 
» favorables » (R£aum. Mém. IV, pag. 28 de la préf.) 

» Nous devons à des rencontres fortuites de ce genre la 
découverte des trois limaces qui font l’objet de cette note : 
jointes à celles que nous avons décrites ailleurs, elles 
portent à onze le nombre des espèces indigènes bien carac- 
lérisées. 


1. Limax Sowersu. Feruss. 
Hist. des Mollusq., pl. VIII , D, fig. 5 et 6. 


» Port svelte. Cou noir aussi bien que les tentacules, 
garni de quatre lignes blanchâtres interrompues. Guirasse 
cendrée jaunâtre, pointillée de brun, obscurément et con- 
centriquement striée, creusée d’un large sillon qui, sans 
être marginal, en suit le contour et circonscrit à la fois la 
légère élévation qu'on remarque sur sa partie médio-posté- 
rieure , élévation sous laquelle se cache une coquille in- 
terne presqu'identique avec celle du Limax Variegatus 
Drap., figurée par Brard (pl. IV, fig. 3, 4, 11 et 12), dont 
elle ne diffère que parce qu’elle est plus bombée et d'une 
fragilité étonnante. Orifice de la cavité pulmonaire situé 
postérieurement, dans l'espace compris entre le sillon et le 
bord de la cuirasse. Dos jaunâtre, marqué de tâches ou plu- 


ni 


(139 ) 


tôt de lignes brunes anastomosées en un réseau à mailles 
parallélogrammes : très-évidemment caréné, à carêne jaune 
blanchâtre dégénerant en crête vers l'extrémité. Les flancs 
sont plus pales. Lisiére du plan locomoteur uniformément 
colorée en jaune de succin, le plan même d’un jaune sale 
avec une bande claire au milieu. — Longueur de l'animal 
6 centimètres : de la cuirasse 2 : du cou (à son maximum 
d'extension) 7 mill. 

» J'ai d'autant plus minutieusement vérifié les carac- 
tères de cette belle limace, que c’est la première fois, je 
pense, qu’elle est indiquée sur le continent. Aussi puis-je 
assurer que mon individu n'offre, comparativement à la des- 
cription et à la figure de Férussac , d'autre différence que 
celle tenant à la nuance des couleurs et à la taille. Enfer- 
mée dans une boîte qui avait contenu des éponges imbi- 
bées d'acide pyroligneux, cette espèce mourut au bout de 
quelques heures en noircissant. 

Dans un jardin près de VNieuport , au mois d'août 1836. 


9. AR1oN mar@rvatus. Nob. 


Limax Marginatus, Drap. Hist. pl. IX, fig. 7 nec Mull. 


» Animal moins eflilé, tentacules brunâtres. Cou de 
même couleur marqué d’une ligne noire. Cuirasse très-lé- 
gèrement échancrée sur le devant, cendrée , parsemée de 
points noirs plus grands que ceux du reste du corps, por- 
tant en outre une bande noire de chaque côté et renfer- 
mant une pelile pincée de gravier. Orifice de la cavité 
pulmonaire situé vers la partie antérieure de la cuirasse, 
aux deux tiers environ de sa longueur. Dos coloré comme 
elle, très-convexe, garni d'une ligne blanche-jaunâtre, qui 
s'évanouil plus ou moins avant d'arriver au pore terminal. 


(140) 


Celui-ci, moins visible que dans la plupart des autres, mais 
évident néanmoins, exsude un mucus blanchâtre. Bords 
du plan locomoteur cendrés , le plan même roussâtre au 
milieu et d’un blanc sale sur les côtés. — Longueur totale 
5 centimètres : de la cuirasse 17 millimètres : du cou (à sa 
plus grande extension) 6 mill. 

» Draparnaud dit celle espèce aussi grande que la li- 
mace rouge, mais la figure qu'il en donne est encore plus 
pelite que nos individus qui tous les trois avaient la même 
taille. La ligne blanchâtre du dos lui donne un aspect ca- 
réné, quoiqu'il ne le soit réellement pas. Quant au pore 
muqueux, sa présence bien constatée lève le doute qui 
planait sur l'espèce, doute qui empêcha , comme on sait, 
Férussac , de la placer définitivement dans le genre Arion 
qu'il venait de créer. Plongée dans l'alcool , cette limace 
a échangé la couleur de sa robe contre un vert léger qui 
n'envahit pas cependant les points noirs. 

» Au pied et dans les fentes des anciens murs de Ton- 
gres, dans l'automne de 1833. 


5. Anrron susruscus. Feruss. 


Limax Subfuscus, Drap. non Pfeiff. (ex Feruss.) nec Wills. Drar. 
Hist. , tab. IX, fig. 8. 


». Port du Limax Ater, tentacules noiratres,très-rappro- 
chés à leur base. Cou de même couleur. Cuirasse très-con- 
vexe, gibheuse en avant, légérement granuleuse, plus pâle 
que le reste du dos, ayant à son intérieur une grande quan- 
tité de grains calcaires libres ou agglutinés. Cavité pulmo- 
naire s’ouvrant au milieu de la longueur de la cuirasse. 
Dos brun-roussâtre, porlant sur chaque côlé une bande 
noire qui naît de la base du lentacule et se continue jus- 


(141) 


qu’au pore terminal , dont le mucus est blanc-jaunâtre sur 
le papier. Le bord du plan locomoteur gris ou cendré, 
marqué de linéoles noires transversales formées chacune 
par un certain nombre de petits points disposés en série, 
Le dessous est d’un blanc jaunâtre. — Longueur de l’ani- 
mal 7 centimètres : de la cuirasse 3 centimètres : du cou 
(à son mazimum d'extension) 7 mill. 

» La position de l’orifice respiratoire, la convexité et 
la gibbosité de la cuirasse, l'insertion rapprochée des deux 
tentacules supérieurs, la structure des linéoles qui gar- 
nissent le bord du pied, sont autant de traits de démar- 
cation, bien tranchée , entre celte limace et l’Arion 
Empiricorum. Férussac avait judicieusement entreyu ce 
résultat lorsqu'il fit aux naturalistes (v. Suppl. à la fam. 
des limaces) pag. 96 , un appel à l'effet de constater les 
caractères distinciifs de cette espèce. 

» Entre Bruges et Damme , sur les berges en été; puis 
entre Boom et Rumpst , sur les bords boisés du Ruppel. 
L'individu de cette dernière localité présentait, dans toutes 
ses couleurs, des teintes plus foncées. » 


Mollusques.—M. Van Beneden, présente les observations 
suivantes sur la notice concernant le Mytilus polymorphus, 
insérée dans le précédent Bulletin de l Académie. 

« Dans la dernière séance de l’Académie (4 mars 1837), 
M. Cantraine a communiqué un Mémoire sur le genre 
Dreissena, auquel il donne un nom nouveau. Dans ce tra- 
vail , l’auteur examine minutieusement ce que j'ai écrit sur 
ce sujet. Rien ne trouve grâce devant sa critique. Toute- 
fois j'aurais remercié l’auteur de l'importance qu'il a bien 
voulu attacher à mon mémoire, si ses asserlions m’avaient 
paru justes el fondées. Mais c’est précisément le contraire, 


( 142 ) 

» D'abord c’est en 1834 (1) que j'ai établi le genre 
Dreissena, sur le Mytilus polymorphus. Pall. Rossmässler 
l'a admis aussi en 1835 , sous le nom de Tichogonia (2), 
sans doute sans avoir connaissance de mon travail, et 
en 1837, M. Cantraine vient l’admettre également, sous le 
nom de Mytilina (3). Les dates parlent ici suffisamment 
pour la question de priorité. 

» Je me suis cru aulorisé-à admettre le Mytilus poly- 
morphus comme habitant à la fois la mer et l'eau douce, 
et d’y ajouter que c’est peut être un exemple unique dans 
l'histoire des Mollusques, d'habiter des contrées et des 
milieux si différens, non-seulement d’après Pallas, mais 
d’après les nombreux échantillons que j'ai vus et comparés 
dans le cabinet du baron de Férussac, et dont plusieurs pro- 
venaient de différens endroits de la Mer Noire, et de la 
Mer Caspienne. Le baron de Férussac , la plus grande au- 
torilé dans cette matière, cile aussi ces deux mers comme 
nourrissant ces mollusques (4). Que signifie maintenant 
ce passage de la critique de M. Cantraine que je ne fais 
que répéter ce que dit Pallas que je n’ai pas compris ? 

» Libre à M. Cantraine de dire que je n’ai pas compris 
Pallas. Quant à moi, je me suis basé sur des pièces que 
jai vues. Je ne comprends pas trop comment l’auteur peut 
accorder tant de confiance, d’un côté, à la description de 
Pallas, tandis que de l’autre côté il le croit assez inhabile 


(1) Bulletin de l’Académie de Bruxelles, tom. TI, pag. 105 et 116. 

(2) Rossmässler iconographie der Land-und-Suswasser Molluskon. 
Dresden und Leipzig 1835. 

(3) Bulletin de l’Académie de Bruxelles, séance du 4 mars 1837. 

(4) Bulletin zoologique de Guérin, 2€ section, pag. 44, et le catalogue 
des coquilles bivalves de l'Amérique du nord, pag. 30. 


( 143 ) 
pour confondre deux espèce trés-différentes. N'y a-t-il pas 
là contradiction ? 

» Ensuite, l’auteur semble me faire un reproche de ce 
que j'ai rectifié moi-même quelques points dans l'avant 
dernière séance; mais il paraît ignorer que j'ai donné la 
première figure complète du système nerveux dans ces 
animaux. Je suis seulement surpris qu’il n'ait pas eu un mot 
à ajouter , si ce n’est que j'envisage mal le collier nerveux. 

» M. Cantraine prétend qu'il n'existe point de collier 
œsophagien complet. Je suis fâché de devoir lui dire qu’il 
est,pour moi, entiérement dans l'erreur, et que le collier 
existe, dans ces animaux , avec les mêmes dispositions que 
dans les Gastéropodes. Il y a cette seule différence que sa 
portion inférieure est placée plus en arrière, ce qui est né- 
cessilé parce que les fibres musculaires , au lieu de se trou- 
ver sur toute la longueur de l'animal, se réunissent en un 
faisceau derrière l'estomac. Il a eu tort ensuite de donner un 
nom nouveau à cette parlic du système nerveux : les deux 
filets qui partent des ganglions antérieurs vers la base du 
pied, sont les commissures longitudinales du collier 
œsophagien , et le ganglion pédieux de M. Cantraine n’est 
que sa portion inférieure. On n’a qu’à jeter un coup d'œil 
sur une figure pour saisir cette analogie. 

» L'auteur rejette aussi les deux espèces que j'ai éta- 
blies , sous le prétexte que le Dr. africana est sans doute 
voisin du Mytilus polymorphus , et que le Dr. cyanea est 
un individu malade. Ici je ne comprends point M. Can- 
traine , puisqu'il avoue lui-même ne pas avoir vu les objets 
dont il parle. D'ailleurs, tout le monde peut commettre des 
erreurs de ce genre , et M. Cantraine n’a-t-il pas lui-même 
décrit derniéremont son Æelir varonis comme espèce 
nouvelle, tandis qu’elle était déjà décrite depuis long- 

Tom. rv. 11 


(144) 


temps par Ziegler, Muhilfeld, Payraudeau , Deshayes, 
Rossmässler , etc. (1). 

» Ma première espèce est déjà comprise dans la liste de 
celles que donne Wiegmann (2), et s’il y a double emploi, 
je ne serais point éloigné de croire que le M. cochleatus 
ne vienne se fondre dans mon Dr. africana ; Vauteur se 
trompe en supposant que celte espèce esl voisine du My- 
tilus polymorphus. Les zoologistes ne feront, je pense, pas 
plus de scrupule, pour la seconde que pour la première 
espèce. 

» M. Cantraine finit en attaquant ma diagnose ainsi 
que celle de Rossmässler, en introduisant dans la sienne 


(1) Bulletin de l’Académie de Bruxelles , tom. HIT, pag. 109. 
(2) Dans le dernier cahier des archives de Wiegmann (janv. 1837), 
A. Muller donne un long article sur le Mytilus polymorphus. 


Dans le même cahier Wiegmann reprend le même sujet et fait le ta- 
bleau suivant des espèces: 


1 Tichogonia bilocularis, (Océan ind } 
2. — excisa, NOV. Sp. 

3. — virgeta, nov sp 

4, — chemnitzii. 

5. 


— africana, Dr. cfricana; Vanb. 


Dans les Annales du Museum de Vienne (Vienne, 1. Band, 1. Abtheil., 
1836), Paul Partsch décrit un nouveau genre sous le nom de Coungeneria. 
Je crois non-seulement que ce genre est voisin du Dreissena, comme le 
pense l’auteur (pag. 101), mais même que les deux n’en font qu’un seul. 
Les espèces sont : Congeneria subglobosa, C. balatonica, C. spathulata , 
C. triangularis. M. Paul Partsch pense que son genre a de l’affinité à la 
fois avec les Mytilus Lamk, /socardia id., Cardita id., Æippopodium 
Conyle, Megolodon Sow., et Myocomba id. 

Ce Mémoire a pour titre : Über ein neues urweltiches Geschlecht 
Zweischaliger Conchylien, avec 2 pl. 


( 145 ) 
un état anormal , la disposition quinqueloculaire de la co- 
quille, comme nous allons le voir à l'instant. 

» Enfin, il semble avancer qu’il y a contradiction dans ce 
que j'ai dit sur la cloison septiforme du Dr. africana, dans 
ma dernière communication , et la figure qui se trouve 
dans mon Mémoire. L'auteur a sans doute supposé à Par- 
tiste, le talent de représenter deux objets sur la même 
place , lorsque l’un masque l’autre. Le cueilleron se tronve 
caché sous la lame dans la position de la valve. 

» À la fin, l'auteur fait observer qu’il publie son travail 
pour faire connaître le Mytilus polymorphus sous les rap 
ports historique, anatomique et zoologique. Mais, sous le 
premier rapport, je ne vois pas qu’il ait ajouté un mot utile 
à ce que j'ai dit dans mon Mémoire ; sous le rapport anato- 
mique ; l’auteur ne donne que le système nerveux et passe 
tous les autres sous silence, et sous le rapport zoologique, 
je ne vois d'autre changement que celui d’avoir ajouté 
un état anormal pour l’âge adulte de la coquille, et d’avoir 
introduit inutilement un nom nouveau dans la science. 

» L'auteur s’élonne de ce que tant de conchiologistes 
aient écrit sur le Mytilus polymorphus sans faire attention 
au caractère quinqueloculaire. Ceci ne me paraît point 
étonnant. Ce caractère se Lrouve dans un très-petit nombre 
d'individus, et n’est pour moi, et probablement aussi pour 
ceux qui n’en font pas mention, qu’un état accidentel. On se 
rend parfaitement compte de cette disposition , lorsqu'on 
considère que l'animal, s’il a un peu maigri à l’époque de 
la sécrétion d’une couche calcaire, ne peut produire une 
couche qui s'applique contre la coquille et qu'il doit en 
résuller une cavité, qui forme le caractère quinquelocu- 
laire. 


» Je m'arréterai ici, en exprimant mon étonnement de 


( 146 ) 

ce que l’auteur, au milieu des peines qu'il semble s'être 
données , n'ait pas trouvé un seul point susceptible d’une 
altaque un peu fondée. Quant à moi, je crois qu’une critique 
légère et peu fondée est aussi nuisible qu’elle est utile lors- 
qu'elle repose sur une comparaison éclairée. Dans l'intérêt 
de la science, il faudrait considérer ces travaux et ceux qui 
n’ont que des noms nouveaux pour objel comme non ave- 
nus, ce serait le seul moyen d'écarter de la science un des 
élémens qui contribuent le plus à l'embrouiller. » 

— Après cette lecture , M. Cantraine répliquede vive voix, 
et dit entr'autres choses que, pour l’incrimination d'avancer 
à tort d’avoir donné l’anatomie de l'animal des Mytilomyes, 
il renvoie au Bulletin du mois de mars 1837, pag. 111, 
lig. 24, et pour le passage relatif à l'Æelix Varronis , il 
renvoie également au Bulletin, vol. III, pag. 112, 
lig. 11. 


Chimie. — De l'oxide de carbide considéré comme ra- 
dical de la matière organique végétale; par M. Van 
Mons. 


« Le trihydrure d’azote ( ammoniaque) soustrait dans 1 
de ses 3 at. d'hydrogène ayant élé nommé amide, je nomme 
carbide le bihydrure de carbone (methylène) soustrait dans 
1 de ses 2 at. du même principe. L'organisation doit com- 
mencer par un corps auquel il suffit d'ajouter 1 at. oxigène 
pour qu'il soit organique : ce corps est la carbide (1 car- 
bone et 1 hydrogène); laquelle avec 1 at. oxigène devient 
organique. Le carbidoxide règle l’atome des matières de 
son règne qui ont un atome; celui de l’art résulte de sous- 
traction d'hydrogène et d’addition d’oxigène. Le carbid- 
oxide de la nature se forme de soustraction d’oxigène et 


( 147 ) 
addition d'hydrogène. L'un est de la carbide plus de 
l'oxigène, l’autre est de l’oxidule de carbone plus de l’hy- 
drogène. L'hydrogène est ajouté au carbone pour affermir 
la combinaison de celui-ci avec l’oxigène et pour rappro- 
cher le carbidoxide de l'indécomposabilité d’un radical 
simple. Aucun des deux constituans prochains qu’on pour- 
rait donner au carbidoxide n’a une existence libre, et 
l'oxide lui-même n’a pas cette existence. L’oxide se com- 
pose de premier hydrure inconstiluable et d’oxigène ou de 
premier oxide inconstituable et d'hydrogène. Cependant, 
en constituans tous deux prochains , il répond à 172 at. se- 
cond hydrure et 172 at. second oxide, qui l’un et l’autre 
sont constituables ; mais des combinaisons par demi-atomes 
ne se font pas, et par at. entiers ce serait un double at.; 
ce que l’oxide de carbide n’est pas, puisqu'il existe par at. 
simple dans deux composés qui sont des plus régulièrement 
proportionnans. L’amide est 1 at., 14, azote et 2 at., 2, hy- 
drogène. La carbide est 1 at., 12 (1), carbone et 1 at., 1, 
hydrogène. L’amide, en s’oxidant pour devenir organique, 
échangera sans doute 1 hydrogène contre 1 oxigène. Alors 
le radical animal aurait la même composition que le radi- 
cal végétal, L'un serait de l’oxide d’azotide et l’autre, de 
l'oxide de carbide. Il y a entre le trihydrure d’azote et le 
bihydrure de carbone cet autre rapport que tous deux avec 
les principes de 1 at. eau se composent , le premier en un 
oxide et le second, en trois oxides, qui sont salifiables par 


(1) L’atome du carbone est 12; 12 carbonne et 32 oxigène saturent à 
peine en neutre 1 at. alcali; 12 carbone et 24 oxigène saturent en neutre 
plein 1 at. alcali; 1 at. carbone, 12, 2 at, oxigène, 16, et 1 at. eau 
opèrent la même saturation en neutre. 


(148) 


les acides. Les oxidules d’azote et de carbone ne sont pas 
bases de sel, mais l’un est rendu base par 4 hydrogène et 
l'autre, par 3 hydrogène. 

« Que le carbidoxide soit proportionnant dans les combi- 
naisons que la matière organique contracte, résulte de ce 
que seul et basefié par 2 hydrogène, comme uni à 2 car- 
bide et 3 hydrogène, on a 15 carbide et 17 hydrogène, sa 
capacité de saturation n'est pas changée. Le carbidoxide 
seul proportionne et le surplus de la composition reste 
étranger au proportionnement. Les acides organiques par 
l'oxigène peuvent, comme ceux des radicaux acidifiables 
simples, changer de contenu en ce principe sans que leur 
capacité de saturation, établie par le carbidoxide, en 
change. Le carbidoxide agit ici comme les radicaux acidi- 
fiables agissent ailleurs, comme ces radicaux unis à un 
premier at, d'oxigène, qui fait proportionner ces radicanx 
réduits comme il fait proportionner la carbide réduite. 
L’at. de saturation des deux espèces d’acidifiables est formé 
par le premier at. d’oxigène auquel, à l’état réduit, ils 
s'unissent. Les métaux dans leur nombre vrai sont rendus 
bases par un seul at. d’oxigène,le surplus les péroxide ou les 
acidifie. Les acides des métaux proportionnent en vertu de 
lat. d’oxigène qui oxide leur radical réduit. Le carbone, 
qui n'a pas de premier oxide, ne peut s’en faire un at. de 
proportionnement vers son élat d'acide; mais sa combinai- 
son avec 1 hydrogène, qui est la carbide, en a un, et cet 
oxide , qui, conjointement avec l'hydrogène, rend le car- 
bone organique , règle l’at. de Lout ce qui en matière pro- 
venue d'organisation proportionne. La différence de cet 
oxide aux autres oxides acidifables est qu'il est jointa fat. 
hydrogène , mais cet at. hydrogène est pour lui un achemi- 
nement vers sa formation en base. La plus simple, parmi 


(149) 


ces bases, est un premier hydrure oxidé par 1 oxigéne. Les 
autres sont cette même oxidation à laquelle se joint un nom- 
bre variant d’at. de bihydrure de carbone, plus 1 hydrogène. 

«Le trihydure d'azote ou l’ammoniaque n’est base de sel 
qu’en vertu de { hydrogène qui s'ajoute à ses 3 de ce prin- 
cipe, et 1 oxigène, lequel rend le composé proportion- 
nant. Il est apparent que 1 hydrogène et 1 oxigène , s’insi- 
nuent entre l'azote et les 3 at. hydrogène, composent 
l'azote en azotidoxide, et que, par les 3 hydrogène, cet oxide 
est élahoré en base. On trouverait encore ici l’oxigène 
comme agent de proportionnement. L’azotide (1 at. azote 
et 1 at. hydrogène), avec 1 chlore et 3 hydrogène, forme 
un sel où le chlore tient lieu d’oxigène. Le même avec 1 
soufre et 3 hydrogène en forme un où le soufre tient lieu 
d’oxigène. Le même encore, avec 1 cyane et 3 hydrogène, en 
forme un autre où 1 cyane tient lieu d’oxigène. Le sélène 
est dans le même cas; ce sont les hydracidifiables que l’a- 
zotide , comme la carbide, admet en remplacement d’oxi- 
gène. La carbide substituée par les mêmes corps dans 
l'oxigène de son oxide et élaborée en base par l'hydrogène, 
se constitue en isolement et s’hydrate par 1 at. eau. L’a- 
zolide oxidée par un hydracidifiable à la place d’oxigène 
et basefiée par l'hydrogène n’a, ni existence libre, ni exis- 
tence hydratée, mais elle s’associe à des acides anhydres 
et forme des sels , ainsi que le fait l’hydrogénation du car- 
bidoxide. D'après cela, les principes de l’eau organisent 
(hydroxident ) l’azole comme ils organisent le carbone, 
et l'azotidoxide peut être considéré comme le radical orga- 
nique des matières animales, comme le carbidoxide est 
considéré comme le radical organique des matières végé- 
tales; 1 azotidoxide et 3 hydrogène sera le proportionnant 
dans les faux alcalis. 


( 150 ) 

» Le carbidoxide, à la quantité de 1 at., n’est rencontré 
que dans l'éther méthylénique et dans l'acide formique. 
L'un est 1 carbidoxide et 2 hydrogène; l’autre, 1 carbi- 
doxide et 2 oxigène. Les autres substances organiques ren- 
ferment 1 carbidoxide et, au moins, 1 carbide, qui, dans 
leur union, et lorsqu'ils sont seuls pour constituer la base, 
répondent à de l’oxidule de carbide qui, comme les oxi- 
dules des métaux, reste proportionnant. L'alcool contient 
cet oxidule uni à 3 hydrogène non compris celui de son 
eau. Les acides organiques par l’oxigène, autres que celui 
formique, dont la carbide est oxidée, le contiennent aussi, 
et l’acidifient par 2,3 et 4 at. oxigène. L'acide oxalhydri- 
que est 1 earbidoxidule acidifié par 4 oxigène; je ne con- 
sidère pas comme faisant partie de la composition l’eau 
d'hydratation, qui aux acides lient lieu de base et aux ba- 
ses , lieu d'acide. L’acide acétique, comme provenant d’al- 
cool, qui a du carbidoxidule, ne peut avoir du carbidoxide 
(2 at.) et de l’eau (1 at.); son carbidoxidule, retenant 1 
hydrogène et prenant 2 oxigène, forme l'acide. 1 carbioxi- 
dule est 1 carbidoxide et 1 carbide. L’oxidule d’un métal 
est 1 oxide et 1 métal. L’at. du corps qui proportionne ne 
peut varier. 1 carbidule et 1 oxigène, ou 1 carbide à la 
quantité que le renferme l’oxidule, et 2 oxigène, serait un 
atome double. La composition de l'acide lactique est déjà 
plus compliquée, et celle de l’acide chinique l’est encore 
davantage ; ces acides et aussi l'acide pyrotartrique sent, 
comme celui acétique, acidifiés par l’eau. L’acide lactique 
est 3 at, carbidoxide et 1 at. eau ; aussi, 1 carbidoxide, 2 
carbide, 1 hydrogène, et 2 oxigène pour acidifier le com- 
posé. Quand il y a plus de 2 at. carbide on ne peut plus faire 
d'oxidule, malgré qu’un nombre considérable (16) de ces 
at. puisse être oxidé par 1 at. l’oxigène sans que le composé 


at 


( 151) 
cesse de proportionner; ce qui n’est pas la même chose 
pour les métaux, qui, étant unis par plus de 2 at. à 1 at. 
oxigène, ne proportionnent plus. L’acide chinique est 7 172 
oxide de carbide et 1 172 eau. L’acide pyrotartrique se com- 
pose de 2 172 carbidoxide et 172 eau. Le sucre est 3 carbi- 
doxide et 3 eau. A l’état anhydre il contient les élémens 
de 1 172 acide acétique absolu , lequel a les constituans 
de 1 formiate d’éther méthylénique, et le sucre lui-même, 
à la quantité de 2 de ses 3 at. carbone-sucre y joint l'eau 
qui hydrate le sucre, est, par ses principes, du carbonate 
neutre d’un éther constitué comme l’éther hydrique, moins 
1 at. carbone, et ainsi de l’éther hydricométhylénique; 
1 carbone, 5 hydrogène et 1 oxigène, ou 1 carbidoxide et 
4 hydrogène. Un carbonate neutre n’ayant pas d'existence 
libre, et n'étant pas de l’essence des sels d’éther de s’hy- 
drater , faute d’un second at. d’éther, le sel, dans son état 
de sucre, est maintenu composé par { at. carbone-sucre 
anhydre. Nous n’avons pas d’acide dans lequel 1 at. car- 
bidoxide est acidifié par l’eau ; l'acide formique dont l’oxi- 
gène serait satnré d'hydrogène, et l’éther méthylénique 
dont l'hydrogène serait saturé d’oxigène, seraient un pa- 
reil acide. Il consisterait en 1 carbidoxide et 3 eau, et serait 
de l'acide acétique moins 1 carbone ; 3 at. carbidoxide for- 
ment l'acide pyrogallique , et 15 at. du même, l'acide ul- 
mique; l'at. impair acidifie les at. pairs. 2 at. carbidoxide 
est 1 at. matière pure du bois, laquelle n’est pas acide; 1 at. 
Carbidoxide de plus la rend acide. L'alcool de bois, échan- 
geant 1 de ses 3 hydrogène contre 1 oxigène, est 1 car- 
bidoxide et 1 eau. L'alcool de raisin, faisant le même 
échange, devient 1 carbidoxide et 1 éther méthylénique, = 
2 carbidoxide et 2 hydrogène. L'aldehyd répond aussi à 172 
at. éther acélique. L'alcool de cétène, faisant le même 


( 152 ) 
échange, serait 2 carbidoxide, 14 carbide et 17 hydrogène ; 
celte composition peut être formulée’en 172 at. formiate 
d’éther, dont les constituans seraient 1 carbidoxide, 30 
carbide et 34 hydrogène. L'esprit de vinaigre est 1 carbi- 
doxide, 172 carbide et 1 172 hydrogène. Il répond à 172 éther 
hydrique et 172 carbidoxide. L'esprit de vinaigre n’ayant 
pas d’atome, peut être le double de la formule ci-dessus, et 
être 1 at. éther hydrique et 1 at. carbidoxide, ce qui le 
ferait correspondre par cet éther à ce que l’aldehyd est 
par l’éther méthylénique. Il répond aussi à du sous-carho- 
nate et, de l’acétate d’un éther qui contiendrait en bihy- 
drure de carbone le double de ce qu’en contient l'éther 
hydrique, et serait ainst 4 carbone, 9 hydrogène et 1 oxi- 
gène ou 1 carbidoxide, 3 carbide et 5 hydrogène. L’acétal 
est 1 aldehydene et 1 172 eau. S'il échangeait 172 eau contre 
172 oxigène, ce serait de l’aldehyd : 1 172 carbidoxide, 
172 carbide et 2 hydrogène. On peut le composer en bisous- 
acétate d’éther hydrique : 1 acide et 3 éther. Le carbidoxide 
avec un nombre variant d’at. de carbide peut être acidifié 
par l’oxigène. L’acide pyroracémique est { carbidoxide, 
2 carbide et 4 oxigène. Le même en nombre variant d’at. 
peut être acidifié par l'hydrogène. L’acide camphorique 
est 5 carbidoxide et 3 hydrogène. Le même encore avec 
un nombre variant d’at. de carbide est également acidifié 
par l'hydrogène. L’acide valérianique est 3 carbidoxide, 
4 carbide et 4 hydrogène. L’excès d'hydrogène à la formu- 
lation du carbone en carbidoxide et carbide n’acidifie pas - 
toujours. L’olivile, 2 carbidoxide, 1 carbide, 1 172 hydro- 
gène , n'est pas acide, Le même excès d'hydrogène ne base- 
fie que dans le cas où du bihydrure de carbone est hy- 
droxidé par l’eau. 1 ou un plus grand nombre d’at. de 
carbidoxide avec un nombre variant d’at. de carbide, et 


( 153 } 

sans excès d’oxigène ou d'hydrogène, sont des corps indif- 
férens. L'huile d’irisde Florence est 1 carbidoxide et 2 172 
carbide. La santaline est 3 carbidoxide et 5 carbide. La 
benzine est 6 carbide réunis en 1 at., c'est de la carbide ré- 
duite qui, en ce nombre d’at., s’isole, et ne peut s'isoler en 
un nombre moindre; le carbidoxide s’isole déjà, étant réuni 
par 2 at. L'hydrogène possède la propriété de réduire plus 
d’un at. de carbone à la capacité de saturation d’un seul 

t. ; le carbone n’éprouve cet effet que de la part de l'hy- 
drogène. La benzine échange 1 hydrogène contre 1 azote, 
contre 1 acide sulfureux. Quand il y a plus de carbone 
qu'il n’y a d'hydrogène pour le carbider, on réunit 2 car- 
bone pour les soushydrurer par 1 hydrogène, comme on 
réunit 2 carbide pour les sousoxider par 1 oxigène. Hydru- 
rulecomme oxidule. Le radical benzoïique est 2 carbidoxide, 
1 carbide et 2 carbidule. Le aHigal ulmarique est 4.carbi- 
doxide et 1 carbidule. 

« La carbide se combine avec des corps qui n’appartien- 
nent pas à l’organisation. Le chlorure de benzine est 3 at, 
chlorure simple de carbide. Le chloroforme est 1 carbide 
et 3 chlore. L’hydrogène doit adhérer bien fortement au 
carbone pour ne pas être enlevé par le chlore. Le chlorure 
d’aldéhydène est 2 carbide et 1 acide hydrochlorique : 
l'acide tient à 2 carbide lieu de 2 oxigène et forme 1 sous- 
hydrochlorcarbide. L'huile des chimistes hollandais est 1 
carbide et 1 acide hydrochlorique : 1 acide est à la place 
de 1 oxigène. L’éther chlorique est le double de cette com- 
position : 2 carbide, 2 acide. 2 carbide oxidulés par 1 sé- 
lène, 1 soufre ou 1 cyane sont composés en sélen, sulf et 
eyanéihers par 3 hydrogène, et ces éthers sont salifiés par 
les hydracides de leur locotenant de l’oxigène. Le sulféther 
peut de plus être simplement sulfuré : ces sels sont les al- 


(154) 

cools de leurs éthers. 2 bihydrure et 2 fois 1 sélène et 1 
hydrogène à la place de 2 fois 1 oxigène et 1 hydrogène 
— 1 alcool de sélenéther et ainsi des autres. 2 carbide oxi- 
dulés par 1 chlore en substitution à 1 oxigène sont par 3 
hydrogène élaborés en 1 chloréther, L'éther méthylenchlo- 
rhydrique est 1 carbide, 1 chlore en place de 1 oxigène, et 
2'hydrogène— 1 chloréther méthylénique, et ainsi pour les 
autres hydracidifiables tenant lieu d’oxigène. Le chlorure 
de méthylène est de l'huile hollandaise. La carbidule, 1 
carbone et 172 hydrogène, prend 172 chlore à la place de 
172 oxigène. La benzine qui s’est laissé enlever 1 hydro- 
gène reste 4 carbide et 2 carbidule. 

» La vapeur de l’at. double de bihydrure de carbone que, 
par la compression, on extrait du gaz éclairant de l'huile 
(2 carbide et 2 hydrogène) se combine avec volume égal, 
el ainsi avec at. égal, de chlore, et forme un liquide d’ap- 
parence éthereuse, lequel consiste en éther méthylénique 
dans lequel 1 at. acide hydrochlorique est substitué à 1 at. 
eau, dont il est le représentant le plus légitime, et 1 at. 
carbide ; 1 bihydrure de carbone et 1 acide, puis 1 carbide ; 
c’est aussi 1 aldéhydène uni à 1 acide; c’est encore 1 huile 
hollandaise et 1 bihydrure. Avec 1 chlore de plus il devient 
2 de cette huile. » 


Histoire.—M. Raoux donne lecture de la première par- 
tie d’un mémoire de sa composition, intitulé Dissertation 
juridico-historique : 1° Sur ce que l’on doit entendre par 
terra salica dans le titre 62 de la loi salique , et 2° sur l’o- 
rigine de quelques anciennes coutumes de la Belgique qui 
excluaient les filles dans le partage des successions des 
biens non féodaux. La lecture de la dernière partie de ce 
mémoire est remise à la prochaine séance. 

— M. le chanoine De Smet, membre de l'académie, fait 


( 155 ) 
parvenir les remarques suivantes sur un passage de la chro- 
nique récemment publiée à Ypres, par M. Lambin. 

« Olivier De Dixmude, auteur d’une chronique que 
M. l’archiviste Lambin a publiéeen 1835, avance que « Phi- 
lippe d’Artevelde appartenait au clergé et portait l'habit de 
lollaert (1), quand les Gantois le nommèérent leur chef et 
commandant en 1381 (2);» particularité curieuse et jus- 
qu'à ce jour entièrement inconnue. 

» Si l’échevin d'Ypres a été bien informé, le fait qu'il 
rapporte doit être attribué au système suivi par plus d’un 
ambitieux , et en particulier par le vainqueur de Bever- 
holt, de paraître extrêmement opposé à l'acceptation d'une 
dignité qu'on poursuit de ses désirs les plus ardens. Le 
chroniqueur semble lui-même donner consistance à cette 
opinion , en ajoutant immédialement après les paroles que 
nous venons de citer que « Philippe s’opposa à son élec- 
tion, mais qu'il jeta le froc aux orties quand il vit qu’il 
ne pouvait en être autrement, et assura qu'il conserverait 
l'honneur de la ville de Gand , dût-il y perdre la vie (3). » 
On trouve dans Meyer que malgré le vif désir qu’il avait de 
s'élever aux honneurs, Philippe chercha d’abord beaucoup 
d’excuses, quand on vint lui présenter le poste de Ru- 
waert: Erat autem satis cupidus honoris , sed armis 
reique militari purum assuetus , multisque verbis se 


(1) Lollaert, Alexianus monachus, kil. 

(2) Den 142 dach in Sporcle of daer omtrent bin desen jare (1381) , was 
ghecooren te Ghent Philips van Artevelt de welke lach in de kerke ende 
leede cenen leiven van eenen lolluert. Merkwaard. Gebeurtenis van Oliv. 
van Dirmude, bladz. 10. 

(3) En hy werder hem jeghen, maer als ky sach dat hy moest wierp hy 
de kuevele of ende zeide hy zoude de steide van Ghent in hare ecre behou= 
den of hy souder vooren doot bliven. Xbidem. 


( 156 ) 

initio excusare (1). Froissart cite des faits analogues (2). 

» Je suis cependant porté à croire que la particularité 
de la vie privée de Philippe d’Artevelde que nous raconte 
Olivier de Dixmude, n’est qu’une fable inventée par les 
ennemis du tribun. Les annalistes contemporains auraient- 
ils pu omettre une circonstance aussi saillante de sa vie, 
eux qui ne nous font grâce d'aucune de ses paroles ou de 
ses démarches? Ils nous rapportent qu'une demoiselle de 
Gand se trouvait dans la tente d’Artevelde la nuit qui pré- 
céda la bataille de Roosebeke ; les chroniqueurs du parti 
français n’auraient-ils pas pris occasion de ce fait pour par- 
ler de l’apostasie dont l’échevin d'Ypres accuse le ruvwaert ? 
Or, j'ai consulté en vain les chroniques connues de cette 
époque, pour y découvrir quelque allusion à un fait de 
celte nature. Olivier de Dixmude se montre d’ailleurs trés- 
attaché au parti du comte, et ne parle qu'avec mépris des 
Gantois et de leur parti qu'il traite de maufaittuers, tqua- 
die ; commun van Ghent, quoiqu'il rende justice à leur 
activité (3). I dit lui-même qu'il a presque oublié de don- 
ner telle ordonnance de Philippe d’Artevelde, parce qu’elle 
ne lui plaît pas (4). N'aurait-on pas quelque droit de croire 
qu'indisposé comme ilétait contre le parti des communes, 
il a accueilli sans preuves un conte hasardé par quelques 
calomniateurs de Philippe? » 


(1) Annal. Meyeri ad an. MCCCLXXXI. 
(2) Ch. 68. 

(3) Die van Ghent, die altoos wakker waren. 
(4) Omme dat het hem niet ghenoucht. 


be 


(157) 


Sur un diplôme du IX° siècle , relatif à saint Gérard , 
par M. Borgnet. 


« En faisant il y a quelques mois des recherches dans 
une collection de chartes déposées au greffe du tribunal 
de Namur, je fus assez étonné de trouver au milieu de ces 
documens qui, pour la plupart, ne remontent pas au delà 
du XV: siècle, un diplôme du IX® relatif à saint Gérard. 
Mon premier soin fut de voir s’il était inédit, ce que diverses 
circonstances me donnaient lieu de croire. A cet égard, je 
fus bientôt au bout de mes investigations N'ayant pas à 
ma disposition l'ouvrage des Bollandistes qui finit; je pense, 
au mois d'octobre, je ne pus vérifier s’il contenait mêïne un 
article sur saint Gérard, dont la fête se chôme le trois du 
mois. Les Æeta Sanctorum Belgii n’ont pas été continués 
jusqu’au siècle où vivait le saint abbé, et le feuillet ren- 
fermant le commencement de sa vie manquait au seul 
exemplaire des Æeta Sanctorum ordinis sancti Bene- 
dicti que je pusse consulter. Je n'ai pas vu dans cet ou- 
vrage la moindre mention du diplôme dont j'ai parlé 
précédemment, non plus que dans la Gallia Christiana 
et les Opera diplomatica de Miræus. Les deux plus an- 
ciennes chartes relatives à l’abbaye de Brogne qui soient 
rapportées par ce dernier auteur sont celles de Charles-le- 
Simple, en 914, et de saint Gérard lui-même en 918 (1). 

Ce résultat me fit faire la réflexion qu'il serait curieux 
que nous fussions redevables de la découverte de cette 
pièce aux poursuites du domaine dont elle devint la proie 
lors d’une des nombreuses saisies opérées sous le gouver- 


(1) Mirœus , 1, p.342, et 11, p 806. 


( 158 ) 


nement hollandais ; que le chapitre de St - Aubain des 
archives duquel elle parait provenir, l'ait tenue jusqu'alors 
soigneusement cachée, et que l’évêque de Namur se soit 
montré aussi peu soucieux du sort d’un document qui con- 
cernail le fondateur de l’abbaye dont il était le chef. La 
chose n’est cependant pas impossible; on sait la défaveur 
avec laquelle les supérieurs de nos maisons religieuses 
accueillaient parfois les savans en quête de monumens 
historiques. 

Quoi qu'il en soit de mes doutes à ce sujet, comme la 
pièce me paraît présenter de l'intérêt pour la science ha- 
giologique, je crois devoir la mettre sous les yeux de l’a- 
cadémie; en voici une copie aussi exacte qu'il m'a été 
possible de la faire : 

€ In nomine sanciæ et individuæ Trinitatis, Karolus 
» divina favente clementia imperator augustus. Notum 
» sit cunctis sacræ Dei ecclesiæ fidelibus presentibus sci- 
» licet et futuris qualiter quidam vir nobilis Rotbertus 
» comes fidelissimus noster cum Tongrensi episcopo Fran- 
» cone deprecalus est nostram clementiam ut quamdam 
» lerram quam ille de manu nostra tenebat in beneñcio, 
» in proprietatem fideli sno nomine sanctioni concedere- 
» mus. Nos autem fidelitatem ejus inspicientes pro Dei 
» amore et per consultum fidelium nostrorum decrevimus 
» ita fieri. Concessimus namque præfato viro sanction: , in 
» comitatu Laumacense, in villa quæ dicitur Merendrec, 
» mansum indominicatum çum aliis viginti qui perti- 
» nent ad ecclesiam de Brogne, quam filius prædicti 
» sanctionis, vir vitæ venerabilis Gerardus, in melius res- 
» tauravit in honorem vivificæ crucis et apostolorum prin- 
» cipem. Restitui etiam ad ipsam ecclesiam de Brogne 
» omnes decimationes tam culturarum quam aliorum 


(159) 


mansorum de jam dicta villa Merendrec, quæ abstractæ 
fuerant de capella sancti Martini et sancti Sulpicii quæ 
sita est in eadem villa Merendricio, per consilium domini 
jam dicti Franconis episcopi , unde et hoc nostræ aucto- 
ritatis præceptum illi fieri jussimus. Per quod judica- 


mus alque jubemus ut præfalas terras, cum decimis 


tam magnis quam minulis, deinceps nostris et futuris 
temporibus securiler teneat , habeat atque possideat , et 
quidquid exinde facere voluerit liberam in omnibus 
habeat potestatem, ut juslicia (sic) concedit unicuique 
de sua proprietate faciendum. Insuper auctoritate nos- 
træ majestatis omnem justiciam tam in vicecomitatu 
quam in omni alio genere justiciæ in eadem villa ac in 
cæteris allodiis prædicti sanctionis et domini Gerardi 
supranominati filii sui ad ecclesiam de Brogne perlinen- 


tibus, eidem ecclesiæ confirmamus. Et ut hæc auctoritas 


nostræ concessionis et confirmalionis per futura tem- 
pora a cunctis fidelibus nostris verius credatur et dili- 
gentius observetur, manu propriasubler eam firmavimus, 
(et) de sigilli nostri impressione insigniri jussimus. 
Signum domini Karoli imperatoris Augusti Amulbertus 
notarius ad vicem Liutuvardi archicancellarii recogno- 
vit. Data V kal. novembris, anno ab incarnatione Do- 
mini DCCCLXXX VII. Indictione V, anno vero Domini 
Karoli Augusti VIIL imper. aucl. actum aquis grani 
palatio in Dei nomine feliciter amen. » 

» La première question qui se présente à la lecture de ce 


diplôme, est celle de son authenticité. Je dois dire qu’il 
n'existe pas de sceau , quoique cependant on aperçoive, 
à l’une des extrémités inférieures, au sein d’une espèce de 
paraphe, une incision en forme de croix de saint André 
où il paraîtrait qu'un sceau a été autrefois appendu. A côté 


Tom. 1v. 12 


( 160 ) 

se trouve le chiffre de l’empereur, une croix portant au 
milieu un À et au bout des branches les lettres K. R. L.S. 
L'écriture ressemble bien à celle de l’époque. Le commen- 
cement du diplôme, jusques et y compris la syllabe im 
du mot émperator est écrit en majuscules d’un pouce de 
hauteur, comme cela se pratiquait alors. Ces majuscules 
se retrouvent à la fin de l'acte depuis signum jusqu'à re- 
cognovit. Voila pour la partie matérielle. 

» Quant au contenu de la pièce, je me hasarderai à 
émettre deux doutes. D'abord, l'expression archicancella- 
rius ne dénoterait-elle pas une origine plus moderne? En 
outre la fraude n’apparaîtrait-elle pas encore en ce que le 
diplôme porte que saint Gérard fit restaurer n honorem vi- 
vificæ crucis l'oratoire fondé par Pepin ? Car il convient 
de savoir que c’est seulement depuis le XII siècle que 
l’abbaye de Brogne devint célèbre par une relique conte- 
nant, disent les annales, un fragment de la vraie croix 
dont lui fit présent un croisé du nom de Manassés (1); 
avant celte époque, elle était consacrée à saint Michel et aux 
apôtres saint Pierre et saint Paul. D'un autre côté, je dois 
aussi le dire, peut-on supposer que les moines de saint Gé- 
rard eussent intérêt à fabriquer cette pièce, lorsque nous 
voyons, en 932, Henri l'Oiseleur confirmer la donation de 
plusieurs domaines conférés à cette abbaye, domaines au 
nombre desquels figure celui de Merendrec, aujourd’hui 
Maredret, qui fait l’objet de l’acte de 887(2). Quant à la 
date , il convient de remarquer qu’elle correspond en effet 
et à la V° indiction , et à la huitième année du règne de 


(1) Voir dans Miræus , Opera dip., 1, p 689, un diplôme relatif à ce 
croisé. 
(2) Miræus, I, p. 38, 


(161) 


Charles-le-Gros ; elle est même de quelques jours antérieure 
à celui où les grands de l’empire déposèrent ce souverain. 

» Je me permettrai d'ajouter quelques mots encore sur 
l'utilité dont peut être ce diplôme. Les auteurs varient sur 
le nom du père du saint; les uns, comme Lemire, l'appel- 
lent Stantio, d'autres comme Fisen Ofantius, d'autres 
enfin comme les pères d’Achery et Mabillon Séantius. Or 
le diplôme cité précédemment l'écrit bien distinctement 
Sanctio. 

» Ceci ne paraîtra peut-être pas fort important , mais ce 
qui, sous le rapport de l'hagiographie, doit l'être davantage 
à mon avis, c’est le parti à en tirer pour fixer, d’une ma- 
nière un peu plus précise qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, 
l'époque de la naissance du saint abbé. Les biographies 
que j'ai consultées , se contentent de la reporter à la fin du 
IX: siècle. Un manuscrit du chanoine de Varick, que j'ai 
sous les yeux, et qui est intitulé : Sacra diocæsis Namur 
censis chronologia , est plus positif el fait naître saint Gé- 
tard vers l’année 874. Mais en admettant l'authenticité du 
diplôme de 887, cette date est certainement inexacte, et on 
ne doit pas croire qu'un enfant de 13 ans eût mérité les 
expressions de vër vitæ venerabilis. On peut, semble-t-il, 
admettre au contraire qu’en 887 saint Gérard avait au moins 
dépassé l'adolescence, et reporter en conséquence l’époque 
de sa naissance à une vingtaine d'années auparayant. Son 
décès étant survenu en 958 ou 959, il serait alors exact 
de le faire mourir, avec la plupart de ses biographes, plein 
de vertus et d'années, puisqu'il eut été nouagénaire. 

» Je ne doute pas qu'un plus savant que moi, que 
M. De Ram entre autres, à qui j'ai déja donné connais- 
sance de la pièce, n’y trouve des ressources et ne fasse 
peut-être aussi sur son contenu des observations qui néces- 


( 162 ) 

sairement ont dû m'échapper. Du reste si je ne me suis 
pas trompé dans mes conjectures, et si l'académie trouve 
qu’en effet l'acte dont j'ai l'honneur de lui transmettre une 
copie, présente quelqu’intérêt historique, elle pourrait, je 
pense, en obtenir le dépôt dans ses archives où il serait 
cerlainement beaucoup mieux placé que sur la tablette 
vermoulue d'un greffe. Je me ferais en ce cas an devoir 
d'indiquer l'endroit où il se trouve. » 


Antiquités nationales. — Recherches paléographiques 
sur l'inscription itinéraire de Tongres; par M. Rouler, 
correspondant de l'académie. 


« Dans les observations sur la colonne itinéraire de 
Tongres, que j'ai soumises derniérement à l'académie (1), 
je crois avoir démontré qu'il était impossible de tirer au- 
cune induction certaine sur l’époque de ce monument, du 
contenu de l'inscription et notamment de l'emploi qu’elle 
fait du mot leuga pour marquer les distances. Il restait une 
autre voie à lenter pour arriver à cette connaissance, c’est 
l'examen de la forme des lettres. Si je ne m'y suis pas livré 
alors, c’est que j'espérais que de nouvelles perquisitions 
m'auraient procuré quelques ouvrages dont je pensais pou- 
voir m'aider dans mes recherches. Trompé dans mon at- 
tente et restreint par conséquent dans mes moyens de 
comparaison, je vais essayer néanmoins de fixer, le plus 
approximativement que possible, l’âge de cette inscription. 

» Trois lettres de l'inscription, savoir : l_4, l'M et PN 
sont surtout remarquables par la singularité de leur forme; 
nous nous arrêterons seulement aux deux premières, dont 


- (1) Voir le Bulletin des séances n° 1, année 1837. 


Tome 1Y. 


Le l'Alcudenire 


Un c 


Lulle 


A TONGRES EN 1817. 
SC ln 16° de largeur. 


T 


[( 


de) 


’ 
j 


L 


FRAGMENT D 


À qu 


Le 


luc 


28 
ic 


ar'qeur 


= 


Bulletin de dloadem 
= : = are 4 


Laée de Srrggraaff Braxt 


AS 


( 163 ) 
Vune offre la configuration du lambda , et l’autre ressem- 
ble à la même lettre double. On trouve ces lettres figurées 
de la même maniére sur deux monumens romains décou- 
verts en Angleterre dans l'Hertfordshire , et publiés par 
Ward (1); l'inscription fixe ces monumens au règne de 
Dioclétien, et l'éditeur remarque que c’est ce qu’indique 
aussi Ja forme des lettres, surtout celle de V2 et de V'Y. 
Le recueil de Gruter (2) renferme plusieurs inscriptions 
d'une époque incertaine, présentant la même configuration 
des mêmes lettres. Il est à remarquer toutefois qu'on n’y 
voit plus le point qui, dans les inscriptions d'Hertfordshire, 
se trouve entre les jambes de |’; ce qui porterait à croire 
qu'elles sont postérieures. Dans l'inscription de Tongres au 
contraire , les jambes de lZ sont encore réunies par une 
ligne horizontale, circonstance qui semble la rapprocher 
de l’époque des inscriptions gravées sur le piédestal d’un 
génie en bronze, qui fut découvert, en 1791, près de 
Neuwied sur le Rhin (3) et qui remonte au consulat de 
Bruttius Præsens et d’Albinus, c’esi-àa-dire, à l’an de 
Rome 999, ou 246 ans après J.-C. On peut donc conjec- 
turer, avec assez de vraisemblance, que l'inscription itiné- 
raire de Tongres doit être placée vers le milieu du troisième 
siècle de notre ère. Il n’est pas probable, que la colonne 


(1) John Ward, An attempt to explain some Remains of antiquity 
lately found in Hertfordshire, pag. 351, planche I, fig. 1 et 2. ( Philo- 
sophical Transactions , vol. XLIIL , 1745.) 

(2) Gruterus, Corp. Inscript,, pl. DXLV, 6, pl. DCCCLXXIV, 2, 
pl. DCCCC, 9. — Voyez encore une inscription trouvée à Saint-Remy 
( Glanum Livii) et publiée par le comte de Caylus, Recueil d’antiqui- 
quités , etc. , tom. VII, pl. LXXV, 1, pag. 263. 

ÿ (3) Dorow, Ræmische Alterthuemer in und um Neuwied am Rhein, 
pag. 71. Atlas pl, VIT, no Let 2, Berlin, 1826. 


( 164 ) 

feugaire dont nous possédons un fragment, soit [a première 
qui ail été érigée dans la cité de Fongres, puisqu'il faut 
supposer que l'on plaçait les colonnes dans les villes, en 
même temps que les pierres marquant les distances sur les 
roules qui y conduisaient. Or comme les deux pierres leu- 
gaires , trouvées près de Soissons (1) el datant du temps 
de Septime-Sévère et de Caracalla, nous autorisent à croire, 
à cause de la proximité des lieux, que les routes de Tongres 
avaient déjà alors leurs pierres leugaires, je pense que la 
colonne à laquelle appartenait le fragment qui nous 
occupe , aura remplacé une autre colonne, détruite peut- 
être à la suite d’une des irruptions des Franks dans notre 
pays, vers le milieu du troisième siècle. » 


Géographie ancienne. — Notice sur la rectification 


d'un passage de Strabon et sur les Argonautes, par 


M. Marchal. 


« La solution d’un problème conduit quelquefois à cher- 
cher celle d’un autre; c’est ainsi-qu’en voulant expliquer 
un passage de Strabon, ou plutôt rectifier l'erreur de la 
plupart des copistes de son manuscrit, je suis venu à di- 
verses recherches sur le mythe des Argonantes. 

Parlons d’abord du passage erroné de Strabon; ce géo- 
graphe, liv. VIT, chapitre 6, pag. 314, est supposé dire 
que la Save est un affluent de la Drave. Voici son texte : 

IDnotoy d voù Nauroyrou moraués 9 Kopxopas, à dyduevos 
Ta PopTia, BTOG pév oÙy és Toy Zavoy eubale , exeuvoc de ec Toy 
ApaBoy , où eg toy Noapoy , tata tn SeysQueriy ; euteuOev de 10h 6 
Noxpos mAndos, rpoclabey Toy da Toy [arcdwr peovta Ex Tou 


(1) Voy. l’Zistoire de l’académie royale des inscriptions ot belles-let- 
tres , vol, IIT, pag. 230 et 233, 


( 165 ) 
A6 opors Kaam guuBalie To AavoGc nara Toys Éxop- 
dozouc. 

* En voici la traduction transcrite de l'édition de 1812. 
« Près de Nauportus passe le fleuve Carcoras, sur lequel 
» on embarque les marchandises ; il se décharge dans la 
» Save, celle-ci dans la Drave; cette dernière dans le Noa- 
» rus prés de Segeste , à cette ville le Noarus devient na- 
» vigable, après avoir reçu la Colapis qui descend du 
» mont Albium et qui traverse le pays des Japodes. Il entre 
» dans le Danube au pays des Scordisques. » 

On sait que Nauportus est Ober-Laybach, je l'ai re- 
connu moi-même en Jllyrie, par sa situation sur la carte 
de Peutinger, à 12 mille d’Æmona, qui est Laybach. La 
rivière Carcoras est la Kerka en Illyrique, la Gurg en Al- 
lemand. Segeste est Sissek; le pays des Japodes est la 
Horvatie appelée par corruption Croatie depuis l'invasion 
des Horvates au VE siècle ; enfin le Noarus est la Save après 
avoir reçu la Culpa (le Colapis),l'Odra et d’autres riviéres, 
de même que la Garonne est appelée Gironde, et que le 
Rupel est formé du Demer, de la Seine et de la Dyle. 

Ayant pu connaître l’hydrographie de la Save et de la 
Drave, par l'expérience que j'avais acquise pendant la du- 
rée de diverses fonctions administratives dans les pro- 
vinces Illyriennes, sous l'empire français; ayant vu Île 
mouvement de la route d'étappe commerciale de l'Italie 
à la mer Noire par ces mêmes rivières, et par le Danube, 
mouvement qui dès le temps d’Aristote élait aussi considé- 
rable qu'aujourd'hui, et par conséquent à plus forte rai- 
son sous la dominalion romaine, je ne pouvais supposer 
que Strabon, dont j'ai reconnu l'exactitude, partout où 
dans divers voyages j'ai consulté ses écrits, se fût 
trompé en disant que la Save se jette dans la Drave, tandis 


( 166 ) 

que la première a son confluent dans le Danube à Essek, 
l'autre à plusieurs lieues en aval, entre Semlin et Belgrade. 
Strabon qui avait parcouru ces contrées, comme il le dit 
lui-même, ne pouvait se tromper sur une navigalion aussi 
importante que celle qui a toujours lié le commerce de 
l'Italie à celui des rivages de l'Euxin : voici comment j'ai 
reconnu que l'erreur vient de ses copistes. 

La ville de Sissek est au confluent de la Save et de la 
Culpa ; cette place de commerce, encore importante au- 
jourd'hui, avait été fortifiée par ordre de Tibère, qui fit 
recueillir dans un canal les eaux de l'Odra et ües marais 
des environs. Plusieurs princes du Haut-Empire romain, 
Probus entre autres, y séjournèrent : c'était une des clefs 
de la Pannonie contre les Barbares Ultra-Danubiens. 

On voit les dessins de quelques-unes de ses ruines dans 
le théâtre du Danube publié par Marsigli: mais j'ai vu dans 
cette ville les restes d’un pont de pierre, d’un château, et 
d’autres antiquités que Marsigli n’a pas édités. 

Les environs de Sissek sont encore plus marécageux 
qu’autrefois; depuis qu'on a intercepté la communication 
ou plutôt le confluent de l'Odra et de la Save vers la com- 
mupnauté de Turopolie, la nature y est tellement contra- 
riée, qu’au mois de mars 1812 la digue de Michevecz, qui 
en retenait les eaux, sur une longueur de 1500 toises, 
fut rompue par un dégel. , 

L'Odra se mêlait donc autrefois aux eaux de la Save, il 
suffit de consulter les cartes du royaume de Hongrie avec 
ses anciennes dépendances, et la carte que Palma publia 
à Trieste en 1812, pour s'assurer de cette vérilé. Ainsi le 
texte : exervos dE es Toy Doa6oy ( celui-ci dans la Drave), 
est erroné. Il faut ac Toy oDpacy. Sans doute le copiste 
aura pris la syllabe initiale 2, pour un article. 


DPODN CRE 


( 167 ) 

Cette erreur est dans les manuscrits 1394, fol. 150; 
1395, fol. 101; 1396, fol. 118 du Sérabon de la Biblio- 
thèque royale de Paris que j'ai consultés moi-même; on 
ÿ lit Dpa6oy. Mais le manuscrit plus ancien, n° 1397, 
fol 166, ligne 26, de la même bibliothèque, et qui est du 
12° siècle, porte avc, ce qui est à peu près exact. Si 
le savant Corai, traducteur de l'édition de 1812, avait 
eu l'occasion de parcourir, comme moi, les provinces d'Il- 
lyrie, il aurait sans doute traduit : Le Carcoras se dé- 
charge dans la Save, celle-ci dans l’Odra, au lieu de dire : 
dans la Drave. 

Jusqu'ici ma notice ne concerne que la Hongrie, mais 
nous allons l’étendre à l'étude généralement répandue de la 
mythologie grecque. Strabon nous apprend au passage 
qüe nous avons expliqué, à la pagination 6, 45,57, 498 
et autres de l'édition princeps, reproduite en marge des tra- 
ductions de 1707 et de 1812, que Nauportus était le port 
des Argonautes. Il blâme Homère de n'avoir point parlé du 
Danube, mais Homère est excusable , ses poèmes ne sont 
pas un cours de géographie générale; il blâme plus sévè- 
rement encore Hipparque et d’autres pour avoir dit que 
l’Ister a deux ramifications , l’une vers l’Euxin, l’autre vers 
l'Adriatique. 

Hérodote avait dit, comme Hipparque, que l’Ister a une 
deses deux embouchures dansl’Adriatique;DiodoredeSicile 
dit en outre, que l’Ister communique au Rhin. Pline l’an- 
cien, ces avant ministre de Vespasien et qui avait tous les 
moyens de l'administration romaine pour rédiger ses écrits, 
blâme également ceux qui s'imaginaient encore de son 
temps, que l'Ister a une embouchure dans l'Adriatique, 
vis-à-vis les bouches du Pô, Justin plus moderne que lui 
d'environ un siècle, ne commet plus cette erreur. 


( 168 ) 

Mais tous ces écrivains et avec eux, Aristote, né en Ma- 
cédoine et par conséquent, d’un pays limitrophe de l’Illyrie 
et en relation avec ce pays, conviennent que les Argonautes, 
ravisseurs du trésor de la Toison-d'Or , arrivèrent à l'Euxin, 
remontèrent le Danube et la Save; parvenus surles hauteurs 
des Alpes grecques, ils portèrent leurs navires sur leurs 
épaules et arrivèrent en Italie et à la mer Adriatique. 

Apollonius de Rhodes et Valerius Flaccus, poètes des 
Argonautes, disent la même chose; plusieurs de leurs héros, 
tels que Stirus et Albanus sont des noms géographiques de 
ces contrées : la Siyrie, (Steyer, Taurisci); l'Albanie d'Eu- 
rope et celle d'Asie. 

Mais on sait que l'antiquité hellénique couvrait du voile 
de la mythologie les faits historiques et géographiques : 
Strabon , le judicieux Strabon, donne l'explication au pas- 
sage concernant ces Argonautes. 

Il dit page 45, que selon Callimaque, élève d’Apollonius 
de Rhodes, la ville de Pola en Istrie, fut fondée par les 
Colques qui poursuivirent les Argonautes: c'est le commen- 
cemeunt de la route de l’Adriatique au Danube. Il cite les vers 
de ce poète: «Partant de ces données, ajoute-t-il, le poète, 
» selon l'usage connu, selon le sien, se conforme tantôt 
» à l’histoire, tantôt y ajoute quelques fictions , il se con- 
» forme à l’histoire quand il parle d’Argo, de Jason, etc. » 

Aristote que nous avons cité, nous met sur la voie pour 
découvrir la vérité, il indique dans son traité : ten Oav 
pan oœovouaroy, de admirandis auditionibus, la route 
des Argonautes depuis le Pont-Euxin, jusqu’à l’Adriatique 
par le Danube et la Save;il dit, dans la traduction latine de 
Montesauro, n° 99 et100, Mons quidam cui Delphino no- 
men est, qui Mentonicam (le pays actuel de Windisch-Ma- 
trei), Zstriamque mediat , cujusfastiqium altum exstat ; 
quod cum Mentones qui littora Adriæ incolunt ascen- 


( 169 ) 
dant, qui in Pontievenieunt, longé intercapetudine «con- 
» templatur, cæterum eo monte forum commune efficitur 
» ad quod quidem cum Ponti mercatores ascenderunt, Les- 
» bia, Chia, Thasia vendunt, ex Adriatico vero mercalores 
» amphoras corcytaicas. » Aristote parle en même temps 
du voyage des Argonautes, et des autels élevés par Jason. 

De toutes ces citations nous concluerons que l’expédi- 
lion argonautique n’est autre chose que le récit mytholo- 
gique des voyages, que les flottes marchandes et les cara- 
vannes faisaient depuis la Colchide jusqu'a l'Italie, et à 
l'Adriatique par l’Euxin. Strabon décrit ces deux routes, 
l’une part d’Aquilée et tourne l'Ocra ou le Carso, arrive à 
Nauportus; l’autre part de Pola, colonie colque, à l'extrême 
promontoire de l’Istrie, arrive à Trieste, colonie grecque, 
monte le Carso, (lOcra) cotoie le lac Lugen et vient à l’em- 
barquement du Carcoras : les deux routes descendent alors 
les rivières. 

Si l’on doutait de ce que je viens d'avancer, il faudrait 
observer : 1° que l’Asie entière, l'Afrique musulmane et 
même la Turquie d'Europe , sont encore aujourd’hui par- 
courues par de semblables caravanes de commercans; nous 
avons vu arriver sur des chameaux en 1812, à Costainizza 
en Illyrie, sous la domination française ; 2° qu’Alexandre de 
Macédoine, élève d’Aristote, donna de nouvelles et plus 
grandes directions à ces caravanes en Asie; celles de l'Inde, 
de la Sérique et d'Alexandrie d'Égypte, ont été décrites dans 
plusieurs savans mémoires de Geoffroi et d’autres archéo- 
liogues modernes ; 3° qu'une ligne de semblables caravanes 
a dû , sans doute, former la communication par l'Euxin, 
entre la Colchide et la Gaule Cisalpine. N'y avait-il pas 
d’ailleurs, au milieu de la Belgique du 13° siécle, une 
route d'étappe de Bruges à Cologne par Bruxelles? L'Europe 


( 170 ) 
était sillonnée de semblables voies caravanistes; 4° que la 
jonction de l'Ister au Pont-Euxin et à l'Adriatique, dont 
parle Aristote et d’autres auteurs, ne peut signifier que la 
route d’étappe et non les eaux du fleuve. 

En effet, au pied des Alpes et de l'Apennin, se trouve cette 
fertile plaine appelée Cisalpine par les Romains, et qui de- 
puis 3000 ans, est l’objet de la convoitise des peuples des 
autres versans des Alpes, depuis Bellovese et Sigovese jus- 
qu'a Charlemagne, Otton-le-Grand , Frédéric Barberousse, 
François [®et Napoléon. Cette Cisalpine,commele démontre 
M. Micali, dans son histoire de l'Italie avant les Romains, si 
fatale au peuple-roi lorsqu'elle fournit à Annibal ses troupes 
gauloises et ses munitions : peut-être Annibal aurait-il con- 
quis Rome, s’il n'eut point préféré de pénétrer et combattre 
dans l'Italie méridionale, au milieu des délicieuses colonies 
grecques qui amollirent ses troupes; cette Cisalpine connue 
par la catastrophe de Phaëton précipité dans l’Éridan; ce fils 
du soleil venait de l'Orient où se trouve le pays des Colques. 

À l’autre extrémité de la ligne d’étappe de l’Adriatique 
à l'Euxin, se trouve, 1° la Colchide, célèbre par la Toison- 
d'Or et le Mont-Caucase , célèbre par Prométhée, qui ravit 
le feu du ciel; 2° le Médie où pénétra Jason; 3° et surtout le 
vaste empire d’Assyrie, le plus ancien foyer connu des arts, 
des sciences, de l’industrie et de tous les bienfaits de la civi- 
lisation, cette Assyrie dans laquelle Lucullus et Pompée se 
gorgèrent de richesses. 

Ainsi tout porte à croire que les marchands de lItalie 
cherchèrent à communiquer avec les contrées caucasiques 
de l’ancien empire assyrien : si l’on en doute, que l’on con- 
sulte le judicieux Strabon, il dit page 498: « Quant aux 
» auteurs anciens, nos mythes annoncent, combien la Col- 
» chide avait d'éclat, lorsqu'ils nous parlent de l'expédi- 


( 171 ) 
» lion de Jason qu'ils font pénétrer jusqu’en Médie et du 
» voyage antérieur de Phryxus. 

Il dit page 22: «Peut-être en effet, Jason lui-même, alla-t- 
» il jusqu’en Italie, au moins vers les Monts-Cérauniens, et 
» autour de la mer Adriatique... On y montre certains mo- 
» numens du passage des Argonautes; il dit page 45; on con- 
» naît en Colchide l’histoire de la magicienne Médée. Les 
» richesses de celte contrée en or, en argent , en fer, an- 
» noncent ce qui peut avoir motivé l'expédition de Jason 
» et précédemment celle de Phryxus... Quant à Jason et 
» aux Colques qui le poursuivirent , on trouve des traces 
» de leur passage jusque vers la Crète, vers l'Italie et au 
» fond du golfe de l’Adriatique. » 

Bannier, dans les Mémoires de l’Académie des Inscrip- 
tions , années 1735 et 1736, retrouve les Argonautes en 
Lybie , dans d’autres contrées en Europe, en Afrique et 
en Asie; il présume d’après Bochari, que leur expédition est 
l’allégorie des voyages d'Abraham ; mais celte opinion n’est - 
plus soutenable aujourd’hui; la philosophie de l'archéologie 
a fait trop de progrès pour s’y arrêter un seul moment. 

Il nous reste à expliquer le passage où Aristote et les au- 
tres écrivains helléno-romains que nous avons cités, par- 
lent du navire Argo porté sur les épaules; c’est évidemment 
une allégorie. Aristole, comme nous l'avons dit, nous ap- 
prend qu’il y avait un marché sur les hauteurs qui séparent 
la Save et l'Adriatique; ceux qui ont vu, comme moi, cescon- 
trées ont reconnu que le charroï, surtout en Croatie, y est 
peu connu : la route Caroline et la belle route Louise, ce chef: 
d'œuvre de l'administration autrichienne des pontsetchaus- 
sées, n'étaient parcourues, pendant mon séjour en Illyrie, 
que par des convois de chevaux ct de mulets, qui portent les 
marchandises sur leurs dos, comme cela se pratiquait en 


( 172 ) 

Belgique au 13 siècle. Cet usage était encore en pleine vi- 
gueur en 1812; on n’y porie que des fardeaux de marchan- 
dises (ræ gogrix) comme le dit Strabon dans les termes for- 
mels que nous avons cités en lête de cette notice; ainsi ce 
passage des écrivains se rapporte aux bêtes de somme, dont 
les hommes sont les conducteurs ; car porter des barques 
sur les épaules est absurde et l’on sait que la mythologie 
ne s’alimente que d’absurdités. 

Tel est le problème que nous avons voulu résoudre, mais 
dont nous n’osons assurer avoir trouvé la solution. Nous ne 
jetons point parmi les chimères tout le mythe argonautique, 
comme fait l'abbé Bannier, mais nous n’adoptons point en- 
tièrement l’idée de Dupuis, dont je fus l’éléve et l'ami, et qui 
dans son Origine de tous les cultes, ne voit dans les poèmes 
d'Apollonius de Rhodes etde Valérius Flaccus que l’allégorie 
argonautique de la marche annuelle du soleil parcourant 
les douze signes du zodiaque. Dupuis, qui a découvert et 
démontré des hautes et sublimes vérités, en a quelquefois 
abusé. 

En terminant celte notice, nous rappellerons que Diodore 
de Sicile dit que le Danube se joint au Rhin; il est inutile 
de prouver que le contraire existe ; mais Strabon nous fait 
connaître qu’un chemin d'étappe commerciale joignait le 
haut Danube au Rhin par le lac de Constance. C'est peut- 
être de cette étappe, mal connue des peuples du Midi, que 
Diodore veut parler. 

Qui nous assurera que les Belges nos ancêtres, n'aient 
point parcouru cette ligne, lorsque, par nos anciennes tra- 
ditions mythologiques, on apprend que Trébeda, chassé de 
l'Assyrie, vint fonder la ville de Frèves, 1300 ans avant la 
fondation de Rome. Anti Romam Triviri stetit annis 
aille trecentis. 


( 173 ) 

Quoi qu'il en soit, la parenté sanscrite des Flamands, des 
Allemands en Europe, avec les peuples du Mont-Caucase, 
_ de la Perse et de l'Inde supérieure en Asie, n’est plus au- 
jourd'hui un problème pour quiconque a la moindre con- 
naissance des langues sémitiques. » 


OUVRAGE PRÉSENTÉS. 


Congres scientifique de Fran ce, seconde session, tenue 
a Poitiers, en septembre 1834, 1 vol. in-&. Poitiers, 
Saurin , 1835. 

Mémoires de l'acadèmie des sciences , agriculture , 
commerce, belles-lettres et arts du département de la 
Somme , 1 vol. in-8°, Amiens. Machart, 1837. 

Annuaire du bureau des longitudes pour 1837, 1 vol. 
in-18. Paris, Bachelier, 1836. 

Bulletin de la société géologique de France , tom. 8, 
feuilles 5-9 in-8°, 1836-1837. Paris. 

Discours prononcé à la faculté de droit de Paris , 
à l’occasion du concours ouvert pour deux chaires de code 
civil; par M. Blondeau, doyen de la faculté. Paris, 1837. 

Extrait du proces-verbal de la séance tenue par la 
Commission royale d'histoire le 4 février 1837, 7% bul- 
letin. Bruxelles, Hayez, 1837. 

Belgische museum voor de nederduitsche tael-en-let- 
terkunde en de geschiedenis des vaderlands , uitgegeven 
door J. P. Willems, 1° deel-1° aflevering. Gent, by P. en 
B. Gyselynck , boekdrukkers, 1837. 

Recueil héraldique et hisioire des familles nobles de 
Belgique, par le baron de Reïffenberg, 2° livraison. 
Anvers, Ropoll fils, 1836. 

Notice sur Middelbourg en Flandre , par le chanoine 
J.-J. De Smet, broch. in-8. Gand, Herbelynck , 1836. 


(174) 


Cataloque de la 56% exposition de la société de botani- 
que de Gand, Gand, Vanderhaegen 1837, de la part 
de M. Cornelissen. 

Discours sur l'état ancien et moderne de l’agricul- 
ture et de la botanique dans les Pays-Pas, prononcé par 
M. Charles Van Hulthem, le 29 juin 1817, broch. in-8°. 
Gand, Vanderhaeghen 1837. 

Notice biographique et littéraire sur Charles Van 
Hulthem , par Voisin, 1 vol. in-8°. Gand , Poelman, 1837, 

Notice biographique et littéraire sur H. Delmotte, 
publiée par la société des bibliophiles belges, 1 vol. in-8°. 
Mons, Leroux , 1836. 

Panorama éthnographique ou Tableau général de toutes 
les langues du globe, avec leur classification, d'après 
M. Adrien Balbi , par H. Somerhausen , docteur en philo- 
sophie, deux grands tableaux. Bruxelles, 1837. 

Mémoires de la société de médecine de Gand, année 
1836, 1 vol. in-8°, Bruxelles, Mertens, 1836. 

Description de deux fœtus réunis par la tête, par 
P. Vottem, 1 vol. in-8°. Liége, Collardin, 1828. 

De la phloridzine dans le traitement de la fievre inter- 
mittente, par Hanegraeff, docteur en médecine, broch. 
in-8°. Gyselynck , Gand. 

Histoire de la Belgique par 3. P. 3. Dumont, 2 vol. 
in-8°, Anvers, Janssens, 1836. 

Histoire de Godefroid de Bouillon , par le même, 1 vol. 
in-12. Anvers, Janssens. 

Pyécis de l’histoire universelle , depuis la création du 
monde jusqu'à nos jours, par le même, 1 vol. in-12. 
Anvers, Janssens. 

Flore luxembourgeoise, par L. À. Tinant, 2 vol. in-&. 
Luxembourg, chez J. P. Kuborn, 1836. 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 5. 


Séance générale du 8 et du 9 mai. 


M. De Gerlache, directeur. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 4 


CORRESPONDANCE. 


M. Le docteur Burggraff adresse à l’académie le ma- 
nuscrit d’une traduction du douzième surate de l’Alcoran. 
L'auteur a enrichi son travail de commentaires nombreux, 
particulièrement puisés dans les commentaires arabes 
de Zamakschari et Beidhavi, qui passent pour les meil- 
leurs, et qui n'ont été publiés ni traduits dans aucune 
autre langue. Commissaires MM. Bekker et Willems. 

M. Cornelissen fait hommage à l'académie d’un troi- 
sième volume de discours, mémoires, recherches histo- 
riques et littéraires , de sa composition, qu'il a eu soin de 
recueillir et qu'il a enrichies de notes manuscrites. Un 
dernier volume in-4° complètera ce recueil. 

Tom. 1v. 13 


(176 ) 

M. De Reiïffenberg présente, de la part de M. le comte 
Goethals-Pecsteen , une médaille à l'effigie de son oncle 
feu M. le chanoine Goethals, vicaire-général de l'évêché 
de Gand, décédé en 1836, à l’âge de 75 ans. Cette mé- 
daille, en bronze, a été gravée par F. De Hondt. 

M. le baron De Stassart présente également à l'académie 
un exemplaire de la sixième édition de ses fables. 


CONCOURS DE 1837. 


L’académie avait proposé sept questions pour la classe 
des lettres, et huit pour celle des sciences. L'examen des 
mémoires reçus en réponse à cinq de ces questions, a 
présenté les résultats suivans : 


CLASSE DES LETTRES. 


Présenter une dissertation raisonnée sur la poésie francaise, 
dès sa première origine, jusqu'à la fin du règne d’Albert et 
d’Isabelle ; en y ajoutant un choix judicieux, mais sobre , des 
passages les plus saillans, propres à caractériser l'esprit et le 
genre des ouvrages de poësie française , publiés ou restés ma- 


nuscrèts ? 


Un seul mémoire portant pour épigraphe : Livres viels 
et anticques, a été envoyé en réponse à cette question. 
L'académie , après avoir entendu ses commissaires , 
(MM. De Reiffenberg, rapporteur; De Gerlache et De Stas- 
sart), a décerné une médaille d’or à ce travail, dont 
l'auteur est M. André Van Hasselt, docteur en droit. 
L'académie a en outre ordonné l'insertion au Bulletin du 
rapport suivant , Ge M. le rapporteur de la commission. 

« C’est un fait très-remarquable dans l’histoire de la 


Po 


de 


( 172%) 

littérature, que la poésie française ait jeté son plus grand 
éclat dans les provinces belges, soit qu'elles fassent 
encore partie de la Belgique, soit que les événemens les 
en aient détachées. Cette considération, fortifiée de quel- 
ques éludes sur celte malière, nous engagea à proposer à 
l'académie d'introduire dans son programme une ques- 
tion sur l’histoire de la poésie française dans notre patrie. 
Nous voulions aussi arriver par un détour à cette conclu- 
sion qu’en écrivant en français, les Belges ne font que 
revenir à leurs traditions, qu’obéir à leurs mœurs, à leur 
caractère et ne peuvent être accusés légitimement d’imi- 
tation maladroite et d’abnégation de nationalité. 

» L'introduction de Ph. Mouskes a eu cette thèse pour 
principal objet. 

» La question proposée resta plusieurs années sans ré- 
ponse, mais l’académie n’a pas perdu pour attendre, car 
le mémoire qui lui est présenté me semble digne de son 
suffrage. 

» L'auteur jette d’abord un coup d'œil sur les invasions 
des Francs qui, dit-il, fondèrent leur capitale à Diest, 
en 428. On sait que les érudits sont maintenant d'accord, 
que le Dispargum sur lequel on a tant disputé, était au 
delà du Rhin. Mais cette opinion ne touche point au fond 
du sujet. 

» Il remarque ensuite qu'il y a deux idiomes vulgaires 
en Belgique, le théotisque et le wallon ou français dont 
M. Raoux a si ingénieusement tracé la démarcation réci- 
proque. Après avoir parlé des premiers monumens du 
théotisque, il entre en matière, Il ne voit guère de traces 
de compositions romanes en Belgique au delà du milieu 
du 1X° siècle et ne donne que quelques détails sur ce 
qui a précédé le XIE: siècle. 


(178) 


» Ici s'offrent à lui: 


Chrestien de Troie, 
Marie de France, 
Raoul de Houdanc, 
Jean le Nivelois. 


» Au XIII siècle : 


Audefroi le bâtard, 
Quesnes de Béthune. 


» (L'auteur s'étend beaucoup sur ce poète, et avec rai- 
son, car les poésies publiées par M. P. Paris, et dont 
Quesnes ou Conon est l’auteur, sont aussi remarquables 
par le style que par les idées ). 


Hugues d’Oisy. 


» Après quelques lignes sur les romans ou chansons de 
gestes, l’auteur mentionne le Renard el l'apprécie avec 
goût et sagacité, en montrant l'influence de cette fable 
sur les arts. Get écrivain regarde le second volume de 
Méon et les suivans comme une traduction complète du 
texte publié par M. Willems. 

» L'auteur, consultant les événemens historiques, mon- 
tre quels sont ceux qui ont pu nuire à la poésie au com- 
mencement du treizième siècle. 

» Il s’occupe alors de Jehan Bodiaus, un des premiers 
poètes dramatiques français. 

» Vient après cela Adam de la Halle, qu'il fait connaître 
surtout d’après les rarissimes publications de la société des 
bibliophiles français. 

» La poésie française prend un nouvel essor après le. 


(“1798 
règne de la comtesse Jeanne. Énumération de plusieurs 
trouvéres , entre autres du chansonnier Baillehaut, Jean 
de Condé le fablier et le duc Henri III de Brabant. 

» Adenez méritait un article détaillé , et l’auteur en a 
parlé en homme d'imagination et de savoir. | 

» Il parcourt ainsi les différentes époques, mariant 
l'histoire à la littérature, évitant la sécheresse, mettant 
dans ses jugemens de la verve et de la chaleur, et les ap- 
puyant par des exemples quelquefois inédits et choisis 
avec bonheur. 

» On sent qu’il y a de la précipitation dans ce travail, 
mais la précipitation n’est que dans la rédaction derniére 
et non pas dans les études de l’auteur qui ont dû être lon- 
gues et sérieuses: 

» On pourrait lui reprocher des omissions, un enthou- 
siasme quelquefois exagéré, des expressions trop figurées, 
mais ce sont de légères taches qu'il est facile de faire dis- 
paraître dans une révision ultérieure. 

» Mon avis est que son mémoire mérite la médaille d’or. 


Indiquer l’époque précise des inventions, importations et 
perfectionnemens qui ont successivement contribué aux progrès 
des arts industriels en Belgique , depuis les dernières années du 
dix-huitième siècle jusqu’à nos jours, avec l’indication des per- 
sonnes qui, les premières , en ont fait usage parmi nous. 


En 1836, un seul mémoire avait été envoyé au concours; 
el tout en reconnaissant que, dans plusieurs de ses divisions, 
il réunissait beaucoup d’exactitude et de mérite, l’aca- 
démie avait toutefois désiré que l’auteur revît son ou- 
rage et en même lemps que d’autres concurrens pussent 
entrer également en lice. 


( 180 ) 

Un seul mémoire encore a été envoyé au concours de 
1837, portant la devise : Nous sommes entrés dans une 
époque de paix, de travail, etc. Get ouvrage présente 
évidemment plus d’exactitude et moins de lacunes que ce- 
lui qui avait été reçu l’année précédente; l'académie a jugé 
qu'il pouvait être d’un grand intérêt pour l'histoire de 
l'industrie en Belgique, et a , en conséquence, décerné la 
médaille d’or à son auteur M. Natalis Briavoinne. 


CLASSE DES SCIENCES. 


L’académie avait Temandé un Mémoire sur l'analyse 
algébrique, dont le sujet était laissé au choix des con- 
currens ; et elle a reçu, en réponse, une note intitu- 
lée : Æssai analytique sur la force de la percussion 
produite par un corps solide, tombé d’une certaine hau- 
teur. 

Les commissaires ( MM. Pagani, Dandelin et Timmer- 
mans) ont fait remarquer que cette note ne concerne que 
les premiers élémens de la mécanique, et que d’ailleurs 
le programme exigeail un mémoire sur l'analyse algébrique. 
L'académie a jugé en conséquence que l’auteur n'avait 
pas satisfait à sa demande. 


Déterminer les modifications que subissent les appareils 
sanguins et respiratoires dans les métamorphoses des batraciens 
anoures. 


Un seul mémoire est parvenu à l'académie, en réponse 
à cette question , avec la devise : Von verbis sed factis. 
Les commissaires ( MM. Fohmann, rapporteur, Wesmael 
et Dumortier) ont présenté sur ce travail les considéra- 
tions suivantes. 


( 181 ) 

« Les batraciens sont, sous beaucoup de rapports, des 
animaux bien remarquables. C’est aux batraciens que se 
rattachent les observations sur lesquelles Spallanzani s’est 
appuyé pour soutenir la théorie de préformation de l’em- 
bryon , et c'est aussi dans les œufs des grenouilles que les 
physiologistes modernes (1) ont trouvé des preuves irrécu- 
sables que l'embryon ne préexiste point, mais qu’il se forme 
par suite de la fécondation des matières contenues dans 
l'œuf et mises en mouvement de métamorphose par l’in- 
fluence du sperme. Ainsi éclairés sur l'origine de l’em- 
bryon, les observateurs modernes ont poursuivi avec plus 
de succès le développement des organes que leurs devan- 
ciers. Qui n’admire pas la patience, l’habilelé et la saga- 
cité qui caractérisent les travaux sur l’organogénésie ? 

Parmi tant de sujets du plus haut intérêt qui ont trait 
au développement et à la métamorphose des organes, les 
appareils de la respiration et de la circulation du sang, 
ont surtout atliré l'attention des observateurs; et ce sont 
ces mêmes appareils qui font l’objet du mémoire dont nous 
allons nous occuper. 

Ce mémoire se compose de soixante et onze pages, et est 
accompagné d’une planche qui représente un grand nom- 


1 Prévost et Dumas; Dutrochet ; Rusconi, Développement de La gre- 
nouille commune, Milan 1826. De Baer, Die Metamorphose des Eïers der 
Batrachier von der Erschoinung der Embryo und Folgerungen aus ähr für 
die Theorie der Erzeugung ; in Müller’s Archiv für Anatomie und Phy- 
siologie, Helft IV, Berlin 1834. 

Burdach : Die l'hysiologie als Erfahrungswissenchaft, Tom 2, Leipzig 
1828, 

Dugès (ant.) Recherches sur l’ostéologie et La myologie des batru- 
ciens, elc. Paris 1834. 


( 182 ) 
bre de figures. IT porte pour épigraphe : 


Non verbis , sed factis. 


L'auteur y traite d’abord de l’état des appareils dont if 
s’agit, à l’époque de la naïssance du fœtus ; ensuite il com- 
pare ces parties avec celles des autres animaux; et enfin 
il passe aux changemens qui amènent l’état parfait de 
l'animal. 


ÉTAT DES APPAREILS RESPIRATOIRES ET SANGUINS À LA 
NAISSANCE (1). 


À. APPAREILS RESPIRATOIRES. 


L'auteur considère les branchies, le péritoine, les sacs 


(1) La naissance a lieu lors de la sortie du fœtus de l’œuf. De Baer ad- 
met six périodes qui embrassent le laps de temps dès la fécondation de 
l'œuf jusqu’au développement de la grenouille. La première période 
s’étend de la fécondation de l’œuf jusqu’à la naissance du fœtus. La se- 
conde période est celle où le tétard respire par des branchies externes. 
Dans cette période naissent les fentes branchiales qui conduisent aux 
branchies internes. La troisième période, commence avec la disparition 
des branchies externes; le tétard commence à respirer par des branchies 
internes. Avec cette période coïncide le développement des membres 
postérieurs. - ‘ 

Suivant Rusconi, le fœtus sagnant plus de force, faisant des mouve- 
mens plus forts, déchire la membrane qui le retient, et sort de l’œuf, 
quatre-vingt et une heures après la fécondation. D’après le même auteur, 
les rudimens des branchies externes apparaissent déjà chez le fœtus ren- 
fermé dans l’œuf. Au cinquième jour, ces branchies se développent rapi- 
dement ; derrière elles les: fentes branchiales se forment. Douze heures 
plus tard, ces fentes et les branchies internes se développent davan- 
tage. Le sixième jour , la branchie externe du côté droit disparait. Le 


(183) 


pulmonaires et la peau , comme servant à la respiration du 
jeune tétard, 

a. Description de l'appareil branchial. — La cavité 
qui renferme les branchies, communique avec la bouche 
par les fentes branchiales ; en outre elle s’ouvre en dehors 
par un pelit canal placé sur la ligne médiane au-dessous de 
la poitrine. Puis , elle se continue en arrière dans la cavité 
abdominale , de sorte que l’eau peut passer de la cavité 
branchiale dans celle de l'abdomen. Toutes les parties qui 
se trouvent ainsi en communication sont tapissées par une 
membrane muqueuse qui remplace, à celle époque, le: 
péritoine. j 

b. Organe de la respiration pulmonaire. — Le pou- 
mon consiste dans un petit sac formé par un prolongement 
du pharynx , prolongement qui recoit deux artères, et qui 
se termine en arrière par deux pelits culs-de-sac. 


septième jour, celle du côté gauche subit le même sort ; de manière 
que le tétard respire maintenant par les branchies internes. 

L'auteur du mémoire ne faisant pas mention des branchies externes, 
n’a commencé ses recherches que sur les tétards parvenus à la troisième 
période de développement , au sixième jour après la fécondation. 

C’est au cinquième jour que se déchire la peau derrière les branchies 
externes ; il résulte de cette déchirure une fente branchiale externe de 
chaque côté. Au devant de chacune de ces fentes se détache un prolonge- 
ment en forme d’opercule qui recouvre ces branchies. Celles-ci en dégé- 
nérant se raccourcissent, En même temps s'élève un bourrelet de la peau 
qui se porte de derrière en avant pour rencontrer l’opercule et pour se 
souder avec lui, Cette réunion a lieu de haut en bas et en arrière. Elle 
s’opère plutôt du côté gauche que du côté droit. C’est ainsi que les ou- 
vertures branchiales externes qui se trouvent d’abord des deux côtés, 
viennent se placer sur la ligne médiane de la partie inférieure et posté- 
rieure de la poitrine, où elles se réunissent en une seule ouverture. 
Rusconi a moins bien reconnu ces dispositions que De Baer auquel nous 
empruntons ces remarques. (Note du rapporteur.) 


( 184 ) 


c. Organe de la respiration cutanée. — La peau est 
décrite sous le rapport de sa coloration, de ses cryptes et 
de ses vaisseaux sanguins. 


B. APPAREIL SANGUIN. 


Get appareil se compose du cœur, des artères, des veines 
et des capillaires. 

a. Cœur. — Description de cet organe. 

b. Artères. — L'artère branchiale présente une bulbe 
à son origine, comme dans les poissons; et, comme dans ces 
animaux, tout le sang traverse d’abord les branchies avant 
d'être conduit aux différentes parties du corps. Chaque 
arcade branchiale reçoit une artère aflérente et donne 
naissance à une autre qui est efférente, laquelle charrie le 
sang oxigéné. Avant que l'artère se distribne à sa branchie, 
elle fournit un rameau d'anastomose à l'artère eflérente. 

Lorsque la respiration pulmonaire commence à s'établir, 
ses rameaux de communication, d'abord capillaires, 
augmentent de volume, et conduisent finalement, quand les 
branchies ne fonctionnent plus, le sang de l'artère affé- 
rente, immédiatement dans l'artère efférente. L'auteur 
compare ces rameaux d'anastomose au canal artériel de 
Botal, avec cette différence que ce canal disparaît quand 
la respiration pulmonaire s’est établie, tandis que ces ra- 
meaux se dilatent quand cette respiration a lieu. 

Les artères efférentes des quatrièmes branchies se distri- 
buent uniquement aux poumons. Ces artères s’anastomo- 
sent souvent avec les troncs artériels de la peau. 

c. eines. — Cinq veines s'ouvrent dans l'oreillette. 
Ce sont les deux veines axillaires , les deux veines pulmo- 
raires et la veine cave inférieure. Cette derniére se trouve 


( 185 ) 
placée entre le foie et le cœur ; elle provient des veines sus- 
hépatiques. La veine porte répond aux artères qui se dis- 
tribuent à la portion abdominale de l'appareil digestif; à 
celle des reins , des testicules et des ovaires. Elle pénètre 
dans le foie par sa face supérieure. 

La veine ombilicale occupe la ligne médiane de la partie 
inférieure des parois abdominales. Elle pénètre dans le 
foie par sa face concave , et s’anastomose dans cette glande 
avec la veine porte. La veine ombilicale ramène le sang de 
la peau et répond aux artères cutanées. 

d. Capillaires. — Les capillaires, dont il est question, 
sont ceux des branchies, ceux des autres parties du 
corps où le sang passe des artères dans les veines, et 
ceux du foie appartenant à la veine porte et à la veine 
ombilicale qui servent à la transmission du sang aux veines 
sus-hépatiques. Le sang sortant du cœur traverse donc 
deux ou même trois systèmes de vaisseaux capillaires, 
avant d'y revenir, disposition qui n'existe pas chez 
l’homme (1). 

Les systèmes capillaires différent par la plus ou moins 
grande finesse des vaisseaux qui les constituent, et par la 
manière dont ces vaisseaux sont disposés. Les capillaires 
des branchies se distinguent par leur volume beaucoup 
plus considérable que celui des autres capillaires. Les ca- 
pillaires du péritoine et des organes abdominaux, sont 
infiniment plus déliés; ils sont flexueux et présentent moins 
d’anastomoses entre eux. Dans la peau et les poumons, les 


(1) Cette disposition est la même chez l’homme, quand on poursuit le 
sang dans son cours du cœur veineux à ce même cœur. La différence qui 
existe, est celle qu’un second cœur, un cœur artériel, s’est placé entre 
les artères afférentes et efférentes. (Note du rapporteur.) 


(186) 


capillaires sont aussi d’une grande finesse; des communi- 
cations nombreuses existent entre eux,desorte que la forme 
des mailles y prédomine. 


CONSIDÉRATIONS PHYSIOLOGIQUES. 


Le tétard paraît respirer par toutes les surfaces qui sont 
en contact avec le fluide ambiant. 

a. Respiration branchiale. — L'auteur regarde cette 
respiration comme très-imparfaile , à cause du peu de dé- 
veloppement des branchies et du volume des capillaires 
qui s’y répandent. Il envisage ces circonstances comme 
défavorables à l’oxigénalion du sang. Ce mode de respira- 
tion ressemble tont-à-fait à celui qu’on observe chez les 
poissons. 

b. Respiration péritonéale. — Le sac qui tapisse la 
cavité abdominale, est un organe respiratoire qui rappelle 
le mode de respiration présenté par les holoturies ; à l'appui 
de celle opinion, l’auteur allègue que l’eau peut aisément 
pénétrer dans cette cavilé; après avoir traversé la cavité 
branchiale, ce liquide vient remplir la cavité abdominale. 
C'est ainsi que l’eau se met en contact avec le péritoine qui 
est très-riche , à celte époque, en vaisseaux capillaires 
fort déliés. 

La ténuité de ces capillaires est considérée comme de- 
vant favoriser l’action de l’oxigène sur le sang, et comme 
devant forcer l’eau, qui est déjà en partie dépouillée de ce 
gaz dans les branchies, d'en céder encore une nouvelle 
quaniilé. Après que l'eau a servi à la respiration abdomi- 
nale elle est expulsée du péritoine dans les cavités bran- 
chiales par l’action des muscles abdominaux; et de ces 
cavités elle est rejetée au dehors par le canal d'écoulement 


(187) 


qui s'ouvre à la fente sémilunaire. En faveur de son opi- 
nion, que le périloine sert à cette époque à la respiration, 
l'auteur cite le crocodile, où l’eau pénètre pareïllement 
dans l’abdomen (1). 

c. Respiration pulmonaire. — L'auteur croit que le 
pelit sac pulmonaire contribue déjà à cette époque à la 
respiration, et qu'il élimine du gaz acide carbonique. Il 
n’admet pas que le tétard vienne, à la surface de l'eau 
humer de l'air. Il a observé des tétards se rapprocher de la 
surface de l’eau, mais au lieu de les voir humer de l'air, 
il s’est aperçu qu'ils en rejettent sous forme de bulles; 
souvent même ils ne venaient pas jusqu’à la surface, et 
nonobstant ils rejetaient ces bulles d’air. La sécrétion ga- 
zeuse dans le poumon n’a rien de surprenant selon l’auteur, 
quand on considère qu’un pareil phénomène a lieu dans 
la vessie natatoire des poissons, laquelle offre beaucoup 
d’analogie avec le sac pulmonaire (2). 


(1) Si ce qu’avance à cet égard l’auteur du mémoire est exact, sous 
le rapport de continuation des cavités branchiales dans le bas ventre, 
c’est une circonstance d’un haut intérêt. Cette seule découverte mérite- 
rait à l’auteur les suffrages de l'académie. Dans le cas où cette disposition 
existe, il n’y a pas de doute que l’eau ne pénètre dans la cavité abdomi- 
nale ; et que l’air, qui est contenu dans ce liquide, n’exerce une influence 
respiratoire sur le sang qui coule dans les vaisseaux capillaires du pé- 
ritoine, lequel, à cette époque, selon l’auteur, est siriche en vaisseaux 
capillaires. (Note du rapporteur.) 

(2) Cette conjecture est assez ingénieuse. Cependant les observations 
alléguées par l’auteur ne sont pas des preuves concluantes que les tétards 
ne hument pas l’air ; quand ils viennent à la surface de l’eau ; ils ne peu- 
vent respirer de l’air sans en rejeter ; et s'ils rejettent des bulles d’air, 
sans se trouver à la surface de l’eau, on n’en doit pas conclure qu'ils ne 
viennent pas de temps en temps à cette surface, pour y puiser du fluide 
aérien (Note du rapporteur ) 


(188 ) 


d. Aespiration cutanée. — La peau est regardée 
comme servant aussi à la respiration, à cause de sa grande 
richesse en vaisseaux capillaires à la face externe du 
derme, et à cause de son contact avec l’eau qui contient de 
V’air atmosphérique. Ge mode de respiration est comparé 
à celui des animaux d'ordre inférieur, et à celui des 
plantes , et il est envisagé comme le prototype de la respi- 
ration placentaire. Les orifices répandus sur la surface 
cutanée et qui donnent dans les follicules, sont comparés 
aux stigmates et aux stomates des insectes et des plantes. 
Par ces orifices, l’eau peut pénétrer dans les follicules 
comme l’air pénètre daus les stigmates ; peut-être aussi que 
les follicules ne sécrètent que des fluides gazeux qui se 
mêlent à l’eau. L'auteur pense que la surface dorsale 
contribue davantage à la respiration que la surface abdomi- 
nale, que la lumière influe sur l’acte respiratoire et que la 
coloration noirâtre du dos témoigne en faveur de l'opinion 
que la respiration est plus active dans cette partie de la 
peau. La matière noire déposée en cet endroit, est com- 
parée à la matière qui colore le poumon et les glandes 
bronchiques chez l'homme. L'influence de la lumière sur 
le développement du tétard, est regardée comme indubi- 
table. 

L'auteur allègue plusieurs observations à l'appui de 
cette asserlion. Il croit que l'influence de la lumière sur 
le développement de l'animal s'opère au moyen de son 
action sur la respiration culanée. Enfin pour démontrer 
davantage l’analogie entre la respiration cutanée et placen- 
taire , l'auteur compare les dispositions des artères, et des 
veines de la peau avec celles du placenta. À deux grosses 
artères qui se distribuent à la peau, répond une veine, la 
veine ombilicale, qui se distribue dans le foie, comme 


( 1695) 
cela a lieu pour cette même veine, chez l’homme (1). 
Telles sont les dispositions et les fonctions des appareils 
respiratoires et de la circulation du sang chez les tétards, 
un ou deux jours après leur sortie de l'œuf. Nous indique- 
rons maintenant les modifications que ces appareils subis- 
sent, d’après notre auteur. 


A, APPAREILS RESPIRATOIRES. 


a. Appareils de la respiration branchiale et périto- 
néale. — Les branchies deviennent plus grandes; ce sont 
surtout leurs feuillets qui angmentent de volume. Lorsque 
les pattes antérieures ont percé en dehors, les branchies 
ont acquis leur plus haut degré de développement. A partir 
de cette époque, les rameaux d’anastomose entre les artères 
afférentes et efférentes de ces organes, se dilatent; les 
branchies deviennent plus pâles. La respiration péritonéale 
n'existe qu’au premier temps de la vie. Aussitôt que les 
branchies se développent davantage, la muqueuse qui 
forme le péritoine , se sépare de celle dont elle fait suite; 
comme la membrane vaginale propre du testicule se sépare 
du péritoine. Aux environs du foie, les feuillets de cette 


(1) L'auteur se livre, dans ce chapitre, à de belles réflexions physiolo- 
giques. Si la peau des tétards joue le rôle que l’auteur lui attribue, et que 
nous sommes disposés à admettre, la respiration de cet être est assez com- 
pliquée, Tout le sang est d’abord exposé à la respiration branchiale. Une 
grande partie de ce sang va être ensuite soumise, dans la peau, à une sem- 
blable influence; et puis, pour que l’hémathose s’achève, cette partie 
du sang est exposée en dernier lieu à l’influence du foie, où elle est débar- 
rassée d’eau et de carbone qui y servent à la sécrétion de la bile. 

Ainsi donc, dans les tétards comme chez les fœtus des animaux d’ordre 
supérieur, les veines sus-hépatiques et la veine cave inférieure charrient 
le sang le plus pur. (Note du rapporteur.) 


( 190 ) 

tunique se soudent , de manière que le péritoine forme un 
sac sans ouverture. Gette occlusion du péritoine coïncide 
avec un plus grand développement du foie. Peut-être que 
la pression que cet organe exerce sur cette membrane, en 
cet endroit, est la cause principale de cette occlusion. 
Après celte époque, les pattes antérieures, logées dans les 
cavités branchiales , exercent une pression sur leurs parois, 
et produisent finalement des déchirures pour se porter en 
dehors. Les cavilés branchiales présentent maintenant trois 
ouvertures pour l'évacuation de l’eau. Mais bientôt l’ouver- 
ture d'écoulement au-dessous de la poitrine, se bouche de 
manière que l’eau ne s'écoule que par les deux fentes 
situées au-dessous des bras. Enfin les branchies dégénèrent, 
et les fentes branchiales internes, ainsi que celles placées 
au-dessous des bras , s’oblitèrent. 

b. Organe de la respiration pulmonaire. — Le sac 
pulmonaire divisé en arrière, le devient davantage, et fina- 
lement tout-à-fait ; de sorte qu’il y a deux poumons. Lors- 
que les pattes antérieures ont percé la peau, le sac pul- 
monaire prend un accroissement rapide, probablement 
occasionné par le grand développement des branchies 
antérieures qui lui fournissent ses artères. Les vaisseaux 
sanguins forment un réseau sur le sac pulmonaire; entre 
les mailles de ce réseau naissent des bosselures en dehors, 
sur lesquelles se répandent d’autres vaisseaux capillaires. 
Enfin, dans les mailles de ces vaisseaux, s'élèvent de nou- 
velles hbosselures, qui se prolongent, et qui deviennent 
cellules ou vésicules, etc. C’est ainsi que se forment les 
vésicules pulmonaires et que le simple sac pulmonaire se 
transforme en poumons. 

c. Organe de la respiration cutanée. — La coloration 
de la peau subit des modifications. Les orifices qui se ren- 


(. 1940) 
contrent dans celte partie, et que nous regardions comme 


des rudimens de follicules, deviennent plus grands et se 
transforment en véritables follicules et en petites glandes, 


B. APPAREILS SANGUINS. 


a. Cœur. — L'oreillette simple devient double. C’est la 
partie dans laquelle les veines pulmonaires déversent leur 
sang qui augmente de volume et donne naissance à la se- 
conde oreillette. Les deux oreillettes versent leur sang dans 
un ventricule unique. 

b. Arteres. — La bulbe de l’artère branchiale disparaît 
avec la disparition des branchies, En même temps, les 
rameaux de communication se dilatent et font passer le 
sang aux artères eflérentes et aux diverses parlies du 
corps. 

c. V’eines. — Les veines subissent des modifications ana- 
logues aux artères auxquelles elles répondent. La veine 
ombilicale persiste après la métamorphose; mais elle est 
diminuée de calibre, comme les artères cutanées, depuis 
que les poumons ont commencé à fonctionner ; lorsque le 
sommeil hibernal approche, elle paraît reprendre sa gros- 
seur premiére. 

d. Capillaires. — Les capillaires ne paraissent plus 
aussi nombreux que dans la jeune larve. Cela paraît dé- 
pendre de l’écartement qu’ils ont éprouvé par suite de la 
déposition de différentes substances dans leurs mail- 
les , etc. 


+ 
CAUSES DE L'ATROPHIE DES BRANCHIES. 


L'auteur se livre à des considérations, et en tire des con- 
Tom. 1v. 14 


( 192) 

clusions qui ne nous paraissent pas tout-à-fait fondées. La 
respiration branchiale existant encore, quand celle des 
poumons est déjà établie , le sang subit une double héma- 
those, devient trop coagulable pour les branchies, dont les 
capillaires en sont obstrués, etc. La queue tombe à la 
même époque où les branchies disparaissent. L'auteur 
croit que la queue se détache comme une partie frappée de 
gangrène (1). 


REMARQUES SUR L'APPAREIL RESPIRATOIRE DU PIPA. 


La peau du tétard du pipa est son organe principal de 
respiration. L'auteur n’a pas trouvé de branchies sur les 
individus qu'il a soumis à ses investigations ; peul-être que 
cet organe avait disparu. D'un autre côté, encore que ces 
organes existassent, ils ne pourraient être d'aucune utilité, 
vu que le fœtus est renfermé dans la peau de la mére, 
d’où il ne sort qu'à une époque très-avancée de son déve- 
loppement. La peau du tétard du pipa ressemble plus au 
placenta que celle des larves de grenouille. Getie peau se 
met en contact avec un prolongement de la peau de la 
mére, avec les cryptes qui représentent l'utérus et qui pa- 
raissent fonctionner comme placenta utérin. 


Tel est le résumé du mémoire dont nous sommes chargés 
de rendre compte. On pourrait peut-être nous reprocher 


(1) L'auteur s’est laissé probablement induire en erreur par des chan- 
gemens de peau qui s’opèrent à plusieurs reprises chez les tétards; il ny 
a, que je sache, aucun observateur qui fasse mention d’un semblable phé- 
nomène. Au contraire ils disent que la queue disparaît par suite de l’ab- 
sorption, et que la matière ainsi reprise dans la circulation sert au déve- 
loppement des parties qui se forment à cette époque. 

(Note du rapporteur.) 


( 193 ) 
de l'avoir fait d’une manière trop succincte. Cependant 
nous nous sommes plus étendus sur les chapitres qui nous 
ont paru plus remarquables. 

Quant à notre opinion sur la valeur du mémoire, nous 
devons d’abord exprimer nos regrets que l’auteur n'ait pas 
embrassé dans ses recherches les premières périodes du 
développement des êtres qui font l’objet de son travail ; et 


en second lieu nous pourrions lui reprocher de ne pas 


avoir suffisamment mis à profit les travaux de ses devanciers. 
Pour ce qui concerne ses recherches et l'exposé de leurs 
résultats, nous croyons devoir en témoigner notre salis- 
faction. Il décrit clairement les dispositions anatomiques; 
et en général ses inductions physiologiques ne manquent 
pas de solidité, et démontrent qu'il possède des connais- 
sances en histoire naturelle et n’est pas étranger aux pro- 
grès des sciences physiologiques. 

Ce que dit l’auteur relativement à la communication de 
la cavité branchiale avec la cavité abdominale, nous paraît 
être fort remarquable, à cause de la respiration abdomi- 
nale ou péritonéale qui s’y rattache. Ni Rusconi ni 
De Baer ne font mention d’une pareille disposition, et nous 
n'avons rien trouvé de semblable dans les autres auteurs 
que nous avons consullés. C'est un fait nouveau. Non 
moins intéressantes sont les considérations sur la fonction 
de la peau , comme organe respiratoire. L'auteur trouve 
beaucoup d'analogie entre la peau chez les télards et le 
placenta des animaux d'ordre supérieur : à deux grandes 
artères , quise distribuent à la peau, répond une veine qui 
ya se jeter dans le foie, la veine ombilicale. 

Dans les animaux d'ordre supérieur, comme chez 
l'homme, le placenta , la branchie abdominale, ainsi que 
nn. aussi les physiologistes modernes, s'applique à 


( 194 ) 

la surface interne de la matrice. Cette application consiste 
en un simple adossement de ces deux corps : il n'existe 
point de communication entre les vaisseaux de la mère et 
ceux du fœtus; le fluide que l'utérus sécrète humecte ou 
arrose les vaisseaux capillaires du placenta fétal; c’est ainsi 
qu'a lieu l'influence qui constitue le mode de respiration 
branchiale. 

Chez les oiseaux et chez la plupart des reptiles qui se 
développent hors du corps maternel , et qui restent en- 
fermés dans les œufs jusqu’à leur évolution presque par- 
faite, les branchies abdominales consistent en des vais- 
seaux qui se portent hors du corps et qui se répandent dans 
une membrane jusques à laquelle l'air pénètre au travers 
des enveloppes externes de l’œuf. Ce procédé respiratoire 
ressemble à celui qui se fait par les poumons. 

Enfin chez les batraciens, il n’y a pas de vaisseaux qui se 
portent à l’abdomen hors du corps pour aller à la rencontre 
de l'air ou de l’eau. Ce sont les vaisseaux de leur peau 
qui ont augmenté de volume; c’est leur peau conjointe- 
ment avec leurs branchies qui sert d’organe respira- 
toire. 

Fort intéressant est le rapport qui existe entre la peau 
du tétard du pipa, et celle de la mère, où les follicules ser- 
vent de matrice au fœtus. Ici, comme dit l’auteur, l’ana- 
logie de la peau du fœtus avec le placenta, saute encore 
plus aux yeux. 

Du reste, il est généralement reconnu que la peau des 
batraciens exerce une fonction respiratoire. L'auteur a le 
mérite d’avoir élabli que la même chose a lieu chez les té- 
tards, appuyant son opinion sur des analogies entre les 
vaisseaux de la peau avec ceux du placenta. 

Les observations de l’auteur sur la formation des cel- 


( 195 ) 

lules pulmonaires et des follicules cutanées, méritent égale- 
ment de fixer l'attention de l'académie. Ge qu’il dit à cet 
égard est tout-à-fait d'accord avec les observations que nous 
avons faites nous-mêmes sur la formation des glandes. Les 
poumons se forment d’après le même type que les glandes 
à canaux excréteurs. Les bronches , la trachée artère et les 
canaux excréteurs des glandes, ne tirent pas leur origine 
dans les poumons et dans les glandes, mais ces organes-ci 
naissent par le développement de ces canaux en dehors. La 
trame de ces viscères provient de la peau et des mem- 
branes muqueuses. À la surface de ces tuniques, dans les 
mailles des vaisseaux capillaires, naissent des enfoncemens 
qui produisent des culs-de-sac; dans ces prolongemens se 
forment de nouvelles mailles qui à leur tour donnent naïis- 
sance à d’autres prolongemens. C’est ainsi que naissent les 
parties fondamentales des poumons et des glandes. Les 
canaux excréteurs et leurs ramifications qui finissent en 
culs-de-sac , réunis plus ou moins intimement ensemble, 
par des tissus intermédiaires, représentent les parenchymes 
de ces organes. 

En définitive, nous pensons que l’auteur, par son travail, a 
avancé les connaissances des parties qu'il a étudiées, et 
qu’il a ainsi atteint le but que l'académie s’est proposé 
par la question mise au concours. 

Cependant si l’académie partage notre manière de voir, 
nous désirerions que l’auteur démontrât en sa présence, 
sur des tétards, la communication de la cavité branchiale 
avec celle de l’abdomen ; nous voudrions aussi qu’il revît la 
planche annexée à son mémoire, dont les figures devraient 
être plus soignées , et qu’il ajoutât des chiffres, avec une 
description plus détaillée. » 

D'aprés les considérations exposées dans ce rapport et 


e 


( 196 ) 

d'aprés de nouvelles explications de MM. les commissaires 
sur le mérite du mémoire envoyé au concours , l'académie 
a décerné une médaille d'argent à son auteur, M. Henri 
Antoine Lambotie de Namur, étudiant en médecine à 
l'université de Liége. Elle a décidé en outre que le travail 
serait inséré dans le recueil de ses mémoires, sous la condi- 
tion que l’auteur fasse subir à ses dessins les changemens 
nécessaires , el qu'il figure d’une manière satisfaisante la 
communication de la cavité branchiale avec celle de l’ab- 
domen. 


Quelle est la quantité de matière colorante de nos garances, 
comparées à celles d’ Avignon et de Zélande? Peut-on obtenir 
des garances indigènes la même nuance que des garances 
étrangères? Les vieilles garances ont-elles des avantages sur 
les nouvelles et en quoi consistent ces avantages? Donner un 
moyen certain et facile pour reconnaître la falsification et la 
qualité des garances ? 


MM. les commissaires (De Hemptinne, rapporteur , Mar- 
tens et Van Mons) présentent le rapport suivant sur les 
mémoires qui ont éié reçus pour le concours. 

« L'académie a reçu trois mémoires sur cette ques- 
tion. 

Le premier écrit en français ne peut être admis au 
concours parce que l’auteur a mis son nom à la tête de son 
Mémoire. 

Le deuxième écrit en flamand , sans épigraphe, n’a pas 
traité la question d’une manière qui puisse fixer l’attention 
de l’académie, 

Le troisième, dont l’épigraphe est: Res non F’erba est 
le seul qui ait paru devoir être l’objet d’un rapport pour 
le concours. 


ä 


( 197 ) 


PREMIÈRE PARTIE DE LA QUesrion. — Quelle est la quantité de 
matière colorante de nos garances comparées à celles d’Avi- 
gnon et de Zélande? 


Avant de répondre à la première partie de la question, 
l'auteur paraît s'être demandé : Exige-t-on une réponse 
considérée sous le point de vue analytique, c’est-à-dire, 
doit-on apprécier la quantité absolue de matière colorante 
contenue dans ces garances ; ou bien veut-on une donnée 
pratique, en évaluant le pouvoir tinclorial des garances, 
d’après les procédés de teinture usilés aujourd’hui? 

Adoptant cette dernière manière de voir la question, 
l'auteur s’est livré à des recherches de teinture, en suivant 
le procédé qui avait été employé par M. Henri Schlumber- 
ger ( Bulletin de la Société industrielle de Mulhausen , 
n° 32) et qui consiste à faire agir au B. M. douze grammes 
de garance ( délayée dans un litre d’eau dislillée), sur un 
pied carré de toile de coton imprimée en mordans divers, 
avec de l’acétate d’alumine plus ou moins concentré, pour 
le rouge et le rose, et avec de l’acétate de fer , aussi plus ou 
moins concentré, pour le noir, le violet et le lilas. 

Il a conclu des divers essais qu’il a faits, que les bonnes 
garances de Belgique ont un pouvoir tinctorial égal aux 
bonnes garances d'Avignon et de Zélande; ou bien qu’à 
poids égal elles rendent en teinture, par les procédés usi- 
tés, des nuances tout aussi foncées et aussi intenses que les 
meilleures garances étrangères. 

Ces essais comparalifs de teinture, auxquels l’auteur 
s'est livré, ne sont pas sans utilité, mais ils ne résolvent 
pas la question. Il eût dû contrôler les indications obtenues 

-sur la fibre organique , par les résultats d'essais chimiques ; 
une analyse élait nécessaire pour isoler les matières colo- 


( 198 ) 
rantes de ces diverses espèces de garances, pour en faire 
connaîlre les quantités el en même temps pour déterminer 
les proportions des autres substances étrangères à la ma- 
tière colorante. 

Deux qualités de garance, trailées par le même procédé 
de teinture, peuvent abandonner à la toile mordancée une 
égale quantité de matière colorante, quoique la quantité 
qu’elles possèdent soil différente : au contraire, il se peut, 
que la quantité de matière colorante fixée par le tissu, soit 
inégale, dans le cas même où la quantité que les racines 
possèdent soit égale, parce que les autres principes qui 
accompagnent la malière colorante peuvent favoriser ou 
empêcher l'application sur le tissu. Ge que je viens de dire 
de la quantité peut aussi s'appliquer à la qualité. Outre 
les considérations précédentes, on peut encore remarquer 
quelques circonstances à l’appui de ces observations : la 
même quantité et qualité de garance peut céder à la toile 
mordancée plus ou moins de matière colorante et la fixer 
d’une manière plus ou moins durable, selon le procédé de 
teinture qui aura élé pratiqué. Ce cas nous est démontré 
dans le mémoire, par le garançage fait à la craie et celui 
fait sans craie. 

Un fabricant emploie indifféremment deux espèces de 
garance, parce qu'il en obtient le même résultat; mais si 
une analyse vient Jui apprendre que l'une de ces deux 
espèces est plus riche que l’autre en matière colorante, il 
fera des essais en modifiant son procédé de teinture, et il 
pourra, peut-être, parvenir à utiliser une plus grande 
quantité de matière colorante par un perfectionnement 
quelconque. 

Je me résume, en disant que l’auteur n’a pas résolu la 
premiére partie de Ja question; les essais qu'il à faits n’ont 


( 199) 

pas déterminé la quantité des matières colorantes des ga- 
rances, mais ils apprennent seulement qu’avec les procé- 
dés deieinture qu'il a suivis, on obtenait avec nos garances, 


les mêmes résultats que donnent les garances d'Avignon et 
de Zélande. 


DEUXIÈME PARTIE DE LA QUESTION. — Peut-on obtenir des garan- 
ces indigènes la même nuance que des garances étrangères ? 


M. Haussman et après lui M. Schlumberger attribuant 
la supériorité de la garance d'Avignon du Palud, à la nature 
fortement calcaire du terrain où elle croît, et par suite 
à la présence de la chaux dans cette racine, pensèrent qu’on 
pourrait améliorer les autres espèces de garance, en ajou- 
tant de la craie à leur bain de teinture. L'auteur de ce mé- 
moire répéta avec nos garances ce qui avait élé fait avec 
celles d'Alsace et de Zélande, et il obtint comme MM. Hauss- 
man et Schlumberger par ces garançages à la craie, des im- 
pressions bien nourries, qui résistaient aux avivages faits 
au savon el à l'acide nitrique, et sortaient de leurs bains 
avec de belles nuances rouges ou roses, peu différentes 
de celles obtenues avec la garance d'Avignon ; tandis que 
d'autres toiles, qui ont subi l'opération du garançage, mais 
sans addition de craie, produisent des impressions qui pa- 
raissent bien nourries en sortant du bain de garance, mais 
qui se comportent bien différemment dans l’avivage au sa- 
von et à l'acide nitrique ; car elles ne conservent après ce 
passage que des impressions presqu’entièrement décolo- 
rées. 

L'auteur conclut de ses expériences que les garances de 
Belgique sont entièrement identiques avec celles de Zé- 
lande, et qu'elles peuvent remplacer, pour tous les articles 


à ( 200 ) 
de teinture, toutes les autres espèces de garance, vu qu’elles 
produisent des nuances Lout aussi belles el tout aussi vives 
que les autres espèces. 

Cette deuxième partie de la queslion , qui était loute de 
pratique, a été traitée par l'auteur avec soin. On verra, 
avec plaisir, une carte annexée au mémoire, offrant les 
échantillons de ses essais comparatifs de teinture. Il a mis 
hors de doute l'influence avantageuse que produit le carbo- 
pale de chaux et les eaux calcaires dans le travail des bains 
de nos garances, mais je ne suis pas tout-à-fait d'accord 
avec Jui sur ses conclusions, par lesquelles il prétend que 
les garances de Belgique sont entièrement identiques avec 
celles de Zélande, et qu’elles peuvent remplacer toutes les 
autres espèces de garances. 

L'identité des garances de Zélande avec les nôtres, ne 
pourrait être bien prouvée que par l'analyse ; néanmoins 
je suis disposé à croire que les différences entre elles sont 
peu importantes. Je me suis assuré aussi qu'on obtient, de 
ces diverses espèces, des résultats de teinture qui différent 
peu; mais il paraît encore fort douteux qu’elles puissent 
remplacer la garance d'Avignon pour les impressions roses 
et Le rouge d’Andrinople. 

Nous voyons, par la carte d'échantillons, que les im- 
pressions qu’on obtient avec nos garances, moyennant l'in- 
terméde de la craie, donnent à la vérité des rouges à s’y 
méprendre dans la comparaison avec ceux de la garance 
d'Avignon$ mais l’auteur n'a pas montré des impressions 
roses, qui sont les plus difficiles à produire avec nos ga- 
rances de même qu'avec celles de Zélande. Pour remplir 
celte lacune , el dans la vue d’éclaircir le sujet en question, 
je me suis décidé à faire quelques impressions roses, et en 
outre , quelques autres couleurs qui ne demandent que peu 


ë 
: 


( 204 ») 
ou point d’avivage, mais j'ai employé pour ces teintures la 
garance de Zélande au lieu de celle du pays. 

J'avais aussi commencé la préparation d'échantillons en 
rouge d'Andrinople sur fil et sur toile, mais ils se sont 
trouvés égarés par accident lorsqu'ils élaient sur le point de 
passer au garançage. 

Comme ces premières opérations sont assez longues, le 
temps ne m'a pas permis de les recommencer. 

Les échantillons n°° 1 et 4 de ma carte jointe au présent 
rapport sont Leints en garance de Zélande sans craie. 

Les n°° 2 et 5 sont teints en même garance avec craie, 
et les n° 3 et 6 sont leints en garance d'Avignon pure. 

Ces six impressions , qui n’ont pas été avivées , ne présen- 
tent aucune différence sensible. 

Les n° 7,8, 9, 10, 11, 12, sont des Hbutiliôns sortant 
du même bairi de teinture que les précédens, mais avec 
cette différence que ceux-ci ont passé à l’avivage. Les n°° 7 
et 8 Zélande avec craie et 10 et 11 Avignon pure, présen- 
tent si peu de différence qu’elle échappe aux yeux qui n’y 
sont pas exercés. Les n°9 et 12 Zélande sans craie n’offrent 
plus (comme on le remarque aussi dans les échantillons 
de l’auteur) qu’une impression presqu'entiérement dé- 
truite par l’avivage. 

Les n° 13,14,15,16,17, 18, qui sont également teints 
en Avignon pure et Zélande avec craie, paraissent être aussi 
de la même nuance; cependant l'œil exercé trouve une 
nuance grise dans la teinte rose des impressions provenant 
de la garance de Zélande. 

Les échantillons n° 19, 20, 21, 22, offrent plus d’in- 
térêt pour la question qui nous occupe que les autres échan- 
tillons. Ce sont des impressions double rose qui exigent des 
bains plus forts en garance . parce que leurs mordans fixent 


( 202 ) 
une plus grande quantité de matière colorante. Ici la diffé- 
rence est plus sensible entre les nuances, et la supériorité 
de la garance d'Avignon est mise à l'évidence, même pour 
les personnes qui ne sont pas habituées à en juger. 

Les n° 23, 24, 25, 26, 27, 28, sont des impressions à 
fond blanc avec dessins rouges, noirs et violets, et les 
n°% 29, 30, 31, 32, sont des violets purs. Tous ces échan- 
tillons ont été teints avec de la garance de Zélande; la moitié 
avec craie et l’autre moïilié sans craie. Ici la différence est 
peu sensible, seulement la nuance du rouge du n° 24, pa- 
raît un peu moins jaune que celle de n° 23. Je ferai remar- 
quer que les eaux qui ont servi à ces bains de teinture sont 
calcaires, et que l'addition d’un peu de craie deviendrait 
indispensable, pour ces articles d'impressions , si les eaux 
n'étaient pas ou étaient trop peu calcaires. 

Il me paraît qu’il résulte de mes essais , et de ceux de 
l'auteur : 

1° Qu’avec l'addition de 1710 de craie, ajoutée aux bains 
de teinture préparés avec des garances du pays ou de Zé- 
lande, on peut produire des impressions roses peu diffé- 
rentes de celles que l’on obtient avec la garance d'Avignon 
du Palud ; 

2° Que l'addition de craie avec nos garances , de même 
qu'avec celles de Zélande, ne donne pas pour les impres- 
sions double rose un résultat avantageux aussi marqué que 
pour les impressions précédentes; 

3° Que l'addition de la craie a été favorable à la teinture 
de la toile en rouge d’Andrinople, faite avec nos garances 
(voir les échantillons de l’auteur), sans avoir pu atteindre 
la belle couleur de la toile teinte en garance d'Avignon; 

4° Que pour les articles d’impressions en dessin rouge, 
noir, violet ou lilas, qui ne doivent pas être soumis à des 


( 203 ) 
avivages aussi aclifs que les roses, et pour la teinture des- 
quels nos fabricans n’emploient ordinairement que la ga- 
rance de Zélande ou celle du pays, l'addition de la craie 
n’est utile que pour autant que le fabricant emploie des 
eaux, pour ses bains de teinture, qui soient trop peu cal- 
caires. 

En résumé si l’on n’est pas encore parvenu à affranchir 
nos fabricans de l'emploi de la garance d'Avignon, on ne 
doit pas rejeter la possibilité de pouvoir la remplacer plus 
tard par celle du pays et de Zélande. C’est ici qu’on sent la 
nécessilé d’une bonne analyse de ces diverses racines : si ce 
travail avait été fait par l’auteur, on pourrait se prononcer 
plus affirmativement sur cette partie de la question, car il 
est probable que la différence que l’on observe provient 
d’une plus forte proportion d’alizarine dans la garance 
d'Avignon. 


TROISIÈME PARTIE DE LA QUESTION. — Les vieilles garances ont-elles 
des avantages sur les nouvelles, et en quoi consistent ces 
avantages ? 


L'auteur décide d’abord affirmalivement la question en 
disant que l'emploi des garances en grand, ainsi que les 
essais qu'il a faits en petit, lui ont constamment démontré 
qu'elles acquièrent une amélioration très-notable par la con- 
servation, J'ai souvent observé, dit-il, que 100” garance de 
deux années, équivalent à 120 * des mêmes garances de deux 
mois de tonneau. Il rapporte ensuite diverses observations 
pour appuyer son opinion sur les faits qu'il mentionne. 

Première observation. — Des racines fraîches de 1833 
essayées comparativement avec des racines séchées rapide- 
ment, ne donnaient que peu ou point de différence , qui 


( 204 ) 
d'ailleurs se trouvait quelquefois en faveur de la garance 
fraiche, d’autres fois en faveur de la garance sèche. 

Si cette dernière, après avoir été pulvérisée, est aban- 
donnée pendant 3 ou 4 jours à l’action de l’air , elle pré- 
sente une faculté tinctoriale plus faible que celle de Ja ga- 
rance fraiche. 

2e Observation. — Les mêmes poudres furent placées 
immédiatement après leur pulvérisation, dans des bou- 
teilles bouchées en liége el conservées jusqu’en 1836. Douze 
grammes de ces poudres produisirent alors des couleurs 
aussi foncées et aussi nourries qu'avec 18 ou 20 grammes de 
poudre employée en 1833. 

3° Observation. — Des garances d’une qualité moyenne 
possédaient, après dix années de tonneau , un pouvoir tinc- 
torial égal aux garances de 1"° qualité, quoiqu’elles fussent 
devenues invendables par la couleur brune foncée qu’elles 
avaient prises. 

4° Observation. — Des garances conservées depuis qua- 
torze mois dans des flacons en verre bien bouchés, rendent 
encore parfaitement bien à la teinture. 

5e Observation. — Enfin, dit l’auteur, un des faits les 
plus surprenans que j'eusse observé, fut une augmentation 
de 80 p. °7,en pouvoir tinelorial d'une garance que j'avais 
conservée dix années dans un flacon mal fermé. 

Ge Observation. — Des racines enlières conservées pen- 
dant 8 années et entassées dans un grenier produisirent, 
après ce temps, des avantages de 50 à 60 p. °, en teinture 
sur la quantité de matière colorante dont elles avaient fait 
preuve élant nouvelles. 

L'auteur après avoir relaté ces observations, dit que les 
garances nouvelles ont en outre l'inconvénient de charger 
beaucoup plus les fonds blancs des étoffes, pendant la tein- 


L' 


( 205 }) 

ture, que ne le font les vieilles garances. Il cherche ensuite 
à expliquer Pamélioration qu'obtiennent les garances en 
vieillissant, et il dit qu’il ne peut admettre que les racines 
nouvelles soient moins riches en matière colorante que les 
vieilles, ni que ce principe se forme pendant leur conserva- 
tion; mais il pense qu’elle est modifiée par l’oxigène, et 
l'humidité de l'air qui provoquent dans ces racines une 
fermentation qui en détruit la matière mucilagineuse et 
sucrée, et désoxide la matière colorante. 

7° Observation. — Si l'amélioration des garances, dit 
l’auteur , provient d’une fermentation provoquée par l’hu- 
midité qu’elles absorbent, il doit s’en suivre qu’en soumet- 
tant ces poudres à une pareille fermentation factice, et 
dans les conditions nécessaires, l’on doit obtenir une pa- 
reille amélioration. 

M. Schlumberger rapporte un avantage de 12 p. °7, aux 
garances qui ont subi cette fermentation particulière, par 
une exposition de 15 jours à l'air. Je vérifiai ces faits, dit 
l’auteur , avec plusieurs qualités que j'exposai sur des as- 
sieties dans un endroit humide, à une température de 20 à 
25 degrés centig. D'un autre côté, j'exposai la même série 
de garance dans un endroit humide, mais à une tempéra- 
ture de 6 à 4 degrés pour rendre la fermentalion impossi- 
ble. Ces deux séries de garance augmentant de poids, se 
gonflèrent et devinrent plus foncées ; mais celles exposées 
à un endroit chaud s'étaient améliorées pour la teinture 
de 10 à 12 p. °2 , tandis que celles de l'exposition froide 
n'avaient pas changé de pouvoir tinctorial. 

Les fabricans qui préparent les garances, et principale- 
ment les négocians qui en font, le commerce, ont un grand 
intérêt à entretenir ou à propager l'opinion qui attribue à 
la vieille garance plus d'avantage pour la teinture qu’à la 


( 206 ) 

nouvelle ; parce qu’en gardant celte marchandise en ma- 
gasin, ils sont dédommagés de l'intérêt de leurs capitaux , 
par l’augmentation de poids qu'acquière la garance et par 
le prix plus élevé que le consommateur en paie. Quoique 
celle circonstance doive faire accueillir avec réserve ce 
qu’on avance sur la préférence que l’on accorde aux vieilles 
garances, nous n’aurons pas cette défiance envers l’auteur 
du mémoire, et nous regarderons toutes ses observations 
comme données avec désintéressement. 

Première Observation. — L'académie par cette troi- 
sième partie de la question, n’a voulu demander que la 
comparaison des vieilles et des jeunes garances qui se trou- 
vent dans le commerce, mais cela n'empêche cependant pas 
qu'un concurrent puisse se livrer à des essais sur la garance 
fraîche, car ces expériences peuvent concourir à éclaircir 
la question. Je dirai seulement ici en passant, que les per- 
sonnes qui sont habituées aux extractions, ont observé que 
les racines fraîches cèdent à l’eau plus difficilement leurs 
principes solubles que les racines sèches. Quant à l’affai- 
blissement de la faculté tinctoriale de la garance pulvérisée, 
pour avoir été exposée quelques jours à l’action de l’air, ce 
fait me paraît devoir être revu et observé de nouveau. 

2° Observation. — L'auteur dit que la quantité de douze 
grammes de la poudre de garance, de la 1° observation, 
conservée dans un bocal, a produit en 1836 un résultat 
égal au poids de 18 à 20 grammes. Je pense que ce fait a 
été mal observé. Si ces poudres ont élé renfermées , comme 
le dit l’auteur, dans des bocaux bien bouchés avec du 
liége, et ainsi hors de l'influence hygrométrique de l’at- 
mosphère, on ne peut supposer qu’elles aient subi un 
changement aussi grand dans leur nature. 

3° Observation. — On est encore ici, me paraît-il, en 


( 207 ) 
droit de douter que ce fait ait été bien observé, La garance 
soumise à l'expérience après dix ans de conservalion, qu’il 
qualifie de qualité moyenne, pourrait bien avoir été de 
première qualité, d'autant plus qu'aucune preuve sur sa 
qualité avant son emmagasinement n’a été donnée par 
l'auteur. 

4 Observation. — Je pense que ce fait ne doit pas être 
mis en doute; car il est probable qu'une garance bien 
sèche et conservée avec soin dans une bouteille exacte- 
ment bouchée, produira aprés dix ans, à peu près les 
mêmes effets que lors de sa mise en bouteille, Cette bonne 
conservation me paraît appuyer mon observation sur la 
deuxième expérience de l’auteur. | 

5° Observation. — Cette observation qui paraît si favo- 
rable à l'opinion qui attribue aux garances une améliora- 
üon considérable par le temps, a besoin d’être jugée plus 
sévérement que ne l’a fait l’auteur, car on pourrait être 
trompé facilement en regardant comme amélioration ou 
augmentation de matière colorante, ce qui ne serait qu’une 
différence dans les quantités réelles employées pour les es- 
sais. En effet, si la qualité de cette garance à été jugée 
avant sa Conservation (ce que l’auteur ne nous dit pas), 
la racine étant très-hygrométrique , elle peut avoir perdu 
beaucoup d'humidité ainsi que sa substance muqueuse et 
sucrée, soit par la longue action du temps, soit même par 
l’action destructive des insectes. Ces diverses circonstances, 
trés-probables, auront changé les proportions qui exis- 
taient primitivement entre les quantités de la matière 
colorante et des autres substances qui composaient la ga- 
rance, et l'auteur pouvait ainsi employer 15 grammes, 
p. ex., degarance lorsqu'il croyait n’en employer que 10. 

7° Observation. — Si ce fait a été bien observé, il pour- 

Tom. 1v. ; 15 


( 208 ) 

rait être d’un grand avantage pour l'industrie (1). Je sup- 
pose que les garances étaient nouvellement moulues, ou 
avaient peu de temps de tonneau (l’auteur ne nous l’ap: 
prend pas ). Elles donneraient d’abord aux consommateurs 
un avantage de 10 à 12 p. c. sur la qualité et leur éviterait 
en outre la perte de l'intérêt des capitaux qu’on emploie 
en approvisionnement pour oblenir des vieilles garances. 
Mais je crains encore ici que cet avantage de 10 à 12 p. c. 
n'est qu'apparent el occasionné peut-être par le défaut de 
comparaison entre le poids primitif et le poids de la ga- 
rance dans l’élat où elle se trouvait lors de son emploi 
en teinture. 

En résumé le travail de l’auteur, sur cette troisième 
partie de la question, offre de l'intérêt, mais ses expé- 
riences ne me paraissent pas avoir été faites avec assez 
d’exactitude pour les regarder comme des faits bien con- 
statés. Je me suis entretenu avec des fabricans d’indien- 
nes; ils m'ont dit avoir remarqué, ce que nous dit aussi 
l’auteur, que la jeune garance tache plus les fonds blancs 
que la vieille. Ils ont ajouté que c'était un inconvénient 
assez grand pour certaines impressions, mais que pour 
d’autres il était peu important, puisque ces taches dispa- 
raissent complétement par le passage au savon el l’exposi- 


(1) Un fabricant m’a conté que quelques-uns de ses concurrens con- 
naïssaient le secret de faire vieillir la jeune garance, en l’exposant pen- 
dant quelques jours sur le sol d’un endroit chaud et humide construit 
exprès pour cet usage. Si cette opération était favorable à cette racine, 
l’amélioration proviendrait yraisemblablement de la destruction de la 
matière muqueuse sucrée et de la matière jaune qui s’opposaient à la 
fixation de la matière colorante aux étoffes dans le travail du bain de 
teinture. 


( 209 ) 
Uon à l'air. Quant au pouvoir tinctorial, ils m'ont dit 
qu'ils employaient de préférence la garance de Belgique 
et de Zélande , de quelques années de tonneau , mais sans 
avoir la certitude qu’elles fussent plus avantageuses sur 
ce point. 

Pour obtenir une solution satisfaisante de cette partie 
de la question, il me paraît qu'on devrait mélanger les 
qualités principales de garance d’un même pays et en em- 
plir un ou plusieurs tonneaux au moment qu’elles viennent 
d'être moulues. Alors fixer par l'analyse les quantités de 
leurs matières colorantes et leur pouvoir tinctorial par des 
essais de teinture. Ces barriques étant ensuite placées dans 
un magasin convenable, on vérifierait tous les six mois la 
même opération en renouvelant l'analyse et les essais de 
teinture. On connaîtrait ainsi les divers degrés de change- 
ment que les racines subissent successivement en tonneau 
par le temps. Les essais pourraient être même doublés et 
triplés à chaque observation, si on prenait de la garance 
d’essai à divers profondeurs dans le tonneau. 


QUATRIÈME QUESTION. — Donner un moyen certain et facile pour 
reconnaître la falsification et la qualité des garances ? 


La plus grande partie des garances, dit l’auteur, étant 
destinée à la teinture, par laquelle on n’extrait qu’une 
certaine quantité de la matière colorante, il devient évi- 
dent que la détermination de la quantité théorique de leur 
principe colorant, ne remplirait pas le but pratique que 
l'on recherche. Imbu de cette opinion, il cherche un 
moyen qui indique la faculté tinctoriale des garances et la 
solidité et vivacité des couleurs et propose, pour atteindre 
ce but, d'imprimer en mordant d’acétate d'alumine une 
certaine quantité de toile à deux rouges; l’un pour indi- 


( 210 ) 

quer la richesse tinctoriale; l'autre (le rouge-clair) pour 
apprécier la purelé de la nuance. D'autre part, pour 
taxer par comparaison la valeur des garances à essayer, 1l 
prépare une gamme de couleurs, en teignant des mor- 
ceaux d’an pied carré de la toile ci-dessus mordancée, 
avec une garance reconnue de bonne qualité et dans les 
proportions de 1 à 20 grammes. Ces échantillons types sont 
alors coupés en deux et les moitiés de chacun passées à 
une seconde teinture avec la demi-dose de garance qui 
avait été employée. Toutes ces impressions sont ensuite 
soumises à l’avivage et leur réunion forme la gamme pour 
les essais de comparaison. 

La garance s’essaie en passant au bain de teinture, 
composé de 10 grammes de cette racine et de 750 d’eau, 
un pied carré de la toile mordancée, que l’on conserve pour 
cet usage, et on juge du pouvoir tinctorial de la garance 
en expérience en comparant la toile qu’elle a teint avec la 
garance d’essai. Pour apprécier ensuite la solidité et la 
pureté dela couleur, on procède à un second garançage en 
employant seulement un tiers de la toile et 6 grammes 35 
de la même garance. On passe ensuite la moitié de celte 
dernière toile teinte à l’avivage et la comparaison avec la 
gamme indique la nuance cherchée (1). 

Après avoir proposé les essais par teinture dont nous 
venons de parler, l’auteur s'occupe de la quantité théori- 
que du principe colorant, examine divers procédés et s’ar- 
rête au suivant comme devant être préféré. 


(1) Ce moyen que donne l’auteur pour essayer comparativement les 
garances avait été décrit par M. Henri Schlumberger dans un rapport 
du 27 mai 1835. Bulletin de la Soriété industrielle de Mulhausen, n° 39. 


(211) 

Il fait fermenter pendant 24 heures à une température 
de 25 à 35 degrés °, dix grammes de garance délayée dans 
un demi-litre d’eau contenant un peu de levure ou de fer- 
ment. Il filtre par une toile, remet le marc dans le flacon 
avec la même quantité d’eau, mais aiguisée d'acide acé- 
tique, laisse agir pendant deux heures et filtre de nouveau. 
Il fait alors bouillir deux fois le marc de cette garance avec 
de l’eau aiguisée d'acide acétique. Il obtient par le refroi- 
dissement de ces liqueurs des flocons oranges, il sature 
ensuite les liqueurs réunies par du chlorure de sodium, il 
obtient un nouveau précipité de matière colorante et par 
le poids des deux précipités réunis il juge de la richesse de 
la garance essayée. 

On vient de voir que l’auteur a abandonné le premier 
membre de la dernière partie de la question, celui de la 
falsification par les substances étrangères, et ne s’est livré 
qu’à la recherche des moyens de constater la qualité par essai. 

Pour justifier son travail, l’auteur dit qu’en donnant le 
moyen de reconnaître la qualité, il n’est pas nécessaire de 
chercher d’autres moyens de reconnaître la falsification. 
Ce raisonnement peut être admis jusqu’à un certain point 
envers les consommateurs qui ne sont ordinairement in- 
téressés qu'a connaître la facullé tinctoriale de la garance. 
Nous sommes aussi d'avis que le meilleur parti que peut 
prendre un teinturier pour apprécier la qualité d’une ga- 
rance, c'est de lui faire subir l’opération de teinture en 
petit, analogue à celle qui doit être pratiquée dans le tra- 
vail en grand. Quoique les moyens d’essai que l’auteur 
propose soient à la portée des teinturiers, je crains qu'ils 
ne les trouvent trop compliqués pour les mettre en usage. 
À l'embarras de ce mode d’essai, se joint la difficulté que 
présente la jeune garance que le consommateur achète 


( 212)) 
assez souvent pour la laisser vieillir en magasin. L'auteur dit 
que le même moyen peut être appliqué à celte derniére, 
parce que son pouvoir tinctorial étant connu à l’état jeune, 
on pourra évaluer l'amélioration qu’elle recevra du temps. 

Malgré tout ce qui est rassurant pour le consommateur 
dans le moyen proposé par l’auteur, cependant l'académie 
demandait une solution plus complète; elle voulait faire 
indiquer les substances étrangères qui ont été trouvées mé- 
langées avec la garance du commerce, dans des proportions 
assez grandes pour attribuer leur présence à une falsifi- 
cation. Déja des moyens ont élé publiés. Par ex. la cham- 
bre de commerce d'Avignon a indiqué l’usage du sulfate 
de fer pour reconnaître la falsification de leur garance par 
l'écorce du pin. M. Buts d'Harlem a, de son côté, proposé 
d'essayer la garance en la mélangeant avec une solution 
concentrée de sous-carbonate de potasse et d'alcool recti- 
fié, pour reconnaître tout à la fois sa qualité et les pro- 
portions des substances terreuses qui peuvent se trouver 
mélangées à celte racine. Divers autres moyens ont encore 
élé proposés, mais la plupart des fabricans se bornent 
encore à un examen physique de la garance, parce qu'ils 
trouvent les modes d'essais proposés, infidèles , ou trop 
compliqués. 

Une contestation commerciale qui prouve bien l'impor- 
tance du premier membre de cette question, s’est pré- 
sentée il y a peu d'années à Bruxelles. Un fabricant avait 
recu et payé une partie considérable de garance. Quelques 
mois après sa mise en magasin, s'apercevant qu’elle rendait 
mal à la teinture , il soupçonne de la fraude et intente un 
procès de falsification au négociant vendeur. Celui-ci fut 
condamné à reprendre sa marchandise, non parce qu'il 
l'avait vendue de mauvaise qualité, mais parce que les ex 


( 215 ) 
perts, consultés par le tribunal, avaient déclaré qu'elle 
était falsifiée avec de l'écorce de pin. 

Le rapport que nous venons d’avoir l'honneur de faire 
à l'académie, démontre que le concurrent, auteur du mé- 
moire Res non verba , n’a salisfait complétement à aucune 
des quatre parties de la question. 

La première partie manque du point principal qui 
constitue la solution de la question sur la quantité de 
matière colorante de nos garances comparées à celles d'A- 
vignon et de Zélande. 

Les essais de l’auteur n'étaient pas de nature à indiquer 
l’état simple ou composé de la matière colorante, nimêmela 
quantité ou le poids de cette matière considérée en masse. 

La seconde partie a aussi été traitée d'une manière qui 
laisse quelque chose à désirer. L'académie avait le droit de 
s'attendre à des expériences plus concluantes. Néanmoins 
on doit savoir gré à l’auteur d'avoir confirmé, à l'égard de 
nos garances , les avantages que M. Schlumberger avait 
obtenus de l'addition du carbonate de chaux, aux bains de 
teinture des garances d'Alsace et de Lélande. 

La réponse à la troisième partie de la question est in- 
téressante par diverses observations qui peuvent avoir quel- 
qu'utilité dans la pratique et des faits qui deviendront des 
matériaux propres à mieux résoudre la question. La marche 
suivie par l’auteur dans ses expériences étant imparfaite , 
ne pouvait le conduire qu'à résoudre imparfaitement la 
question. Il eût dû observer les changemens successifs que 
subissait la garance en vieillissant, et recourir à des es- 
sais analytiques pour déterminer la cause de l'amélioration 
de ces garances. 

L'auteur n’a pas abordé le premier membre de la der- 
nière partie de la question. I s’est borné à traiter le second 


( 214 ) 
en indiquant des essais de teinture qui, selon lui, ren- 
daient inutile l'examen de la falsification. D'ailleurs il n’a 
proposé que les essais qui étaient connus et publiés de- 
puis deux ans dans les Bulletins de la société industrielle 
de Mulhausen. 

Pour ces motifs, je conclus , à regret, à ce que la ques- 
tion soit considérée comme non résolue, el je pense que 
l'importance du sujet décidera l'académie à représenter 
la question au concours. Mais je pense en même temps que 
le concurrent ne doit pas rester sans récompense. Il me 
semble que l’auteur mérite les encouragemens de l’acadé- 
mie, et je propose la mention honorable. » 

L’académie, après avoir entendu ses commissaires, à 
décerné une mention honorable à l’auteur du mémoire 
portant la devise : Res non verba. Elle a jugé ensuite 
que le mémoire, sans épigraphe, n'avait pas satisfait à sa 
demande; elle a décidé aussi que des remerciemens seraient 
adressés à M. Verplancke, négociant à Gand, pour les 
communications qu'il a bien voulu lui faire. 


L'académie propose, pour le concours de 1838 , les 
questions suivantes : 


CLASSE DES LETTRES. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Présenter une dissertation raisonnée sur la poésie flamande , 
dès sa première origine, jusqu’à la fin du règne d'Albert et 
d'Isabelle, en y ajoutant un choix judicieux, maïs sobre, des 
passages les plus saillans, propres à caractériser l’esprit et le 
genre des ouvrages de poésie flamande , publiés ou restés ma- 
nuscrits ? 


( 215 ) 
DEUXIÈME QUESTION. 


Quels furent les changemens apportés par le prince Maxi- 
milien-Henri de Bavière ( en 1684) à l’ancienne constitution 
liégeoise ; et quels furent les résultats de ces changemens sur 
l'état social du pays de Liége jusqu’à l’époque de sa réunion à 
la France ? 


L’académie désire que cet exposé soit précédé, par forme 
d'introduction, d’un tableau succinct, historique et cri- 
tique de l’ancien gouvernement liégeois, sans toutefois 
que l’auteur soit tenu de remonter au delà du régne d’Al- 
bert de Cuick. 


TROISIÈME QUESTION, 


Quelles ont été, jusqu'à la fin du règne de Charles-Quint, 
les relations politiques , commerciales et littéraires des Belges 
avec les peuples habitant les bords de la Mer Baltique. 


QUATRIÈME QUESTION. 


Les lettres de Libanius renferment une infinité de dé- 
tails précieux pour l'étude de l’état politique , des mœurs, 
de la civilisation et de l’histoire littéraire du IV® siécle 
après J.-C. La riche collection de ces lettres, dont le nom- 
bre s'élève au delà de 2000 , perd cependant une grande 
partie de son intérêt par l'incertitude qui plane encore 
sur la majeure partie des 500 personnages à qui elles sont 
adressées. Il y a presque un siècle que, dans son excellente 
édition des lettres de Libanius , J.-Chr. Wolf avait promis 


de remédier à cet inconvénient, par la composition d’un 


(216) 


Index prosopographicus ; maïs il n’a pas donné suite à 
sa promesse. 

L'académie désirerait donc qu'un philologue, versé 
dans l’histoire et dans la littérature de cette époque, en 
reprenant la tâche abandonnée depuis la mort du savant 
éditeur de Hambourg, et en s’entourant, par des recher- 
ches critiques, de tous les renseignemens que ces lettres 
elles-mêmes et les monumens de la littérature contempo- 
raine pourraient lui fournir sur les nombreux correspon- 
dans du sophiste, en composät une prosopographie aussi 
complète que possible des lettres de Libanius. La Pro- 
sopographia codicis Theodosiani par Ritter, la Pro- 
sopographia Platonica par Groen van Prinsterer, et 
surtout l'Aistoria oratorum Græcorum par Ruhnkenius, 
pourraienl, jusqu’à un certain point, servir de modèles 
à un pareil travail. 


CINQUIÈME QUESTION. 


Quelle a été l’influence du règne de Charles-Quint sur l& 
législation et sur les institutions politiques de la Belgique ? 


CLASSE DES SCIENCES. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Décrire la constitution géologique des provinces d’ Anvers et 
et des deux Flandres ; déterminer avec soin les espèces minéra- 
les et les fossiles que les divers terrains renferment, et indiquer 
la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. 


DEUXIÈME QUESTION. 


Un mémoire sur l’analyse algébrique , dont le sujet est laissé 
au choix des concurrens. 


(27) 
TROISIÈME QUESTION. 


Quelle est la quantité de matière colorante de nos garances 
comparées à celles d’ Avignon et de Zélande? Peut-on obtenir 
des garances indigènes la même nuance que des garances étran- 
gères ? Les vieilles garances ont-elles des avantages sur les nou- 
velles et en quoi consistent ces avantages? Donner un moyen 
certain et facile pour reconnaître la falsification et la qualité 
des garances. 


QUATRIÈME QUESTION. 


Comme les expériences de De la Rive, et surtout les dernie- 
res recherches de Faraday, ont montré que la théorie du déve- 
loppement et de la distribution de l’électricité dans les piles, 
telle qu’elle a été établie par Volta, doit être modifiée ou chan- 
gée , on demande : que l’on détermine d’une manière positive et 
que l’on constate par des expériences, quelles sont les causes de 
la production de l'électricité dans les piles voltaïques ? quel est 
le mode de distribution du fluide électrique sur les divers cou- 
ples d’une pile isolée ? d’où dépend l’influence du nombre, de la 
grandeur des couples métalliques de la pile sur les divers phéno- 
mènes physiques et chimiques qu’elle produit? quelle relation 
existe entre les phénomènes chimiques extérieurs et ceux inté- 
rieurs d’une pile en activité, ou, en d'autres termes, jusqu'à 
quel point l'action chimique , exercée sur le zinc par le liquide 
conducteur de la pile, est-elle en rapport avec l’action décompo- 
sante du courant galvanique extérieur, et d’où provient cette 
relation ? 


CINQUIÈME QUESTION. 


Exposer le mode de composition le plus probable et la ma- 
mière de se former de l’éther simple (éther hydrique de M. Thé- 
nard), de quelle manière il faut envisager la composition des 
éthers d'alcool composés ; quelle est la nature du radical que 


( 218 ) 


l’on doit supposer en former la base, et à quelles classes de com. 
posés inorganiques les divers éthers doivent ils être assimilés ? 


SIXIÈME QUESTION. 
ÆExposer la théorie de la formation des odeurs dans les fleurs. 


L'auteur déterminera les organes où se forment les 
odeurs des fleurs; il exposera la structure anatomique et 
les fonctions physiologiques de ces organes. Il examinera 
le mode d’exhalation et spécialement à quoi on doit attri- 
buer que plusieurs fleurs sont odoriférentes à certaines 
heures de la journée et inodores pendant d’autres. Les 
observations devront, autant que possible, se rapporter à 
des plantes de familles différentes. ( Le mémoire devra 
être accompagné de planches. ) 


SEPTIÈME QUESTION. 


Faire connaître les canaux aquifères dans la série des ani- 
maux tant vertébrés qu'invertébrés. 


Le mémoire sera accompagné des planches nécessaires 
à l'intelligence du texte. 


ILUITIÈME QUESTION. 


Discuter les diverses opinions émises sur la formation des 
trachées dans les végétaux , et exposer l’origine réelle et les va- 
riations de ces organes. 


Le mémoire devra être accompagné de planches. 


L'académie propose, dès à présent, pour le concours 
de 1839, les questions suivantes : 


( 219 ) 
CLASSE DES LETTRES. 
PREMIÈRE QUESTION, 


Faire l'histoire de la Diplomatie en Belgique avant le sei- 
zième siècle; c’est-à-dire expliquer comment se dirigeaient les 
relations étrangères, quels étaient les agens envoyés en mission , 
quelles maximes fondamentales on suivait dans la politique exté- 
rieure , enfin quelle était la forme des transactions principales ? 


DEUXIÈME QUESTION. 


Les anciens Pays-Bas Autrichiens ont produit des ju- 
risconsultes distingués qui ont publié des traités sur l’an- 
cien droit belgique, mais qui sont, pour la plupart , peu 
connus, négligés. Ces traités sont non-seulement pré- 
cieux pour l’histoire de l’ancienne législation nationale, 
mais contiennent encore des notions intéressantes sur 
notre ancien droit politique , et sous ce double rapport le 
jurisconsulte et le publiciste y trouveront des documens 
utiles à l’histoire nationale. 


L’académie demande donc qu'on lui présente une analyse rai- 
sonnée et substantielle, par ordre chronologique et de matières, de 
ce que ces divers ouvrages renferment de plus remarquable pour 
l’ancien droit civil et politique de la Belgique. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Décrire et figurer la structure anatomique des tiges des di- 
verses familles des plantes, ou du moins de toutes les familles 
indigènes en Europe, ou qui y sont cultivées, en employant 
de préférence une espèce du genre qui sert de type à la famille. 


COMMUNICATIONS. 


Ornithologie. — M. Cantraine communique une obser- 
vation sur l’arrivée tardive du martinet ( cypselus apus). 
Cet oiseau ne fut de retour à Gand cette année que le 
premier mai, tandis qu'en 1831, malgré la rigueur de 
l'hiver, les hirondelles étaient de retour à Cagliari le 28 fé- 
vrier. Chacun sait que les hirondelles dévancent les mar- 
tinets dans leurs migrations d'environ quinze jours. 


Entomologie. — M. Wesmael communique la note sui- 
vante, sur un insecte qui détruit les scolytes. 

« La multiplication excessive du scolyte destructeur 
ayant fait abattre une grande quantité d’ormes, au parc 
et aux boulevards, au printemps de l’année dernière, je 
pus examiner de nombreux fragmens d’écorces sillonnés 
par les larves de ces insectes. Je trouvai en abondance 
dans ces sillons de petites coques brunes, longues de deux 
lignes et demie à trois lignes, appartenant évidemment à 
un Hyménoptère Pupivore. Effectivement, environ six 
semaines après, il sortit de ces coques des mâles et des 
femelles du Pracon Initiator Fab. Il résulte de cette 
observation que ce Bracon dépose ses œufs dans le corps 
des larves de scolytes, et nous rend , en les faisant périr, 
un important service. Ghargées de cette difficile opération, 
les femelles ont l'abdomen terminé par une tariére ou 
oviducte aussi long que le corps entier. Vers la fin de l’été 
dernier, j’eus occasion d'observer plusieurs de ces femel- 
les parcourant lentement les troncs de vieux ormes. Quoi- 
que séparés des larves de scolytes par toute l'épaisseur de 
l'écorce, ces bracons savent avec un instinct admirable, 


LC 
(°221)) 
deviner au juste la place où elles se trouvent ; profitant 
de quelque étroite fissure , ils y introduisent leur longue 


tarière flexible en tous sens, et déposent un œuf dans 
le corps de leurs victimes. » 


Physique. — M. De Hemptinne présente à l'académie 
une nouvelle pompe de son invention; et donne à ce 
sujet les explications suivantes. 

« Plusieurs de ces machines ont déjà été inventées, 
prônées et abandonnées; j'ose croire que le sort de celle-ci 
sera plus heureux. 

Cette pompe est aspirante et foulante, continue ou à 
double effet, avec un seul piston. La voie que l’eau doit 
parcourir est partout aussi large que celle que parcourt 
le piston ; de manière que le liquide marchant par un 
mouvement égal à ce dernier, il n’en résulte pas de perte 
de force, comme dans les autres pompes, où cette perte 
a lieu par l'accélération du mouvement qui doit être im- 
primé à l’eau pour franchir les passages rétrécis, el pou- 
voir suivre ainsi le mouvement du piston. 

Cette pompe peut être appliquée à tous les usages des 
pompes ordinaires, mais on doit modifier le mécanisme 
moteur, suivant la destination qu’on veut lui donner : 
Le modéle, que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux 
de l'académie, a été construit pour servir de pompe à in- 
cendie. Les avantages principaux de sa construction sont 
dûs, à ce qu'ayant évité le levier , en appliquant directe- 
ment au piston la force motrice, j'ai pu donner à ce der- 
nier un mouvement plus élendu et obtenir, par cette 
disposition, une économie de force, en mettant en rapport 
le diamètre des tuyaux et des soupapes avec le corps de 
pompe. 


” 

À force motrice égale, ma machine produit plus d'effet 
utile que les pompes à incendie que je connais, 1° parce que 
l'eau d'aspiration arrive dans le corps de pompe en des- 
sous et en dessus du pislon, et passe dans le tuyau d’as- 
cension sans avoir occasionné une perte de force , par des 
passages retrécis sur le chemin qu'elle a parcouru; 2° parce 
qu’en fonctionnant avec un seul piston, elle évite la 
perte de force qui résulte du frottement d’un deuxième 
piston. 

À ces avantages, on peut ajouter celui qu’on obtient 
par le peu d’espace qu’elle occupe , et par sa légéreté qui 
donne la facilité de la transporter et de la faire manœu- 
vrer dans les cours les plus étroites, aux divers étages et 
même sur les toits si la nécessilé y exigeait sa présence. 

En augmentant le diamètre du cylindre, des soupapes 
et des tuyaux de communication, on obtient avec celte 
pompe, l'effet utile des plus fortes pompes. Quant au 
prix, on pourrait l’établir en dessous de celui des autres 
pompes, et je pense qu’en raison de cette valeur et de son 
utilité, on tirerait un parti avantageux d’un brevet, mais 
mon intention n'étant pas de spéculer sur cet objet, je 
l’'abandonne à l’industrie. 

Le principe de la construction de la pompe pourra 
trouver son application pour les soufflets, pour les ma- 
chines à vapeur et pour les machines à aspiration, qui 
présenteraient aussi les vices que nous avons signalés dans 
les pompes. 

On commence à mettre en usage, dans nos établissemens 
houilliers, des machines à aspiration, pour renouveler 
l'air de ces mines ; je n'ai pas vu celles qui sont établies, 
mais qu'on agrandisse ma pompe de manière à donner à 
ses tuyaux le diamètre du bure d’airage, et on aura une 


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Balletin de L'Academe Tome VI. 


| 
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| : | Fig. 1. 


—— 


FIN rl 


(223 ) 


machine aussi parfaite qu’on puisse l’obtenir. Le troi- 
sième cylindre de ma pompe, qui se trouve en dehors 
des soupapes de foulement, pourrait être supprimé, 
parce que le but n’est pas ici de retenir ou d'utiliser l'air 
qu'on aspire de la houillière. 

Celle machine pourrait être construite en partic en 
fonte, en bois et en maçonnerie. On devrait à cet effet 
monter la maçonnerie du bure d’airage à la hauteur né- 
cessaire pour le faire servir de tuyau aspirateur, la bou- 
cher à sa partie supérieure, et ménager à sa partie latérale 
deux ouvertures destinées à conduire l'air en dessous et 
en dessus du piston. » 


Coupe verticale de la pompe vue de face. 


Figure I. 
A Corps de pompe avec son piston. 
B Tuyau qui conduit l’eau aspirée en dessous et en dessus du 


piston. 

C Ouverture à écrou pour le tuyau d’aspiration. 

C’ Autre ouverture à écrou. Elle peut aussi recevoir le tuyau d’as- 
piration , et alors on visse son couvercle sur l’ouverture C. Mais 
elle est principalement destinée pour visiter les soupapes et les 
lever, pour l’écoulement de l’eau, lorsque la pompe cesse de 


jouer. 

DD Soupapes qui se lèvent lorsque le piston monte, 

D'D' Idem. idem. descend, 

E Voie par où passe l’eau foulée, en se rendant au tuyau d’ascen- 
sion. 

F Réservoir d’air destiné à rendre le jet d’eau plus continu. 


G Boîte à étoupe. 


Nota, Les personnes qui désirent connaître le mécanisme moteur peuvent voir 
cette pompe au Musée des Arts. 


LECTURES ET RAPPORTS. 


Crustacés. — M. Cantraine présente les observations 
Tom. 1v. 16 


( 224 ) 
suivantes, au sujet d’une note de M. Bavier, pour laquelle 
il a été nommé commissaire avec M. Wesmael. 

« En lisant les observations de M. le major Bavier sur 
le Cancer pulex , Linn., nous aurions admiré la patience 
de l’auteur dans ses recherches sur les métamorphoses de 
ce cruslacé, si nous n'avions pas cru reconnaître dans les 
premières figures de son travail une espèce de cyclops, 
malgré les deux points noirs exprimés dans ces figures. En 
effet, ayant consulté l’ouvrage de Roesel, nous avons trouvé 
que les métamorphoses observées et figurées par cet habile 
naturaliste (IH, pag. 305, pl. 62, fig. 3, 4, 5), relative- 
ment à ce crustacé, ne concordent pas avec celles qui sont 
décrites dans ce mémoire. Nous sommes donc autorisés par 
cet observateur ingénieux à déclarer que les figures 1, 2, 3 
de la planche qui accompagne ce mémoire sont étrangères 
à la crevette des ruisseaux figurée fig. 4, 5. Cependant 
comme Degeer (Mémoires sur les Insectes) a écrit sur 

"ce crustacé, et que nous n'avons pas pu consulter son tra- 
vail, nous prions notre bien estimable collégue M. Wes- 
mael de le voir s’il en a l’occasion. » 

« Conformément au désir de notre collègue M. Can- 
traine, ajoute M. Wesmael, j'ai consulté l'ouvrage de 
Degeer, où il est effectivement question de la crevette des 
ruisseaux, tom. VIT, pag. 525-533, pl. 33, mais il n’y 
est pas dit un seul mot qui ait rapport aux changemens 
que subirait ce crustacé depuis sa naissance jusqu’à l’âge 
adulte. 

« Dans son Histoire générale des Crustacés et des In- 
sectes , tom. VT, pag. 308, Latreille se borne à rapporter 
les observations de Desmars sur les crevettes: « Pendant 
» les huit jours, dit-il, que dure l’accouplement, le mâle 
» emporte la femelle suspendue, et nage à son ordinaire. 


( 22% ) 

» Après les quatre premiers jours, on aperçoit entre les 
» quatre premières pattes de la femelle, une poche qui 
» contient les petits. Vers le septième jour de l’accouple- 
» ment, ils sortent, la tête la première de cette poche, et” 
» nagent avec autant de facilité que leurs père et mère. » 
Desmars , comme on voit, ne dit rien de la forme des pe- 
tits, parce que, probablement, il l’aura trouvée analogue 
à celle de leurs parens. Geoffroy, dans son Âistoire des 
Insectes , tom. II, pag. 667 , dit aussi, en parlant de ces 
crustacés : «Souvent les plus petites se retirent et se met- 
» tent à l'abri sous le ventre‘et entre les pattes des plus 
» grosses. » Même silence à l’égard des formes de ces pe- 
tites crevettes, et sans donte, pour la même raison. 

« Ainsi, le silence de Desmars et de Geoffroy d’un côté, 
de l’autre, les observations positives de Roesel, me portent 
à croire que M. le major Bavier s’est laissé induire en er- 
reur , ou que, tout au moins, les résultats obtenus par lui 
ont besoin , pour être admis, d’être confirmés par de nou- 
velles observations. » 


Botanique. — M. Morren correspondant de l'académie, 
présente une première notice sur la vanille indigène , dont 
il a réussi à produire la fructification. 

« La culture et les résultats de la fructification de la 
vanille, en Belgique , ont mérité de la part du gouverne- 
ment de notre pays, des gouvernemens étrangers, de la 
société royale d’horticulture de Paris, de la société royale 
de botanique et d'agriculture de Gand , et enfin du public 
lui-même , une attention toute spéciale. En effet, l'événe- 
ment présente en lui-même un intérêt à la fois scientifi- 
que et commercial dont les conséquences se feront sentir 
dans peu d'années, sur les relations de la vieille Europe 


( 226 ) 

avec le nouveau monde auquel nous payons encore un 
tribut dont il dépendra de nous de nous affranchir. La 
première récolte de vanille que j'ai faite à Liége, cette 
année, m'a produit sur une seule plante cinquante quatre 
fruits mûrs , bien que le nombre Lotal de ceux qu’elle avait 
portés, eût été de près de soixante-dix. La seconde ré- 
colte que je prépare en ce moment sur un autre pied, 
promet de fournir au delà d'une centaine de fruits, dont 
le volume ne sera pas inférieur à celui qu’avaient les fruits 
de cette année. Suivant pas à pas les modifications que la 
fécondation artificielle et la fructification apportent dans 
cette plante singulière, je présenterai plus tard un travail 
détaillé sur les phénomènes que j'observe, et dont plu- 
sieurs sont dignes de fixer l’attention des physiologistes; 
mais en attendant, et pour prendre date, j'ai l'honneur 
de communiquer à l'académie quelques résultats de mes 
expériences et les réflexions qu’elles m'ont suggérées. 

$ 1. Aperçu littéraire sur la vanille. —1 est curieux 
de remarquer les erreurs dans lesquelles sont tombés des 
auteurs , d’ailleurs célèbres, relativement à cette plante, 
sans doute à cause de l'impossibilité où l’on se trouvait 
jusqu'a présent, d'observer toutes les phases de sa végéta- 
tion dans nos serres. C'est ainsi que je citerai le bel ouvrage 
de Gilbert Burnett (outlines of Botany) publié avec tant 
de luxe typographique en 1835, à Londres, et qui coûta 
la vie à son auteur, ouvrage dans lequel ( page 462, n° 1294) 
on prend la racine de la plante (ts root) pour la partie 
qui sert à aromatiser le chocolat et à parfumer le tabac. La 
vanille y est décrile aussi comme un végélal épiphyte, et 
cependant elle ne parlage pas ce mode de croissance, si 
commun parmi ceux de sa famille. Linné, dans son Potus 
chocolatæ , prend aussi la vanille pour une plante parasite 


( 227 ) 

qui fixe ses racines, dit-il , à la manière du lierre , dans 
l'écorce des arbres. Je cultive le vanillier le long de colon- 
nes de fer où les prétendues racines ne sauraient exercer 
une action de parasitisme, ce qui contredit complétement 
l'opinion de Linné, répétée sans examen dans une foule 
d'ouvrages , parmi lesquels je citerai ceux de M. Richard, 
si répandus dans notre pays (1). 

Le véritable vanrLLa AROmATICA de Swartz (2), décrit 
par M. Robert Brown (3), a été introduit en Europe en 
1739, par Henri Philippe Miller, et le VANILLA PLANIFOLIA 
d'Andrew (4), également décrit par M. Robert Brown, n’a 
été apporté en Europe qu'en 1800, par Charles Greville. 
C’est parce qu’on a regardé celte dernière espèce comme 
ne produisant pas de fruits odorans ni savoureux, qu'on 
a attaché assez peu d'importance à son introduction et à 
sa culture dans nos serres. Si je suis bien informé par les 
renseignemens verbaux que m'a donnés M. le docteur 
Sommé, directeur du jardin botanique d'Anvers, c'est de 
ce jardin que proviennent dans notre pays tous les pieds 
de vanillier qu’on voit dans les serres de nos établissemens 
publics. Un de nos collègues , M. Marchal, reçut en 1819, 
un pied de vanille de M. le docteur Sommé, et le transporta 
au milieu des dangers d’une longue et pénible navigation, 
pendant laquelle l’eau faillit manquer à l'équipage, à l'ile 
de Java, où il fut confié aux soins de M. le professeur 


(1) Elémens d’hist. nat médicale , tome 1, p. 429. 

(2) Vova acta Upsal., vol. 6, p. 66. 

(3) Genera et spec plant. Orchidearum quϾ in horto Kewensi colun- 
tur ( Hortus Kewensis, vol. V.) — Rob. Browns vermischte botanische 
Schriften , edid. Nees von Esenbeck, Nürnberg , 1826, vol. 11, p. 48. 

(4) Andrews repository 538 


( 228 ) 

Reinwardt. M. Marchal, avant son retour , eut [a satisfac- 
tion de voir au jardin botanique de Buitenzorg que sa 
plante chérie avait poussé des racines. La relation que 
notre honorable collègue m'a faite de cette heureuse in- 
troduclion, rappelle de point en point l’histoire si inté- 
ressante de la translation du pied de caféier , provenant 
des serres d'Amsterdam, donné à Louis XIV, et père des 
trois individus , dont le capitaine Declieux parvint à en 
saüver un pour le transporter à la Martinique. Si ce capi- 
taine, à qui les Antilles françaises doivent leurs plantations 
de caféier, a obtenu une juste célébrité par la générosité 
avec laquelle il partageait sa ration d’eau entre lui et son 
jeune caféier, nous pouvons citer comme non moins 
louable la conduite de M. Marchal envers sa bouture de 
vanillier. Plus d’une fois la rudesse des matelots, le chan- 
gement des climats et l’eau salée qu’on jetait sur elle, 
faillirent lui devenir funestes, mais grâce à la sollicitude 
paternelle de son patron, elle arriva à bon port (1). Je 
dois faire observer toutefois, que l'introduction à Java du 
vanillier ne suffit pas pour que ce végétal devienne utile 
au commerce, Sans le secours de la fécondation artifi- 
cielle ou sans les hasards d’un heureux concours d'insec- 
tes, la fleur ne produit jamais de fruit. C’est sans doute à 
cause de ces circonstances, que depuis dix-huit ans que 
cette introduction a eu lieu, elle n’a point offert de ré- 
sultat utile. Celui-ci serait d'autant plus à désirer que la 
vanille de l’Inde est jaune et très-peu estimée. 

Si nous possédons ainsi une histoire exacte de l'intro- 


(1) Géoyraphie des plantes de John Barton, traduit par 3. Marchal ; 
Bruxelles , 1829 , p, 70. 


( 229 ) 
duction des plantes de vanille vivantes , il n’en est pas de 
même de celle des fruits de vanille dans le commerce. S'il 
est vrai que le chocolat fut importé du Mexique en Europe 
vers 1520, si cette préparation, d'abord informe et sans 
mélange de vanille, aromate que les Mexicains n’y met- 
taient pas, et dont l'emploi est dû aux Espagnols, si cette 
préparation, dis-je, ne fut même connue en France que 
vers 1661, Linné , dans sa dissertation sur le Potus cho- 
colatæ où il donne l’histoire du théobrome, de l’ambre et 
de la vanille, ne parle pas de la date à laquelle cette 
dernière aurait été connue (1). Généralement on rapporte 
l'introduction de la vanille vers 1510 , époque où l’indigo, 
la cochenille et le cacao lui-même furent rapportés en 
Europe, c'est-à-dire dix ans environ avant l’arrivée du 


. tabac. Ce fut vers le même temps que notre horticulture 


om 


belge, alors si florissante , s’élendit du sol de nos Flan- 
dres en Angleterre. 

Cependant , malgré son parfum, si suave , que Salisbury 
appela plus tard la plante Myrobrome (2), la vanille n’a 
pas dû acquérir une bien grande popularité vers ce temps- 
là , car Claude d’Abbeville dont j'ai consulté, grâce à l’obli- 
geance de mon savant ami, M. Th. Lacordaire, la singulière 
Histoire de la mission des pères capucins en l’isle de 
Maragnan et terres circonvoisines , publiée en 1614, ne 
dit rien de cette plante, bien qu'il consacre un chapitre 
particulier à l’histoire des végétaux utiles ou curieux 
comme l'ananas, des arbres à fruits, comme le palmier, etc. 
Beaucoup plus tard , elle ne fixa même que médiocrement 


(1) Potus chocolutæ, Amœnitates academicæ. Ups, 1765. 
(2) Rich. Ant. Salisbury Paradis, 82. 


( 230 ) 
l'attention des voyageurs , et je citerai entre autres le père 
Gumilla, qui, dans son Âistoire naturelle, civile et géo- 
graphique des nations habitant les rives de l’'Orenoque(t), 
ne mentionne la vanille ( baynilla) que pour ne rien en 
dire , sinon que c’est une plante sarmenteuse, toujours 
verte et s’enlaçant autour des arbres. 

C'est aux ouvrages du père Charles Plumier que Linné 
et les botanistes plus modernes ont eu recours pour décrire la 
vanille. Dés 1703, une bonne description de deux espèces 
de vanilliers fut connue (2), la vanille de St-Domingue et 
celle du Mexique. Du Tour suppose que cesont deux variétés 
de la vanille aromatique (3), dont la première, celle de S'- 
Domingue (vanilla flore viridi et albo, fructunigricante. 
PLum: gen. 25. ic. 183, t. 188), aurait des fruits sans 
odeur , tandis que ceux de la seconde (vanilla mexicana 
Mix. synonymic de la vanilla aromatica SWARTz) se- 
raient odorans. M. Robert Brown donne néanmoins comme 
synonymie de sa vanilla aromatica , la vanille de S'-Do- 
mingue de Plumier, bien que celui-ci déclare que l’espèce 
du Mexique sert à parfumer le chololat. 

MM. Robert Brown, Loudon, Sweet ne signalent dans 
les serres de l'Angleterre que deux espèces de vanilliers l’a- 
romatica et le planifolia , que nous possédons également 
en Belgique. Steudel énumère six espèces de vanilliers et 
il paraît certain aujourd'hui que les trois qualités du com- 
merce, le pompona ou bova (vanille bouffe), la /eg ou la Leg 


(1) Zistoria natural, civil y geografica de las naciones situadas en las 
riveras del rio Orinoco; su autor el padre Joseph  Gumilla misionera. 
Barcelona 1791,t.I, p. 267. 

(2) Nova plantarum americarum genera, in-4o. Paris 1703. 

(8) Dict d’hist. nat., édit de Deterville, t. XXXV, p.202, 


Se » CA 


( 25 ) 

(vanille légitime, marchande ou ordinaire et la meilleure), 
et la simarouna (cimarouna, vanille batarde ou mieux sau- 
vage) ou ce qu’on appelle vulgairement la grosse, la longue 
et la petite vanille sont bien des fruits provenant d'espèces 
différentes et non de variétés d’une même plante. Ce que 
mes expériences prouvent surabondamment, c’est que si la 
longue vanille ou la vanille /eg ou leg , la plus estimée du 
commerce, vient du vanillier du Mexique dont les feuilles, 
selon Plumier, sont nerveuses comme celles du plantain 
(foliis ovato-oblongis xervosis Rob. Brown), les fruits 
qui ont avec elle une ressemblance à s’y méprendre, ce 
sont ceux du vanilla planifolia (Andrew), foliis oblongo- 
lanceolatis, vzANIS, originaire de l'Amérique du nord. 
Cette similitude est telle qu’on pourrait impunément ven- 
dre dans le commerce les fruits de cette dernière espèce 
pour ceux de la vanille aromatique, et l'acheteur y trouve- 
rait même son compte, car le parfum n’en est que plus 
agréable, plus aromatique, plus pénétrant et moins acide, 
ce qui provient d'une moindre formation d’acide benzoïque 
ou peut être de la différence de préparation: 

Ce fut Fusée Aublet qui, en 1773 (1), fit connaître les 
modes de préparation employés en Amérique et dont au- 
cun ne saurait convenir à nos climats, comme l'expérience 
me l’a prouvé. Ce sont les passages d’Aublet qui ont été ré- 
pétés à satiété dans les livres généraux, tels que les diction- 
naires d'histoire naturelle, les traités de matière médicale 
et les ouvrages de technologie (2). 


(1) Zistoire des plantes de la Guiane française, 4 vol. in-4°. Lon- 
dres 1773. , 

(2) Dictionnaire des sciences naturelles. — Dictionnaire classique 
dhist, naturelle, eic., — Dictionnaire universel de matière médicale , 
par Merat et De Lens — Dictionnaire technologique. etc. 


( 252 ) 

Linné attribuait l'odeur de la vanille à ses graines. 
MM. Merat et De Lens pensent qu’il est plus probable qu’elle 
réside dans la pulpe (1). Quant au vanäilla planifolia , je 
dois dire que ces trois auteurs ont raison à la fois. Ainsi, 
les graines, privées de leur pulpe aromatisent et la pulpe, 
privée de ses graines , parfume à son tour. Le principe odo- 
rant, dû, comme on le suppose, à la présence de l'acide 
benzoïque et d’une huile essentielle, réside dans les enve- 
loppes de la graine et notamment dans leur teste aréolé et 
noir, comme dans ce qu’on appelle à tort la pulpe qui n’est 
autre chose que les placentaires dont le tissu est devenu 
lâche et visqueux. Je dirai plus, c'est que le péricarpe lui- 
même , dépouillé de ses placentaires et de ses graines, jouit 
encore d’un arome très-prononcé, et qu'il laisse sublimer 
dans son intérieur une grande quantité d’acide benzoïque 
en aiguilles blanches et serrées. M. Perrotet regarde le par- 
fum du fruit récent, comme dû à la fleur du Pothos odora- 
tissima qui, d’après cet auteur, est mêlée aux fruits de va- 
nille à la Guyane (2). Je dois encore faire ici une remarque, 
quant au vanilla planifolia, espèce à laquelle s'appliquent 
toutes mes observations, c’est que le fruit récent, mais 
mûr, répand à l'instant même de la maturité, le délicieux 
parfum qu’on lui connaît, sans le secours d'aucune autre 
plante. Pendant la récolte de notre vanille, surtout le ma-* 
tin et vers les fortes chaleurs de la journée, les serres étaient 
remplies d'émanations odorantes. 

M. Richard (3) attribuant aussi l’odeur de la vanille seu- 


(1) Merat et De Lens, Dict. univ. de mat. méd. 1834, t. VE, p. 841. 
(2) Annales de lu soc. linnéenne de Paris. Mai 1824. 
(3) Élém. d'hist nat. méd., t 1,p. 430 Paris 1831. 


——"#l 


( 233 ) 

lement à la pulpe, prétend que les autres orchidées n’ont 
point de fruits à parfum , parce que cette prétendue pulpe 
n’existe que dans le seul genre vanilla. Je pense à cet égard 
qu’il est impossible dans l’état actuel de nos connaissances, 
de rien affirmer de précis sur cet objet, car les fruits des 
orchidées ne nous sont guëre connus. Ce n’est que depuis 
les recherches de MM. Robert Brown, Ad. Brongniart, etc., 
c’est-à-dire depuis 1831, que nous avons l'espoir de pou- 
voir faire porter fruit aux nombreuses espèces d’orchidées 
qui garnissent maintenant les serres de nos habiles horti- 
culteurs. L’odeur de clou de girofle, les aromes spéciaux 
que répandent beaucoup de fleurs de cette intéressante 
famille, nous font présumer au contraire, que par le pro- 
cédé des fécondations artificielles, on parviendra à se pro- 
curer des épices nouvelles. 

Cet aperçu littéraire nous prouve qu'il serait utile de 
posséder une bonne histoire de la vanille, car peu de plantes 
d’un intérêt général sont aussi peu connues qu'elle. C'est 
la lacune que je désire remplir quant au vanilla planifo- 
lia, par le Mémoire que j'aurai l'honneur de présenter à 
l'académie. 

$. 2. Aperçu historique sur l'application de la fé- 
condation artificielle à la vanille. — M. Robert Brown, 
dans son Mémoire sur les organes et le mode de féconda- 
tion chez les orchidées et les asclépiadées, publié en 
1831 (1), a tracé habilement l’histoire des découvertes 
faites successivement sur l'appareil génital des orchidées 
par Haller, Adanson, Curtis, Sprengel, Wachter, Schkubr, 


(1) Rob. Brown’s vermischte Schriften (ed, Nees von Esenbeck), t. V, 
p.117. 


(234 ) 
Swartz, Salisbury, L. C. Treviranus, Mirbel, Ad. Bron- 
gmiart d’une part, et Linné, Schmidel, Kolreuter , Stokes, 
Batsch, Richard, Dupetit-Thouars, Link, Lindley, F. Bauer 
de l’autre. Les auteurs de la première série admettaient en 
effet que l’imprégnation se fait directement de la masse 
pollinique à la surface stigmalique, en nécessitant un dé- 
placement des masses et un contact immédial , tandis que 
ceux de la seconde pensaient que celte opération a lieu sans 
que l'organe mâle se déplace, et par une réttogradation de 
la matière pollinique à travers les caudicules. C'est cette 
dernière opinion qui est admise par M. Lindley dans son 
Introduction to the natural system of botany, publié 
en 1830, et par M. Francis Bauer dans l'ouvrage édité par 
Lindley , Genera and species of orchideous plants (1834), 
dans lequel ce peintre si estimé a représenté les détails, 
dessinés d’après cette théorie, qui n’est pas la nôtre, de la 
vanille à feuilles planes. Cet ouvrage donne la figure d’un 
fruit de cette plante dessiné en 1807, mais assez différent 
des nôtres, comme on le verra par les figures du Mémoire 
que je présenterai à l'académie, pour que je puisse me de- 
mander l’origine de cette différence. Si la contestation agi- 
tée à cette époque par M. Robert Brown, n'avait pas été 
décidée par l'auteur lui-même et par les mémoires de M. Ad. 
Brongniart (1), l'histoire de la vanille pourrait servir à la 
résoudre. Aussi long-temps qu’on n'avait pas songé à mettre 
immédiatement en contact la surface stigmatique et les 
masses polliniques, la matière fécondante de celles-ci n’est 
pas venue se porter sur les ovules, et les vanilliers sont 


(1) Gbservations sur le mode de fécondation des Orchidées et des Cis- 
tinées Aun des sc nat., anc. série, t. XXIV, p 118. 


( 235 ) 

restés improductifs : mais aujourd'hui une fleur de cette 
plante étant donnée , le fruit l'est aussi. Voila un premier 
problème dont la solution, si importante pour le commerce, 
est due aux progrès de la physiologie végétale. Bien que 
quelques auteurs aient traité de la fécondation artificielle 
des orchidées, aucun n’a appliqué ces procédés à la pro- 
duction en grand des fruits de vanille, et c’est l'honneur de 
celle priorité que je réclame. 

Ce fut Wachter qui, en 1799, féconda le premier artifi- 
ciellement une orchidée, l'abenaria bifolia (1), et en 
1804, Salisbury entreprit la même opération sur plusieurs 
autres plantes de cette famille (2). M. Treviranus ( Louis- 
Christian) fit, en 1827, des expériences encore plus satis- 
faisantes (3). En 1831 et 1833, M. Robert Brown publia 
ses singulières observations sur l’imprégnation dans le 
Bonatea speciosa où des stigmates latéraux sont réunis 
au labellum, structure extrêmement curieuse (4). En 1831, 
M. Adolphe Brongniart observa également les résultats de 
la fécondation artificielle sur les orchis, eten 1834, ce sa- 
sant, ainsi que M. Mirbel fécondèrent dans les serres du 
Muséum une foule de plantes de cette famille, et obtinrent 
des fruits dont la connaissance , sans cette pralique, nous 
aurait échappé (5). L'année suivante, connaissant le résul- 
lat obtenu par M. Ad. Brongniart sur le Prassia maculata, 
je fis des expériences nombreuses sur l’imprégnation des 


(1) Roemer, Archiv., tom. IL, pag. 209. 

(2) Transact. of Linn. Soc., tom. VIL, pag. 29. 

(3) Zeitschrift für l’'hysiologie, tom 1L, pag 225 

(4) Annals of Philosophy, oct, 1831. — Trans. of Linn. Soc., t. XVI, 
pag. 685-745. 1833. 

(5) Hevue des Se. Phys. et Nat, par Nerée Boubée, tom, I, pag. 49. 


( 236 ) 

orchidées dans les serres de M. Auguste Mechelynck de 
Gand. J'ai publié en 1836 un aperçu de mes recherches 
et je fis remarquer dés-lors que ces opérations ne réussis- 
sent pas toujours. Ainsi le bonatea speciosa, le brassia 
maculata, Vangræcum maculatum, V'epidendrum co- 
chleatum , le cymbidium chinense , le calanthe veratri- 
folia, trois espèces de calanthe ou d'amblyglottis du 
Japon, le vanda præmorsa m'ont donné de fort beaux 
fruits, tandis que les catasetum , l'epidendrum fragrans , 
l'ornithidium coccineum ont résisté à mes efforts. Ce fut 
sur l’oncidium bifolium que j'observais une fécondation 
commencçante , mais qui s’arrêla le troisième jour de ma- 
nière à ne pas donner de fruit, circonstance qui prouve 
que la descente des tubes polliniques peut être pervertie(1). 
Je crois avoir été le premier qui ait signalé, surtout sur 
le calanthe veratrifolia, sur lequel j'ai suivi pas à pas le 
phénomène, leschangemens qui s’opèrent après l'acte de la 
fécondation, dans les enveloppes florales, dans la position 
de l'ovaire et dans la direction de la fleur, etc. Ces modifi- 
cations qui ne présentaient en 1836 qu’un intérêt physio- 
logique, sont devenues aujourd'hui un point important 
dans la culture industrielle de la vanille. 

C’est par les expériences que j'avais faites à Gand qu'il 
me vint dans l'idée, en voyant les grands vanilliers de l’'Uni- 
versilé de Liége, de produire une récolte abondante de 
fruits. M. Deville, jardinier en chef de cet établissement, 
avait vu fleurir depuis trois ans celte plante dans les serres, 
mais il attribuait au hasard la production de ces fleurs. En 
étudiant la structure du végétal j'entrevis la cause de ces 


* (1) Zorticulteur belge, tom. IE, pag. 9. 


( 237 ) 
floraisons , et aujourd'hui je crois pouvoir dire avec con- 
fiance que j'ai résolu cet autre problème : Un vanillier 
étant donné, l'ui faire porter fleur. Et puisque la fleur 
porte nécessairement fruit par l'application du mécanisme 
découvert par Wachter, la récolte des fruits est désormais 
assurée. 

Quelques personnes ont pensé que la récolte de fruits 
de vanille faite à Liége en 1837 n'était pas la premiére, et 
elles s’appuient sur des données vagues que je n’ai trouvées 
précisées nulle part. Ce que je sais de certain, c’est que 
M. Francis Bauer a dessiné en 1807 un fruit du vanilla 
planifolia avec les détails de la fleur , mais comme le texte 
de M. Lindley, qui accompagne ce titre , est trés-court et 
qu'il ne nous apprend rien sur cette fructification, rien 
non plus ne m’autorise à voir dans ce fait isolé la réalisa- 
tion d’une culture en grand. Les lettres que j'ai reçues de 
MM. Adolphe Brongniart, Mirbel, Treviranus, Dutrochet, 
Decaisne, etc., me prouvent que les botanistes regardent 
ce phénomène comme nouveau. On connaît l’immense 
érudition de M. Treviranus qui n’aurait pas manqué de me 
signaler les travaux antérieurs, s’il y en avait eu. C’est donc 
d’après ces recherches que je crois pouvoir affirmer que 
la priorité d’une récolte de vanille qui s’est faite en Europe 
sur une échelle étendue appartient à la Belgique. » 


Histoire. — M. Raoux donne lecture de la seconde partie 
du mémoire de sa composition , intitulé Dissertation Ju- 
ridico-Historique : 1° sur ce que l’on doit entendre par 
terra salica, dans le titre 62 de la loi salique, et 2° sur 
l'origine de quelques anciennes coutumes de la Belgique, 
qui excluaient les filles, dans le partage des successions des 
biens non féodaux. Ce travail est renvoyé à la commission 


( 238 ) 
chargée de l'examen des mémoires des membres de l'aca- 
démie. : 

«Les auteurs modernes, dit M. Raoux, ont émis des opi- 
nions fort divergentes sur ce que l’on doit entendre par 
terre salique dans le titre 62, art. 6 de la loi salique, qui 
traite de la succession des alleux. Il est ainsi conçu : De 
terr& vero salicä in mulierem nulla portio hereditatis 
transit , sed hoc virilis sexus acquirit ; hoc est, filii in 
ips4 hereditate succedunt: 

» Les uns, tels que l’abbé Dubos, ont pensé que c’élaient 
des bénéfices militaires accordés précairement par le prince 
comme des espèces de fiefs, à l’instar des bénéfices mili- 
taires connus sous les empereurs romains, et dont la pro- 
priété appartenait à l’État. 

- » D'autres, à la tête desquels se trouve Eccard, suivi par 
les bénédictins de la congrégation de St.-Maur, annotateurs 
du Glossaire de Ducange , par Montesquieu et Raepsaet, 
ont soutenu que la terre salique ne consistait que dans le 
terrain servant d’enclos à la maison principale de l’alleu. 

» D’autres, comme Beolus, Rhenarius, Ducange, le 
président Henault, etc., ont dit que la terre salique était 
la portion de terre assignée par le sort à chaque franc-sa- 
lien aprés la conquête des Gaules. 

» L'auteur de la dissertation estime qu'aucune de ces 
opinions n’est vraie. Pour parvenir à déterminer ce que 
c'est que la terre salique dont les femmes étaient exclues, 
il combine la loi ripuaire et quelques formules de Mar- 
culfe avec la loi salique. 

» La loi des Francs-Ripuaires ressemble beaucoup à la 
loi salique , et les commentateurs conviennent qu’elle en 
est une fidèle interprète. Or, le titre 56 de la loi ripuaire 
traile aussi de la suecession des alleux, et l’art, 3 se ter- 


( 239 ) 
mine ainsi : Sed cum virilis sexus extiterit, femina in 
hereditatem aviaticam non succedat ; d’où il résulte que 
chez les Francs-Ripuaires les femmes étaient aussi exclues 
de la succession des alleux provenant des aïeux. 

» La douzième formule de Marculfe, livre 2, et la 29me 
de l’appendice expriment clairement que, d’après la loi sa- 
Kique et l’ancienne coutume des Francs, une fille partageait 
avec ses frères dans le mobilier et les immenbles acquis 
par son père, mais n’avait aucune part dans Îles alleux 
patrimoniaux. Gomme certains pères envisageaient cetle 
coutume comme injuste et même #mpte, il leur était 
permis d'y déroger par des actes testamentaires. 

» De la combinaison de ces anciens documens l’on con- 
clut que les terres saliques dont les filles étaient exclues, en 
succession directe, ab intestat par leurs frères, étaient les 
alleux patrimoniaux laissés par leur père, mais elles pre- 
naient part dans les acquêts. 

» L'on voit la que, déjà sous la première race des rois de 
France, il existait une distinclion entre les propres et les 
acquêts, dans les successions légales. Cette distinction à 
subsisté en France et aux Pays-Bas jusqu'à la révolution 
française. 

» Du reste, il paraît certain que la première rédaction 
par écrit de la loi salique, est antérieure de plus d’un demi- 
siècle à la conquête des Gaules par Clovis, d’où il suit que 
les Francs avaient des terres saliques avant celle conquête 
el avant le règne de Clovis, qui n'a commencé qu’en 481. 

» Dans la seconde partie de la dissertation , l’auteur cite 
quelques coutumes de la Belgique, qui, dans les derniers 
siècles, et même jusqu'à la publication du nouveau code 
civil, ont exclu les filles au profit des males, non-seule- 
ment dans les successions des fiefs, mais aussi des biens 

Tom, rv. 17 


( 240 ) 


non féodaux ; il pense que l’origine de ces coutumes pro: 
vient des lois salique et ripuaire qui ont régi autrefois les 
Francs, nos ancêtres , attendu que le droit romain n’a pas 
de semblable disposition. » 


Antiquités nationales. ( Note de M. Willems. ) — 
« J'ajouterai deux mots aux nolices communiquées à 
l'académie sur le ménestrel flamand Lovwrs vAN VAELBEKE, 
et sur la signification du mot stampien (1). 

J'ai retrouvé ce mot dans deux poèmes du moyen âge, 
dont l’un est très-certainement de beaucoup antérieur au 
temps assigné à l'invention des stampien. Le fragment du 
roman de Malagys en flamand, que Bilderdyk a édité 
dans ses MNieuwe Verscheidenheden, IV , p.162, contient 
un passage, où il est dit que le ménestrel Nigriel joua 
une stampie devant la belle Oriande affligée : 


Sine instrumente rochti vort 
Ende ginc spelen vor de scone vrouwe 


Aise Nigrieel dese stampie, etc. 


Dans une note sur ce passage, Bilderdyk affirme que la 
stampie était une chanson de harpe. « Les harpes, dit-il, 
avaient dans ce temps-là, des espèces de pédales que l’on 
touchait du pied , et de là vient ce mot de stampie. » Je 
doute fort que les harpes aient eu des pédales au trei- 
zième siécle. On les croit d'invention très-moderne. Si 
l'opinion du célèbre auteur que nous venons de nommer, 
était fondée, Van Vaelbeke n’eût pas été vanté comme 
un fameux violon (vedelare ), mais bien comme un cé- 


(1) Voir Bulletins de 1836, p 263, et de 1837, p. 68. - 


( 241 ) 
lèbre joueur de harpe; car, la harpe était réputée le pre- 
mier des instrumens : 


La harpe qui tout instrumens passe, 


dit Guillaume de Machault, cité par Roquerorr (1). 

Le second ouvrage qui fait mention des sfampies ou 
stampenies, est le fameux roman de Trislan, en vers 
allemands, de Godefroy de Strasbourg, publié par Von 
der Hagen, et dont la composition remonte au com- 
mencement du treizième siècle, c’est-à-dire à prés de cent 
ans avant la mort de Louis Van Vaelbeke. Le héros de ce 
vieux poème avait appris dans sa jeunesse à chanter chan- 
sons , refrains et stampenies : 


Ouch sang er wol ze prise 
Schanzune und spœhe wise 
Refloit und stumpenie. 
(TaisTan, vers 2391-2393 ). 


La belle fseult, son amante, n’était pas moins bien 
instruite en musique. Elle excellait sur plusieurs instru- 
mens, el jouait, à la mode de France, des stampenties sur 
le violon ou le rebec : 


Si videlte ir stampenie 


In fransoiser wise (ib. vers 8062, 8065) 


L'ancien Tristan, rimé en français, pas plus que la 
version anglaise de Thomas of Exceldoune, publiée par 


(1) État de la poésie française aux XIIe, XIIIe et XIV< siècles, p.116. 


(242) 

Walter Scott, ne parlent de séampies , à moins qu'on ne 
veuille trouver cette sorte de chansons dans les Glees, 
mentionnés aux strophes 7, 10, 13,64 et 69 du second 
livre du roman anglais, et que Walter Scott définit de la 
manière suivante. Q Glee was used generally to express 
a piece of poetry adapted to music, as the fabliau and 
perhaps the lay, as well as the music itself; while the 
romance meant a work of much greater length, to be 
read or chaunted. » 

Quoi qu'il en soit, il résulte de tout ce que je viens de 
rapporter, que les s{ampies n'ont pu être inventées par 
Louis Van Vaelbeke, puisqu'on les connaissait déjà avant 
lui. Les anciens vers flamands, cités par Des Roches, doivent 
par conséquent être interprétés en ce sens, que cet ar- 
tiste flamand, mort vers l’année 1312, avait introduit de 
son temps un nouveau mode, un mode spécial de jouer 
la stampie, dont on usait encore du temps que Nicolas 
Declerck composa ses brabantsche yeesten : 


Van stampien die manieren 
Die men noch hoort hantieren. » 


LITTÉRATURE FRANÇAISE DU MOYEN AGE. — Chänsons de 
Geste. — Roman de Jourdain de Blaye. — Notice de 
M. ie baron De Reiffenberg. 


« L'attention des gens delettres , dans toute l'Europe, est 
maintenant dirigée sur les monumens primitifs des langues 
modernes et principalementsur les diverses transformations 
des légendes et fictions poétiques répandues au moyen âge. 
Occupé depuis long-temps de recherches sur l’ancienne 
poésie française en Belgique, je sentis ma curiosité vive- 


( 243 ) 
ment excitée en parcourant le catalogue de la bibliothèque 
de Tournay, eten y voyant, parmi les manuscrits, cette in- 
dication : 


Fioman de Druel Vignon, écrit en vers en 1261 (1). 


M. le bibliothécaire Deflinne ayant eu l’obligeance de 
me communiquer ce volume, par l'entremise du départe- 
ment de l’intérieur, j'ai pu l’examiner à loisir. C'est un in- 
folio en papier, contenant 357 feuillets ou 714 pages, et 
qui a appartenu jadis au chanoine Jérôme de Winghe, 
puis à la bibliothèque de la cathédrale. L'ancienne reliure 
qui a été réparée en partie, porte huit fois l'empreinte 
‘A‘FIERLM, en caractères gothiques. Une étiquette mise 
au dos porte le titre qu’on vient de transcrire et une note 
tracée au seizième siécle, sur le premier feuillet de garde, 
contient ce qui suit : 


Ce libore fut composé ow escript par un Druel Vignon en 
Van 1261 et y meit l’autheur à le composer, ou l’escripoain 
à escripre À mois assavoir juillet et aoust du dit an. 


Cette note n’est qu’une espèce de traduction des vers en. 
acrostiche , qui se trouvent à la fin du volume : 


Dame, signeur baron, qui m’avés pourléu , 
Regardés et lisiés ce vier qu’avés véu, 
Vraiement trouverés se bien avés coeru (2) 

Et le non et sornon par qui escris il fu. 

Les ij mois y a mis qui sont jolis tenu, 

Voir ce fu en jullet, aoust qui sy jes (gens?) fu; 


(1) l’récis historique et bibliographique sur la bibliothèque publique de 
la ville de Tournai, par M. V. Deflinne-Mabille (2e édit.) Tournay, 1835, 
p: 39. 

(2) Pour quéru, de quérir. 


(244) 


Y1 i avoit ou date que on ot ramentew 

Grasse mil iic soissante et ung venu. 

Nostre signeur ait l’ame du clerc qui l’a conclwr, 
Or prié soy le troeve quelqne part reponnu, 
Nouvelle en ait Mailin Dubois qui a bien bu. 


Le copiste s'appelait donc effectivement Druel Vignor. 
Quant à la date de 1261, l'inspection de l'écriture suffirait 
pour démontrer sa fausseté, quand même on ne remar- 
querait pas qu’on a gratté au canif deux jambages formant 
le nombre mu et que la mesure du vers est incomplète 
en lisant deux au lieu de quatre. Cette copie est de l'an- 
née 1461. Sanderus, qui a donné le catalogue des manus- 
crits de Jérôme de Winghe (Bibl. MS.1, 209 (1)), désigne 
ainsi celui dont nous parlons: Le roman de Jourdain , 
composé ou escrit par Druet Vignon en l’an 1261 , en 
vers. 

On voit que cette notice, pour être très-courte, n’en est 
pas moins fautive. Cependant on y signale le vrai titre du 
livre. Ce n’est en effet ni le roman de Druel V'ignon, ni 
celui de Milles et Amis , comme on l'avait écrit autrefois 
sur le premier feuillet de garde, mais l’histoire en vers de 
Jourdain de Blaye, petit-fils d'Amis, compagnon d’Amiles 
ou Amelius. Le copiste lui-même en avait averti, à la fin de 
son travail : 

Amen explicit 


Du ber Jourdain 
Qui par se main 


(1) Les catalogues de Sanderus qu’il devait à des communications 
plus ou moins obligeantes, sont malheureusement aussi inexacts qu’in- 
complets. Par exemple, dans la liste relative à la bibliothèque de Bour- 
gogne, on lit sous le n° 766 wn roman sans titre. Admirable renseigne- 
ment ! 


( 245 ) 


Payen tua. 

Et après main 
Le ber Jourdain 
Karlon gréva. 


Ce roman, qui contient environ 22000 vers, et qui prend 
Jourdain au berceau pour le conduire jusqu’au bout de 
sa carrière , est une composition du treizième siècle. Entre 
autres légendes que l’on y rappelle, on y distingue celle 
d’Aimeri de Narbonne. 


Fol. 244 Et (Karles) manda Aimery de Nerbonne le fier. 


Quant Aimeris oy du courtois mesagier, 

Ses vij fieux a mandé sans point de détryer; 

J'à estoient alet les payens ghéryer ,- 

Car onques Aimeris , qui tant fist à prisier, 

Ne donna ses enfans le monte d’un denier, 

S’il n’el porent conquerre au fer et à l’achier ; 
Mais Karlez les aucuns vot leur pris essaucier ; 
L’aisnet donna Orliens desouz lui à baillier, 

Et l’appellon Ernault d’Orliens, au vrai jugier, 

Et l’autrez ce fu Boevez de Commarchiz le fier, 

Li tiers ot non Foucquez, Candie ot a baillier, 

Et Bernart ot Breubant sous lui a justicier , 

Et sy donna Karlon à Guillaume le fier 

Orengez qui estoit encore à gaagnier. 

Et Aimeris n’ot oncques soux (1) lui terre à baillier , 
Mais ce fu tous li mendrez des VII, au vrai jugier ; 
Guibers fu sénescaux de France l’iretier , etc. 


Voici quelques fragmens qui pourront être utiles aux 


amateurs de la littérature des trouvères : 


DÉBUT f° 1. Sygneur or faites pais pour Dieu de magestés 


Le glorieux jhésus qui fu en crois pénés, 


( 246 ) 
Et vous orés canchon de haulte auctorités 
De l’une des iij gestes (1), saciez en vérités , 
On n’en nomme que trois oureguars loiautés, 
Car la iïije geste ne vali point ij dés; 
Encore n’est point morte, dont c’est deul et pités, 
Car les faus Guennelon se sont resussytés, 
Puis ijc ans se sont en maint païs monstrés : 
Mais de che vous lairai et des iij geste orés. 
En l’incarnassion de Dieu qui fu pénés, 
De le date du tamps vijc ans y contés 
Et environ XL. Karlemaine li bers : 
Fut (2) le cief des iij gestes dont vous parler orés ; 
Car il vint de Pepin, le noble couronnés. 
Karle (3) régna lonc tamps, s’ot fieux et fille assés, 
Et s’y ot pluiseurs fames dont il fu espousés, 
Voire l’une après l’autre, quant leur cors ert finés. 
Et les ij autres gestes droicy lommer {4) m’orés : 
L’une fu de Garin de Monglève fiévés, 
Et l’autre de Doon de Maienche doutés. 
Doon ot xij fieux de se feme engenrés, 
Et s’ot autant de filles où moult ot de biautés, 
De l’une de ces filles yssy en vérités 
Cieux de qui che romant d’Amillez est fondés, 
Et d’Amis, ses companis, de l’autre fille aprés. 
Amillez (5) et Amis, ce dict l’auctoritez, 
Furent bons compaignons , loiaux et esprouvez, 
Et tant qu'il sont saintis et cors sains eslevés, 
En Lombardie sont , à ce fait marqués (6). 


(1) Geste, ce mot signifie race dans ce passage, de même que dans celui-ci : 
Vos estes de la geste as quatre fiz Aymon. 
Roman de Garnier. 
(2) Ainsi dans le manuscrit, contre la règle de l'orthographe du temps. 
[3) Lisez Karles ou Karlez. 
(4) Lommer , loumer, nommer. 


Qui de Buillon se fait la ducoise /oumer 
Roman manuscrit du chevalier au Cygne. 


(5) Lez a ici, comme plus bas, la valeur de l's. 
(6) Remarques. Dans l'extrait d'un autre roman de Jourdain, rapporté pax 


( 247 ) 
Amis, compains d'Amillez, qui de dieu sont amés, 
Avoit I noble fieux qui Gérart fu nommés, 
Qu'’à son tamps servy Karle; moult fu de lui privés. 
À marier estoit Gérardin dont oés 
Karlez fu aparus o son noble barnés : 
Là ot une pucielle, dont grans est libiautés, 
Et fu soer à Basin, qui tant fu naturés. 
Ermengart ot à non celle dont vous oés (1). 
De Karlon s’aparu, qui tant fu redoutés, 
Marit li demanda devant tous ses casés. 
Karlezse regarda, se vit à l’autre lés 
Le ber Gérart de Blavez dont moult fu hennerés (2). 
« Gérart , chà, dit li rois, ceste dame prendés. » 
Et Gérart respondy : « Si con vous commandés. » 
Là en droit l’espousa, ce dict l’auctoritez, 
Et de celle Ermengart fu Jourdain li doutez, 
Qui conquist par se force xiiij roiautés, 
Qui fu li plus preudomme qui o monde fu nés. 
Mais anchois fu Gérars bien X ans mariés 
C’oncques éuist enfant, dont moult estoit yrés. 
Bellez furent les noecez quant Gérart espousa 
Ermengart , la pucielle, que loialment ama, 
Et XV jors après Gérart le remena, 
En la ville de Blavez Karlez le convoia, 
Æt tous les xij pers qu’avoecq li mena, 
Ens ou palais à Blavez rois Karles s’ostela. 
Et pour l’amour des noecez viij jors y séjorna. 
Tout rendi à Gérart le païs par delà 
Et yl en fist hommage , oncques ne le faussa. 
Trop fu Gérart preudon, et loialment régna. 
Por chou qu’il fu loiaux et que jhésus ama 
Le murdri li sien oncles ensy que vous dira, 
Fromons, li faux traïtres, qu’oncques bien ne pensa. 


M. Francisque Michel, on lit : 
A Mortiers gisent, ès plains de Lombardie. 
(1) Se li donna li rois Othes sa fille, 
Damme Hermenjart, qui fu preus et nobile. 
Extr,.de M. Fr. Michel, p. xxx. 
(2) Honnorcs. 


Fol. 


(248 ) 

Karlez a pris congiet et vers France s’en va. 
Et son rice barnage avoecques lui mena ; 

Li bers Gerars de Blavez assés le convoia, 


Quant du roy se party tenrement larmia. 


. . . , . . . . . . . . . . 


Signeur ce fu en mai que florissent gardin, 
Oisillon s’esjoissent contre le douz tamps prin, 
Chanteli lossignos qui dist en son latin : 

« Dieu, j’ai le cuer ochit par amoureux couvin. » 
A icel tamps I jour de Pasques o matin 

Fu li contez Gérars au vrai cuer enterin 

En Blavez dont li mur sont massis et cauchin (1) ; 
Si ot avoecque lui maint conte palazin, 

Maint bourgois de hault pris et maint rice mesquin ; 
Lés lui fu sa moullier Ermengart au cuer fin, 
Enchainte d’un enfant estrait de gentyeu lin. 

« Dame, chà, dit Gerars où onques n’ot venin, 
Moult devons loer Dieu et le pooir divin 

Quant sommez viellez d’ans et près detraire aflin, 
Et Dieux nous aime tant , qui fist pardon Longin, 
Que vous portez I hoir ou marle ou femenin, 

Et s’il plaist à celui qui de l’iaue fist vin, 

Mais qu’il vive, seront cil de Blavez enclin 
Cevalier et bourgeois , baceler et mesquin; 

Car s’il plest Dieu ce vrai et le ber Saint-Martin 
Que ce soit une fille par le Jhésus destin, 

Tel signeur li donrai, se trop tos ne défin, 

Que la tière tenra paisible sans hustin; 

Et se c’est un hoir mâle, je ne voy autre fin 

Que de Blavez tenra le palais marberin 

Et le païs et tout jusques en Limosin, 

Sile redouteront Payen et Sarazin 

Ensement que l’ont fayt et moy et le mien lin. 

Et , s’il ne doit avoir cuer vrai et enterin 

Desirans de payens mener à pute fin, 


(1) Au feuillet XVIII du même roman on lit : 


Ne fina d’esploitier tout le chemin cauchin 


Ce mot vient du latin calx. 


(249 ) 

Jà puis ne délivrez, ne vive tierch matin, 

Car je dis et c’est voirs, hauteche et cuer frain (1), 

Est riquesse perdue, car elle a pris sa fin. 

« Dame chà, dit Gérart , à le chière menbrée , 

Moult nous aime Jhésus et le virge honnerée, 

Quant vous estez d’enfant enchainte demorée, 

Qui après nous tenra Blavez et la contrée. » 

— «Sire, dit Ermengart à le couleur rosée 

Ensy soit que plaist Dieu et la virge honnourée. » 

Fol.5  Signeur or faitez pais pour Dieu le tout poissant, 

S’orés bonne canchon d’estore soufissant , 

Dont li histore est vraie et li vier sont plaisant, 

C’est ensy que Reniers de Vantanus le gent, 

Pardedens Vantanus (2) garda Jourdain l’anfant. 
Fin, f 356-57. Jourdains, li ricez rois à le chière menbrée, 

Fu à Gadrez le gent (3) qui bien estoit peuplée ; 

Avoequeles barons de haute renommée 

À une assension (4) qui bien fu célébrée, 

Tint li rois Jourdains court à Gadrez le loée. 

XIX (5) rois y ot en icelle jornée 

Qui tout croient en Dieu : ce fu bielle assemblée ; 

Karlez fu li XXe; li cours fu bien peuplée, 

Et le court (6) fu plenière, à cascun bien agrée, 

Et après le digner , c’est vérité provée, 

A Karlez pris congiet , son oire a aprestée 

Pour repairier en France, le nobille contrée, 

Et Jourdains li dona à son voloir s’agrée, 


(1) Fraïn, de peu de valeur, 
(2) Aa feuillet IV on lit : 


Reniers au poil flory 
Qui Vantanus sur mer tenoit pardesouz luy. 


(3) Ou le grant, ce mot élant écrit d’une manière abrégée gnt. 


(4) Li dux tint une cort à une ascension. 
G. F. DE MARTONNE, Parise la Duchesse, p. 5. 
(5) Prononcez dix et neuf, 


(6) Sic. 


( 250 ) 
Adont fu le besogne pour Karlon aprestée , 
Envers France en ala sans nulle demorée; 
0 lui en va Gérars de Blavez le loée. 
Or nous dist li cronique et li canchon ditée(1) 
Que Karlez ne vesqui puis que ijt année. 
Jourdains est demorez en Gadrez la loée ; 
Cascuns des rois se est rallez en se contrée ; 
En Hermenie ala Kallefrins celle anée, 
Le roialme maintint tant comme yl ot durée. 


Richiers (2), li fieus Sandame , d’Escoce le peuplée, 


Demora à Jourdain et se fame loée; 

Car apriés Jourdain tint le tière et le contrée. 

Et vesqui puis Jourdain V ans , cose est prouvée, 
Droit au ciel de V ans dont je fai devisée, 
S’endormoit li bons rois d’encoste s’espousée ; 

Là li manda Jhésus qui fist ciel et rousée, 

Et se moullier aussy qui tant par fu nostrée (3) 
Que leur char fust de prestre justement confessée, 
Car Dieux les voet avoir en se glore adurée, 


Quant Jourdains a le voix du saint angéle (4) escoutée, 


Le parolle de Dieu asés bien li agrée, 

Car viellez estoit d’ans, c'est vérité prouvée ; 
Aussy fu se moullier qui tant fu honnerée. 
Liroisse fist confés à cette matinée, 

Aussy fist se moullier qui tant fu alosée (5) 

À cumeniet sont en icelle journée, 


A une heure morurent ; Dieu (6) qui seut leur pensée, 


A rechutes leurs amez en se glore secrée. 


——————_—______—_—_—_—————_—_————_———@ 


(1) Cet emploi du mot chroniques n’est pas fréquent dans les anciens romans de 
gestes. Dans le roman manuscrit du Chevalier au Cygne, on lit toutefois (Bib/. 


de Bourg, n° 526, in-fol.) : 
En la chronique en est la vérité trouvée, 
(2) Appelé au feuill, CCCX : Richiers à la barbe mélée. 
(3) Fostrée, Noscrée, Foscrée? 
(4) Angle, afin de rétablir la mesure. 


(5) Ele fu monseignor don Garner l'Alosez. 
G. DE MARTONNE, Parise la Duchesse 
(6) IL faut écrire Dieux, 


» P« 41. 


(251) 
Ët quant Richiers le voit , forment le désagrée, 
Aussy ont li baron leur joie en deul muée, 
Là mainent signeur deul , li gent de Dieu amée, 
Pour Jourdain et le dame qui tant ot renommée. 
Mais pour doleur mener et soir et matinée 
Ne poroit-on ravoir la personne finée. 
Jourdains fn entieréz à honneur compassée, 
Et Richiers tint se tière et se noble contrée 
À pais tant qu’il vesqui, et soir et matinée, 
Avoecques se moullier qui tant ot renommée ; 
Moult prient pour Jourdain et soir et matinée 
Et pour Oriabiel se courtoise espousée. 


Cy fine li ystore c’on vous a recordée, 
Bénéoit (1) soient tout cil qui l’ont escoutée 
Et li clers qui le fist et cieux qui l’a cantée ; 
Au jour du jugement en le glore adurée 
Soient nos ames mises et cascune sauvée. 


Un roman de Jourdain de Blaye est cité dans le Glossaire 
de Du Cange. Quant à M. Roquefort, il passe sous silence 
celte fable héroïque. 

Ce qu’il y a de remarquable dans celle-ci, c'est qu’elle 
semble n’avoir rien de commun , du moins pour la forme, 
avec le roman sous le même titre, dont l’infatigable phi- 
lologue M. Francisque Michel a donné un extrait dans 
son édition de la chanson de Roland, préliminaires, 
p. xxx1—xxxv. Le manuscrit de la bibliothèque de Tour- 
ai n'en est que plus précieux : et qui sait si ce n'est pas 
originairement l'œuvre d’un belge. * 

Quant à la légende d'Amilles et d’ Amis dont celle 
de Jourdain est une continuation, le savant Mone l’a ex- 
posée dans ses Anzeiger (1836, p. 145, 161, 353, 420), 
et M. Francisque Michel en a offert également un échan- 


(5) Bénéoit, Lénis. 


üllon au public (chanson de Roland, préliminaires , 
XXIX — XXXI). » 

— M. Borgnet lit une note sur quelques anciens ma- 
nuscrits , dont il présente à l'académie l’analyse suivante. 

«Tous les jours on entend déplorer, et ce n’est pas sans 
motif, la perte des richesses intellectuelles que renfer- 
maient les maisons religieuses de notre pays. Le malheur 
n’est cependant pas aussi grand qu’on le pourrait croire ; 
souvent ces richesses n’ont été que disséminées , et tel do- 
cument s’est retrouvé là où on n’espérait guére le ren- 
contrer. Que l’on me permette ces réflexions, elles me sont 
suggérées à propos d’un manuscrit concernant l'abbaye de 
Floreffe, el qui a été sauvé de la destruction sur le gre- 
nier où il gisait à côté d’autres pièces moins importantes. 
Son contenu m'a paru d'autant plus intéressant qu'il est 
relatif à une province dont les titres littéraires sont en bien 
petit nombre, ainsi que l’a fait remarquer dans son in- 
troduction , le savant éditeur de la Chronique de Philippe 
Mouskes. Puissé-je être assez heureux pour avoir découvert 
un livre qui l’engage à modifier un jour la rigueur de la 
sentence portée par lui contre mes compatriotes ! Puissé-je 
être assez heureux aussi pour relrouver quelques-uns de 
ces ouvrages qui composaient , dit l’auteur, dont je vais 
parler, la bibliothèque de cette riche abbaye! 

Le manuscrit qui fait l’objet de cette nolice, est écrit 
sur papier, d'une écriture qui paraît être de la fin du 
XV: siècle. Il forme un volume in-folio, de 478 pages à 
deux colonnes, et se divise en quatre parlies, toutes qua- 
tre composées en vers français. La première est une tra- 
duction des consolations de Boëce, traité philosophique 
fort en vogue autrefois; la deuxième et la troisième sont 
deux visions intitulées, l'une : Le pèlerinage de Jésus- 


( 253 ) 

Christ, l'autre : Le pelerinage de lome humain. La qua- 
irième enfin comprend les 103 dernières pages; c'est un 
poème écrit, comme nous l’apprend l’auteur, en 1462, 
et qui contient l’histoire de l’abbaye de Floreffe, depuis 
sa fondation jusqu’à cette époque. Sur la première page du 
volume se lit cette inscription latine , dont l'écriture sem- 
ble être de la même date que celle du manuscrit : Liber 
Henrici Dopprebays reqularis Floreffien. ordinis pre- 
monstraten. À. bellip. dioc. Leod. Une main plus récente a 
consigné au-dessous, cette traduction libre : 27 semble 
que frère Henri Dopprebaïs , chanoine régulier de 
l’abbaye de Floreffe, et abbé de Beaurepart , fut autheur 
de ce livre en l’an 1392, 1472 et 1462. De ces trois dates, 
la dernière seule est exacte, puisque, dans la quatrième 
partie, l’auteur nous apprend qu'il la commença au mois 
de novembre quatorze cent sexante et deux , et il dit, 
en finissant : 


Le XIITIe jour de janvier 

Je cessai lors de rimoyer 

Ce présent et petit livre, 

Lequel baillai tout a delivre 

A ung escripvain courtois, 

Lan quatorse cens sexante trois, 
Pour le mestre au net ct doubler, 
Et a mon amy présenter. 


Je pense que la chronique sur Floreffe est seule de 
Henri Dopprebais, et que les trois premières parlies sont 
des copies d'ouvrages exislans; cela peut se démontrer par 
une date qui se trouve au commencement du pélerinage 
de Jésus-Christ, et où il est dit que cette vision eut lieu 
dans une nuit de l'an 1358. 

Sur la première page du poème qui doit m'occuper, se 
trouve un dessin à la plume, représentant l’auteur au mo- 


( 254 ) 


ment où il offre son livre à l'abbé ; dessous on lit : « Sen- 


» 
» 


sieut ung petit traictiet devisant aulcunement lestat 
sanctissime et la noble fundacion de la vencrable eglise 
Notre-Dame de Floreffes ticrche en lorde de premonstre, 
et des abbez et pastours dicelle. Y adjoustez pluiseurs 
incidens et aventures avenues depuis la fundacion 
dicelle. » 

Vient ensuile un long prohéme en prose, dans lequel 


le poèle explique, avec force citations d'auteurs sacrés à 
» = 2-1: » » À . 0 

l'appui , les motifs qui l’ont engagé à faire et rimoyseren 
rude franchois ung petit traictiet par manière de soinge 


et fiction. « Lequel traittie néantmoins, ajoute-t-il, je n'ai 


» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 


point fait par orguel, flasserie ou présumpeion, muis en 
humble et simple intencion. Je en prens Dieu, nostre 
createur , qui les secrez des corages scet, a tesmoingnage, 
car jai mon affection et desire de bon cuer amer et ho- 
nourer ladicte eglise et monastere de mon leaul povoir, 
combien que aulcuns ayent voulu dire du contraire ne 
scai pourquoy, aulirement que par aventure ils ont 
doubté que leur vices ou malices ne fuissent par moy 
descouvris, ou pour ce que je ne voelle me conformer 
selone leur appetices. Et au regart de moy je re me scai 
faindre que ne doise pas le voir dire, et il mest impos- 
sible de faire adez au gre de cascun. Et chils parest trop 
serf qui voelt complaire en parolle et en fait a ung 
cascun , comme dist lapostle, car en ce faisant il lui 
convenroit delaisse verite. Mais comme dist lapostle : 
Unusquisque in sensu suo habundat. Pourquoy diere 
voel de bon cuer avecq le psalmiste : Domine libera 
animam meam a labiis iniquis , et Deus mihi adju- 
tor, non timebo quid faciat mihi homo. Car comme 
dist lapostle : 194 Deus pro nobis, quis contra nos. El 


pr 


séfo di 


( 255 ) 

pour ce reverend pere et mon tres chier seigneur ledit 
traictiet rudement et mains suffisamment conceupt je 
le vous présente tres humblement pour le corrigier, 
adrechier et refourmer, ou pour le rejeter de tous poins 
sil est advis a votre reverende paternite quil ne soit a 
recepvoir. Et combien que vous soyez suffisamment 
adverly et fondez del estat et fundacion dessus touchie, 
et que de ce vous ayez pluiseurs livres en lalin, toules- 
voies le franchois est trop plus legier. Aussi il mest 
ayis que vous et cheulx de la langhe tyoise pourront 
prendre aulcune recreation et plaisance en lisant le 
franchoïs. Et jasoit ce que li pluiseurs par envie repren- 
dent multitude de livres, et pour ce quils ne les puelent 
avoir , ou pour ce quils heent ou ygnorent les sciences, 
quia scientia non habet inimicum nisi ignorantem , 
repruevent aussi cheulx qui font nouveaulx livres pour 
ce quils nen scevent nuls faire. Pourquoy disoit saint 
Jherosme in prologho Esdre : invidi libenter lequnt que 
publice latrant. Il] me samble doncq a toute bonne 
correction que cest chose tres proufitable aux seigneurs 
et prelats avoir pluiseurs livres viculx et nouveaulx, 
pour y avoir recours en temps et en lieu, et pour re- 
creacion selon les divers cas qui de jour en jour avien- 
nent... » 

A la suite du proème se trouve encore un dessin à la 


plume représentant l'abbaye de Florefle. L'auteur est 
couché à terre entre des arbres beaucoup moins élevés 
que lui. Auprès coule la Sambre sur laquelle est un pont 
qui existait en effet alors. Sous ce dessin on lit : « Chi 


» 
» 
» 


commenche l’auteur de ce livre et traittie tout premier 

a parler en fourme dung home moult tristes et tres in- 

fortunez , et poursieut avant par maniere de dyaloghue 
Tom. 1v. 18 


( 256 ) 

» en tenant signe de soinge et de fiction jusques ad ce que 
» vient a parler et touchier des cronicques et hystoires. » 

Suivent en effet plusieurs strophes dans lesquelles l’au- 
teur expose, sur un ton lamentable, ses malheurs et son 
chagrin. Il entreprend un pèlerinage, et après avoir long- 
temps marché, il se voit surpris par la nuit au milieu d’un 
désert. Accablé de fatigue , il se recommande à Dieu, et 
s’endort. Un songe lui arrive, et il entend une voix qui lui 
reproche son désespoir et son peu de foi dans la providence; 
c’est la fortune qui le sermonne amplement à ce sujet et lui 
dit de marcher vers un lieu dont elle lui fait la description, 
et où doit le conduire ung moult gracieux escuyer qu'il 
rencontrera. Le rêve continue et notre homme se met en 
route : 


Quant jeuch marchis bonne aleure 
À mon avis, entre deubs murs 

Je me treuvai au point du jour 

En ung tres bel et gent destour, 
Assez pres dune belle fontaine 
Qui rendoit yawe doulce et saine. 
En ycelle ma fache lavai, 

Puis entour moy si regardai. 

Lors appercheups ung jouvencel 
Qui moult est gracieux et bel, 

Et moult bien sambloit gentilz homme 
Et estrait de bonne maison. 

Salut lui donnai de bon jour, 

Et chils tantost et sans sejour 
Doulcement si me bienveigna, 

Et lors son chemin atourna 

Tout droit a une grande porte 

Qui moult estait et gente et forte, 
Et richement faite a devise. 
Dessus cette porte estoit mise 
Lymage de la vierge mere, 

Qui tenoit son fils et son pere. 


a” 


(257 ) 


Devant elle nous agenoillames, 

Et humblement la saluames 

En disant : ave maria. 

Tantost lescuyer se leva, 

Si lui fu la grant porte ouverte, 
Lors appercheups a descouverte 
Une dame de si noble atour, 

Que oncques mais ne a nul jour 
Nen vid nulle de telle fachon, 

Et d’en faire description 

Tant qua moy me repute indigne 
Tant fu gente, doulce et benigne; 
Et vous afferme pour certain 

Que se javoie cent mille main 

Et autant de langhes au voie dire, 
Si ne pouroient jamais suffire 

À describre ne recorder, 

Ne parfaitement deviser 

La tres grand preciosité 

Et la tres parfaite beaulte 

Qui est en celle noble dame. 

Car sa grant valeur par mon ame 
Ne pourroit bouche monstrer ne dire, 
Ne cuer penser, ne main escribre, 
Entendement ne sens comprendre, 
Ne parchemin ne livre rendre. 


Ceci n’est qu’une figure de rhétorique qui n'empêche pas 
l’auteur de faire la description de la vierge , de donner un 
dessin où elle est représentée abritant sous son manteal un 
abbé et des religieux. 

Les stances sont coupées de temps en temps par un pré- 
cepte latin ordinairement tiré de l’ancien testament, ou par 
un passage en prose dans le genre de celui qui suit: «Chi 
» dist l’aucteur de ce livre que le jouvenchel que lon puet 
» nomer fran cuer se mist en genouls en saluant la re- 
» presentation de leglise dessusdicte, en disant en tele ma- 


( 258 ) 
» niere que sensieut en grant humilité et tres reverente- 
» ment, » 

Un dialogue s'engage donc entre francœur et la Vierge ; 
celle-ci s’enquiert des motifs de sa visite, et disserte lon- 
guement sur les vices de l'humanité, en mêlant à son récit 
des sentences philosophiques. Voici une de ces sentences : 


Les moins dignes en tous endrois 

Sont cheulx qui ont les biens du monde, 
Les fols sont cheulx qui ont la voix 

Et les estas tout a la ronde; 

Le sage qui en sens habonde 

Le plus y va querant son pain, 

Sur les meschans tout bien redonde 

Les nobles vont morant de faim. 


Suivent l'éloge de l'abbé Lucas qui vivait alors, et l’énu- 
méralion des avantages dont lui est redevable son abbaye ; 
il y a là des détails curieux pour la localité. 

Cette introduction prend un bon tiers du poème. Après 
une allocution que francœur /e genti jovencel adresse à 
l’auteur pour l’engager à consigner ce qu'il a vu décrit sur 
le manteau de la Vierge, celui-ci s’éveille au son d’une 
cloche qui sonne l'angelus; il se dirige vers l'endroit 


Ou ceste clocque tapet avait, 


et arrive à l’abbaye de Floreffe. Seulement alors il com- 
prend ce que son rêve signifie, et entre en matière. 

La narration suit un ordre chronologique et chaque 
abbé, à partir du premier que saint Norbert établiten 1121, 
vient à son tour, Les faits historiques qu’elle contient sont 
curieux. On y trouve notamment un récit des négociations 
qui eurent lieu entre Jean de Béthune et Philippe-le-Bon 
pour la cession à ce dernier du comté de Namur, et des di- 


( 259 ) 

vers incidens qui signalèrent le séjour à Genappe de 
Louis XI encore dauphin. Le règne du bon duc comprend 
à lui seul le dernier tiers à peu près du poëme ; ses exploits 
militaires, ses démêlés avec la France, ses efforts pour ex- 
citer une nouvelle croisade y sont décrits. Le banquet de 
Lille et le vœu du Faucon y ont aussi place , quoique moins 
détaillés toutefois que dans Olivier de la Marche (1). 

S'il était permis devant une aussi grave assemblée d’é- 
mettre une observalion futile, je dirais que Henri Doppre- 
bais peut passer, par la coupe hardie de sa versification, 
pour un poète à la mode ; je citerais ensuite ce passage que 
ne désavoueraient pas certains auteurs de nos jours, et où 
Philippe-le-Bon répond à la duchesse de Luxembourg qui 
vient réclamer son assistance : 


Madame et tante puisqu’il 

Vous plaist, nos vos secourons 
Et en tous cas vous assisterons, 
Et se besoing d’argent avez 
Nostre tresor habandonnez 
Vous est, del tout a vo plaisir; 
Par Luxembourc vorons vertir 
Et y pourveoir de remede. 


Je terminerai cette assez longue notice par quelques ex- 
traits relatifs à des événemens survenus vers l’époque où 
l’auteur écrivait. Le premier parle de la construction de 
l’hôtel-de-ville de Bruxelles : 


Deux ans après (2), je le scay bien 
Fu comenchie le maison belle 


(1) Livre L, chap, 29. 
(2) Après 1399. 


( 260 ) 
Sur le grant marchiet à Brusselle, 


Qui est le plus bel édifice 
Quoncques veysse et le plus riche. 


Le second extrait rapporte un terrible ouragan : 


Car d’aultre chose bien me ramembre ; 
Cest du grand vent que en ottembre 
Courru es marches de par decha, 
Les sains trois rois deslogea 

Du lieu ou grant temps orent este 
Dedens Coloingne, la sainte cite; 

A la dome leglise cathedral 

Ce grant vent si fist moult de mal 

A pluiseurs qui moult sen douloient 
Et biauls edifices en perdoient. 

Ce vent avint lan quatorse cens 
Trengte quattre, si comme jentens. 


‘ 


L 
Le troisième enfin est relatif à une disette qui survint 


trois ans après l'ouragan dont je viens de parler : 


En lan XXXVII, tout pour certain, 
Renchierirent moult fort li grain; 
Car a Liege et a Namur 

Ung stier de soile (1) par mesure 
Vingt gros monnoie de Flandre valoit. 
Le stier de frument len vendoit 
Moult bien trengte gros et plus, 

Et alors valoit ung salus 

Quarancte wict gros, et 1 florin 
Que len nomme maille de rin 
Trengte noef gros valoit. Alors 
Pluiseurs furent destruis et mors 
Pour la famine qui lors regna. » 


{1) Mot wallon qui signifie seigle. 


( 261 ) 

— M. De Gerlache, directeur sortant, a ensuite donné 
communication du rapport annuel qu'il vient de faire à 
M. le ministre de l’intérieur sur les travaux de l'Académie 
pendant l’année 1836-1837. 

Un membre fait la proposition de voter des remercimens 
au directeur pour le zéle et l'activité qu'il a déployés, en 
dirigeant les travaux de la compagnie et en y prenant part, 
pendant l’année qui vient de s’écouler, par un grand nom- 
bre de communications d’un haut intérêt, communications 
auxquelles par une réserve dont l'académie apprécie la 
délicatesse, aucune allusion n’a été faite dans le rapport. 
Cette proposition a été unanimement accueillie , et il a été 
résolu qu’elle serait consignée dans le procès-verbal de la 
séance de ce jour. 

L’académie s’est occupée ensuite de renouveler les com- 
missions, soit pour l’examen des Mémoires des membres, 
soit pour la présentation des candidats dans la classe des 
sciences et dans celles des lettres, soit pour les finances ct 
les impressions. 

La séance a été terminée par l’élection du vice-directeur, 
et M. De Gerlache, directeur sortant, ayant réuni la grande 
majorité des suffrages, a été désigné comme directeur 
pour 1838. 

M. le baron de Stassart, directeur pour 1837, est ensuite 
entré en fonctions et a fixé l’époque de la prochaine séance 
au samedi 3 juin. 


OUVRAGES PRÉSENTES. 


Historiæ patriæ monumenta edita jussu regis Caroli 
Alberti; chartarum tomus 1. Augustæ Taurinorum e regio 
twpographeo, 1 vol. in-folio , 1836. 


( 262 ) 

Mémoires de la société royale des sciences, lettres et 
arts de Nancy, 1835 , 1 vol. in-8&, Nancy, 1836. 

Programme des encouragemers à décerner au mois 
de septembre 1837, par la société d'agriculture, des 
sciences et des arts de l’arrondissement de F'alencien- 
nes. Broch. in-8°. Valenciennes, 1837. 

Mémoire sur la distribution de la population fran- 
çaise , par sexe et par état civil, par M. Villermé. Broch. 
in-4°, Firmin Didot, frères. 

Proceedings of the royal society, 1836, n° 28, Br. in-&. 

Discussion of the magnetical observations, by S. Hun- 
ter Christie. Broch. in-4°. Londres, 1836. 

Catalogue des lépidopteres ou papillons de la Belgqi- 
que , par Edm. De Selys-Longchamps. Broch. in-8°. Liége, 
J. Desoer , 1837. 

Observations sur le projet de loi relatif aux alié- 
nés ; par M. Falret. Broch. in-8. Paris, 1837. 

Gnomonique élémentaire. Broch. in-8. — Sur La cul- 
ture de la parmentière. — Mémoire sur la sphère. — Sur 
les formules d’interpolation. — Note sur une formule 
générale de modulation. De la part de M. Delzenne, 

Journal de la société de la morale chrétienne, w 4, 
tome IL. Paris. 

Fables par M. le baron De Stassart, 1 vol. , in-8°. Bruxel- 
les, Lacrosse , 1837. f 

Nouvelles archives historiques, philosophiques et 
littéraires, 1°° livraison, de la part de M. Len. Éroch., 
in-8°. Gand, C. Annoot-Braeckman, 1837. 

Société d’horticulture de Liége. Onzième exposition 
d'hiver. De la part de M. Morren. Broch. in-8°. Liége, 
Collardin. 1837. 

Handschriftenkunde fur Deutschland. Ein leitfaden zu 


( 263 ) 
vorlesungen von Dr. Heinrich Hoffmann. Broch. in-&e. 
Breslau, 1831. 

Fragment van Jacob van Maerlants Spiegel histo- 
riael. Medegedeeld door Dr. H. Hoffmann van Fallers- 
leben , te Breslau. Broch. in-8°. 

Vindemiu basileensis. Basileæ 1ypis academieis. Une 
feuille in-8°, 

Merigarto. Bruchstück auss dem XI Jahrhundert, 
herausgegeben von Hoffmann von Fallersleben. Broch. 
in-8°. Prag. 1834. 

Sumerlaten. Aus den HSS. der KK. Hofbibliothek zu 
Wien. Herausgegeben von Hoffmann von Fallersleben. 
Broch. in-8°. Wien. 1834. 

Considérations sur l'organisation des écoles spéciales 
des services publics en Belgique, par À. Bommaert et 
A. Timmermans. Broch. in-8°. Gand, F. et E. Gyselynck. 
1837. 

Coup d'œil sur la langue et la littérature flamandes 
en Belgique , par J.-T. Van der Voort. Broch. in-8°. An- 
vers , Dewever frères, 1837. 

Notice sur les écoles gratuites de Gand, par M. Voisin. 
Broch. in-&8c. 

Tableau de la bataille de Courtrai de M. De Keyser, 
par M. Voisin. Broch, in-8°. Gand, chez Hebbelynck, 1837. 

Coup d’œil général et statistique sur la métallurgie 
considérée dans ses rapports avec l’industrie, ete., par 
Théodore Virlet. Broch. in-8°. Paris, 1837. 


( 264) 


RAPPORT 


Du Directeur de l'Académie royale de Bruxelles, 
a M. le Ministre de l'intérieur et des Affaires- 
Etrangéres. 


Moxwsreur LE MINISTRE, 


L'académie de Bruxelles, fondée à l'instar de beaucoup 
d’autres compagnies célèbres, a pour but conformément 
à l'esprit de son institution, de rapprocher et de mettre en 
communication entr'eux et avec le public les hommes qui 
s'occupent avec quelque succès de l'étude des lettres ou des 
sciences en Belgique. Depuis que les diverses branches de 
nos connaissances ont fait de tels progrès qu’elles se sont 
pour ainsi dire entrelacées, ces sorles d'associations intel- 
lectuelles sont devenues de plus en plus nécessaires. Des 
gens qui ne se fussent connus peut-être que de réputation, 
et qui seraienl demeurés toujours étrangers les uns aux 
autres, ont ainsi l’occasion de s’aider réciproquement de 
leurs lumières, de s’apprécier et de s’aimer. Dans nos paisi- 
bles réunions, règne la plus parfaite harmonie: tousconcou- 
rent au même but avec une généreuse rivalité : toutes les 
discussions s’y terminent à l'amiable, au profit de la science; 
chacun , quelle que soit sa richesse personnelle, en retire 
toujours au delà de sa mise. Et cette affiliation n’est pas ren- 
fermée dans les bornes du territoire; elle s'étend déjà à un 
grand nombre de pays. Si vous voulez jeter les yeux, M. le 
ministre, sur les Bulletins de l Académie, vous y verrez 


LR 


( 265 

avec quels grands noms cette compagnie est en intime re- 
lation à l'étranger; et dans quels termes les premiers corps 
savans des deux mondes apprécient ses travaux. Notre se- 
crétaire perpétuel vous a donné à cet égard, à la séance 
du 16 décembre dernier, les renseignemens les plus cir- 
constanciés et les plus curieux. Il semble naturel d’en con- 
clure que parmi ceux qui s’occupent chez nous d'œuvres 
intellectuelles, il en est qui sont à la hauteur de la science; 
et que même leurs efforts pour lui faire faire quelques nou- 
veaux pas, n’ont point laissé que d’attirer l'attention du 
monde savant. 

Il est loin de ma pensée , surtout en parlant des services 
qu’une compagnie à laquelle j'ai l'honneur d’appartenir, 
peut rendre au pays, de vouloir les exagérer. Je sais que 
ces grands et beaux ouvrages qui font quelquefois la gloire 
de toute une nation, ne sont point ordinairement l’œuvre 
d’une collection d'hommes; qu'ils doivent être conçus et 
exécutés d’un seul jet; qu’une pensée vaste, unique, indi- 
viduelle doit y présider. Mais si l’on réfléchit à tout ce 
qu’un homme de génie, même quand il se rencontre, doit 
à son siècle; à tout ce qu’il a fallu d'efforts réunis pour 
mettre à sa disposition les riches matériaux dont il use 
ensuite comme de son bien propre, on conviendra que 
les corps académiques, ces vastes dépôts de la doctrine 
élaborée , controversée, épurée , peuvent être d’une grande 
et incontestable utilité. 

Depuis que les barrières qui séparaient en quelque sorte 
la Belgique du reste de l’Europe sont tombées, c’est-à-dire, 
depuis prés d’un demi-siècle, les sciences s’y sont réveil- 
lées avec le commerce, les arts et l'industrie, dont elles 
sont les auxiliaires indispensables. Les sciences ont géné- 
ralement un but d'utilité direct ou prochain ; tandis que 


( 266 ) 

les lettres, même quand on les cultive avec distinction , ap- 
portent souvent chez une petite nation surtout, aussi peu 
d'honneur que de profit. D'où il est résulté que quelques 
hommes seulement s’en occupaient jadis dans notre pays, 
soit par délassement, soit comme accessoire d’un autre état. 
Cependant les lettres n’accordent guère de faveurs solides 
qu’à ceux qui les courtisent assiduement et sans partage : 
elles veulent un homme tout entier. On s’est demandé 
pourquoi celles-ci avaient fait chez nous moins de progrès 
que les sciences ? mais les circonstances n’expliquent que 
trop cette affligeante inégalité. Quand nous étions dépar- 
temens français, et avec l’avenir qui s’ouvrait devant nous, 
le tableau de notre passé, de nos vieilles institutions, de 
nos vieilles mœurs, ne pouvaient guère nous offrir qu'un 
intérêt de curiosité. Sous le gouvernement hollandais 
même , où l’on nous faisait un reproche capital de n'avoir 
point suivi le grand mouvement du 16° siècle et adopté la 
réforme, où l’on voulait nous imposer une prétendue lan- 
gue nationale que la moitié de la nation ne comprenait 
point, quelle littérature pouvions-nous encore avoir? Il 
est donc vrai de dire que les lettres ne font à peine que de 
se relever en Belgique. C'est ce qu’il faut bien envisager si 
l’on veut être juste à son égard. Il faut voir plus particuliè- 
rement ce que l’on a essayé de faire depuis ce-peu d’instans 
que les parties sympathiques de nos anciennes provinces 
se sont rapprochées et constituées, pour former un tout 
homogène et indépendant, depuis que nous avons senti le 
besoin de nous étudier et de nous connaître nous-mêmes. 

Les travaux de l'académie se trouvent consignés dans ses 
Mémoires et dans ses Bulletins. Le tome X des mémoi- 
res académiques va paraître, ainsi que le XI° des mé- 
moires couronnés. Je crois devoir rappeler ici d’abord 


( 267 ) 
quelques-uns des ouvrages qui figurent dans notre X° vo- 
lume. Je citerai entre autres : le Mémoire sur l'équilibre 
d'un corps solide suspendu à un cordon flexible, par 
M. Pagani ; le Mémoire sur la latitude de l'Observatoire, 
par M. Quetelet; le Mémoire sur les variations diurnes et 
annuelles de la température terrestre, à différentes pro- 
fondeurs , d'après les observations faites à l'Observatoire de 
Bruxelles, par le même; le Mémoire sur les instans du 
maximum et du minimum de hauteur diurne du baromé- 
tre aux diverses saisons pendant le jour, par M. Crahay; des 
Réflexions sur la théorie électro-chimique de l’aflinité, et 
la composition moléculaire des corps, par M. Martens ; une 
monographie des Braconides de Belgique par M. Wes- 
mael ; le Mémoire sur un poisson nouveau trouvé dans le 
canal de Messine, en janvier 1833, par M. Cantraine; le 
Mémoire sur les évolutions de l'embryon des mollusques 
gasléropodes, par M. Dumortier; des Observations ostéo- 
logiques sur l'appareil costal des batraciens, par M. Morren. 

Dans la classe des lettres, je mentionnerai la Notice his- 
torique sur la ville et le port d'Ostende, par M. Belpaire ; 
un 5° Mémoire sur les deux premiers siècles de l’Univer- 
sité de Louvain, par M. le baron De Reiïffenberg; de Nou 
velles recherches sur Pierre-Paul Rubens, par le même; 
des Observations sur divers points obscurs de la constitu- 
tion de l’ancienne Rome, par M. Roulez; sur le Mythe de 
Dédale, par le même. 

Le Bulletin renferme l’aualyse des travaux des membres 
de l'académie, et de ses correspondans, pendant l’année 
académique qui vient de s’écouler. Vous y remarquerez 
entre autres un grand nombre de rapports de notre savant 
et zélé collègue M. Dumortier, sur le Mémoire de M. De- 
caisne relatif à la garance, sur une lettre des jeunes voya- 


( 268 ) 

geurs Lynden, Ghiesbrecht, Funck et Jacquet, et sur 
Y'Aphis persicæ de M. Morren; un Rapport de MM. Cauchy, 
de Hemptinne et Martens, sur la supériorité de l'air froid 
sur l'air chaud dans la température des hauts-fourneaux; 
un grand nombre de Notices ou Mémoires de M. Quetelet, 
sur des observations météorologiques, sur le magnétisme 
terrestre, et sur la statistique ; des Tableaux météorologi- 
ques, par M. Crahay; un Mémoire sur le produit de la 
combustion lente par le moyen de la vapeur alcoolique, 
par M. Martens; plusieurs rapports et différentes Notices sur 
l'entomologie, par M. Wesmael; sur la Marchantia fragrans, 
par M. Kickx ; sur la Théorie de l'air hydrique, par M. Van 
Mons; sur le système nerveux du genre Mytilina , par M. Can- 
traine; et différens Rapports de MM. Pagani, Dandelin, 
Thiry, Sauveur , Garnier, Kesteloot, Fohmann, Plateau ; 
une Notice de M. Dumont sur la carte géologique de la 
Belgique, qu'il a été chargé de dresser, par arrêté royal, 
sous les auspices de la compagnie; un Mémoire de M. Van 
Beneden; un autre de M. de Koninck, sur l'emploi de la 
Floridzine. 

Dans la classe des lettres, nous devons à MM. de Stas- 
sart, De Reiïffenberg, Raoux, Willems, Cornelissen, Bekker, 
De Smet, Belpaire, Marchal, soit des rapports sur différens 
ouvrages soumis à l'académie, soit des dissertations sur des 
points importans de littérature ou d'histoire nationale. Je 
citerai entre autres un rapport de M. Willems sur l’ancien 
et célèbre poème satirique du Renard (1), traduit dans un 
grand nombre de langues, et qui parait incontestablement 


(1) Un précieux manuscrit de ce poème a été acquis à Londres pour 
le compte du Gouvernement, par les soins de notre honorable confrère 
M. Van de Wevyer. 


( 269 ) 
d’origine flamande. M. Roulez a présenté un travail sur les 
peuples de la Belgique au temps de César , et deux disser- 
tations approfondies sur la fameuse colonne itinéraire de 
Tongres, à l’occasion du Mémoire de M. Cudell, envoyé 
à l'académie. 

La classe des lettres compte au nombre de ses nouveaux 
membres M. Borgnet, auteur de Lettres sur la Révolution 
brabançonne, où il a présenté sous un jour nouveau beau- 
coup d'événemens jusqu'ici mal expliqués, ou obscurcis 
par les passions politiques. M. Raoux a lu un savant Mé- 
moire historique et juridique, sur ce que l’on doit entendre 
par terra salica dans le litre 62-de la loi salique. M. Raoux, 
l’un des vétérans de notre littérature, est ce courageux 
citoyen qui réclamait énergiquement , il y a bientôt un 
demi-siècle , devant le comité de salut public, pour l’in- 
dépendance et les vieilles libertés de son pays, contre les 
libertés nouvelles qu’on voulait lui imposer violemment. 
Sa plainte fut étouffée. La raison du plus fort fut la meil- 
leure; mais le pays doit se souvenir du dévouement de 
M. Raoux. 

M. Cornelissen , qui réunit à une érudition trés-variée, 
une tournure d'esprit naturellement originale et piquante, 
et qui cultive avec succès les arts et les lettres, a d'anciens 
titres à la reconnaissance de ses confrères et de sa patrie. 
L'espèce de solidarité dans laquelle je me trouve engagé 
vis-à-vis des membres de l’académie, m'oblige à abréger 
beaucoup les détails personnels. Cependant je ne puis 
m'empêcher d'adresser quelques mots de remerciemens à 
notre secrétaire perpétuel, qui, par la double nature de ses 
travaux et de son talent, appartient à la fois aux lettres et 
aux sciences ; qui essaie de populariser les branches qu'il 
cultive spécialement par des ouvrages tantôt élémentaires , 


( 270 ) 

et tantôt érudits, et toujours écrits avec précision et clarté ; 
qui soutient enfin et anime de son zèle notre vaste corres- 
pondance à l'étranger. M. le baron De Stassart a trouvé le 
moyen de concilier ses travaux administratifs avec l'amour 
des lettres, qui est inné chez lui. Ses rapports comme di- 
recteur de l'académie en 1835 et 1836, et son intéressante 
Notice sur le général Dumonceau , nous rappellent un grand 
nombre d’autres ouvrages échappés à sa plume élégante et 
féconde. Je me contenterai de citer ici les curieuses notices 
que M. De Stassart fournit à la Biographie de Michaud, 
qui sont en général relatives à des Belges peu connus de 
l'étranger. M. De Reiïffenberg, l’un de nos écrivains les plus 
profondément versés dans les lettres et l’histoire Belgique, 
concourt au même ouvrage avec M. De Stassart. Quelques 
autres notices de MM. Quetelet, De Reiffenberg et Corne- 
lissen , consignées dans l'Annuaire de l’académie, doivent 
être aussi mentionnées, comme offrant de précieux maté- 
riaux pour notre histoire. 

Je ne saurais toutefois vous dissimuler en terminant, 
M. le Ministre, que l'académie royale de Bruxelles , telle 
qu’elle est actuellement organisée, laisse encore à désirer, 
et qu’elle offre d'importantes lacunes à combler. J'adopte 
trop complétement les paroles suivantes du rapport de 
M. De Slassart à la séance du 6 mai 1835, pour ne pas les 
reproduire ici. « La séparation des deux classes, pour 
» leurs travaux habituels, disait M. De Stassart, serait dé- 
» sirable, sous beaucoup de rapports : elle permettrait 
» d'approfondir davantage les matières : chacun ne par- 
» lant plus qu’en présence de personnes livrées aux mêmes 
» études, aurait la certitude d’être toujours compris, et 
» ne craiudrait pas sans cesse de prolonger oulre mesure 
» des discussions qui cependant, pour être fructueuses,; ont 


( 271 ) 
» besoin d'être en quelque sorte épuisées. C’est une mo- 
» dification qu’il sera facile d'introduire dans notre règle- 
» ment, lorsqu'on s’occupera de l’organisation définitive 
» de l’académie (1). 

» Alors, sans doute, sera créée une classe des beaux- 
» arts. L'académie ainsi réunira, comme en un glorieux 
» faisceau, les sciences , les lettres et les arts, ces trois 
» puissans leviers de l'intelligence humaine... » 

Nous croyons devoir témoigner publiquement ici notre 
reconnaissance au Gouvernement et aux Chambres , pour 
la généreuse protection qu’ils ont accordée et aux sciences 
et aux lettres. L’académie a été enfin gratifiée d’un local 
commode et décent, et elle a obtenu un notable accroisse- 


| 


(1) L’académie est réellement affectée d’un double vice intérieur, 
dont l’un tient à l’inégale et arbitraire composition des deux classes; 
l’autre, à la marche confuse des discussions. Un arrêté du Roi des Pays- 
Bas, reconstituant l'académie, s’était simplement contenté de porter 
le nombre des membres ordinaires à 48 ; Sans rien statuer sur leur ré- 
partition Mais 32 ont été attribués par les membres alors présens 
(presque tous savans sans doute), et ce en vertu d’un simple règlement 
intérieur, à la classe des siences ; et 16 seulement à celle des lettres. On 
cherchera peut-être à excuser cette inégalité par les causes que nous 
avons nous-mêmes mentionnées plus haut, en parlant de l’infériorité de 
la littérature en Belgique , comparativement aux sciences , sous les ré- 
gimes français et néerlandais. Mais la conséquence naturelle d’un tel 
raisonnement, c’est que les lettres, recommençant à leur tour à pros- 
pérer aujourd’hui parmi nous, devraient être plus fortement représen- 
tées à l’académie. Voici le second abus que j'ai voulu signaler dans ses 
règlemens : les membres des deux classes discutant et votant ensemble, 
les littérateurs sur des questions de sciences , et les savans sur des ques- 
tions de littérature, on sent qu’il pourrait résulter de ce pêle-mêle d’é- 
tranges quiproquo , et même de graves inconvéniens, si l'académie se 
trouvait un jour composée d'hommes moins sages, moins éclairés, et 
surtout moins concilians qu’elle ne l’est actuellement. 


Tom. 1v. 19 


(272 ) 
ment de subsides ; des sommes considérables ont été votées 
pour l’achat d’une riche collection, qui doit former le noyau 
d’une grande bibliothèque publique; on s'occupe aclive- 
ment de la publication de nos Chroniques nationales inédi- 
tes, et des Catalogues de nos immenses Archives et de nos 
précieux Manuscrits. De toute part l'impulsion est donnée. 
Un grand nombre d'associations littéraires se forment sur 
différens points du royaume, et secondent les efforts du Gou- 
vernement. Tout annonce enfin que la Belgique est des- 
tinée à reprendre un jour, si la Providence la seconde , le 
rang qu'elle occupait jadis dans la civilisation européenne. 


Le directeur , 


E.-C. De GerLACuE. 


ERRATA. 


No 2, 1837, page 68, ligne 11, fabricant de rebus, lisez fabricant de 
rebecs. 

Ne3,1837, on lit pag. 128 : « On remarquera facilement à la figure qui 
a été dessinée sur une plus grande échelle. » Le lithographe a négligé 
de reproduire cette figure sur la planche qui accompagne la notice. 

No 3, 1837, page 119, ligne 13 : Trichogonia , lisez Tichogonia. 

Tbidem, page 120, ligne 10, en remontant, nous prouve la solution, 
lisez nous promet lu solution. 

1836 , tome IT, page 307, ligne 6, en remontant, 


2 
$ $ 
1+272 1+ 12 
Au lieu de Less Re lisez (En s 
RERO N HE SE 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — N° 6. 


Séance du 3 juin. 


M. le baron De Stassart, directeur. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


Il est donné connaissance à l'académie de la mort de 
M. Bekker , membre de la classe des lettres et professeur 
ordinaire de littérature ancienne à l’université de Liége, 
décédé le 27 du mois dernier. 

Le secrétaire donne lecture de la correspondance avec 
les sociétés savantes, et dépose sur le bureau les mémoires 
de l'académie des sciences morales et politiques de Paris, 
de l'académie des inscriptions et belles-lettres, de la société 
géologique de France, etc. 

Il est ensuite donné lecture d’une lettre de M. Amé 
Philippart, docteur en médecine à Touruay, concernant une 
fille née sans yeux. Gette fille , qui demeure actuellement 

Tom. 1v. 20 


( 274 ) 

à Kain, commune située près de Tournay, est née en 1810. 
«Elle ne présente aucune difformité que celle de l'appa- 
reil visuel. Les fosses orbitaires, de forme normale, existent 
et sont fermées, en avant, par les paupières, beaucoup moins 
développées que dans l’état normal, légèrement déjetées en 
arrière et garnies de quelques cils. Leur bord libre est 
contigu ; la largeur de l'ouverture, laissée entre les deux 
angles de réunion de ces organes , est rétrécie; il n'existe 
pas un atome de globe oculaire. » 


COMMUNICATIONS. 


Météorologie. — M. Quetelet communique la note sui- 
vante sur les froids qui ont régné pendant les trois der- 
niers MOIS. / 

«Les froids très-sensibles qui ont régné pendant le com- 
mencement de ce printemps et le retard très-marqué de la 
végétation ont généralement excité la curiosité , même des 
personnes habituellemeñt les plus indifférentes aux phé- 
nomènes de la météorologie. On n’a pas manqué dès lors , 
comme il arrive d’ailleurs toujours en pareille circonstance, 
d’exagérer de beaucoup les choses. Pour mettre à même de 
juger jusqu’à quel point il y avait anomalie dans la marche 
des températures, j'ai cru qu'il pouvait ètre intéressant 
de rapprocher des résultats observés cette année, ceux des 
quatre années précédentes , d’après les registres de l’obser- 
vaätoire. À cet effet, je ne me suis pas borné à donner les 
températures moyennes des mois de mars, avril et mai; 
mais j'ai cru nécessaire d'y joindre éncore les moyennes 
dés températures maximum et minimum observées chaque 
jour ainsi que les maæwima el minima absolus de cha- 
_ qué mois. On conçoit en effet que les variations diurtiés 


( 275 ) 

de la température doivent avoir une grande influence sur 
tous les phénomènes naturels ; et deux années, par exem- 
ple, pourraient avoir eu exactement la même température 
moyenne, mais avec des étés et des hivers bien différens. 

D'après trente années d'observations de M. De Poederlé 
et vingt-deux années d'observations de M. Kickx, la tempé- 
rature du commencement de l’année a été, pour Bruxelles : 


TEMPÉR, MOY, MOYENNE DES TEMPÉRATURE DU MOIS 

centig, sut la plus haute. la plus basse. 
Janvier. + 1°.3 + 10.9 + 00,6 +-130.1 —200.0 
Février. 3.4 4,4 2.5 15.9 —14.4 
Mars .. 7.5 9.2 5.8 18.8 —13.1 
Avril. . 10.3 11.9 8.8 26.9 — 6.9 
MAS te Ur 14,7 17.5 11.9 29.4 — 1.3 


On pourra rapprocher maintenant de ces valeurs, celles 
obtenues pendant les cinq derniers printemps. 


Température moyenne. — Term. cent. 
1833. 1834. 1835. 1836. 1837. 
Mars . . . + 40,4 + 70.4 + 60.8 “+ 80.9 + 20.5 
Avril ,. 10.2 8.4 9.3 8.5 5.6 
Maire Le 17.0 16.0 12.8 11.0 10.7 


Moyenne des muxima de température. 


Mars . . , + 70,6 +-110.0 + 90.4 +-120.2 + 60, 
Avril. .. 14.7 12,7 13.4 12.1 9.1 
Mai. . , . 23.6 212 17.2 15.8 15.8 


Moyenne des minima de température. 


Mars. , . + 10.1 + 80,8 + 20,1 + 50.7 — 00,2 
il. . 5.7 4,1 5,3 4.8 + 2.1 
D. 11.6 10,8 8.4 6.3 6.1 


( 276 ) 


Maximum absolu de température. 


1833. 1834. 1835. 1836. 1837. 
Mars. . . +130.8 +-150.1 +-140.3 200.4 +-110.6 
Avril. ‘18.7 21.65 22.0 16.2 15.8 
Ma. 20.6 27.5 21.0 21.6 24.8 


Minimum absolu de température. 


Mars. . . — 40.2 — 30 — Po.2 + 00.4 — 60.6 
Avril, . . + 1.4 0.0 — 0.7 + 0.9 — 4,4 
Mai. .... + 47 + 6.4 + 45 + 1.7 + 1.6 


Il est évident , d'après ce tableau , que la température des 
mois de mars, avril et mai a été bien au-dessous de ce 
qu’elle est habituellement, sans qu’on puisse dire cepen- 
dant qu’il se soit passé rien d’extraordinaire à cet égard, 
si non peut-être la succession de trois mois également 
froids. 

En comparant les températures moyennes de ces. trois 
mois à celles observées antérieurement, on trouve qu'elles 
sont à peu près exactement les mêmes que celles de cha- 
cun des mois qui les précèdent respectivement, en sorte 
que l’on pourrait dire, pour s'exprimer vulgairement, que 
les chaleurs ont été en retard d’un mois, et il en a été de 
même pour les moyennes des tempéralures maxima et 
minima ; il n’est donc pas étonnant que la végétation ait 
éprouvé un retard analogue. 

Du reste , les quantités de pluie tombée , bien qu'assez 
grandes, n’offrent rien de remarquable, mais le nombre de 
jours couverts et de pluie a été plus considérable que pen- 
dant les autres printemps; on n’a pas eù un seul jour de 
ciel serein, ce qui n’était pas arrivé pendant les années 
précédentes. Des vents du nord assez violens ont générale- 


( 2770) 
ment dominé , et ont amené plus de neige que l’on n’en 
observe communément. 

Du 5 au 6 avril, il est surtout tombé une quantité de 
neige très-notable qui a suspendu pendant plusieurs jours 
les communications entre de grandes villes du royaume ; 
la quantité d'eau recueillie à Bruxelles, en faisant fondre 
celte neige, a été de 17,31. De sorte qu’en adoptant 
pour densité moyenne de la neige le chiffre 10 qui résulte 
de mes observations , on trouverait qu’il est tombé, dans : 
l'espace de 24 heures, une hauteur d’un mètre et 73 cen- 
timètres de neige ; l’on sait du reste que plusieurs per- 
sonnes ont failli perdre la vie au milieu d’une quantité 
de neige aussi abondante et dont la chute était si inat- 
tendue, » 


LECTURES ET RAPPORTS. 


Chimie industrielle. — M. De Hemptinne fait le rapport 
suivant sur la poudre dite végéto-animale , présentée à 
l'une des séances précédentes de l'académie. 

« M. Van Roosbrock, ancien officier du génie, a fait 
connaître à l'académie une poudre qu'il appelle végéto- 
animale , destinée à la défécation et à la décoloration du 
sucre de betterave. 

« Celte poudre a la propriété, d'après le dire de l’auteur, 
de présenter des avantages d'économie dans la fabrication 
et de simplifier la main-d'œuvre , en dispensant de l'usage 
de la chaux, du noir animal et des acides. Cependant, quoi- 
qu’en dise l'auteur, la composition de cette poudre, dont 
les ingrédiens principaux sont la chaux et le noir animal, 
bien loin de mériter quelque supériorité sur les moyens 
de défécation et de décoloration mis en usage dans la fa- 


( 278 ) 

brication ordinaire, a l'inconvénient de ne point permettre 
d'employer isolément quelques-uns des ingrédiens, comme 
cela devient nécessaire dans certains cas : Par exemple, 
la chaux doit être employée dans des progressions de quan- 
tité d'autant plus grande , que la betterave aura été plus 
long-temps conservée ; car cetlie racine s’altère peu à peu 
par le temps, des acides s’y développent, dont la saturation 
par la chaux ne peut s’opérer avec la poudre composée, qu’en 
employant inutilement les ingrédiens qui accompagnent 
cette matière alealine. 

« L'auteur laisse ignorer à quel prix cette poudre pour- 
rait être fournie à la consommation ; néanmoins sa valeur 
importe pour son emploi, ear elle ne pourrait soutenir la 
concurrence avec les autres substances destinées au même 
usage , si ce prix surpassait celui des matières qui la com- 
posent. » 


Géodésie. — M. Quetelet communique l'extrait suivant 
d’une lettre qu'il vient d'adresser à M. le docteur Olbers 
sur la détermination géographique de l'observatoire de 
Bruxelles. 

« D’après les déterminations de M. l'ingénieur Craan qui 
vient de faire Je plan de Bruxelles, la lunette méridienne 
de l'observatoire serait à 677,6 mètres de la méridienne 
passant par le centre de la tour nord de l’église de 
St-Gudule, où se trouvait autrefois un petil observatoire 
et où ont très-probablement été faites les observations géo- 
désiques de Cassini. La lunette méridienne serait en outre 
à 475,2 mètres de la perpendiculaire à cette méridienne. 

Or, en admettant, sous notre latitude, le degré du mé- 
ridien comme étant de 111230 mètres et celui du paral- 
lèle de 70400, il se trouverait que ma lunette méridienne 


( 279 ) 
est à 15,3 au nord de la tour de St-Gudule, et à 34,45 
ou 2,3 en temps à l’est de cette même tour. 

D'après les observations faites par Cassini en 1746, 
1747 et 1748 et rapportées dans les notes de mon mé- 
moire (1), la tour de S':-Gudule”serait à 50°50'55/,89 de 
latitude et à 2°1/23/,24, ou 8'5”,55 en temps; à l’orient 
de Paris ; on en déduit , pour notre observatoire, 


50051’11/,19 latitude septentrionale. 
2,1. 57, 69 longitude à l’orient de Paris. 


8. 7, 85 » en temps à l’orient de Paris. 


D'autres déterminations géographiques de Bruxelles 
avaient été données avant les travaux de Cassini, mais 
elles présentent en général peu de précision, et d’ailleurs 
les lieux des observations ne sont point indiqués. Je ne 
sache pas que de nouvelles opérations aient été faites plus 
tard ; en sorte que les déterminations précédentes sont à 
peu prés les seules auxquelles je puisse comparer les 
miennes. 

Ma premiére série d'observations des passages de la po- 
laire, aux mois d'avril et de mai 1836, m'avait donné pour 
latitude de l'observatoire, 


50° 51’ 107,7. 


Par une nouvelle série d'observations de dix passages 
supérieurs et de quatre passages inférieurs de la polaire , 
faites à la fin de 1836 par le cercle mural, j'ai trouvé 

60 51’ 10”,53. 


0 , 


! Mémoire sur lu latitude de l’observatoire, t. X des Mémoires de l’A- 
cadémie de Bruxelles, 


( 280 ) 
En discutant l’ensemble de mes observations faites éga- 
lement au cercle mural, j'avais trouvé par différentes 
étoiles fondamentales 


D'APRÈS LES ÉPHÉMÉRIDES DE 
re 


Greenwich. Berlin. Paris. 
A la fin de 1835 500°51/11//,04 9’’,88 10,65 
Au comm. de 1836 » »11, 87 10, 10 11,75 


de sorte qu’en prenant, pour latitude, les moyennes dé- 
duites des résultats calculés par les trois éphémérides, 


j'avais 
Pour la fin de 1835. . . . . . . . 50°51/10/,49, 
Pour le comm. de 1836. . . . . . . . » » 11, 24. 


C'était à cause des différences notables que je trouvais 
entre les déterminations de la latitude, selon que je faisais 
usage des tables de Greenwich, de Berlin ou de Paris, que 
j'avais résolu de suivre un mode d'observation qui me ren- 
dît indépendant de ces tables, et je crois avoir eu à me 
féliciter de cette résolution. 

En attribuant même valeur à tous les résultats précé- 
dens, on aurait donc en définitive, pour la latitude de 
l'observatoire, 


Par les procédés géodésiques . . . . ,. 50°51/11/,19 
Par les observations faites à la fin de 1835. . » » 10, 49 
Par les observations faites au com. de 1836 . » »11, 24 
Par les premières observations de la polaire. » » 10, 70 
Par les dernières » » . » »10, 53 

Latitude moyenne. . . . . . 60°51/10”,83 


Quant à la détermination de la longitude, l’éclipse du so- 


( 281 


leil du 15 mai 1836, que j'ai observée dans des circon- 
stances assez avantageuses, me donne, en faisant usage des 
résultats calculés par M. Rumcker et insérés dans Le n° 319 
des Astr. nachrichten , 


LONGITUDE A L’EST DE 
Nr DU, 


Greenwich. Paris. 

Par les observations d’Altona. . . 17/29/,2 8° 71,7 
» de Berlin . . 1726, 6 8 5, 1 

» de Greenwich. 17 29, 7 8 8,2 
Moyenne. . . . . . 1728/,5 817,0 


d’après les calculs de M. Peters, insérés dans le n° 326 du 
même journal de M. Schumacher, il faudrait prendre 


D’après le com. de l’éclipse . . . 8/8/,34 à l’est de Paris. 
» Ja fin » IN GI7 RSC » 


On peut donc estimer la longitude de l'observatoire, 
d’après cette éclipse, à 


87,4 à l’est de Paris. 


Je n’ai pas encore terminé la discussion de mes observa- 
tions des étoiles lunaires, ou plutôt je me trouve arrêté 
par une difficulté. 

D'après différentes observations de passage de la lune, 
je trouve en comparant mes observations à celles 


D’Altona. . . . . . . 17/26/,9 à l’est de Greenwich. 
LCA PARA ÈS CAE CE 7 0 NON » 
De Greenwich. . . . . 1721, 8 » » 


Cette différence, pour les observations de Greenwich, est 


( 282 ) 
considérable ; elle ne peut résulter des observations, car 
les résultats individuels s’écartent assez peu de la moyenne; 
je pense qu’en général, les observations des étoiles lunaires 
pour la détermination des longitudes, présente, quand on 
veut arriver à une certaine précision, un inconvénient 
qui n’a pas été sérieusement examiné et qui pourrait bien 
résider dans l’irradiation de la lunette. M. Robinson a 
présenté des réflexions très-judicieuses à cet égard dans 
les mémoires de la société astronomique de Londres. Ce 
sayant trouvait une discordance tout aussi grande que la 
mienne, en faisant usage des observations de Greenwich 
pour la détermination de sa longitude. Dans les observa- 
tions de Varsovie, que je viens de recevoir, on trouve une 
discordance analogue; ceci peut justifier, jusqu'à un cer- 
tain point, la préférence que je donnerai à la moyenne des 
observations d’Altona et de Paris. 

En nous bornant aux déterminations précédentes, nous, 
aurons donc, pour longitude de l'observatoire de Bruxelles, 


D’après les procédés géodésiques . . 8 7,8 à l’orient de Paris. 
» léclipse du15mai , . , . 8 7,4 » » 
» les étoiles lunaires . . . . 8 6,1 » » 
Longitude moyenne. . . . . 8’ 6,8 


Pour compléter les élémens de position de l'observatoire 
de Bruxelles, j'ajouterai aux renseignemens précédens, 
qu’on peut évaluer à 58 mètres au-dessus du niveau de la 
mer du nord, l'élévation du rez-de-chaussée où se trouvent 
les grands instrumens. De sorte qu’en récapitulant on a 


Pour latitude de l’observatoire . . . . 60v51/10/,8 
» longitude à l’est de Paris . . . . ob8’ 7 en temps. 
» élévation au-dessus delamer . . 58 mètres, 


CUS 


( 263 ) 

Chimie. — M. Leroy fait parvenir à l'académie, d'après 
sa demande, un échantillon du nouvel acide qu'il dit 
avoir obtenu par la combustion lente de l'alcool autour 
du fil de platine incandescent ; et il y joint la note suivante 
sur les propriétés de cet acide. 

« Prorriirés Puvsiques. Il est liquide, d’une consis- 
tance analogue à celle des huiles fixes, huiles d'amandes 
douces , olives, ete.; d’une limpidité parfaite. Il est gras el 
onctueux au toucher, il tache les papiers comme les corps 
gras, tache qui persiste plus ou moins de temps, suivant 
la température. Il est faiblement odorant, quand il est 
privé totalement de l'acide acétique. L'odeur est particu- 
lière et nullement aromatique ; il a une saveur amère, il 
est piquant, sensation qui se produit bientôt dans l'arrière 
bouche et laisse une impression semblable aux solutions 
de sels mercuriels, que l’on nomme saveur métallique. 

« Sa pesanteur spécifique à 8° est de 1,1315 : il est peu 
volatil , il rougit fortement le papier de tournesol. 

« Prorrrérés cHimiques. Action du culorique. Exposé 
à l’action de cet agent, il entre en ébullition entre 50 et 
55°, Il répand alors des vapeurs piquantes qui affectent les 
yeux. Il est cependant moins volatil que l’eau et l'acide 
acétique concentré; un froid de quelques degrés — 0, 
le rend beaucoup plus consistant , consistance qui se rap- 
proche du beurre mou ; à cette époque, le dégagement de 
bulles cesse. La lumière ne paraît pas avoir de l’action sur 
lui. 

« L'action de l’air atmosphérique n’est pas encore bien 
connue , elle demande de nouvelles recherches. Get acide 
paraît se transformer, dans des flacons à moitié remplis, en 
acide acétique très-concentré el en un produit volatil. Ge 
phénomène est-il le résultat de l'absorption de l’oxigène ? 


( 284 ) 
Nous verrons. La nature du produit volatil ne m'est pas 
encore connue. Geci fera l’objet de nouvelles recherches, 
qui seront de longue durée, vu les quantités minimes 
d'acide que j'obtiens. ) 

Il se dissout en toute proportion dans l'eau; sa solution 
rougit fortement le papier de tournesol. 

Action de l’ammoniaque liquide, mis en contact avee 
son volume éqal d’ammoniaque. De prime abord, il ne 
paraît pas subir d’altération; mais si on le porte à une 
température de 27°, il se colore en brun aussitôt; si on 
augmente la température jusqu'a 70°, la coloration se 
fonce de plus en plus; si à cette époque on le laisse re- 
froidir lentement, on obtient un produit comme poisseux, 
d'un brun foncé, dans lequel on aperçoit une foule de 
cristaux. J'avais attribué cette coloration à l'effet de la 
chaleur, mais ayant pris, de nouveau, de l’'ammoniaque et 
de l'acide dans les mêmes proportions, laissés ensemble 
dans un verre de montre au contact de l'atmosphère, au 
bout de 24 heures la coloration eut lieu, mais cette fois 
sans obtenir de cristaux. Ce mélange est volatil. Mainte- 
nant cet acide contiendrait-il de l’aldehyde? les cristaux 
obtenus seraient-ils de l’ammonialdehyde de Leibig ? 
Nous nous dispensons de porter un jugement en l'absence 
des preuves. J'ai cru pour un instant que le produit coloré 
en brun foncé allait me donner l'aldehydharz de M. Liebig ; 
je jetai donc le produit dans l’eau, mais tout s’y dissolva 
et pas le plus léger flocon ne se fit apercevoir. 

Action du nitrate de mercure. Mis en contact avec de 
beaux cristaux de nitrate de mercure, le mélange devient 
d'un blanc laileux ; porté à une température de 60 à 70e 
donne lieu au phénomène de l’ébullition, en répandant 
beaucoup de vapeurs qui affectent fortement les yeux et 


( 285 ) 

un globule d’un gris bleuâtre ne tarde pas à se former au 
fond. Ce globule semble comme lié par une matière grasse; 
en l’examinant à une forte loupe, je ne tardai pas à y voir 
de petits points brillans, qui ne doivent être autres que 
des globules de mercure. 

Action des corps en combustion. Mis en contact avec un 
corps enflammé, il brûle avec une flamme blanche. » 


— À près la lecture de la note de M. Leroy, M. Martens fait 
observer à l'académie que, s’il a émis antérieurement l'opi- 
nion que l'acide huileux de M. Leroy pouvait bien n'être 
que de l'huile de vin pesante , mêlée d'acide lampique, 
c’est qu’il a obtenu lui-même un composé analogue en 
opérant avec de l’éther qui n'avait pas été suflisamment 
purifié; mais qu’en répétant ses expériences avec de l’éther 
parfaitement pur, il n'a jamais obtenu qu'un acide 
unique, l'acide lampique des auteurs, conformément à ce 
qu’avaient déja observé MM. Faraday et Daniell. «Quant à 
l'observation de M. Leroy, dit M. Martens en répondant à 
une lettre antérieure de l’auteur, quant à l'observation 
que l'huile de vin pesante ne pourrait passer le long du fil 
de platine chauffé au rouge, sans être brûlée, cette circon- 
stance peut irés-bien se concevoir , en admettant que les 
vapeurs éthérées mêlées de vapeurs d'huile de vin pesante, 
passent non-seulement le long du fil métallique, mais en- 
core à une pelite distance de ce fil et que ces dernières 
échappant à l’action du fil, sont condensées en même temps 
que le produit de la combustion lente de ceiles qui rasent 
le fil et doivent par conséquent le souiller. Aussi, en re- 
cueillant l'acide lampique par le procédé de Daniell, suivi 
par M. Leroy, on y trouve toujours , ainsi que je l'ai men- 
tionné dans mon mémoire soumis à l’académie avant la 


( 286 ) 
première note de M. Leroy, une certaine quantité d'éther 
qui à échappé à la combustion lente. C'est pour cela que 
j'ai cru devoir recourir à un autre procédé pour produire 


l'acide lampique, et l'obtenir plus pur que par le procédé 
de Daniell. » 


En levant la séance, M. le directeur a fixé l’époque de la 
prochaine réunion, au samedi 1° juillet. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Mémoires de l’académie royale des sciences morales 
et politiques de l’institut de France , tome 1° (2° série); 
Paris, 1837, 1 vol. in-4°. 

Mémoires de l'institut royal de France , académie des 
inscriptions et belles-lettres, tome XII, 1*° livraison; 
Paris, 1837, 1 vol. in-4°. 

Mémoires de la société géologique dé France, tome IT, 
1e et 2e parties; Paris, 1835, 1837, 2 vol. in-4°. 

Bulletin de la société géologique de France, tome VII, 
1835 à 1836, 7 livraisons; tome VI, feuilles 21 à 24, 
2 livraisons, 1834 à 1835; tome VIII, feuilles 1 à 4, 
et 10 à 12, 2 livraisons, 1836 à 1837; Paris, in-8°. 

Travaux de la société de l'histoire de France, comptes 
rendus mensuels (février 1837); Paris, broch. in-8°. 

Société havraise d’études diverses , résumé analytique 
des travaux de la troisième année, par J.-B. Millet-Saint- 
Pierre , secrétaire; Havre, 1836, 1 vol. in-&. 

Annales de la société de médecine de Gand, feuilles 
11,13, 14; bulletin du mois de mai, feuilles 6, 7,8, in-8°. 

On the temperatures and geological relations of cer- 


( 267 ) 
tain hot springs, by James D. Forbes, London, 1836, 
broch. in-4°, de la part de l’auteur. 

Esquisses biographiques sur la maison de Goethals, 
rédigées par M. le chevalier de la Basse-Moûturie. Paris, 
1835, 1 vol. in-8°, De la part du comte Goethals Pecsten 
de Gand. 

Précis élémentaire de médecine légale, par F.-J. Mat- 
thyssens , imprimé par décision de la société de médecine 
d'Anvers ,tome 1°; Anvers, veuve J.-B. Heirstaeten, 1837, 
1 vol. in-&e, 

Observation medico-légale , par le docteur Lados; Gand, 
F. et E. Gyselynck , broch. in-8°. De la part de l’auteur. 

Mémoire de géo- zoologie sur les oursins fossiles 
(échinides), par Grateloup ; Bordeaux, 1837, 1 vol. in-8°. 

Conchyliologie fossile du bassin de l’Adour, par le 
même; Bordeaux, 1837, 1 vol. in-&. 

Poésies militaires de l’antiquité, ou Callinus et 
Tyrtée, par M. Baron, 1 vol. in-8°; Bruxelles, chez 
Méline, 1835. 

Seriptores latini classici. Caius Julius Cæsar, avec 
des commentaires par M. Baron, 2 vol. in-8°; Bruxelles, 
chez Wahlen, 1827. 

Manuel de l’histoire ancienne, par Heeren, avec une 
introduction par le même, 2 vol. in-12; Bruxelles, chez 
Hauman , 1834. 

Mosaïque belge, par le même , 1 vol. in-12; Bruxelles, 
chez Hauman et C°, 1837. 


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BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 7. 


Seance du 1® juillet. 


M. le baron De Stassart, directeur. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


Le secrétaire présente à l’académie la collection com- 
plète des comptes rendus de l'académie royale des sciences 
de Paris, les mémoires de la société royale de Londres, 
des académies royales de Dublin et de Œurin, de la société 
philosophique de Cambridge ainsi que plusieurs autres ou- 
vrages qui seront mentionnés dansle bulletin de la séance. 

Le secrétaire fait connaître aussi qu’il a été invité par 
le conseil de l'association britannique pour l’avancement 
des sciences, à annoncer que la prochaine réunion des savans 
anglais doit avoir lieu à Liverpool, pendant la semaine 
qui commencera le 11 septembre prochain. 

L'académie ensuite entend la lecture d’une lettre de 

Tom. 1. 21 


( 290) 

M. Moreau de Jonnès, adressée à M. Quetelet, relativement 
aux nouvelles tables de mortalité, dressées pour la France 
et à des discordances qu’elles présentent avec les tables 
de Belgique et les principales tables d'Angleterre. Selon 
M. Moreau de Jonnès, ces discordances s'expliquent sans 
peine d’après l'examen approfondi qu'il a fait de la ques- 
lion, et ne doivent inspirer ancune défiance sur la valeur 
des dernières tables. 

La société royale d'agriculture et de botanique de 
Gand fait hommage du rapport de M. Coryn, lu au salon 
jubilaire de 1834, ainsi que des discours prononcés le 
10 mai 1837, lors de l'inauguration du Casino, par M. le 
président et M. Cornelissen l’un des anciens secrétaires. 


COMMUNICATIONS. 


‘M. Quetelet communique à l'académie l'extrait d’une 
lettre qu'il a reçue de M. le baron de Humboldt, concer- 
nant un phénomène météorologique lumineux qui a été 
aperçu en Allemagne. Le 11 juin dernier, le soleil s’est 
montré à Breslau, accompagné de deux soleils apparens, 
ou images placées simultanément à droite et à gauche de 
cet astre. Ce qui est surtout remarquable c’est que, le 
même jour, on a vu trois lunes à Postdam, d’où l’on peut 
naturellement conclure que la disposition des hautes ré- 
gions de l'atmosphère était demeurée la même. 

La même lettre contient différens renseignemens sur les 
observalions magnéliques actuelles et en particulier rela- 
tivement à l’inclinaison de l'aiguille aimantée. M. de Hum- 
boldt fait observer que la régularité de la diminution 
de l’inclinaison, dépendante du mouvement des nœuds de 
l'équateur magnétique, est très-remarquable, «Le doc- 


( 291) 

teur Kreil, ajoute ce savant, a trouvé en octobre 1836, 
pour Milan, 63° 44 ; j'avais trouvé en 1806, l’inclinaison 
de 65° 40’; diminulion annuelle 3,87. Turin m'avait 
donné, 1805—1826, une diminution de 3',5; Florence 3’,3; 
Berlin 3°,7 ( Rel. Hist., in-4°, tome IL, p. 625). La dimi- 
nution se ralentit à présent, elc. ». M. Quetelet fait 
remarquer que ses observations magnétiques de Bruxelles 
lui ont donné des résultats semblables. En 1827, l'incli- 
naison élait de 68° 56’,5; en 1830, de 68° 52,6 ; et, depuis 
celle époque, elle a graduellement diminué, de manière 
qu'a la fin du mois de mars dernier, elle n'était plus que 
de 68° 28,8; ce qui donne 3,4 de diminution par an. 

M. Quetelet présente ensuite à l'académie des fragmens 
de pierre à polir de Bilin, renfermant des agglomérations 
d’infusoires, en même temps que du tripoli artificiel, 
formé d’infusoires qu'on trouve à Berlin. Ces échantillons 
provenant de M. Ehrenberg, lui ont été remis par M. le 
professeur Courad de Berlin. 


Météorologie. — L'académie reçoit communication des 
observations météorologiques horaires qui ont été faites, 
au dernier solstice d’élé, à l’observatoire de Bruxelles, à 
Louvain et Alost, en correspondance avec les observalions 
météorologiques faites par Sir John Herschel au cap de 
Bonne-Espérance. Le directeur de l'observatoire ajoute à 
ces observations celles qu’il a faites d’heure en heure, 
à la même époque, sur la température de la terre, au 
moyen de thermomètres placés à différentes profondeurs. 
Les résultats de ces dernières observations sont donnés 
tels qu'ils ont été obtenus directement, et sans avoir subi 
de correction relative à l'inégalité de température dans 
toute l'étendue des thermomèlres. 


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(294) 


Observations météorologiques horaires faites à Louvain au sol- 
stice d'été, par M. le professeur Crahay. 


ÉPOQUE 
BAROMÈTRE | THERM,. “ 
des ETAT DU CIEL. 


réduit à 00, | extérieur. 
OBSERVATIONS. 
21 JUIN. 
6 heures du m. 758,268 
58,813 
59,059 
Eclaircies. 
59,083 Ë 
59,129 


Couv., qq. gouttes de pl. 


Nuages orageux. 


5 
6 7 
Eclaircies, un peu de 
7 — 62,016 17,2 
vent. 
8 = 62,428 16,9 
9 — 62,491 16,4 


| 
| 


ÉPOQUE 
des 


réduit à Oo. 


OBSERVATIONS. 


22 Juin. 


5 heures du m. 764,466 


re 64,750 
7 = 64,974 
8 — 65,084 
9 — 65,266 

10 — 65,263 

11 — » 

12 — 65,426 
lheure ap -m. 65,395 
2 — 65,299 
BU — 65,206 
4 — 65,153 
5 — 65,140 
6 —— 65,315 
7 = » 

8 » 
9 —- 66,023 


BAROMÈTRE 


1 


THERM, 


extérieur, 


130,3 
14,5 
15,7 
17,6 
19,5 


20,6 


ÉTAT DU CIEL. 


Nuages. 


Serein. 


Minimum de température du 21 au 22 +- 120,6. 


( 296 ) 


Observations horaires faites à Alost au solstice d’été 1837, 
par M. le professeur Maas. 


ÉPOQUES 
des 


BAROMÈTRE | THERM. ÉTAT 


réduit. DU CIEL. 
OBSERVATIONS, 


21 Juin. 
TE min 

6 heures m. 260,08 180,6 | 860,6 : Couvert. 
760,44 19,5 | 87,0 Écl. cir-cum. 
760,98 19,5 87,1 . | Couvert. 
760,96 20,1 | 77,5 Écl. cir.-cum. 
760,61 22,4 72,4 . | Cirr.-cum. 
761,10 22,7 71,2 Nuages, 

12 —- 761,66 21,9 72,7 | ONO. | Couvert. 

1 heure 5, 762,13 20,9 76,9 | NO. | Nuages. 

2 — 762,32 21,9 73,6 » » 

3 — 762,46 21,6 72,3 ” Cirrhus. 

4 — 762,70 20,8 72,8 | ONO. | Nuages. 

5 — 763,19 21,1 72,8 | NO. | Cirr.-str. 

6 — 763,46 19,7 74,5 Ù » 

7 —— 763,69 19,1 76,8 » Cirr.-cum, 

8 — 764,12 18,1 80,5 | NNO. | Cirrhus. 

9 — 764,40 17,4 83,1 » Nuages. 


(1) I règne une grande irrégularité dans la marche du thermomètre 
extérieur; je l’attribue à l'exposition défavorable : il m’est impos- 
sible d'y obvier entièrement, 


( 297 ) 


TES | oanomèrax TH M. | HYGRO- ÉTAT 
des ER VENTS. 
réduit, extér. | MÈTRE. DU CIEL. 

OBSERVATIONS. 

10 heures s. 764,69 16,2 87,2 » Nuages 
11 — 765,09 15,4 89,4 ? » 
12 — » » » » » 

22 Juin. 


4 heures m. 766,18 13,4 93,2 | ONO. | Lést. couv. 


Di 766,27 14,1 | 90,6 | No. » 
me 766,49 14,5 | 92,0 » Brouillard. 
DEEE 766,84 14,7 | 89,9 » » 
= Ne 767,04 18,1 | 84,1 | N. | Éclaircies. 
DU 767,29 20,9 | 72,6 | NNO. | Cirrhus. 
D 767,33 21,4 | 66,9 | N. | Serein. 
Mt — 767,37 22,3 | 67,6 » Nuages. 
mu 767,28 22,7 | 64,0 » » 
1 heure 5. 767,50 23,8 59,8 | NNE. | Cumulus. 


> © RnB & 

EU 
œ 

A 
Ce 
ES] 
w 
& 
[= 
& 
a 
LV 
a 


— 767,40 21,6 70,2 | NNO. | Serein, 


( 298 ) 


Obsercations horaires des températures de laterre, fuites à l’Ob- 
servatoire de Bruxelles, au moyen de thermomètres centigra- 
des, placés en terre à différentes profondeurs et sous l'influence 
directe des rayons solaires. 


a 
& | sur- - 
DATE. | # |. .|0®1.10%2.10"3. |0"4.1 06. |0"6,]1"%0: 
R [FACE 
[el 
Li 
m,. 
21 juin. 6 | 17,72 | 18,23 | 18,96 | 18,95 | 18,65 | 16,97 | 15,60 | 16,00 


7 | 18,27 | 18,40 | 18,80 | 18,80 | 18,60 | 17,00 | 15,63 | 16,02 
8 | 19,18] 18,65 | 18,77 | 18,65 | 18,48 | 17,05 | 15,75 | 16,07 
9 | 22,18 | 19,18 | 18,80 | 18,60 | 18,45 | 17,15 | 15,78 | 16,10 
10 | 24,68 | 20,07 | 19,03 | 18,68 | 15,48 | 17,40 | 15,90 | 16,30 
11 | 26,03 | 21,62 | 19,40 | 18,75 | 18,48 | 17,50 | 15,98 | 16,35 
12 | 25,58 | 22,73 | 19,88 | 18,78 | 18,45 | 17,50 | 16,02 | 16,45 
1 21,82 | 23,20 | 20,25 | 18,80 | 18,38 | 17,35 | 15,90 | 16,30 
2 | 23,58 | 22,98 | 20,65 | 19,05 | 18,45 | 17,35 | 15,97 | 16,40 
3 | 26,52 | 23,12 | 20,82 | 19,22 | 18,57 | 17,50 | 16,00 | 16,40 
4 | 23,87 | 23,85 | 21,00 | 19,35 | 18,82 | 17,45 | 16,00 | 16,40 
5 | 21,85 | 23,30 | 21,17 | 19,45 | 18,70 | 17,40 | 15,98 | 16,35 
6 | 20,95 | 22,72 | 21,13 | 19,55 | 18,75 | 17,30 | 15,95 | 16,30 
7 | 19,41 | 22,00 | 21,00 | 19,58 | 18,80 | 17,25 15,88 16,30 
8 | 18,50 | 21,28 | 20,80 | 19,56 | 18,83 | 17,20 | 15,85 | 16,30 
9 | 17,70 | 20,60 | 20,50 | 19,50.| 18,80 | 17,20 | 15,75 | 16,30 
10 | 16,85 | 20,00 | 20,20 | 19,40 | 18,80 | 17,15 | 15,65 | 16,30 
11 | 16,45 | 19,40 | 19,90 | 19,25 | 18,75 | 17,10 | 15,65 | 16,20 


12 | 15,33 | 18,60 | 19,40 | 19,10 | 18,72 | 17,00 | 15,75 | 16,25 


* Les nombres -de cette colonne sont les moyennes des indications de trois 
thermomètres ayaut respectivement leur boule à la surface de la terre, sous 
cette surface et dans une posilion intermédiaire. Les divisions des divers ther- 
momètres sont assez grandes pour permettre d'apprécier les fractions du degré 
cenligrade. 


16,25 


16,18 
16,05 


16,00 


( 300 ) 
LECTURES. 


Physiologie des plantes. — Considérations sur le mou- 
vement de la séve des dicotylédones , par Ch. Morren, 
correspondant de l'académie. 


On sait bien aujourd’hui que la séve ascendante, mon- 
tant chez les plantes dicotylédones par le système central 
de leur tige,ne prend pas, pour arriver au sommet du végé- 
tal et dans ses feuilles, le chemin tortueux des méats in- 
tercellulaires, mais le véhicule plus direct des vaisseaux 
simples de l’aubier, appelés pour cela même vaisseaux 
séveux (w00dy fibre des anglais, ligneæ fistulæ de Mal- 
pighi). La compression mutuelle des cellules , si forte dans 
la grande majorité de nos espèces ligneuses qu’elle ne 
donne plus lieu entre elles à la moindre trace de ces vides, 
aurait dû faire soupçonner que la séve ascendante, si active 
dans sa marche, ne pourrait guère se servir de cette voie 
lente d’ascension. 

Cette seule réflexion aurait pu conduire à ébranler les 
bases d’une physiologie devenue célèbre et enseignée uni- 
versellement dans nos écoles pendant ces dernières années. 
Les élégantes recherches que M. Mohl (Hugo) vient de pu- 
blier dans deux dissertations académiques, l’une sur l’Æe- 
croissement des cellules des plantes par division, et 
l’autre sur la liaison des cellules entre elles (1), ont prouvé 
que partoul il y a entre les utricules végétales une matière 
intercellulaire, muqueuse, qui est non de la séve crue, 


(1) Weber die vermehrung der Pflansen-Zellen dureh Theilung. Tubin- 
gue, in-40 avec 1 pl. Ucber die verbindung der Pflansen-Zellen unter 


cinander, Tubingue, 1835. 


( 301) 
mais de la séve élaborée. Mucilagineuse, plus ou moins 
compacte , quelquefois solide, même dure, cette substance 
ne saurait être le fluide aqueux qui, pompé par les spongio- 
les, afflue avec tant de vitesse vers les bourgeonset les feuilles. 

Si le système de l’ascension intertellulaire de la séve 
n’est plus admissible par une foule de raisons (1), celles 
tirées de l’existence d’une matière particulière siégeant 
entre les cellules, sont des plus convaincantes. 

Mais si les travaux de M. Hugo Mobhl ont fait faire à la 
physiologie des plantes un pas de plus, je me permettra 
de revendiquer la priorité de la découverte de la multipli- 
cation des cellules par voie de division, et un léger aperçu 
historique sur cette matière ne sera pas ici hors de propos. 

Il y a 7 ans, en août 1830, je publiai à Paris un 
travail sur la crucigénie que j'avais découverte autour de 
Bruxelles (2), dans lequel j'établis (pp. 17 et 18) que le 
corpuscule qui formait la seizième partie d’une plante 
complète de crucigénie, se divisait manifestement en 
quatre portions qui finissaient par se séparer au point 
commun de leur jonction pour produire un vide en 
losange , et de plus que chacune de ces divisions nouvelles 
se séparait de nouveau en quatre portioncules par autant 
de petits diaphragmes qui, plus tard, en se disloquant, 
témoignaient l'existence d’une double membrane. La mul- 
tiplication des cellules par voie de division était claire- 
ment établie dans ce mémoire. 

En 1832, mon confrère M. Dumortier, publia son Mé- 


(1) Voy. Ziblioth. univ. de Génève , n° 11, nov.1836, p. 190. 
(2) Mémoire sur un végétal microscopique d’un nouveau genre, proposé 
sous Le nom de cavciGénie, par Morren. An, des sc. nat., août 1830. 


( 302 ) 

moire sur la structure et le développement des animaux 
et des végétaux(1), dans lequel il établit avec la plus grande 
clarté le fait de l'accroissement du nombre des cellules par 
voie de division. Ses recherches ont porté sur la Conferva 
Aurea,dans laquelle la cellule terminale s’allonge plus que 
les autres pour engendrer, dans son intérieur, une produc- 
tion médiane qui tend à diviser la cellule en deux parties, 
chacune devenant une nouvelle cellule (2). On ne saurait 
être plus explicite. 

En 1833, parurent les magnifiques observations de 
M. Mirbel sur le développement des grains de pollen (3). 
Cet habile anatomiste distingua très-bien dans la cellule, 
gangue premiéredes grains de pollen, une membrane qui, 
parlant de la circonférence et marchant vers le centre, 
coupail en quatre portions, comme le feraient deux lames 
de couteau qui se croiseraient, la masse intérieure dont 
chaque quart s’isole, se globulise et s'élève à l'organisation 
d’un grain de pollen. 

Aïnsi la réalité d’une mulliplication de cellules, chaque 
grain de pollen n'élant qu’une cellule d’une organisation 
plus compliquée que celles des masses utriculaires com- 
munes , était établie chez les Phanérogames par ce seul 
fait. 

La division des cellules par des membranes intermé- 
diaires a été examinée de nouveau par M. Hugo Mobl, en 
septembre 1835 ,sur la Conferva glomerata, dont une cel- 
lule, la terminale , trés-longue a montré à peu près vers la 


(1) Mémoires de l’académie royale des sciences de Bruxelles , t. IX. 

(2) Méme ouvrage, pp. 10 et 11. 

(3) Complément des observations sur le Marchantia Polymorpha , 
par Mirbel , in-4°, 1833. 


Rd Se 


( 303 ) 
moitié de sa longueur , le commencement d’un diaphragme 
marchant de la périphérie au centre (1). 

C'est en tout point l'observation de M. Dumorlier , mais 
sur une autre espèce; c’est tout simplement le fait re- 
marqué sur la erucigénie, mais transporlé des Diatomacées 
dans les Confervées. 

La succession de ces observations suffirait sans doute 
pour établir le fait comme un des plus avérés de l’organo- 
génésie végétale ; mais il est bon de remarquer qu'il a reçu 
depuis d’autres sanctions. Dans mon Mémoire sur les Clos- 
téries (2), j'ai démontré derechef que la matière colorante 
(l'endochrome ), par suite de la polarisation, se partage 
dans une cellule unique en deux masses opposées qui se 
séparent par la sécrétion d’un liquide transparent, vraie 
substance intercellulaire, dans laquelle se formera le 
diaphragme double, qui, en se désarliculant opérera plus 
tard Ja dislocation des deux cônes de la clostérie. 

Je suis parvenu depuis à découvrir toutes les phases de 
ce phénomène de la formation des cloisons intermédiaires 
dans les Conferves, et j'ai pris pour espèce sur laquelle mes 
recherches ont été faites la Conferva Dissiliens. Les arti- 
cles y sont très-courts, égalent leur largeur ou sont moin- 
dres qu’elle. Or il y a ici une masse verte, d’abord uniforme, 
un endochrome dans lequel apparaissent des globules par- 
ticuliers qui deviennent des vésicules plus claires, plus 
jaunes que le reste de la chromule, et qui finissent par 
avoir des points plus obscurs, presque bruns ou rougeâtres 
au centre. Ces corps sont pour moi des appareils mâles 


(1) Fig. 4 de l’ouvrage de M. Mohl cité plus haut. 
(2) Ann.des sciences nat., partie botanique, mai 1836. 


( 304 ) 

exerçant une véritable fécondation sur le reste de l'en- 
dochrome. Mais celui-ci, quand les cellules mâles se sont 
développées , se polarise et se refoule vers les deux pôles 
de la cellule mère ou de l’utricule générale. Alors on voit 
cette utricule s’allonger sous l'empire de ce refoulement 
ou de cette polarisation , et entre ces deux masses il se ma- 
nifeste une éclaircie blanchâtre. Le compressorium de 
Schenck m'a prouvé qu'il y avait là un fluide muqueux; 
c'est une substance intercellulaire par sa destination, 
mais à présent énter au mieux méta-chromulaire où mé- 
tendochromique (méta-endochrome , entre deux masses 
d’endochrome). Or, sur la périphérie de cette substance, 
la condensation s'opère d’abord et l'union avec la cellule 
générale en est la suite; peu à peu elle marche vers le 
centre, et au lieu d’une zone de substance liquide, il y a 
une membrane dûment organisée et propre à se dédoubler , 
chaque masse d’endochrome ayant sa paroï ou mieux sa 
membrane propre. 

Les observations de M. Hugo Mohl ont sans doute le 
plus grand intérêt, puisqu'elles confirment et établissent 
d'une manière générale un fait d’organogénésie végétale 
qui doit mener à la connaissance des lois sous l'empire 
desquelles la plante se forme. C'est à cause de l'importance 
de tels faits que j'y suis revenu avec quelques détails. Il 
est bon d’ailleurs de rappeler, en ces circonstances, la part 
que les physiologistes belges peuvent revendiquer dans 
la marche si rapide des sciences organogénésiques. 

Autant que toute observation directe, la manière de voir 
de M. Hugo Mohl s'applique à la théorie actuelle du mou- 
vement de la séve, puisqu'elle a pour but de rejeter le 
système de l'ascension intercellulaire et de ramener la 
physiologie à des idées plus justes sur le charriage de la 


( 305 ) 
matière où les végétaux vont puiser les élémens de leur 
nulrition. 

Connus sous le nom de fibres ou fistulæ ligneæ par Mal- 
pighi, et sous celui de conduits lymphatiques par Grew, 
les tubes longs , étroits, forts, résislans, anhistes et trans- 
parens au moins le plus souvent, qui charrient la séve 
ascendante, ont été éludiés de nos jours par Moldenhawer, 
Rudolphi, MM. Link, Slack, Mohl, Meven, etc. En Allemagne 
et en Angleterre ils forment pour les auteurs un tissu sui 
generis, auquel on donne généralement le nom de pleu- 
renchyme , et M. Turpin est le seul en France qui les croit 
une forme primitive, de même rang génésique que les 
ulricules du tissu cellulaire ; il leur donne le nom de tigel- 
lules. Parfois en se comprimantils deviennent prismatiques 
et ont généralement cinq ou six pans. M. Meyen a fait voir 
sur le Pandanus Odoratissimus V'aire de leur cavité in- 
terne et la coupe de leur membrane. M. Marchand pense 
que leurs paroïs sont creuses (1). D'après M. Slack, finissant 
en cônes, ces cônes s'emboîteraient quand deux fibres 
ligneuses sont contiguës par leurs extrémités. L'aubier et 
par suite le bois qui est sa modification, renferme une 
énorme quantité de ce tissu pleurenchymateux. 

La structure comparée des lissus et l’organisation relative 
des plantes ont révélé que les végétaux aussi accomplis- 
saient dans leur nature intime la grande loi de la vie : 
l'unité dans la variété. L'élément unitaire de l'organisa- 
tion est, chez les plantes comme chez les animaux, cette 
forme géométrique qui offre une même relation des parties 
similaires à un centre unique, ou la plus simple des formes, 
la sphère. La sphère existe dans les algues les plus infimes , 


(1) De radicibus et vasis pluntarum; Utrecht, 1830. 


Ton. IV. 22 


( 306 ) 


les palmelles, les protococcus , les nostoch, etc.; elle se re- 
trouve dans le premier élat de l'embryon de la graine, dans 
celui de l'axe du bourgeon ; elle se rencontre comme pro- 
totype de l'organisation dans l'élément de tous les tissus , 
l'utricule du mérenchyme. Mais, pour que la sphère puisse 
engendrer les autres formes de l'organisme, pour que {a 
variété se produise, il faut qu’elle se polarise , qu’elle ac- 
quière deux foyers, qu’elle devienne l'ellipsoïde dont 
l'excentricité peut croître indéfiniment ; son grand axe 
s’allongeant sans cesse, elle enfantera le cylindre, et tous 
ces états se remarqueront dans l’ovenchyme, le prismen- 
chyme et le pleurenchyme. 

M. Thienemann a bien prouvé que l'axe est le produit 
d’une excentricité du foyer qui se dédouble en faisant passer 
l'élément primitif sphérique par ces différentes formes (1). 

Le pleurenchyme n’a donc pas d'autre origine, Ses par- 
ties cylindriques, les vaisseaux séveux , n'ont, pour s'être 
allongés indéfiniment, perdu ni leur constitution anhiste, 
ni leur uniformité. La simplicité de leur fonction , l’afflux 
de la séve, correspond à la simplicité de leur organisation. 
On les voit paraître dans les fibrilles de la racine, plonger 
dans les spongioles, remonter le caudex radical, traverser 
le mérithalle primitif ou le collet, parcourir l’aubier et 
le bois ou les fibres des monocotylédones et des acrogènes, 
irradier dans les parties appendiculaires de l'axe, former 
la base du système fibreux ou séveux supérieur des feuilles, 
des stipules, des bractées , se diriger dans la corolle où on 
les voit souvent à travers les dermes ( Dendrobium Pie- 
rardii) , longer les filets des étamines, se perdre dans les 


(1) Zsis, n° 8, 1834. 


hi 


(307 ) 
nectaires ou remonter dans les carpelles du gynécée pour 
traverser les placentaires, les funicules, et pénétrer, sous la 
forme du raphé, dans les enveloppes les plus intimes de 
Pembryon. Toutes ces parlies reçoivent par le pleuren- 
chyme les élémens nécessaires à leur nutrition. 

Mais on se figure Îles fibres ligneuses, on les vaisseaux 
séveux du pleurenchyme droits, conduisant par la voie la 
plus courte la séve crue ; on se les figure rectilignes et c’est 
là une idée qui est loin d’être exacte. Sur le tronc droit 
d'un poirier , je les ai suivis avec beaucoup d’exactitude 
sur la longueur seulement d’un pied, et en traçant leur 
chemin avec de l'encre à mesure que je les suivais , il ne me 
fut pas difficile de m’assurer de, leur trajet souvent trés- 
torlueux. C'est surtout aux accidens qui ont apporté quel- 
que désorganisation dansl’aubier que l’on doit cette marche 
tortueuse. Par exemple, une plaie enlève au système cen- 
tral une plaque de quelques pouces d’étendue; les bords 
de la plaie se forment en cal et le développement de ce cal 
fait voir le trajet polymorphe des vaisseaux séveux. 

On disait naguère qu’une plaie faite horizontalement à 
l'écorce d’un arbre, déterminait la formation d’un bourre- 
let uniquement à la partie supérieure. On sait que ce fait à 
été cité en faveur de tous les systèmes sur l'accroissement 
des arbres , de celui sur le cambium, sur les fibres descen- 
dantes , sur les racines des bourgeons, sur le latex, etc. 
M. Dutrochet a fait voir, en 1835, que ce phénoméne avait 
été mal étudié jusqu'à présent et qu’une plaie faite à 
l'écorce déterminait la formation d’un bourrelet circulaire 
ou à quatre côtés (1). Le supérieur est le plus développé , 


(1) Znstitut,,t. IL, p. 18.—De la déviation descendante etascendante 
de Paccroissement des arbres en diamètre, par Dutrochet, Nour, ann, du 
Muséum, t. IV, p. 75. 


( 308 ) 

mais il y en à aussi un inférieur et deux latéraux, ce qui in- 
dique une force organogénésique s'exécutant dans toutes 
les directions. Avant celle époque, M. Dutrochet avait 
publié que sur le Pinus Picea les souches radicales privées 
de tiges continuaient de croître (1) par l'élaboration de la 
séve opérée directement par les deux systèmes central et 
corlical encore en contact. Depuis, le même observateur a 
remarqué des troncs coupés de pins sur lesquels s'étaient 
développées des couches nouvelles, procédant de bas en 
haut. Toutes ces recherches devaient naturellement modi- 
fier nos idées sur l’accroissement du tronc. Or, quant à la 
marche des deux extensions latérales d’une plaie hori- 
zontale faite à l'écorce , M, Dutrochet remarque qu'elles se 
reploient vers l’intérieur en pli ou en volute, et il attribue 
ce reploiement à ce que l'écorce l'emporte en volume sur 
l’aubier et que le sytème cortical tend à se courber en 
dedans, tandis que le système central tend à se courber en 
dehors. D'après cette explication, les extensions ou les 
bourrelets qui se forment sur le système central et cela aux 
dépens d’une dévialion des vaisseaux séveux, devraient se 
réployer en dehors. 

Pour savoir si la chose est ainsi, nous ayons dénudé de 
son écorce un poirier de 14 ans, sur lequel, lorsqu'il en 
comptait neuf, on avait enlevé une plaque carrée d’au- 
bier de six pouces de surface. Les cinq couches d’aubier 
qui s’élaient formées depuis, avaient produit quatre exten- 
sions en bourrelet, dont la supérieure el les deux latérales 
avaient un égal développement, moindre que celui du 
bourrelet inférieur qui, à un pouce au-dessous de la plaie, . 


(1) Zustitut.,t. 1, p.126. 


nn À men 0e  é 


( 309 ) 

présentait déjà sa saillie. Tous ces bourrelets, quoique for- 
més aux dépens du système central, s’enroulaient en de- 
dans et non en dehors, et si le travail de la lignification 
avait continué, indubitablement les quatre bourrelets se 
seraient rencontrés par leur convexité respective et au- 
raient enclavé dans une cavité sousjacente, la partie du 
bois dénudée. Sur une plaie qui n'eut que trois pouces de 
superficie, faite à la neuviéme année, la quatorzième année 
les bourrelets n'étaient plus distans que de cinq lignes 
transversalement et de neuf lignes verticalement. Sur des 
plaies plus petites on voit la soudure complète qui forme 
un tissu si compacte, si homogène, si semblable à la trame 
des bourrelets que si ce n'étaient les bosselures de ceux-ci, 
on ne saurait point qu'il y a là cicatrice. Sur toutes les 
plaies que nous avons vues, la soudure avait eu lieu par les 
portions inférieures des bourrelets ou extensions latérales 
et par le développement du bourrelet inférieur. 

Si l’on suit avec soin le trajet des vaisseaux séveux ou la 
disposition du pleurenchyme qui est la conséquence forcée 
de ce trajet , on s'aperçoit bientôt que les extensions laté- 
rales sont des déviations des fibres séveuses qui auraient dû 
se diriger en lignes presque droites du bourrelet inférieur 
à l'expansion supérieure. Les vaisseaux arrivés au bord infé- 
rieur de la plaie, n'ayant pu continuer leur trajet ascen- 
dant directement , se sont déviés à droite et à gauche pour 
consliluer les extensions latérales, et arrivés au-dessus de 
celles-ci, ilsse replient de nouveau en convergeant horizon- 
talement pour former l'extension supérieure. Parvenus au 
milieu de cette extension supérieure , les fibres se replient 
encore une fois et marchent vers le haut de la tige. Nous 
ayons suivi ce trajet autour de plusieurs plaies d’âges dif- 
férens, et partout il se rencontre de même sur les poiriers. 


( 310 ) 


On conçoit que la séve ascendante , dans ce cours tor- 
tueux où elle marche tantôt obliquement, tantôt horizon- 
talement, Lantôt verticalement , ici en ligne droite, là en 
ligne courbe ou le long d’un angle, doit retarder sa marche 
dans plusieurs endroits , mais si on se rappelle que ce sont 
les rayons ou plans médullaires qui apportent aux couches 
du tronc la substance nutritive élaborée qui entretient 
leur vie, on ne doit point s'étonner que les extensions du 
système central ont partout à peu près le même dévelop- 
pement. 

C'est par la marche des extensions l’une vers l’autre 
effectuée horizontalement et perpendiculairement que la 
partie de l’aubier dénudée se couvre annuellement ; mais 
quoique les bourrelets de ce système central se soient re- 
tournés en dedans pour saisir la surface de l’aubier mis à 
nu ,il ne s’est pourtant point contracté d’adhérence entre 
l'aubier nécrosé et le jeune aubier , entre la couche de la 
neuvième année et celle de la dixième. Il résulte de ce 
défaut d'adhérence que, lorsque le tronc se dessèche, tout le 
jeune aubier de cinq ans qui forme les extensions , se 
détache à la fois de l’aubier nécrosé de la neuvième année. 
Cette séparation ferait croire à la force d'incurvation en 
dehors du système central admise par M. Dutrochet, mais 
elle tient uniquement au défaut d’adhérence entre un ap- 
pareil gangrené et mort et un appareil vivant. 

On me dira que si les vaisseaux séveux , si tortueux dans 
ce cas, doivent donner à la séve ascendante un cours si irré- 
gulier, c’est que ce fluide peut se mouvoir dans toutes 
les directions même les plus opposées, puisque Hales, 
ayant attaché un tube de verre à la parie supérieure d’un 
tronc vivant coupé en deux endroits, a remarqué en plon- 
geant ce tube rempli d’eau dans un réservoir contenant le 


( 311 ) 

même liquide , que celui-ci était absorbé et s'élevait dans 
le tronc dans une direction opposée à celle que suit ordi- 
nairement la séve ascendante. L’excitabilité du pleuren- 
chyme produisait done ici une ascension du liquide dans 
les vaisseaux retournés , et l’on sait encore que Hales altri- 
buait ce phénomène à l'évaporation des feuilles conservées 
sur le tronc. J'ai voulu savoir si dans l’ordre nalurel des 
choses, en conservant vivant un végétal où la séve dût 
se mouvoir dans le sens opposé ‘à la force que montrent or- 
dinairement les vaisseaux du pleurenchyme, la séve ascen- 
dante se serait détournée facilement de sa voie naturelle. 
Une greffe singulière , imaginée par M. Dozin, horticulteur 
habile de Liége , greffe que je nommerai pour cette raison, 
Greffe-Dozin, est venue résoudre ce problème. Au mois 
d'août 1836, M. Dozin greffa par approche une branche du 
Camellia Donckelarii sur un Camellia simple; la branche, 
de trois pouces de longueur, fut collée au pied de bas en 
haut par son extrémité supérieure et de manière à faire 
un angle fort aigu avec la perpendiculaire que ne suivait 
pas le sujet dont la tige s’inclinait un peu en dehors. Cet 
angle n'avait que 10 à 12 degrés. Vers le milieu de la 
branche greffée se trouvait un œil, dirigé vers le dehors. 
Je vis cette greffe le 18 avril 1837; elle avait parfaitement 
pris. Le bourgeon avait produit des feuilles et son axe s’al- 
longeait ; le 24 mai suivant il avail poussé deux branches 
de 5 pouces, chacune à six feuilles ; il annonçait la vie la 
plus forte. Or, cette greffe intéressante nous montre une 
séve ascendante devenue descendante non pendant quel- 
ques heures comme dans l'expérience de Hales, mais pen- 
dant toute la durée de la vie du végétal. 

IL est évident , en effet, qué la séve ascendante qui se 
rend dans le bourgeon de cette branche et plus tard dans 


( 512 ) 

les rameaux de ce bourgeon allongé, ne peut venir que du 
sujet, puisque la branche greffée est suspendue dans l'air 
de baut en bas. La séve crue du système central du sujet 
doit se déverser en quelque sorte dans celui de la greffe et 
de l'angle d'insertion descendre, elle séve ascendante, 
vers le bourgeon. Cette greffe est en outre une preuve de 
plus contre la théorie de Da Petit Thouars, puisque les 
fibres descendantes du bourgeon de la branche greffée au- 
raient dû se montrer en forme de racines à l'extrémité in- 
férieure de la branche, comme elles le font d’après cette 
théorie dans les boutures. 

La greffe Dozin est en effet une bouture suspendue qui, 
au lieu de recevoir la nourriture de bas en haut, la reçoit 
de haut en bas. Or, pas la moindre trace de racines adven- 
lives n'existait à l'extrémité de cette branche, ni ailleurs. 
On objectera peut-être que la partie de la branche située 
entre le bourgeon et l'extrémité inférieure de la branche, 
élait morte el par conséquent inhabile à nourrir les fibres- 
racines descendantes des bourgeons, mais celle objection 
tombe devant l'inspection que J'ai faite le 24 mai, que les 
deux systèmes central et cortical de celte portion nue de la 
branche jusqu’à son extrémité inférieure étaient de la vé- 
gélalion la plus énergique , les tissus gorgeant de sucs 
humides et l'écorce parfaitement verte. La séve descen- 
dante , le latex, provenant des feuilles du bourgeon déve- 
loppé, a pu en cffet nourrir toute celle portion, et la séve 
ascendante du sujet coulait, ou mieux refluait par l’effet 
d’une force d’excitabilité que possèdent les vaisseaux pleu- 
renchÿmaleux, jusques à l'extrémité inférieure de la 
branche. L’extrémité des vaisseaux, d’abord béante par la 
coupe , s'était fermée depuis et empéchait la sortie de la 
séve crue. 


( 318 ) 

La greffe Dozin nous prouve encore que ce n’est point 
uniquement une force de succion que le bonrgeon exerce- 
rait, qui ferait monter, et dans ce cas, descendre la séve 
crue, que ce n'est point le vide formé par l'évaporation ou 
l'exbalation des feuilles qui sollicite la séve crue à entrer 
dans les spongioles radicales et à se diriger vers les feuilles, 
puisque dans la branche descendante greflée, la séve crue 
se mouvait au dela du bourgeon et ne s’arrêtait pas à lui, 
et que sur cette branche il ne se trouvait pas plus bas 
que le bourgeon, la moindre feuille qui pût attirer le li- 
quide intérieur. La greffe Dozin , si féconde en enseigne- 
mens physiologiques, nous prouve que le vaisseau séveux, 
excitable à son état vivant, dans toutes les parties de son 
étendue, fait refluer la séve dans sa capacité intérieure par 
une force vitale, la seule qu’on doit admettre pour expli- 
quer tous les phénomènes de la vie des végétaux. 

Ces recherches démontrent que nous pouvons solliciter 
la séve ascendante à se dévier de son cours régulier pen- 
dant toute la vie d’une plante, et si nous voyons cette rétro- 
version, s’eflectuer dans le liquide qui apporte aux organes 
les élémens qu'ils modifieront pour en nourrir l'organisme, 
nous devons concevoir que les vaisseaux eux-mêmes desti- 
nés à le charrier peuvent, comme dans les plaies faites au 
système central des dicotylédones, se dévier également de 
leur direction normale et rétablir les fonctions là où quel- 
que lésion sera venue les troubler. Cette physiologie doit 
servir de base à la saine pathologie végétale. ‘ 

La rétrogradation de la séve n'appartient pas seulement à 
la séve crue ou ascendante, mais encore au latex ou à la 
séve modifiée. D'après Duhamel, jamais sur une décortica- 
tion annulaire, il n’y aurait un bourrelet formé à la plaie 
inférieure. Cette assertion a passé comme article de foi 


dans l’enseignement. Or, il n’en est rien. M. Dutrochet a 
déjà, avec sa sagacité ordinaire, démontré qu'il y a sur 
l'écorce, véhicule de la séve descendante, formation de 
quatre extensions qui marchent avec des forces, inégales à 
la vérité, les unes vers les autres pour combler la plaie. 
Sur le Pinus Picea il y aurait mouvement ascensionnelde 
la séve descendante après l’ablation du tronc. Or, j'ai con- 
slalé un phénomène analogue sur le poirier. 

On peut voir au cabinet d'anatomie végétale de l’univer- 
sité de Liége, deux coupes de branches sciées horizontale- 
ment, où il y a un bourrelet cortical semi-lunaire qui s’est 
formé dans la portion inclinée de chacune des branches 
coupées. 

Ces bourrelets ont recouvert une partie du système cen- 
tral mis à nu et dénotent une végétation de bas en haut 
dans l'écorce. Mais de tous les exemples que j'ai vus d’un 
mouvement organique ascendant de l'écorce, je ne puis 
en citer un plus frappant que les faits qui se passent 
depuis plusieurs années dans une promenade publique de 
Liëége (le quai d’Ayroy). Sur plusieurs marronniers, des mal- 
faiteurs ont enlevé, dans l'intention de faire périr les 
arbres, au bas du tronc des anneaux de l'écorce de 8 à 10 
pouces de hauteur. Duhamel à vu descendre des bourrelets 
supérieurs de l’écorce à un pied et demi sur le bois, dit-on; 
mais sur les marronniers, le bourrelet supérieur est à peine 
visible en ce moment, mais le bord inférieur de cette dé- 
corticalion annulaire est couvert par un nombre considé- 
rable de bourgeons adventifs qui pullulent en anneau au- 
tour de l'arbre. Or, d’après la théorie généralement ad- 
mise , il aurait fallu que le latex, ou la séve descendante, se 
fût accumulé au bord supérieur de la décortication , ou 
bien qu'il eût formé un bourrelet, ou bien encore qu'il 


(315 ) 
eût excité les bourgeons adventifs à se développer là, 
comme dans la marcotte par ligature les racines naïssent 
au-dessus de cette dernière. Or, l'expérience prouve ici 
que les choses sont modifiées par une action vivante 
ascendante qui force les bourgeons du bord inférieur de la 
décortication à croître. 

Il y a donc aussi, quant à la séve descendante, une dé- 
viation possible à sa marche ordinaire, et la vérification de 
ces faits doit devenir utile à l'appréciation des maladies 
des plantes, vasle partie des sciences phytologiques à la- 
quelle on ne saurait apporter trop de matériaux. 


Botanique. — Notice sur trois espèces peu connues et 
indigènes du genre Sczerorium, par M. Kickx, corres- 
pondant de l’académie. 


« Persoon, à la page 142 de son Traité sur les champi- 
gnons comestibles, publié en 1818, mentionna sous le 
nom de Selerotium Rhizogonum une espèce de ce genre 
qu'il dit habiter les racines des pois et des vesces, et sur 
laquelle il ne donna aucun autre renseignement. 

Tous les mycologues postérieurs que j'ai pu consulter 
gardent sur celte espèce le silence le plus complet. Seule- 
ment Fries (Syst. mycol., vol. 2, page 250) fait suivre la 
description qu’il donne du Selerotium Lotorum Biv. de 
: cette phrase : «£x hac regione Sclerotium Rhizogonum 
Pers. Ch. com. — Nomine solum notum — ad radices 
pisi, viciæ sativæ, » 

Pas un mot ne vint appuyer cette indication, ni ajouter 
par conséquent , à la connaissance de l'espèce dans l'E leu- 
chus Fungorum que l'auteur publia comme supplément 
à son système , en 1830. À tel point que l'existence d’un 


(316 ) 


Selerotium Rhizogonum est a peine connue de la plupart 
de ceux qui se livrent à l'étude des champignons. 

Je puis dire avoir examiné pendant plusieurs années et 
sans aucun résultat les racines du Pisum S'ativum et celles 
dela V’icia Sativa aux environs de Louvain et de Bruxelles. 
Je n’y pensais même déjà plus, lorsqu'au printemps de cette 
année le hasard me dédommagea des recherches infruc- 
lueuses auxquelles je m'étais long-temps livré. Je trouvai 
en effet , autour de Gand et d’Audenarde, et sur les racines 
des deux plantes mentionnées par Persoon, un Sclerotium 
qui , si l’on en juge par son affinité avec celui à l’occasion 
duquel Fries parle du Selerotium Rhizogonum, ne sau- 
rait, nous paraît-il, être différent de ce dernier. 

En voulant m'assurer si cette espèce n’habitait pas d'au- 
tres papillonacées que celles mentionnées par l’auteur du 
Traité sur les champignons comestibles, J'ai constaté, 
en outre, au jardin botanique de notre ville, la présence 
de deux autres espèce de Sclerotium , les S. Medicaginum 
el Lotorum, qui, quoique décrites ne semblent néanmoins 
avoir été observées jusqu'ici que par un seul auteur, Bi- 
vona-Bernardi, et dans une seule contrée de l'Europe. Au 
moins est-il certain qu’on les cherche vainement dans les 
ouvrages de Libert, Wallroth, Nees, Chevallier, Desma- 
zières, Duby, et en général dans ceux de tous les floristes 
le la France et de l'Allemagne. 

Bien que pour ces deux espèces je n’aie que peu de 
choses à ajouter aux renseignemens fournis par Fries et 
empruntés par lui au botaniste italien précité, il m'a paru 
utile de récapituler leurs caractères à la suite de ceux du 
Sclerotium Rhizogonum , afin de compléter l’histoire de 
l’une par celle des autres. On peut en effet, les considérer 
Loutes trois comme formant, parmi leurs congénères de la 


(317) 
même section, un groupe distinct par leur habitation sou- 


terraine et epirhize , leur épiderme furfuracé, leur saveur 
plus ou moins piquante, etc. 


I. Seceroriom Ruizoconum Pers. Champ. comest., pag. 142. 


Naïît sous forme de tubercules globuleux, blanchâtres, 
qui prennent successivement, sous la poussière furfuracée 
et cendrée qui les recouvre, une couleur rose de plus en 
plus intense à mesure qu’ils vieillissent et qui en pénètre 
toute la chair. Ces tubercules, de globuleux qu'ils sont 
d'abord, deviennent en même temps oblongs et se soudent 
souvent entre eux, ce qui les rend irréguliers et comme 
lobés. Dans cet état ils atteignent jusqu’à 6 et 7 mill. de 
grosseur , tandis que, développés isolément, il est rare qu’ils 
en dépassent deux. Leur saveur rappelle de suite celle des 
Crucifères et son intensité augmente avec l’âge. 

Croît au printemps sur les jeunes racines des V’icia 
Sativa , Segetalis, Pseudo-Cracca, Ervilia, Faba, du 
Pisum Sativum , des Lathyrus Tingitanus et Odoratus, 
sur celles de l’'Orobus V'ariegatus,du Trifolium Pratense, 
agrarium , elc. 


IL. Scxerorrun menrcaGinum Biv. Stirp. rar. sicil., IV, t. 6, fig.2, 
(e Friesio.) 


Est toujours aplati, retréci vers sa base, ce qui le rend 
flabelliforme ou cunéiforme ; marqué au sommet de plu- 
sieurs lobes ou grosses crénelures arrondies. Son épaisseur 
diminue graduellement de son point d'insertion à l’extré- 
milé opposée. Il atteint jusqu'à 4 mill. de longueur sur 
trois de largeur et participe par sa saveur, par la couleur 


( 318 ) 
de sa chair et de son épiderme qui est aussi furfuracé, 
de l'espèce précédente. Tout ce que Fries en dit est de la 
plus scrupuleuse exactitude. 

On voit donc que le Selerotium Medicaginum ne mé- 
rite pas le jugement sévère par lequel Sprengel (Syst. vé- 
gét., IV, pag. 520) a prononcé sa radiation du tableau du 
règne végétal et sur lequel il s’est basé pour transférer, 
très-inconvenablement, à une autre cryptogame la déno- 
mination que la première ayait portée jusqu'alors. 

J'ai trouvé cette espèce, au mois de mai, sur les racines 
des Medicago Rigidula et Apiculata , du Trigonella 
Fœnum græcum et du Melilotus Officinalis cultivés. 


lil, Sezeroriun Lororun. Biv. Stirp. rar. Sicil., IV, tab. 6, fig. 1, 
(e Friesio.) 


D'un blanc mat et cendré, devenant gris-sale par l’âge, 
se revétant alors de petites écailles brunâtres. Sa forme est 
toujours régulière, globuleuse, quelquefois légèrement 
déprimée. La chair est d’un vert-olivâtre avec une teinte 
grise. Odeur nauséeuse rappelant celle des truffes. Saveur 
légèrement àcre et amère. Atteint de 2 à 4 mill. de dia- 
mètre. 

Croissait sur les jeunes racines des Lotus Jacobæus, 
Eutaxia Myrtifolia, Dillwynia Acicularis et Pultenæa 
Stricta, cultivés au jardin botanique de notre ville. 

Ce qu’il y a de remarquable c’est que ces parasiles, tout’ 
en attaquant des plantes de la même famille, se les parta- 
gent entre eux de manière à se réserver chacun l’un ou 
l’autre des groupes naturels dont les papillonacées se com- 
posent. Ainsi le Sclerotium Rhizogonum s'attache surtout 
aux végétaux de la tribu des viciées, le Sclerotium Medi- 


( 319) 


caginum aux lotées , et le Selerotium Lotorum de préfé- 
rence -aux sophorées. Qu'on n’aille point cependant atta- 
cher à cette observation une importance qui ne lui est 
point due; elle ne serait susceptible d'en acquérir que 
pour autant que par la suite de nouvelles données en dé- 
montreraient définitivement la justesse. 

Il m’eût été facile d'ajouter à cette notice la description 
de plusieurs champignons inédits du même genre, dont l’un 
attaque les racines de la Pœonia Suffruticosa ; les autres 
celles des Nicotianes et de la Mercuriale Vivace ; mais 
j'ai cru mieux servir la science en cherchant a éclaircir 
quelques-unes des espèces douteuses dont elle est surchar- 
gée, qu'en y introduisant des espèces nouvelles dont la 
validité m'est encore plus ou moins suspecte, el que je me 
réserve de faire connaître lorsque j'aurai pu constater 
exactement les limites de leurs variations respectives. » 


Entomologie. — Sur les larves d'un Sarcophage, par 
M. Wesmael, membre de l’académie. 


. Un de nos confrères, M. Dumortier, ayant trouvé l'été 
dernier dans les dunes près d’Ostende, un }/anneton à 
Foulon {Melolontha Fullo) mort , le renferma dans un 
cornet de papier. Lorsque, plus tard, il ouvrit ce cor- 
net, il y remarqua trois Nymphes de Muscides dont les 
larves étaient sorties de l'abdomen du hanneton. M. Du- 
mortier ayant eu la complaisance de me les donner, ce 
n’est que vers le milieu du mois de juin que J'ai vu sortir 
de ces coques trois individus d’une espèce de Sarcophage. 

Il est peu de genres parmi les insectes dont les espèces 
aient entre elles autant de ressemblance que les sarco- 


phages;et cependant il paraîtrait queles larves des espèces 


(32%) 


dont ona étudié les habitudes, vivent de substances assez 
diverses. Ainsi, d'après M. Bouché de Berlin, la larve du 
Sarcophaga Carnaria (1) vit dans le fumier, surtout 
lorsqu'il contient des excrémens humains; il en est de 
même du Sarcophaga Hæmorrhoïdalis, tandis que le 
S'arcophaga Quadrata, vit à l'état de larve dans les 
oignons gâlés de glaïeul; enfin, l'espèce qui a subi chez 
moi sa dernière transformation, ayant vécu dans le cada- 
vre d’un banneton, m'a semblé, à raison de cetle circon- 
stance, mériter d’être l’objet de cette courte notice. Quant 
à son nom spécifique, je n’ai pu, même à l’aide des ou- 
vrages de MM. Meigen et Macquart, le déterminer avec 
certitude. 


Sur les Métamorphoses d’un Xylophage. 


Vers le milieu du printemps de cette année (1837), je 
trouvai entre les feuillets du liber d’un peuplier abattu, 
plusieurs larves apodes , brunes, longues d'environ 4 li- 
gnes. Ayant emporté plusieurs de ces larves chez moi, 
je les oubliai bientôt complétement; et ce ne fut que six 
semaines après environ, qu'ayant ouvert par hasard la 
boîte ou je les avais placées, j'y trouvai éclos six individus 
du Xylophagus Marginatus Meig. Comme on ne possède, 
je pense, aucune nolion sur les transformations des dip- 
tères de ce genre, j'entrerai dans quelques détails sur ce 
que j'ai eu occasion d’en connaître. 


(1) D’après M. Bouché, tout ce que M. Meigen rapporte concernant 


la larve du Surcophaga Carnaria, doit s’entendre de la larve de la 
Musca Vomitoria. 


nn 


ac 


( 321 ) 

Le peu d'importance que j'avais d’abord attaché à ces 
larves, et l'oubli dans lequel je les avais laissées, sont 
cause qu'elles ont passé à l’état de nymphe, sans que 
j'aie songé à les décrire sous leur première forme. Je crois 
néanmoins en avoir conservé un souvenir assez exact, 
pour oser dire qu'elles diffèrent bien peu, pour l'extérieur, 
des nymphes, si toutefois elles en différent. Ces der- 
nières ont le corps long de quatre lignes sur une ligne 
de large, brun, un peu plus large qu'épais, convexe au- 
dessus et en dessous, insensiblement aminci sur les côtés, 
composé de douze anneaux. Le premier est formé par la 
tête qui est écailleuse et une fois plus étroite au moins 
que le second anneau. Celui-ci porte de chaque côté un 
stigmate. Les deux anneaux suivans sont successivement 
un peu plus larges que le second. A partir du cinquième, 
les anneaux conservent tous la même largeur jusqu’au 
douzième ou dernier. Celui-ci offre à son extrémité une 
fente transversale dans laquelle viennent déboucher deux 
stigmates, un de chaque côté. La tête, le disque du 
second anneau, et le disque dorsal du troisième sont 
lisses ; le reste de la surface du corps est finement cha- 
griné. Le sixième segment et les suivans ont en outre, 
tant sur le dos qu’au ventre, une rangée lransversale de 
petits tubercules, le long du bord antérieur. Sur le der- 
nier segment, quelques-uns de ces tubercules sont nota- 
blement plus gros; en dessous de ce même segment, se 
trouve une fente médiane longitudinale, et immédiate- 
ment au devant d'elle une rangée transversale de petites 
épines mousses , assez irrégulières. 

Ce que je viens de décrire n’est en quelque sorte qu’une 
peau servant de coque à la véritable nymphe. Celle-ci n’a 
pas les membres libres, mais elle est recouverte d’une 

To. IV. 23 


(322) 

enveloppe générale, très-mince, diaphane, sur laquelle 
sont empreints les traits qui indiquent déjà les formes de 
l’insecte parfait. Lorsque le moment est venu pour celui-ci 
de se débarrasser de ses langes, il fend sur le dos, à partir 
du troisième anneau, trois ou quatre anneaux de son 
enveloppe protectrice extérieure , et entraîne souvent en 
partie au dehors son enveloppe immédiate. Celle-ci n'offre 
rien de particulier, si ce n’est une rangée de cils nom- 
breux dirigés en arrière et placés le long du bord posté- 
rieur de chaque segment abdominal, à la face dorsale 
seulement. 

Ainsi, la nymphe du Xylophagus Marginatus parti- 
cipe tout à la fois de la nature des nymphes nommées 
Pupæ Coarctatæ, comme celles des stratiomes, et des 
nymphes nommées Pupæ Larvatæ, telles que celles des 
Diptères Tipulaires et des Lépidoptères : comme chez les 
stratiomes, la larve se métamorphose sous sa propre peau; 
comme chez les tipulaires, la nymphe est emmaillotée. 


Chimie. — M. Martens présente dans la note suivante, 
les résultats de l'examen qu'il a fait du produit chimique 
de M. Leroy, communiqué à l'académie, dans sa séance 
précédente. 


« Dans la séance du 4 février 1837, M. Leroy, pharma- 
cien à Bruxelles, a présenté à l'académie une note sur les 
produits de la combustion lente de la vapeur de l'alcool et 
de l’éther autour d’un fil de platine incandescent. Dans 
celte note il assure que la combustion lente de l’éther lui 
a fourni, outre l’acide lampique ordinaire, une petite 
quantité d’un nouvel acide huileux, distinct du précédent, 
plus pesant et moins volatil que celui-ci. Comme l'existence 


(323) 


de ce second acide lampique inaperçu jusqu'alors par 
tous ceux qui s'élaient occupés du même objet, avait été 
révoquée en doule et que j'avais même hasardé quelques con- 
jectures pour rendre raison de cette anomalie, l’acadé- 
mie, par suile des réclamations de M. Leroy, a cru 
devoir lui demander son nouvel acide avant de statuer 
ultérieurement sur la découverte qu’il annonçait avoir 
faite. M. Leroy a, en conséquence, présenté à l’académie, 
dans sa dernière séance, une quantité sensible de cet 
acide, renfermé dans une très-pelite fiole de verre assez 
mal close. Cet acide fut renvoyé à mon examen et à celui 
de M. Van Mons. J'ai mis les plus grands soins à con- 
slaler sa nature et ses propriétés dans le laboratoire de 
chimie de l’université de Louvain. Voici le résultat de ce 
travail : 

L’acide que M. Leroy nous a présenté comme un acide 
nouveau, distinct de l'acide lampique ordinaire, avec le- 
quel'il n'aurait de commun que l’origine et dont il accom- 
pagnerait constamment la formation , n’est autre chose 
que l'acide lampique lui-même dont il offre tous les ca- 
ractères de la manière la plus nette et la plus tranchée. 
Il a le même aspect, la même consistance, et Ia même 
odeur que lui. Comme cet acide, il bout vers 50e, 
laissant dégager alors des vapeurs piquantes et suffocan- 
tes d’un principe très-volatil analogue à l’aldéhyde dont 
il offre les caractères chimiques et dont il ne paraît dif- 
férer que par l'odeur qui m'a paru plus piquante et plus 
désagréable que celle de l'aldéhyde. On peut isoler ce prin- 
cipe en salurant l'acide lampique à froid par la potasse et 
chauffant ensuite la solution saline neutre, au degré de 
son ébullition, dans un petit appareil distillatoire ; on con- 
dense alors, en même temps que de la vapeur d’eau, ces 


( 324 ) 

vapeurs piquantes et suffocantes qui s'élèvent de la solu- 
tion , et le liquide distillé , parfaitement neutre, ayant une 
odeur et une saveur piquantes, exerce la même action 
réductrice sur l'oxide d'argent que l’aldéhyde, et se 
comporte avec l'acide sulfurique de la même manière 
que ce fluide; ce qui m'a fait considérer ce principe 
volatil, que la chaleur, surtout à l’aide des alcalis, dégage 
de l'acide lampique , comme de l’aldéhyde, retenant peut- 
être tant soit peu de matière étrangère qui lui donne une 
odeur plus piquante que celle de l'aldéhyde pur, obtenu 
par les procédés ordinaires. 

Lorsqu'on fait bouillir l’acide lampique, son degré d’é- 
bullition, qui a lieu d’abord vers 50°, s'élève bientôt à 
mesure que l’aldéhyde ou le principe volatil analogue se 
dégage , et après peu de temps d’une ébullition soutenue , 
l'acide finit par ne plus bouillir qu’au-dessus de100°; alors il 
se trouve presqu’entièrement transformé en acide acétique, 
ne relenant plus que destraces du principe désoxidant. C’est 
sans doute ce qui a fait dire à M. Leroy, dans la note qu'il 
a jointe à l'envoi de son acide, que ce dernier bouillait 
entre 50 et 55°, et était, malgré cela, moins volatil que 
l'eau; propriétés contradictoires qui ne sauraient exister 
simultanément dans le même corps et qui reposaient sur 
un fait mal observé : c'est que M. Leroy n'avait pas fait at- 
tention que l'acide moins volatil que l’eau n’était pas de 
l'acide lampique, qui est évidemment plus volatil que ce li- 
quide, puisqu'il bout entre 50 et 55° ; mais que c'était de 
l'acide lampique décomposé, c’est-à-dire, de l’acide acéti- 
que retenant toutefois encore, comme je l’ai reconnu, lant 
soit peu de ce principe désoxidant qu’on peut assimiler à 
l’aldéhyde et que la chaleur de l'ébullition ne parvient 
guëre à en séparer lotalement. L’acide de M. Leroy se com- 


( 325 ) 

porte aussi avec les bases comme l'acide lampique ordi- 
naire. Neutralisé par l'ammoniaque , il fournit un liquide 
brun-jaunâtre qui précipite en blanc le nitrate d'argent et 
. le réduit à chaud , à la manière de l'ammonialdéhyde de 
Liebig; c’est-à-dire que le verre dans lequel on opère de- 
vient miroitant en se couvrant d’une couche mince, bril- 
lante, d'argent métallique. Les lampates de potasse et de 
soude produisent des phénomènes analogues. Lorsqu'on 
neutralise l'acide de M. Leroy ou l'acide lampique ordinaire 
par une solution de potasse pure, le liquide s’échaufle plus 
ou moins et laisse dégager des vapeurs trés-piquantes. 
Gelles-ci se dégagent bien plus abondamment encore lors- 
qu'on évapore à chaud la solution saline neutre, et le sel, 
résidu de cette évaporation , resté neutre , présente les ca- 
ractères de l'acétate de potasse. L’addition de l'acide phos- 
phorique, vitreux ou trés-concentré, de même que celle de 
l'acide sulfurique, en dégage à froid des vapeurs abondantes 
d'acide acélique et non d’acide lampique. Toutefois le sel 
retient encore Lant soit peu d’aldéhyde on du principe dés- 
oxidant de l'acide lampique ; car j'ai observé qu'il réduit 
encore à chaud le nitrate d’argent, et il noircit légèrement, 
lors de l'addition de l'acide sulfurique. Or c’est une pro- 
priété caractéristique de l’aldéhyde, et que je crois avoir 
le premier constatée, de fournir un liquide d’un noir 
trés-intense avec l'acide sulfurique, surtout lorsqu'on 
chauffe légérement, et les moindres traces d’aldéhyde peu- 
vent ainsi être découvertes aussi bien que par leur action 
réductrice sur l’oxide d'argent. Il paraît qu'il se forme 
dans cette circonstance un nouvel acide, peut-être un 
acide sulfo-aldéhydique, que je me propose d'étudier plus 
lard. 

Je crois inutile de m'étendre davantage sur les pro- 


( 326 ) 
priétés de l'acide de M. Leroy, comparées avec celles de 
l'acide lampique ordinaire; il faudrait pour cela passer en 
revue tous les caractères de cet acide ; pour lesquels je 
renvoie au mémoire de Daniell (Journal de Physique, 
t. 88) et à celui que j'ai lu à l'académie dans la séance du 
4 février 1837. Je me bornerai à dire que toutes les expé- 
riences auxquelles j'ai soumis l'acide de M. Leroy, ont été 
faites simultanément et comparalivement avec l'acide 


lampique ordinaire, et que je me suis convaincu de leur. 


identité absolue de eomposition et de propriétés; et, pour 
qu'il ne puisse rester aucun doute, que l'acide impropre- 
ment dit huileux et supposé nouveau que M. Leroy a 
envoyé à l'académie, n’est autre chose que l'acide lampique, 
connu depuis plusieurs années, j'ai l'honneur de sou- 
meltre à l'académie une certaine quantité de ce dernier 
acide que j'ai préparé d’après le procédé de Damiell; il 
présente, comme on peut s’en convaincre, tous les carac- 
tères de celui de M. Lerovy, et leurs propriétés physiques et 
chimiques, de même que leur composition, n'offrent pas 
la moindre différence. 

Il est fâcheux que M. Leroy n’ait pas connu ou con- 
sulté les travaux de ses devanciers ; il aurait vu que l’acide 
qu'il a cru nouveau et dont il nôus a donné une descrip- 
tion bien imparfaite dans une note insérée au bulletin de 
la séance précédente, n’est autre chose que l'acide lampi- 
que dont Daniell a, le premier, je pense, indiqué les pro- 
priétés et les caractères d’une manière assez précise, dans 
le Journal de Physique , t. 88. 

J'ai repris le travail de Daniell dans mon mémoire, 
présenté à l'académie le 4 février 1837 ; j'ai ajouté quel- 
ques nouveaux faits à l’histoire de l’acide lampique, et 
jai cherché surtout à en faire mieux connaître la nature 


cdot dt boit on 


UT + TOITS 


( 327 ) 

ou la composition qui était restée inconnue jusqu'ici. [l'est 
yrai que ni Daniel], ni moi, n'avions signalé l’acide lam- 
pique comme un acide huileux; mais c’est qu'il n'offre 
aucun des caractères distinctifs des corps gras ou hui- 
leux; il est soluble dans l’eau en toutes proportions, 
et s’il présente quelque faible consistance huileuse, qui 
toutefois n’est bien sensible que quand on le renferme 
dans des tubes de verre étroits, ce caractère n’a jamais 
paru assez important et surlout assez marqué, pour que 
l’on ait jugé nécessaire d’en faire mention ; el c’est sans 
doute le silence des chimistes à cet égard, qui est cause 
de la méprise dans laquelle est tombé M. Leroy, et qui lui 
a fait prendre son acide pour un corps nouveau, distinct 
de l'acide lampique. 

D'après ce qui précède, nous sommes obligés de conclure 
que l'acide que M. Leroy a présenté à l'académie dans sa 
derniére séance, comme constituant un acide nouveau 
différent de l'acide lampide, n’est que ce dernier acide 
dont il offre jusqu'aux moindres caractères. Mais, nous 
demandera-t-on sans doute, que devient alors l'acide plus 
fluide et plus volatil que M. Leroy a dit avoir recueilli 
conjointement avec son acide huileux et qu'il a pris pour 
l'acide lampique. N'ayant pas à la main ce deuxième 
liquide acide obtenu par M. Leroy dans la combustion 
lente de l’éther, nous ne pouvons qu’émeltre des conjec- 
tures sur sa nature. Cependant, comme en opérant avec 
soin, je n'ai jamais pu obtenir, aussi bien que MM. Fara- 
day et Daniell, qu’un seul produit acide par la combus- 
tion lente de l’éther, je suis porté à croire que le deuxième 
produit acide recueilli par M. Leroy, et qu'il a pris pour 
l'acide lampique, pourrait bien n'être que de l’éther plus 
où moins aqueux, qui aurait échappé à la combustion lente 


( 358 ) 


dans le procédé opératoire de M. Leroy, et qui tenant enr 
dissolution une certaine quantité d'acide lampique, con- 
densé en même temps que lui, aura offert par là des caracté- 
res acides qui l’auront fait prendre pour un acidedistinet. 
Eten effet ,quand on verse de l’éthersur de l'acide lampique, 
les deux liquides restent, comme je l’ai observé, en couches 
dislincies; mais l'éther surnageant a dissous assez d'acide 
lampique pour être devenu fortement acide : ainsi toutes 
les fois que l'on soumettra à la combustion lente de l’éther 
et qu'on ne disposera pas l’appareïl, de manière à ce que 
ce fluide ne puisse se volatiliser en partie sans subir la 
combustion lente, on recueillera nécessairement, comme 
M. Leroy, deux liquides acides, l’un éthéré très-léger, 
l'autre plus pesant que l’eau ; mais il n’y aura en définitive 
qu'un seul acide produit, savoir : l'acide lampique dont la 
pesanteur spécifique, d'après Daniell, est de 1,015. Peut- 
être aussi, l'acide plus volatil de M. Leroy est-il de l'acide 
limpique chargé d'une plus forte proportion d’aldéhyde 
que l’acide ordinaire qui, suivant la température plus ou 
moins élevée à laquelle il peut avoir été soumis , contient 
des propositions variables de ce principe volatil désoxidant 
qu'on peut assimiler à l’aldéhyde ? Quoi qu'il en soit, en 
opérant avec soin, et de manière à ne pas condenser de la 
vapeur d’éther simullanément avec celle d'acide lampique, 
on n'oblient qu'un liquide acide unique, identique avec 
celui que M. Leroy a pris pour un nouveau corps et qui 
n'est que l'acide lampique ordinaire. Il sufhit pour cela de 
suivre le procédé que j'ai décrit dans mon mémoire, ou 
même celui de Daniell employé par M. Leroy ; mais dans ce 
dernier cas, il faut employer quelques précautions qu'il 
ne sera pas inutile d'indiquer. On prend un petit flacon 
bouché par un bouchon de liége à travers lequel passe un 


( 329 ) 
petit bout de tube de verre qui donne passage à une mèche 
d'amiante assez épaisse, plongeant jusqu’au fond du petit 
flacon à moilié rempli d'éther anhydre pur. On pose sur la 
mèche une hélice en fil de platine fin, d’une vingtaine de 
spires très-rapprochées, dont plus de la moitié déhorde la 


ê ; à = 1 5 sk 
mèche ; le fil doit avoir environ —- de pouce de diamètre. 


On place encore dans liiténest 4 l'hélice au-dessus de 
la mèche un faisceau ou un écheveau du même fil de pla- 
tine ou d’un fil plus fin, afin de mieux assurer la combus- 
Lion lente de loute la vapeur éthérée, qui s'élève du bout de 
la mèche. Le flacon est placé sur un petit support, el on 
dispose les choses de manière à pouvoir suspendre ou fixer 
au-dessus de lui, à la hauteur de la méche, le chapiteau 
d’une petite cucurbite en verre, dont le bec doit se rendre 
dans un tube de verre éprouvette convenablement refroidi. 
Cela fait, on allume la lampe, et lorsque le fil de platine 
est devenu incandescent, on éteint la flamme; le fil reste 
rouge, et on dispose de suite au-dessus de la lampe le 
chapiteau dont il a été question. On le maintient froid à 
l'aide de linges mouillés et on peut recueillir ainsi en peu 
de Lemps une quantité assez considérable d’acide lampi- 
que, même en n'opérant que sur une once d'éther: Celui-ci 
donne près de la moitié de son poids d'acide lampique. 
J'ai l'honneur de soumettre à l'académie une partie de 
l'acide obtenu de cette manière. Il est parfaitement iden- 
tique avec celui que nous a présenté M. Leroy, et avec 
l'acide lampique ordinaire; il n’a été accompagné, dans sa 
formation, d'aucun autre liquide acide ; ce qui me porte 
à croire que le deuxième acide obtenu par M. Leroy, outre 
l'acide lampique ordinaire, n’est qu'un produit accidentel, 
résultant de la manière dont il a opéré; que ce liquide 
acide, du reste, ne doit son acidité qu’à de l'acide lam- 


( 230 ). 


pique lui-même, et ne mérite par nent pas de fixer 
l'attention de l'académie.» Pr 


L'académie a également reçu communication des re- 
marques de M. Van Mons, sur le sujet traité dans la note 
précédente, et d’une nouvelle lettre de réclamations de 
M. Leroy. 


Antiquités. — Notice sur quelques instrumens en pierre 
el en bronze, appartenant à la période celto-germa- 
nique et trouvés dans une tourbière de Destelberghe 
près de Gand, par M. Rouler. 


Plus d’une fois les tourbières de la Flandre ont fourni 
divers objets qui attestent que plusieurs des bas-fonds, où 
elles se sont formées, furent foulés jadis par le pied de 
l'homme. Ces objets, bien que grossiers et peu variés, 
méritent cependant quelqu'attention, parce qu'ils sont les 


4{Oorrte 


Laden [14 


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ulletin de L 


> 


( 231 ) 
uniques traces que des générations entières on! laissées de 
leur passage et les plus anciens monumens de notre civi- 
lisation à son berceau. En 1833, on trouva dans une tour- 
bière à Destelberghe, à vingt pieds environ de profondeur 
el à côlé d’ossemens humains et d'animaux, une pointe 
de lance en bronze et un instrument de la même matière, 
ayant la forme d’un coin. Quelques années auparavant, on 
avait découvert, également dans la mème tourbière et à 
peu de distance du premier endroit, une hache de silex, 
ainsi qu'un carreau d’une roche fort dure, usé sur plu- 
sieurs de ses faces (1). La nature des objets mêmes indique 
déjà qu’ils remontent à une époque antérieure à la domi- 
‘mation des Romains, et cette présomption lire une nou- 
velle force de la circonstance que les seules antiquités 
romaines que l'on cite (2) comme ayant été découvertes 
a Destelberghe, et qui consistent principalement en 
médailles, ont été déterrées, non pas dans les tourbières, 
mais dans un champ, à quelques pieds de profondeur 
seulement. Mais, s’il ne peut pas exister de doute sur leur 
antériorilé à la période romaine, il ne reste pas moins 
difficile, sinon impossible, de déterminer s'ils appar- 
Uünrent aux Celtes, anciens habilans de nos contrées, 


(1) Notre confrère, M. Morren, a déjà entretenu l’académie de ces 
objets, à propos des ossemens trouvés dans la même localité. (Voy. Zul- 
letins, tome IT, p. 110). Ils sont tous en la possession de M. Huyttens 
van Tieghem, propriétaire à Destelberghe, qui, à la demande de M. Pa- 
pejans de Morchoven, a bien voulu les mettre à ma disposition ; l’em- 
pressement avec lequel ce dernier m'a offert ses bons offices prouve 
que son intérêt pour les sciences ne se borne pas à celles qu’il cultive 
avec tant de zèle et de distinction. Je prie ces messieurs de recevoir 
ici mes remercimens, " 

(2) Voy. De Bast, /iecueil d’antiquités romaines et gauloises , p. 94. 


(332) 


ou s'ils y furent déposés par les Germains, qui rempla- 
cérent ceux-ci, après les avoir expulsés de leurs demeures. 
Je vais donner la description et l'explication archéolo- 
gique de ces objets en commençant par ceux en pierre. 

Les peuples dans leur première enfance, incapables 
encore de soumettre les mélaux à la préparalion néces- 
saire pour leur emploi, se servirent d'instrumens et 
d'armes en pierres, dont la nature elle-même avait fourni 
à l'homme les premiers modèles dans les galets arrondis 
ou cunéiformes que sa main à répandus par milliers sur 
les bords de la mer et des rivières et dans les plages 
sablonneuses : témoins les anciens habitans des Gaules, 
de la Germanie, de la Scandinavie, de l'Amérique, du 
Japon, ete. C’est donc un fait hors de doute que les 
instrumens de pierre sont dans la Belgique, comme par- 
tout ailleurs, ceux qui remontent à l'antiquité la plus 
haute. Mais faut-il conclure de là que l'emploi des mélaux 
en ait aboli l'usage? D'habiles antiquaires (1), qui ont posé 
celte question, n’ont pas cru pouvoir y faire une réponse 
formelle, regardant cependant comme vraisemblable que 
les armes de pierre et de bronze ont élé usilées en même 
temps, puisque la même sépulture nous les montre sou- 
vent réunies. La découverte de Destelberghe livre un 
nouveau fait à l'appui de cette opinion. 

Les haches de pierre (2), venues au jour dans toute 


(1) Voy. M. De Caumont, Cours d’antiquités monumentales , tome, 
p. 209. 

(2) En général les antiquaires français donnent à ces instrumens le 
nom de hkaches , tandis que lesantiquaires allemands les appellent sim- 
plement coins et réservent la première dénomination pour ceux qui 
sont perforés. Dans cette notice je me suis servi indistinctemeut des 


deux noms. 


(333) 
l'étendue de nos Flandres, ne paraissent pas communes; 
l'écrivain qui a inventorié les antiquités de ces provinces 
n'en a connu que trois, dont deux déterrées près de la 
ville d’Alost et la troisième dans une tourbière à Beve- 
ren (1). Cela provient peut-être de ce que la contrée ne 
contenant pas de roches propres à les fabriquer, leur ac- 
quisition n'aura été ni plus facile ni moins coûteuse que 
celle des instrumens en bronze, qui, à l'époque où le pays 
commença à se peupler, étaient déjà probablement en 
usage, ou du moins ne tardèrent pas à l'être. La hache 
de Destelberghe (voy. la pl. fig. 1), est faite d’un silex 
jaunâtre; elle constitue un coin de forme pyramidale, 
ayant à sa partie inférieure ou la plus large (7 centimètres), 
un tranchant acéré qui décrit une portion d’ellipse. La 
partie opposée ou supérieure étant endommagée, il devient 
impossible de savoir si elle se terminait en pointe comme 
cela arrivait assez souvent. Le coin dans son état ac- 
tuel a 14 centimètres de longueur; sa plus grande épais- 
seur est de 5 centimètres environ, el cela seulement 
dans un point vers son milieu, d’où il s’'amincit insensi- 
blement vers tous les points de la circonférence en des 
proportions différentes, mais jusles et même assez gracieu- 
ses. Vu de plat, il présente une forme convexe de deux 
côtés; les bords latéraux ont été aplatis, sans doute afin 
de ne pas blesser la peau : car je pense qu'on s’en est servi 
en le tenant dans la main et qu’il n’a jamais été fixé dans 
un maillet muni d'un manche. 

Notre coin porte encore des traces du procédé employé 


(1) De Bast, ouvr. cité, p. 122 


( 334 ) 


pour sa fabriealion (1). La première opération a dû con- 
sister à dégrossir le morceau de silex, de facon à le faire 
approcher le plus que possible de la forme qu'on voulait 
qu'il prit, et cela en enlevant par écailles la partie inutile 
de la pierre. C'est alors seulement qu'il aura été soumis 
au poli. Plusieurs des écailles détachées en dernier lieu 
l'avaient été à une trop grande profondeur ; il en est résulté 
que les creux qu’elles avaient laissés n'ont pu disparaître 
entièrement parle polissage. On les a indiqués sur la figure 
par la lettre a. 

J'ai dit qu’à côté du coin s'était trouvé un carreau d’une 
roche trés-dure. Ce carreau a 27 centimètres de longueur 
sur vingt de largeur. Son épaisseur varie de 6 à 10 centi- 
mètres. On aperçoit au premier coup d'œil qu'il a servi à 
polir; car il est usé non-seulement à l’une des deux faces 
principales, mais encore à deux des faces latérales, qui 
toutes trois en ont reçu elles-mêmes un beau poli ( voy. 
fig. 2). Dans des fouilles faites à Ecornebœuf près de 
Périgueux, où l’on a réeueilli une grande quantité d’in- 
strumens en silex, M. Jouannet a observé plusieurs carreaux 
de la même espèce; circonstance qui a suggéré au savant 
antiquaire français l’idée qu'il avait existé dans celte loca- 


(1) Un antiquaire de Bordeaux, M. Jouannet, a été à même de deviner 
en partie les procédés employés pour la confection des haches, en 
observant un grand nombre de ces instrumens demeurés imparfaits et 
dégrossis seulement à différens degrés. ( Voir sa Votice sur des instru- 
mens en pierre et en bronze présumés celtiques, p. 4 et suiv., extraite 
par M. de Caumont, ouvr. cité, p. 217 et suiv.) Une découverte du 
même genre a révélé à un savant allemand la manière dont on les 
perforait, Voy. Gutsmuth, fie durchbohrte der alte Germane seine 
Streitaxt (Morgenblatt, 1832, no 253). 


rar de LL 


( 335 ) 

lité une fabrique d’armes en pierre (1). Comme la matière 
du coin et du carreau de Destelberghe est étrangère à la 
contrée, ces objets ont dû y arriver par la voie du com- 
merce : ilest donc probable que le possesseur du carreau 
n’en avait pas fait l’acquisition pour fabriquer lui-même 
ses coins ou haches, mais seulement pour leur rendre le 
fil, lorsqu'il était émoussé ou brisé. 

Les opinions des antiquaires sur la destination de ces 
instrumens de pierre sont trés-divergentes (2). Les uns y 
voient des armes de guerre, les autres des instrumens de 
sacrifice; plusieurs leur assignent un usage domestique. 
Il y en a enfin qui leur attribuent à la fois cette triple 
destination. Je pense que ce dernier sentiment est le plus 
rationnel et le plus vraisemblable pour ce qui concerne 
les temps les plus anciens; mais je crois aussi que l'usage 
religieux se maintint encore long-temps seul, après que 
les autres furent tombés en désuétude. En effet on ne peut 
guère douter que l’art militaire et l’économie domestique, 
lorsqu'ils se trouvèrent en possession d’instrumens en 
bronze et en fer, d’une fabrication et d’un usage beaucoup 
plus commodes, n'aient abandonné ceux de pierre. Mais le 
culte ne suit pas aussi vite la marche progressive de la 
civilisation et n’en accepte pas de suite les innovations; il 
semble que les objets qu'il offre à la piété et à la vénération 
publiques , aient besoin de se perpétuer pour que la foi se 
conserve. On n'aura donc jamais enlevé au dieu Thor sa 
hache ou son marteau de pierre, pour le remplacer par un 


(1) Voir la notice précitée, 
. (2) Foy. M. De Caumont, ouv. cité p.219. Janssen, Gedenkteekenen 
der Germanen en Romeinen aan den linker ocver van den Neder-Ryn, 
p-5et suiv. Utrecht, 1836. 


( 336 ) 


instrument équivalent d’un métal quelconque. La hache 
sera toujours demeurée l'instrument indispensable, au 
moins dans certains sacrifices, et la croyance religieuse 
l'aura encore placée dans la sépulture du guerrier (1), à 
une époque où sa main ne Ja brandissait déjà plus sur le 
champ de bataille. Du moins est-il certain que la notion 
de la destination religieuse est restée la dernière debout, 
puisque c’est la seule dont la tradition populaire nous ait 
transmis des vestiges : on sait que dans plusieurs des pays 
où ces instrumens se rencontrent , la crédulité supersti- 
tieuse du vulgaire les nomme pierre de tonnerre et leur 
attribue des verlus merveilleuses (2). 

La tête de lance en bronze figurée sous le n° 3 a 16 cen- 
timètres de longueur et 4 à sa plus grande largeur. Sa 
partie inférieure est percée latéralement d'un trou, qui 
recevait le clou qui la fixait au manche. Le diamètre de 
l'ouverture dans laquelle le manche s’enfonçait n’a que 
22 millimètres, d’où il suit que celui-ci ne devait guère 
avoir plus que la grosseur d’un doigt. On ne pouvait pas 
donner trop de longueur à un bois aussi frêle, sans courir 
risque de le voir plier ou se rompre à loule résistance un 
peu forte. Je soupçonne en conséquence que celte 
pointe a appartenu à une pique très-courte, qui ser- 
vait à attaquer l'ennemi de près, mais qu’au besoin 
on pouvait aussi lancer de loin en guise de javelot, 


(1) La hache trouvée à Tournai dans le tombeau de Childéric n’y 
avait été mise sans doute que dans une intention religieuse ct non 
parce qu’elle avait servi d'arme à ce prince. 

(2) Voy. Janssen, ouv. cité, p. 10 et suiv. Preusker, Oberlautzische 
Alterthuemer, Y, p.158; P. Wolfart, Historia naturalis Hussiæ inferioris, 
P. I, p.51; Tharsander, Schauplatzs ungereiïmter Meinungen und Erzœæh- 
Zlungen, X, 371. 


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Le. CRE Eee ré 


f | 


( 337 ) 
de même que la framée germanique dont parle Tacile (1). 

L’instrument en bronze qui a été trouvé avec la tête de 
lance, est du genre de ceux qui se rencontrent fréquemment 
en France, en Angleterre, en Irlande, en Hollande, en 
Allemagne, sur toules les côtes de la mer Baltique dans 
la Scandinavie, en un mot, dans tous les pays habités par 
des peuples de race celtique et teulonique ; il s’en est 
trouvé même quelques-uns en Italie, où ils avaient été portés 
sans doute par les Goths, les Hérules, ou par d’autres peu- 
ples du Nord qui envahirent ce pays. J'ignore si l’on en a 
découvert dans d’autres provinces de la Belgique; quant 
aux Flandres, elles en ent fourni plusieurs : outre ceux que 
peuvent renfermer les collections particulières et qui n’ont 
pas été décrits, De Bast (2) en mentionne quatre, dont 
deux déterrés près de Bruges, un à Heusden et un à Waes- 
munster, M. Van den Bogaerde en cite deux provenant 
de cette dernière localité (3), et le cabinet d'antiques de 
l’université de Gand en contient une dixaine, dont presque 
tous cependant sont d’une provenance incertaine, et quel- 
ques-uns, à mon avis, de fabrique moderne. 

Ces instrumens , quoique ressemblant plus ou moins à 
une hache, présentent une assez grande variété de formes, 
que des antiquaires (4) cependant réduisent à trois prin- 
cipales. À l’une de ces formes principales appartient l’in- 
strument de Destelberghe, dont la configuration approche 
beaucoup de celle d’un coin (voy. fig. 4). Il est creux à 


(1) German, cap. 6. 

(2) l'ecueil d’antiq., p. 333, 92, 369. 

(3) Hot distriht St.-Nicolaas, voorheen land van Wuaes. Deel IX ,p .25. 

(4) G. Klerum, Æandbuch der yermanischen Alterthumskunde, p.239 
et suiv. 


Tom. vi. 24 


( 338 ) 


l'intérieur et l'ouverture en est carrée. Deux bourrelets 
règnent autour de la partie supérieure; sur les faces laté- 
rales l’on remarque une nervure provenant de la jonction 
des deux pièces du moule, dans lequel l'instrument a été 
coulé (1); l’une de ces faces est munie d’un anneau ou 
crochet. Le tranchant de forme elliptique a 43 millimètres 
de largeur. La longueur totale de la pièce est de 127 mil- 
limètres. 

Un instrument du même genre, trouvé dans une tour- 
bière à Loo-Christi et faisant partie de la collection de l’u- 
niversité de Gand, offre un exemple d’une autre de ces 
formes principales (voy. fig. 5). Il n’est point creux inté- 
rieurement et n’a pas d’anneau latéral. Dans toute la lon- 
gueur du plat des deux côtés, à l'exclusion de l’extrémité 
tranchante, règne une coulisse prise dans la pièce même; les 
bords en sont droits, saillans de trois à cinq millimètres, 
et s’abaissent à mesure qu’ils s’éloignent du centre de la 
tige. Cette double coulisse ne peut avoir été pratiquée que 
pour servir de tenue au manche dans lequel l'instrument 
s’engageait et auquel il était attaché solidement au moyen 
de ligatures. L'instrument a un peu plus de 14 centimè- 
tres de longueur. Son tranchant figure un croissant. 

Les conjectures émises sur l’usage de ces instrumens en 
bronze surpassent encore en nombre celles qui ont rapport 
aux haches en pierre. En effet quel emploi ne leur a-t:on 
pas assigné ? On en a fait des haches ou ciseaux d'armes, 
des instrumens de sacrifice, des serpes sacrées avec les- 


\ 


(1) Il ne parait pas qu’on ait jamais découvert des moules à haches 
dans notre pays, tandis que plusieurs ont été exhumés én Angleterre, 
en France et en Allemagne. Voy De Caumont, ouv. cité, p. 233 et suiv. 
Klemm, ouvr, cité, p. 151. 


( 339 ) 


quelles les druides cueillaient le gui du chêne (1), des 
outils à polir les pierres, des outils de menuiserie, des 
couteaux de tanneurs, des pioches, des dents de herse, etc. 
Au milieu de cette diversité d'opinions, quelques anti- 
quaires (2) ont jugé plus sage de ne pas s’en tenir exclusi- 
vement à un usage, mais ont pensé que ces instrumens, 
selon les circonstances, avaient pu servir de moyens d’at- 
taque et de défense ou être employés comme outils à divers 
usages domestiques. Toutefois il n’est pas invraisemblable 
que la guerre aït été leur destination principale: dans ce 
càs, nous devons nous demander quelle espèce d'armes ils 
constituaient. D'abord il convient d’écarter toute idée d’une 
origine romaine, ne fût-ce que par la raison qu’en France, 
par exemple , on les trouve principalement dans les loca- 
lités riches en monumens celtiques et que, si on les ren- 
contre quelquefois avec des antiquités de l’époque Gallo- 
romaine, cela provient seulement de ce que l’on s’en 
servait encorë alors, où de ce qu'ils avaient été déposés 
antérieurement dans les mêmes lieux. Ainsi Emele (3) a 
eu tort, d’y voir des iristrumens qui armaient l'espèce de 
traits, nommés mälleoli, que lés Romains lançaient sur 


(1) C’est le sentiment qu’a avancé De Bast dans ses Antiquités, etc. 
p. 370. Un savant antiquaire allemand, M. le Dr Emele, en a fait voir 
le peu de fondement dans son ouv. cité ci-après, p. 62. 

(2) De Caumont, p. 231. — Un savant anglais , J. Banks, a essayé de 
montrer, au moyen de figures tracées d’après ses conjectures, la manière 
dont on emmanchait ces instrumens, selon qu'ils devaient servir de 
ciseaux, de houes et de haches, Voy. Archæologia or miscellaneous tracts 
relating to antiquity published by the society of antiquartans, of Londor, 
vol. XIX. 

(8)Beschreibung rômischer und deutscher Alterthuemer. Mainz 1833 , 
p. 63, 


( 340 ) 
les ouvrages des ennemis pour les détruire et les incen- 
dier. Le seul texte ancien que l'on puisse appliquer avec 
quelque vraisemblance à nos instrumens, est un passage 
de Sidonius Apollinaris (1) qui, en parlant des gens de 
la suite d’un prince gotb, frank ou bourguignon, nommé 
Sigismer , mentionne les haches , propres à être dardées 
dont ils étaient armés. Schaum (2) qui a signalé ce passage 
à l'attention des antiquaires, pense que celles des haches 
en bronze qui sont munies d'un anneau, après avoir été 
lancées contre l'ennemi, étaient retirées au moyen d’une 
courroie, attachée à l'anneau et au bras du guerrier. Je 
remarquerai à l’appui de cette hypothèse, qu’à la hache de 
Destelberghe, la partie de l'anneau, la plus rapprochée du 
creux qui recevait le manche, est usée et amincie; ce 
qui semble provenir du frottement d’un corps étranger, 
qui y a été attaché. Un autre antiquaire allemand (3) à 
prétendu, tout récemment encore, que ces instrumens 
énigmatiques n'étaient rien autre que la framée ou l'arme 
nationale des Germains , décrite dans ces lignes de Tacite : 
Hastas , vel ipsorum vocabulo rrAMEAS, gerunt, anqusto 
et brevi ferro, sed ita acri et ad usum habili, ut eodem 
telo, prout ratio poscit, vel cominus vel eminus pugnent. 
Les épithètes de courte et d'étroite, que l'historien donne 
à la tête de la framée , conviennent bien sans doute à notre 
instrument. Mais j'observerai que, si M. Klemm entend 


(1) Lib. IV, ép. 20. « Lanceis uncatis securibusque missilibus dextræ 
refertæ » 

(2) Die fürsttiche Alterthuemer Sammlung zu Braunfels, p. 55. 

(3) Klemm, ouv. cité, p.241 Du reste cette opinion, comme l’in- 
dique l’auteur avait déjà été soutenue il y a plus d’un siècle par Rhode, 
Cimbrisch-Holsteinische Antiquitæten-Remarques ; Hamburg 1720. 4. 


( 341 ) 

que celte têle élait en bronze, il se trompe, comme il 
résulte évidemment des mots qui précédent dans le texte : 
Ne [errum quidem superest, sicut ex genere telorum 
colligitur. Si, au contraire, il pense que le fer de la 
framée du temps de Tacite avait la forme de nos bronzes, 
il est également dans l'erreur; car l'écrivain romain re- 
marque que c'est pour économiser le métal que les Ger- 
mains donnaient si peu de longueur et de largeur au fer 
de leur framée. Or, l'économie n’eût pas existé si ce fer eût 
élé modelé sur les haches de bronze, lesquelles contiennent 
de la matière pour deux pointes de lances ordinaires. Ajou- 
Lez à cela que jusqu'ici il n’a pas été trouvé d’instrumens 
de cette espèce en fer, et qu'on n'en voit pas figurer sur 
les monumens, représentant des armes germaniques, bien 
qu'il soit probable que la framée y frappe nos yeux, sans 
que nous la reconnaissions. 

Il resterait maintenant à chercher la cause qui a ras- 
semblé dans ce bas-fonds les divers objets qu'on y a 
trouvés, à savoir : des instrumens en pierre el en bronze, 
des ossemens d'homme et d'animaux, ainsi que plusieurs 
troncs de chênes. Je n’ai pas besoin d’avertir qu’une ques- 
tion aussi obscure et qui offre en elle-même si peu d’élé- 
mens de solution, ne peut être résolue que par des con- 


-Jectures. Celle qui me paraîtrait, la plus vraisemblable, 


serait de regarder cet emplacement comme un des bois 
sacrés , qui servaient de temples aux divinités des Celtes et 
des Germains (1). On sait que ces peuples sacrifiaient à 
leurs dieux non-seulement des animaux sauvages et do- 
mesliques, mais encore des victimes humaines (2). 
| 

(1) Lucan, Pharsal. II, 399. Tacit. German, cap. 9, et d’autres 
auteurs cités par Ruperti dans sa note sur ce passage, p. 57. 

(2) Voy Schayes, Los Pays-Bas avant et durant la domination 
romaine, À, X, p. 126; Klemm, ouv cité, p 378 et p 342 


Littérature ancienne. — Sur un passage de Césur con- 
cernant l'ancienne Belgique (note déposée par M. 


Marchal.) 


« Au 5%e livre, chap. 39 des Commentaires attribués 
à Jules-César, il est fait mention de cinq peuples soumis 
aux Nerviens et qui furent appelés à fournir des troupes 
pour aider Ambiorix à surpendre et à exterminer le camp 
de Cicéron. 

» Le texte porte ces mots: Z{aque confestim dimissis 
nuntiis ad Centrones, Grudios, Levacos, Pleumosios , 
Gordunos qui sub eorum (Nernviorum) imperio sunt. 

» Les noms de ces cinq peuples ne paraissent que cette 
seule fois dans César et dans les autres écrits primitifs de 
l'antiquité helléno-latine , à l'exception des Centrones qui 
sont cités comme faisant partie de la Gaule celtique dans 
Strabon , César , Pline, etc., et non de la Belgique. 

» Le MS. n° 10168 de la Bibliothèque royale des ducs de 
Bourgogne, lequel est une traduction française et littérale 
de ces mêmes Commentaires, datée de l’an 1293, transcrite 
à Rome, ne fait aucune mention de ces cinq peuples ; les 
autres traductions françaises du même ouvrage, en ladite, 
bibliothèque et du XII° au XV° siécle, n’en font également 
aucune mention. On doit regretter que cette riche biblio- 
thèque n’ait point de César complet en langue latine. 

» Le manuscrit des annales franques et tréviriennes, 
n° 9178, elc., compilation des écrivains anciens etqui fut 
transcrit en Brabant au XIII siècle, n'indique point ces 
cinq peuples. 

» L'histoire générale d'Orose (adversus Paganos), tant 


Tr ee 


( 343 ) 
les MS. du XII: siécle de ladite bibliothèque , que l'édition 
imprimée en 1738, etc., qui est une copic de César en ce 
qui concerne ce passage de la guerre des Gaules, ometlent 
les noms de ces peuples. 

» Les annales de Hainaut par Jacques de Guyse (aussi MSS. 
et imprimés )qui sont un recueil de tout ce que le rédacteur 
a pu trouver concernant nos antiquités belgiques, ne cite 
point ces peuples dans son récit très-détaillé et commenté 
de l'expédition d’Ambiorix. 

» On doit ajouter qu’au tome [°, p. 247, E, de la collec- 
tion de Dom Bouquet, il y a celte note: Ææœc ignobilia 
nomina apud nullum aliorum scriptorum reperiuntur, 
unde credendum est, ut observat Cellarius , hos popu- 
los vel in aliud nomen transiisse, vel qenerali Ner- 
viorum appellatione comprehensos fuisse ab aliis. 

» D'après ces remarques et beaucoup d’autres, on peut 
présumer : 

1° Que les noms de ces cinq peuples inscrits aux édilions 
latines imprimées de César, omis dans leurs traductions 
françaises manuscrites de la bibliothèque de Bourgogne et 
dans d’autres ouvrages antérieurs au XV° siécle, paraissent 
être une intercallation, à l’exception peut-être des Centro- 
niens dont le nom serait mal transcrit. D'ailleurs dans le 
texte lalin , l'absence de la conjonction ef ou que, pour lier 
les deux derniers noms(?/eumosios er Gordunos), semble 
corroborer cette conjecture ; 

2° Qu'il est possible que cette intercallation , si elle est 
réelle, ait été faite par des savans du XV® siècle, qui au- 
raient fait entrer dans le texle ces cinq noms placés en 
gloses superlinéaires ou marginales, comme on le voit sou- 
vent dans les manuscrits les plus anciens , qui en sont sur- 
chargés par des écritures plus modernes ; 


( 344 ) 

3° Que les éditeurs des textes imprimés depuis le XVE< 
siècle jusqu’à nos jours, croyant augmenter et améliorer 
ledit texte en y laissant les interpolations, n’ont pas voulu 
les élaguer; 

4° Que si, par un grand nombre de mémoires académi- 
ques et par d’autres dissertations, on a souvent prouvé 
qu'il fallait éliminer des intercallalions de celte nature, 
plus fréquentes dans les livres grecs que dans les livres 
latins, la chose est à examiner pour le Pas de César 
dont il est ici question. 

» En résumé on doit désirer que les manuscrits latins, 
antérieurs au XIL siècle, des Commentaires de César , qui 
sont dans les bibliothèques étrangères, soient consultés 
pour s'assurer si les noms des cinq peuples existent ou 
n'existent point dans le texte primitif, mais il ne faut pas 
s'en rapporter aux seuls manuscrits du XIV° et du XV° siècle, 
car ce ne sont que des copies de textes plus anciens, alté- 
rées souvent par des erreurs qui ont donné lieu à des dis- 
cussions semblables à celle qui se présente par cette note. 

» Gette vérification est d'autant plus importante pour 
la Belgique, qu’on cherche en ce moment à constater l'état 
réel de nos antiquités nationales. » 

Après ces observations et une discussion à laquelle elles 
donnent lieu, M. Marchal informe l’académie qu'il se pro- 
pose de demander des renseignemens sur cet objet, aux 
bibliothèques qui auraient des manuscrits de César ne 
rieurs au XI siècle. » 


Nécrologie. — L'académie reçoit ensuite communica- 
tion du discours prononcé le 29 mai dernier, par M. De 
Reiffenberg , sur le cercueil de M. Bekker, dont la mort a 
été annoncée au commencement de la séance. 


bé) 


( 345 ) 


« Encore quelques instans , et un peu de terre nous sépa- 
rera pour toujours de ce que Bekker avait de mortel; 
encore quelques inslans , et ce ne sera plus que par le sou- 
venir qu'il nous sera permis de converser avec lui. 

Tout à l'heure une voix exercée a rendu hommage à l’é- 
rudit profond , au professeur zélé, au fonctionnaire con- 
sciencieux. Mais si l’homme public à mérité vos applaudis- 
semens, l’homme privé, j'ose le dire, n’était pas moins 
digne de votre estime. 

Pour vous le montrer sous ce point de vue, je voudrais 
trouver quelques-unes des expressions pittoresques , quel- 
ques-uns des traits pleins de vivacité qu’il rencontrait sans 
effort; mais je n'ai que des regrets et des larmes. Qu’im- 
porte? Dans une circonstance si douloureuse vous pardon- 
nerez à un ami de vingt ans le désordre et le défaut 
d'élégance de ses paroles. D'ailleurs la rhétorique n’est-elle 
pas bien futile en présence d’un cercueil? 

La plupart d’entre vous, Messieurs, n’ont pas eu le temps 
de connaître Bekker dans l'intimité de la vie domestique. 
Vous lisiez ses ouvrages, vous étiez frappés des merveilleux 
résultats de son enseignement , sans pouvoir néanmoins 
apprécier toutes les qualités de son àme. 

Bekker qui avait tant à gagner à la publicité , éprouvait 
le besoin de vivre loin du monde. La foule le déconcertait 
et seulement dans un petit cercle d'amis son mérite dépo- 
sait celte timidité que j'appellerais volontiers la pudeur 
du talent et qui empêchail trop souvent de deviner toute 
sa supériorité. Libre alors et sûr de lui-même, il se laissait 
aller à l'originalité de son esprit. Ce philologue accoutumé 
à des travaux si sérieux, élait plein d’enjouement et de 
grâce ; la sérénité de son âme passait dans ses discours 
qu'animait une malice innocente, Caree qui distinguait sur- 


( 346 ) 

tout Bekker, c'était une bienveillance inépuisable. Incapa- 
ble de caresser le vice, il comprenait la vie telle qu’elle est 
faite, avec ses imperfections, ses inévitables fragilités; et sé- 
vère seulement pour lui-même, il ne se permettait jamais 
sur personne de discours amers , de jugemens rigoureux. 
Fidèle à ce caractère, étranger aux petites rivalités qui 
divisent trop souvent les hommes adonnés aux mêmes tra- 
vaux , il envisageait comme une famille le corps auquel 
il élait fier d’appartenir et jouissait des succés d'autrui avec 
la même chaleur qu’on met quelquefois à les traverser. 

Mais le bonheur des individus ne lui était pas seul né- 
cessaire. Quoique étranger aux discussions politiques, tout 
ce qui touchait à la prospérité du pays qu'il habitait, éveil- 
lait sa sympathie; si le sentiment élevé des intérêts d’une 
nation, si une délicate susceptibilité dans les questions 
d'honneur et d'indépendance peuvent donner le droit de 
cité , certes, Bekker était un des Belges les plus dignes 
d'éloges par leur patriotisme. 

Simple dans ses goûts, aimant l’économie parce qu’elle 
lui permettait d'être généreux, ses livres et ses bonnes ac- 
tions, voilà tout son luxe. Que de misères il a mystérieuse- 
ment consolées! que de jeunes capacités il a rappelées dans 
la carrière d’où les répoussaient le besoin et le découra- 
gement! car si Bekker s’est placé à un rang élevé par ses 
écrits , ses élèves sont peut-être encore ses meilleurs ou- 
vrages. 

Une vie si pleine, si utile, semblait devoir se prolonger : 
le ciel en à autrement décidé. 

Depuis un certain temps Bekker, blessé dans ses af- 
feclions les plus chères, ne trainait plus qu'une santé 
chancelante. Il y a quelques mois, avant de perdre la vie, 
il avait été privé de la vue, ce premier des biens pour 


( 347 ) 
l'homme studieux. Mais philosophe pratique et sans vaine 
forfanterie, il supportait courageusement ce malheur qui, 
disait-:il agréablement, le rapprochait un peu du grand 
poète qu'iladmirait et dont une de ses publications a rendu 
l'intelligence si nette et si facile. 

Bekker a été emporté par une affection du cerveau et 
du cœur. Ainsi la mort est venu le frapper dans les or- 
ganes où se manifestaient ses deux qualités essentielles , 
l’entendement et la sensibilité. Toutes deux ont brillé d'un 
nouvel éclat à l’heure suprême. Bekker s’est éteint comme 
uu sage , et ce professeur dont tous les inslans ont été con- 
sacrés à la jeunesse, lui a donné encore, en mourant, 
une religieuse et sublime leçon qui ne sera pas perdue 
pour nous-mêmes. 

Adieu , Bekker, adieu, noble et excellent ami ; je ne me 
consolerais jamais de ta perte, si je n'étais convaincu ainsi 
que toi, que tout ne meurt pas avec nous et que nous 
nous retrouverons dans un monde meilleur. » 

— M. le baron de Reiffenberg a aussi donné communica- 
tion de recherches sur les chansons de geste et sur le roman 
de Godefroid de Bouillon, qui seront insérées dans le pro- 
chain bulletin. 


M. le directeur, en levant la séance a fixé l'époque de la 
prochaine réunion au samedi 5 août. 


OUVRAGES PRÉSENTES. 


Académie des sciences : comptes-rendus hehdoma- 
daires, tome 1 (août-décembre 1835); tome 2 (janvicr- 
juin 1836); tome 3 (juillet-décembre 1836), numéros 
1 à 22, 1837. Paris, 3 vol. et 22 broch.in-#°. 


(348) 


Royal society of London : Philosophical transactions , 
1836, part. 2, 1 vol. in-4°. — Fellows of the society, 30 nov. 
1836, broch. in-4°. — Proceedings, n°° 26 et 27, 1836, 
2 broch. in-8. — Address delivered at the anniversary 
meeting, on nov. 30, 1836, by the president, broch, in-4°. 
London, 1836. 

Royal irish academy : transactions, vol. 17, part 3, 
1 vol. in-4°. — Proceedings, n° 1, 2, 1836-1837, 2 feuilles 
in-8°, Dublin, 1837. 

Cambridge philosophical society : transactions, vol. 6, 
part 1, 1 vol. in-4°., — 4 catalogue of the collection of 
british quadrupeds and birds in the museum of the 
Camb. phil. soc. 1 vol. in-12. Cambridge, 1836. 

Researches on the tides, by W. Whewell. Sixth series. 
London, 1836, 1 vol. in-4e. 

Newton and Flamsteed, by W. Whewell. Cambridge, 
1836. Seconde édition, 1 vol. in-8°. 

Supplement to the account of the rev. J. Flamsteed , 
by F. Baily. London, 1837, 1 vol. in-4°, 

History of the inductive sciences, by the rev. W. Whe- 
well, 3 vol. in-8°, London, 1837. 

Observations on some of the strata between the chalk 
and Oxford oolite, in the south-east of England, by 
W.H. Fitton. London, 1836, 1 vol. in-4°. 

Descriptive cataloque of a cabinet of roman imperial 
large-brass medals, by Captain W. À. Smyth. Bedford, 
1834, 1 vol. in-4°. 

Memorie ‘della reale accademia delle scienze di To- 
rino. Tomo 39. Torino, 1836, 1 vol. in-4°. 

Société française pour la conservation des monu- 
mens. Séances générales tenues en 1836. Caen, 1837, 
{ vol. in-&, 


( 349 ) 

Annuaîre des cinq départemens de l’ancienne Nor- 
mandie, publié par l'association normande, 1837, 3° année. 
Caen, 1836, 1 vol. in-&e. 

Messager des sciences et des arts de la Belgique, 
année 1837, 1° livraison. Gand, 1 vol. in-8. 

Statistique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, 
par Alex. Moreau de Jonnèés. Paris, 1837, 1 vol in-&. 

Journal de la société de la morale chrétienne. Tome 2, 
n° 5, 6. Paris, mai 1837, 2 broch. in-8°. 

Rapport sur les travaux et les titres scientifiques de 
M. Duponchel, par MM. Virlet et Macartan. 174 feuille; id. 
de M. Bélanger de Valenciennes, par M. Virlet, 274 
feuille. Avesnes, 1837, in-8°. 

Commission royale d'histoire. Extrait du procès-verbal 
du 7 mai 1837, 8° bulletin. Bruxelles, chez Hayez, 1837, 
broch. in-8. 

Mémoires sus les clostéries, par M. Ch. Morren. Paris, 
1836, broch. in-8°. 

Salon jubilaire de 1834. Rapport fait par M. Corin, 
broch. in-8°, Gand, chez Vanderhaeghen-Hulin. 

Grand salon inaugural du Casino. Discours de 
MM. Van Crombrugghe et Cornelissen, broch. in-&, 
Gand, chez Vanderhaeghen-Hulin. 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 6. 


wWéance du 5 août. 


M. Cornelissen occupe le fauteuil. 
M. Quetelet secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


L'académie reçoit, par l'intermédiaire de M. le ministre 

“ de l'intérieur, la collection complète des mémoires de 

l'académie rovale d'Irlande, composée de 18 volumesin-4°; 

elle reçoit également les cinq derniers volumes de l’aca- : 

démie royale de Manich , et divers autres ouvrages qui se- 
ront mentionnés à la suite du bulletin de la séance. 

Le secrétaire présente, de la part de M. le baron Alex. 
De Humboldt, membre de l'académie, un exemplaire du 
grand ouvrage de M. Guillaume de Humboldt sur la langue 
kawi de Java, et sur l'influence générale du langage sur le 
développement de l'intelligence des peuples. 

Tom. rv. 25 


( 352 ) 

M. le docteur J. Gistl de Munich, écrit à l'académie 
pour lui faire hommage du 1ome 1° de son Systema insec- 
torum (coleoptera), qu'il a dédié à la compagnie. L’aca- 
démie accepte cet hommage et des remercimens seront 
adressés à l'auteur. 

M. Quetelet donnecommunication d’unelettre qu'il vient 
de recevoir de M. James Forbes d'Édimbourg, qui se trouve 
actuellement à Berlin, et qui annonce que M. Encke est 
parvenu à voir, avec sa forte lunelte de Fraunhofer, une 
division dans l’anneau extérieur de Salurne, exactement 
semblable à celle qui se trouve figurée dans le mémoire du 
capitaine Kater, inséré au tome IV des mémoires de la 
sociélé royale astronomique de Londres. Celte division 
avait déjà été remarquée anciennement par Short, et plus 
tard par MM. Kaier et Quetelet (1). Mais, comme son exi- 
slence avait été révoquée en doute, elle méritait confirma- 
tion; l'observation faite par M. Encke sera donc d’un grand . 
poids. Il paraît que les circonstances sont rarement favo- 
rables à l'observation dont il s’agit. 

Le congrès scientifique de France fait parvenir le pro- 
gramme arrêté par le comité d'organisation de la 5° session, 
qui s'ouvrira à Melz, le 5 seplembre 1837. 

M. Leroy, pharmacien à Bruxelles, adresse à l’académie 
de nouvelles observations sur le produit provenant de la 
combustion lente de l’éther par le fil de platine incandes- 
cent, ainsi que des remarques sur la notice concernant le 
même produit , insérée par M. Martens dans le bulletin de 
la séance précédente. Il est ensuite donné lecture d’une 


(1) M. le capitaine Kater cite aussi deux de ses amis qui ont observé 
avec lui les divisions de l’anneau de Saturne. 


( 353 ) 
lettre de M. Van Mons, sur la marche à suivre pour l'ana- 
lyse des composés dans lesquels entre l’aldéhyde. 


COMMUNICATIONS. 


Antiquités nationales. — M. le ministre de l’intérieur 
communique à l'académie une letire de M. Joly, avocat à 
Renaix, concernant plusieurs vestiges de constructions an- 
ciennes, ainsi que des objets antiques qui ont été trouvés 
depuis quelque temps dans les environs de cette ville. A 
cette lettre est joint le procès-verbal des fouilles faites par 
M. Joly dans le mois d'août 1836, avec le plan du terrain 
et les dessins des objets les plus curieux qui ont été décou- 
verts. Commissaires MM. le chanoine De Smet, Willems et 
Cornelissen. 


Littérature ancienne. — Une discussion s'élève au sujet 
de la note Sur un passage de César concernant l’ancienne 
Belgique, insérée par M. Marchal dans le précédant bulle- 
tin de l'académie. M. Cornelissen s'attache particulièrement 
à établir combien est peu fondée la conjecture de M. Mar- 
chal sur l'authenticité du passage cité des Commentaires de 
César. M. Roulez, correspondant de l'académie, lui adresse 
sur le même sujet les remarques suivantes : 

« Voulant satisfaire , autant qu’il était en moi, au désir 
de renseignemens exprimé dans Ja dernière séance de l’a- 
cadémie, à l’occasion des doutes soulevés sur l'authenticité 
d'un passage des Commentaires de César, j'ai consulté un 
manuscrif du Lexte de cet auteur, dont M. Serrure, mon 
collègue à l’université de Gand, est aujourd’hui possesseur, 
et qui à appartenu autrefois à Livinæus. Ce manuscrit re- 
monte au commencement du XIE: siècle, et par conséquent 


( 354 ) 

est antérieur aux traductions françaises qui ont donné 
naissance aux premiers soupçons d’interpolation. Les noms 
des cinq peuples cliens des Nerviens s’y lisent, comme dans 
tous les texles imprimés; je crois même utile de transcrire 
ici ce passage, à cause des variantes qu'il offre dans la ma- 
nière d'écrire deux de cesnoms: Ztaque confestim dimissis 
nuntiis ad Centrones , Grudios, Levacos Pieumoxrmos, 
Gerunos, qui omnes sub eorum imperio sunt. Au reste, 
je ferai observer que le texte des éditions a été constitué 
d'après des manuscrits plus anciens encore. Les deux MSS. 
de la bibliothèque royale de Paris, par exemple, collationnés 
par M. Lemaire , un des derniers éditeurs de César, sont du 
commencement du X° siècle, et comme ce passage y est re- 
produit sans indicalion de lacune dans les MS, on peut 
conclure avec loute assurance qu'il n’en existe réellement 
pas. 

» Au même chap. XXXIX du liv. V, et quelques lignes 
plus bas que le passage suspect, César, après avoir nommé 
les Nerviens, les Atuatiques et les Éburons, ajoute: Æ0- 
rum omnium clientes sociique , etc. Le mot de clientes 
ne saurait se rapporter qu'aux cliens des Nerviens cités 
plus haut, c’est-à-dire aux peuples que l’on voudrait éli- 
miner, puisque nous ignorons et qu'il est incertain si les 
Éburons et les Atuatiques ont exercé un protectorat sur 
d’autres peuples, dont il faudrait supposer d’ailleurs que 
les noms nous sont demeurés inconnus. Il serait donc cu- 
rieux de vérifier si les traductions françaises qui ne con- 
naissent pas les cinq peuples cliens des Nerviens, ont été 
conséquentes avec elles-mêmes, et ont omis ici le mot 
clientes.» 

Il est ensuite fait un rapport sur l'ouvrage manuscrit 
que M. Burggraff, docteur en philosophie et lettres, a 


- 


( 3955 ) 
fait parvenir à l'académie, et qui renferme la traduction 
du commentaire arabe de Mahmoud Zamakschari, fils 
d'Omar, sur le douzième surate de l’Alcoran, intitulé le 
surate de Joseph. Les conclusions de ce rapport, présenté 
par M. Willems et adopté par l’académie, sont que l’ou- 
vrage de M. Burggraff est d’une grande érudition, et qu’il 
est particulièrement remarquable par les notes savantes et 
pleines d'intérêt qui y sont jointes. L'académie, au sujet de 
ce travail, a été d’avis que la littérature orientale, qui non- 
seulement peut influer sur l'avancement des lumiéres en 
Belgique , mais qui pourrait encore favoriser nos relations 
commerciales et diplomatiques , mériterait de fixer l’atten- 
tion du gouvernement, et que M. Burggraff serait, sous tous 
les rapports, digne de ses encouragemens et de son appui. 


LECTURES. 


Optique. — M. Plateau présente à l'académie un mé- 
moire manuscrit de sa composition sur l’irradiation. 

« Le but, dit l’auteur , que je me suis proposé dans ce 
mémoire, est de faire disparaître les incerlitudes qui rè- 
gnent encore aujourd'hui parmi les astronomes et les 
physiciens sur l’existence même de l’irradiation , et d’exa- 
miner d’un peu plus près qu’on ne l’a fait jusqu’à présent 
les causes du phénomène, son influence dans les observa- 
tions astronomiques, et les lois auxquelles il est soumis. 

» L'irradiation est le phénomène en vertu duquel un 
objet lumineux environné d’un espace obscur, paraît plus 
ou moins amplifié. On en cite ordinairement comme exem- 
ple, l'apparence que manifeste la lune lorsque cet astre 
se montre sous la forme d’un croissant et laisse distinguer 


(356) 


én même lemps le reste de son disque, faiblement éclairé 
par la lumière cendrée : le contour extérieur de la partie 
lumineuse semble présenter alors une forte saillie sur celui 
de la partie obscure ; en d’autres termes, le croissant pa- 
raîl faire partie d’un disque très-sensiblement plus grand 
que celui auquel appartient le reste de l’astre. 

» Cet empiétement apparent du bord d’un objet lumi- 
neux sur l’espace obscur qui l'entoure, entraîne une illu- 
sion opposée pour un objet obscur projelé sur un champ 
lumineux. Les dimensions de cet objet paraissent alors 
diminuées : car l'irradiation produite le long de son con- 
tour par le champ lumineux environnant, s'étend en de 
dans de ce contour. 

»ilestinutile d’insister sur l’importancedel'irradialion en 
astronomie. Uneillusion qui tend à accroître les dimensions 
apparentes des objets lumineux projetés sur un fond obscur, 
et à diminuer celles des objets obscurs projelés sur un 
champ lumineux, semble devoir exercer une influence 
plus ou moins prononcée sur toutes les observations qui 
auront pour objet la mesure des diamètres apparens des 
corps célestes , les éclipses, les passages des planètes devant 
le soleil, etc. Aussi le phénomène a-t-il exercé particuliè- 
rement la sagacité des astronomes ; mais ce qu'il ÿ a de 
singulier , c’est que les observations présentent à cet égard 
la plus grande divergence. Les unes semblent indiquer une 
influence notable de l'irradiation, les autres paraissent 
complétement exemptes des erreurs qu’elle entraîne. De 
là aussi une divergence d'opinion parmi les astronomes, 
relativement à l'existence même du phénomène, les uns 
admettant cette existence, les autres la révoquant en doute. 
I est donc important de chercher la vérité au milieu de 
ces incertitudes, et de déterminer les causes qui ont dû les 


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( 357 }) 

faire naître. J'éiablis, je pense, d’une manière incontesia- 
ble, que l’irradiation existe réellement, que c’est l’un des 
phénomènes de vision les plus faciles à constater, et que si, 
dans les observations failes à travers les instrumens astro- 
nomiques , elle a quelquefois cessé de manifester son in- 
fluence, cela tient à des causes dont on peut se rendre 
compte. 

» D'un autre côté, plusieurs théories ont été successive- 
ment proposées pour expliquer la cause de l’irradiation. 
L'une de ces théories, quoique très-ancienne, est encore 
adoptée en général aujourd’hui. Elle consiste à admettre 
que l'impression produite au fond de l'œil par un objet 
lumineux, se propage sur la rétine jusqu’à une petile dis- 
tance tout autour de l'espace directement excité par la 
lumière, de sorte que la sensation totale correspond alors 
à une image un peu plus grande que la véritable. Gette 
théorie si simple a cependant trouvé des adversaires, et 
tout récemment une explicalion différente a été mise en 
avant. J'examine les diverses hypothèses proposées, et je 
tâche d'appuyer de nouvelles preuves, celle dont je viens 
de rappeler le principe. . 

» Enfin le phénomène est régi par des lois remarquables, 
et qui peuvent conduire à des procédés propres à garantir 
les observations de son influence. Outre les lois déjà con- 
nues, l'expérience m’a conduit à en admettre de nouvelles. 
J'examine les unes et les autres sous le point de vue théori- 
que, et j'indique des procédés simples pour les constater. 

» Les résultats principaux de mes recherches peuvent se 
résumer de la manière suivante : 

lo L’irradiation oculaire est sensible à toutes les distances , 
depuis un éloignement quelconque, jusqu'à la plus courte das- 
tance de la vision distincte. 


( 358 ) 


20 L’irradiation oculaire augmente avec la durée de la con- 
templation de l’objet. 

3° Deux irradiations oculaires voisines qui tendent à s’exer- 
cer en sens contraire et à empiéter l'une sur l’autre, se détruisent 
mutuellement et d’une manière d'autant plus complète qu’elles 
sont plus rapprochées. 


4° L’irradiation oculaire varie considérablement d'une per- 


sonne à une autre. 

5° Dans les observations faites à travers les lunettes astrono- 
miques, la partie de l'erreur totale qui provient de l’irradiation 
oculaire dépend du grossissement, de l’éclat de l’image, et de la 
sensibilité plus ou moins grande de l’œil de l’observateur pour 
l’irradiation. 

G° Cette partie de l'erreur totale s’évanouit nécessairement 
dans les observations où l’on emploie un micromètre à double 
image. 

7 La partie de l'erreur totale due aux aberrations de la 
lunette varie nécessairement avec les différens instrumens ; 
mais, pour une même lunette , elle peut être considérée comme 
constante, c’est-à-dire indépendante du grossissement. 

8° L’irradiation dans les lunettes, ou l’erreur totale provenant 
de l'irradiation oculaire et des aberrations de l’instrument , est 
nécessairement variable puisqu'elle dépend d’élémens variables. 

Commissaires MM. Crahay, Dandelin, Pagani, Quetelet 
et Thiry. 


Anatomie et physiologie végétale. — Le secrétaire pré- 
sente de la part de M. Morren, un mémoire manuscrit, 
contenant les recherches de l’auteur sur le mouvement et 
l'anatomie du Stylidium Graminifolium. L'auteur, dans 
ce nouveau travail, s’est attaché à prouver que la fécule, 
celle base si essentielle de la nourriture de l’homme, est 
chez quelques plantes qui montrent un mouvement spon- 
tané, la cause organique de ce singulier phénomène. Gom- 
missaires MM. Dumortier et Wesmael. 


” 


( 359 ) Ÿ 

Entomologie. — Sur une difformité observée chez un 
Lépidoptère, par M. Wesmael. 

QUn individu femelle de la Nymphale du Peuplier, pris 
au mois de juillet dans les environs de Bruxelles, m’a offert 
un cas de difformité fort singulier. Cette nymphale est ar- 
rivée à l’état parfait en conservant sa tête de chenille. Du 
reste, le thorax, les ailes, l'abdomen et les pattes sont com- 
plétement développés, et colorés comme de coutume. Pen- 
dant sa vie, l’insecte tournait cette singulière têle de droite 
et de gauche, et, par momens, agitait avec vivacité les 
pattes de devant, comme pour la repousser et s’en débar- 
rasser. 

» Désirant m’assurer de l’état de l’intérieur de la tête, au- 
tant que cela était possible sans la mettre complétement en 
piéces, j'enlevai un fragment de l’enveloppe extérieure du 
côté gauche. Je trouvai au-dessous une seconde enveloppe, 
beaucoup plus mince que la première, et dont je ne pus 
d’abord apprécier la destination. Je la perçai à son tour, et 
je découvris sous elle l'œil très-bien formé d’un lépidop- 
tère. La surface de la région voisine était couverte de poils 
écailleux, comme elle l’est ordinairement chez cesinsectes. 
Dés lors, il devenait évident pour moi que la seconde en- 
veloppe céphalique était celle de la nymphe, et que la 
diflormité de notre nymphale provenait 1° de ce que, à 
l'époque du passage de l’état de larve à l’état de nymphe, 
elle n'avait pu rejeter la peau de sa tête; 2° de ce que, à 
l'époque du passage de l’état de nymphe à l’état parfait, elle 
était restée coiflée de sa peau de nymphe et de larve tout à 
la fois. L’enveloppe céphalique de la chenille est donc 
restée constamment extérieure. 

» Sous Ja tête de la chenille, et immédiatement au-dessus 
de l'enveloppe de la nymphe , se trouvait à gauche une an- 


( 360 ) 


tenne repliée plusieurs fois sur elle-même, sans renfle- 
ment distinct vers l'extrémité, et enfermée dans une gaîne 
membraneuse très-mince, en grande parlie diaphane et 
striée de brun en travers. Il est probable que l'antenne 
droite est semblablement disposée. Le palpe gauche est re- 
jeté horizontalement en arrière , sans être engagé sous les 
enveloppes de la tête , de sorte qu’il a pu atteindre à peu 
prés la forme et les dimensions ordinaires. Le palpe droit 
semble avoir été cassé, car on voit distinctement la place 
de son inserlion. L 

«D'après ce qui précède, l’absence de la faculté de voir 
était évidente chez notre nymphale: 1° elle ne pouvait voir 
comme voyait la larve, puisque, depuis long-temps, l'en- 
veloppe de la nymphe s'était interposée entre le cerveau 
et la peau de la larve, et avait ainsi causé l’oblitération des 
filets nerveux qui se rendaient primitivement aux ocelles ; 
2° notre nymphale ne pouvait voir avec ses yeux à faceltes, 
puisqu'ils étaient recouverts par la peau de la nymphe et 
de la larve tout à la fois. 

» Ce cas de difformité , tel que je viens de le décrire, me 
semble prouver : 

» 1° Que, chez les Entomozoaires sujets à des mues, 
l'exuviation peut avoir lieu partiellement , sans que le dé- 
veloppement des portions du corps exuviées paraisse souf- 
frir du défaut d’exuviation d’une autre portion, quelque 
importante que soit d’ailleurs celle-ci à raison de ses fonc- 
tions. Cette indépendance mutuelle des diverses portions 
du corps, plus grande chez les Entomozoaires que chez 
beaucoup d’autres animaux , n’est d’ailleurs qu’une consé- 
quence toute naturelle de leur segmentation. 

«2° Que la portion du corps accidentellement inexuviée, 
v’en continue pas moins à parcourir avec le reste de l’ani- 


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: 


( 361 ) 
mal, les diverses phases de développement qui doivent 
amener celui-ci à l'état parfait. 

« Des observateurs célèbres, parmi lesquels je citerai 
Bonnet et Swammerdam, ont cru à la coexistence originaire 
et simultanée des diverses peaux dont les larves exuviables 
se montrent successivement revêtues. Je ne pense pas que 
l’état accidentel de la tête de notre nymphale puisse four- 
nir le moindre argument en faveur de ce système d’emboi- 
temens. I! me semble d’ailleurs trop bien prouvé aujour- 
d’'hui que chaque nouvelle peau se forme peu de temps 
seulement avant la chute de l’ancienne. » 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


Fig. 1. La Nympbhale du peuplier (femelle). 


Fig. 2. Sa tête vue par devant (grossie trois fois). 


Ornithologie. — M. Dumortier communique les remar- 


ques suivantes sur un oiseau dont l'apparition est très- 
rare dans nos climats. 


« Les bulletins de l'académie étant destinés à enregistrer 
tous les faits curieux d'histoire naturelle, je crois devoir 


( 362 ) 
signaler à la société un fait qui intéressera vivement les 
ornithologistes. v , 

« Dans le cours du mois dernier M. Wacrenier, proprié- 
taire à Auvaing près de Tournay, a eu l’obligeance de me faire 
parvenir un superbe individu du merle roselin (Æcridote- 
res roseus, Pastor roseus , Ranz. Temk.) qu'il venait de ti- 
rer le jour même. L’autopsie m'a fait voir qu’il était mâle et 
adulte. La présence dans notre pays d’un oiseau qui habite 
les contrées chaudes de l'Asie et de l'Afrique est une vérita- 
ble rareté. Ce n’est en effet qu’accidentellement qu’on l'ob- 
serve dans les parties chaudes de l’Europe, car M. Teminck, 
dont les connaissances en ornithologie sont d’un grand 
poids, après avoir annoncé dans son Manuel qu'il est de 
passage régulier dans les provinces méridionales , avoue 
dans son supplément qu’il n’y est qu’accidentel. En 1818, il 
a été commun en Toscane; en 1832, notre collègue M. Can- 
traine en a vu beaucoup en Dalmatie, enfin M. Gould fait 
mention d’un sujet adulte tiré près de Windsor. L’indi- 
vidu tiré à Tournay paraît être le 1° observé en Belgique. 

» On a dit que ce oiseau se nourrit de sauterelles ; cela est 
possible dans les climats chauds , mais ce qui est certain, 
c’est que l'individu qui fait l’objet de cette communication, 
était occupé à dévaster un cerisier lorsqu'il fut tué. 

» Le merle roselin tiré à Tournay , a été empaillé par les 
soins de M. Wicard, naturaliste préparateur distingué, et 
il repose dans les galeries du muséum de cette ville. » 


Littérature des trouveères. Chansons de geste.—Roman 
de Godefroid de Bouillon.—Notice par M. De REIFFENBERG. 


« Gertes ce serait un spectacle bien intéressant que celui 
qui nôus ferait assister à la formation successive des idées 


Be. 


7 
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2 


” 


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( 363 ) 


du génie. Cette genèse psychologique répandrait un jour 
inattendu sur les procédés de l'intelligence ; elle serait un 
document précieux et pour l'histoire et pour l'éducation 
future de l'espèce humaine. Toutefois la plupart de ceux 
qui se livrent à ces intéressantes recherches, sont plutôt 
poussés par le désir puéril d'enlever à un grand homme le 
mérite de l'originalité, que par la noble curisité de décou- 
vrir les lois de l’entendement. D'autres veulent prouver 
qu’ils savent ce qu’ordinairement les plus instruits igno- 
rent : tous raisonnent comme si la pensée était soumise à 
un mécanisme constamment régulier, à une déduction im- 
muablement logique, comme si les hautes conceptions 
formaient , depuis le commencement du monde jusqu’au- 
jourd’hui , une chaîne dont il n’est jamais permis de rom- 
pre un seul anneau, de sorte qu’une idée est infailliblement 
suscitée par celle qui la précède et suscitera de toute néces- 
silé celle qui la suit. Mais le génie ne fonctionne point 
comme unc machine à vapeur ou comme les autres mer- 
veilleuses mais matérielles créations de l’industrie, et si la 
génération spontanée existe quelque part, c’est dans ses 
œuvres qu’on est souvent obligé de la reconnaitre. 

Soutenir, par exemple, que sans les fabliaux où les trou- 
badours et les trouvères faisaient de l’enfer un vaste enton- 
noir au fond duquel le démon ouvrait sa gueule insatia- 
ble, Dante n'aurait jamais composé son terrible poème, 
est-ce prouver une étude sérieuse de l’homme? Autant 
vaudrait dire que la Jérusalem délivrée n'aurait point paru 
sans le roman de Godefroid, et que le Tasse devait avoir 
pour précurseurs inévitables Jean Renault et Gandor de 
Douai. 

Cependant je suis persuadé qu’un jour ou l'autre on le 
dira: quelque littérateur ami du paradoxe, quelque jour- 


( 364 ) 
naliste désireux de faire montre de sagacité ne manquera : 
pas de s'emparer de cette thèse bizarre. Qu'on ne s'étonne 
point de me voir protester d'avance contre une pareille as- 
serlion. 

Quoi qu'il en soit , si le roman de Godefroid n’a point 
inspiré la Jérusalem , il ne serait pas sans intérêt de com- 
parer deux productions si différentes ; il y a plus : la pre- 
mière mérite d’être examinée pour elle-même, puisqu'elle 
se raitache à nos anciennes traditions, à nos anciens my- 
thes nationaux et qu’elle est un des essais les plus célèbres 
de la littérature du moyen âge. 

J'ai fait connaître ailleurs le roman dont j'ai donné des 
extraits assez étendus, et la saga du chevalier au cygne, 
qui lui sert de base, m’a suggéré une discussion particu- 
lière, M. Mone a parcillement offert au public des frag- 
mens de cet ouvrage. Ainsi que lui, je me suis servi du 
manuscrit de Bruxelles, jadis la propriété de ce Charles de 
Croy, comte de Chimai, qui partageait pour les livres le 
goût magnifique de Louis de la Gruthuse:Quoique du XV: 
siècle, notre copie est fort précieuse par ce que les exem- 
plaires de cette chanson de geste sont rares, ensuite parce 
qu’elle n’est pas le texte cité par M. Francisque Michel dans 
ses notes surla Chanson de Roland et sur le forgeron Véland, 
personnage curieux de la mythologie scandinave. Le mer- 
veilleux y est moins prodigué que dans la version dont 
M. Francisque Michel a fait usage; à mon avis, c’est là un 
signe d’antiquité et presque un certificat d'origine. Les 
premières fables austrasiennes ont, en effet, un caractère 
plus sévère et plus historique que celles de la Neustrie et 
de la Bretagne. 

J'en vais melire sous les yeux de l'académie un passage 
avec lequel la Jérusalem délivrée présente quelques traits 


( 365 ) 
de ressemblance ; mais, avant de le transcrire, je remarque- 
rai que le Tasse et l’Arioste ont si savamment parlé de notre 
pays qu'ils paraissent l'avoir parcouru eux-mêmes, comme 
l'avait fait précédemment Pétrarque. Seulement leurs pein- 
tures ont plus de vivacité que la relation de l'amant de Laure 
qui se contente de mentionner en quelques mots nos riches 
manufactures de laine et de se plaindre qu'étant venu à 
Liége, in tam bona civitate barbarica , dans cette bonne 
ville barbare, il y trouve à grande peine un peu d'encre, 
encore élail-elle détestable. 
J'en viens maintenant au roman de Godefroid. 


For, 858 verso, Seigneur, or escoutés glorieuse canchon 
Des miracles de Dieu qui souffry passion ; 
Que Dieux fist pour sauver Godefroid de Buillon, 
Witasse et Bauduin et Dam Rambaut Creton, 
Bauduin de Biauvais et Ricart de Caumon, 
Le duc de Normandie, Bauduin Cauderon, 
Le ber Hue le mainé, frère au roy Phelippon, 
Et le riche barnage de France le royon, 
Qui, pour l’amour de Dieu et de son digne non, 
Avoient passet mer à nef et à dromon, 
Pour venir conquester le temple Salemon. 
Or les avoit ly soudans (1) mis en cette parçcon 
Que tout y fussent mort à grant destruction, 
Quant saint Jorges i vint o luy sy compaignon. 
Pardeviers Orient venoient habandon 
De paradis lassus , à biele establison, 
Sains Meurisses y fu, pour voir le vous dist-on, 
Et sains Martins oussy en sa propre façon; 
Et furent oussy blanc que laine ne coton, 
À une rouge croix que de geules dist-on ; 
Deux en avoit cascuns en la soie parçon, 
Derrière et puis devant et furent bien par non 


(1) Une syllabe de trop ; effacer /y. 


( 366 ) 


XV mil des sains cieux qui ont sauvacion, 
Que Dicux y envoia en icelle saison. 
Et sytos que ly soudans (1) en coisy le coron, 
Le kaliffe appiella qui tient le lieu Mahon. 

F — « Ahy, sire, vecy, notre confusion, 
Vés ychy Lucifer, Belgibus et Noiron, 
Pylate et Cayphus et Kaïn et Ebron, 
Qui sont venu d’infier, celle male prison. 
Ce sont cil qui jadis fisent le mesprison 
Pardevant Andioche , qui fu à Garscion. 


« Kaliffes, monseigneur, dist ly sondans , entendés (2) 
Vées-vous ces gens blans qui vienent à tous lés ; 
Belgibus vient devant et Lucifier delés. 

Roi Corbarans, dist-il (3), en fut desconfis et matés. 
Mors est Cornumarans, ly preux et ly denés : 
Metons-nous à garant , car jà bien tos verrés 

Nostre peuple morir, tous est débaretés. » 


Le retraire sonna, sy reva àses trés 

Atant evous les sains venus tous abriévés, 

Il ont Turs et payens ocis et décopés. 

Quant Godefroid les vit sy fu reconfortés. 

Xl a dit as barons : « à genous vous giettés, 

Et s’aourez Jhésus, bien doit iestre loés, 

Vecy ses messaigiers qu’il nous a amonstrés, 
Vecy ung boïin secours que cy véoir poés, 

Qui de Dieu des sains cieux nous est amenistrés. 


On sait que l'opinion s'était répandue parmi quelques 
mahométans que des querriers tout blancs combattaient 
pour les chrétiens. Robert le moine raconte qu’un sarrasin 
qu'il appelle Phiroüs, ayant demandé à Bohémond ce que 
c'était que ces défenseurs inconnus, celui-ci , par une inspi- 


(1) L'article {y et superflu. 
(2) Id. 
(3) Surcharge inutile qui nuit à la mesure. 


( 367 ) 
ration d’en haut, profita de la crédulité de l'infidéle et re- 
pondit que c'étaient des anges du seigneur (1). 


Ly boins rois Bauduins en ce temps demora : 
Dedens Jhérusalem à séjour séjourna 
L’espasse de deux ans et tant se reposa ; 
Et au quief de deux ans ly rois se conseilla 
De guerriier payens à Miecques par delà, 
Quant vint au moys de may ly roys sy s’avisa 
Que le veu Godefroid qu’en sa vie voa, 

I volroit a complir, lors ses barons manda, 
Tangré et Buienemont où forment se fia, 
Corbarant d’Olifierne qui au boin roy ala. 
Quant ly roys vit se gent adont leur supplia 
Qu'il alaisseut o lui où mener les volra. 

A Rochebrune dist ly boins rois qu’il ira 

Et à Miecques oussy, ne ne retournera 

Tant qu’il auera pris V cités qu’il y a. 

Et cascuns des barons 1y dist qu’il le siévra. 
Moult fu biaus ly arrois dont cascun s’arouta ; 
Dedens Jhérusalem cascuns s’apparella 

En armes, en chevaus, en grant pooir qu’il a. 
Or commence cançou où moult de biaus mos a, 
Enssy qu’en autre istore on vous recordera. 
Mais chy de Godefroid on vous définera. 

De Bauduin oussy plus rime n’en y a. 

Paradis ly doinst Dieux qui escoutet nous a. 


Ges vers semblent annoncer une suite ou ne sont peut- 
être qu’une simple exhortation aux trouvères de traiter 
un sujet aussi digne de leurs chants que la continuation 
des croisades. 

Le Corbarant d’Olifierne dont il est parlé ici, est 
nommé par un poëte du XIE siècle, Robert ou plutôt 
Richard Wace, qui racontant le règne de Robert-Courte- 


"+ 


(3) Michaud, Bite, des croisades, 1, 9, 10. 
Tom. 1v. 26 


( 368 } 
Heuse , duc de Normandie, dit : 


Robert Jérusalem requist, 

Bel se continst, maint bien : fist; 
A d’Antioche prendre fu, 
D’armes i a grant pries éu. 

Puis fu à Jérusalem prendre, 

Ke s’i surent païens défendre 

De l’estendart qu’il abati. 

Où Corberan se combati, etc. 


M. F. Michel, qui explore avec une activité surprenante 
les compositions des trouvéres, a bien voulu m'écrire qu'il 
se propose de donner une édition du roman du Chevalier 
au Cygne. Si ses nombreux travaux lui permettent d’exé- 
cuter ce projet, ce sera un nouveau titre qu'il aura acquis 
à la gratitude des amis d’une littérature qui a des partisans 
zélés en Allemagne même et dont M. Henri Albert Keller, 
de Tubingen, vient tout récemment de faire apprécier 
l'utilité en publiant avec une très-longue et très-savante 
introduction le roman français des Sept Sages. » 


Le secrétaire dépose sur le bureau de l’académie, le 
tome X des VNouveaux Mémoires de la compagnie, qui 
vient de paraître et qui contient les mémoires suivans : 

Sur l'équilibre d’un corps solide suspendu à un cordon 
flexible, par M. Pagani. 

Sur la latitude de l'observatoire de Bruxelles, par 
À. Quetelet. | 

Sur les variations diurnes et annuelles de la température 
de la terre, par le même. 

Observations météorologiques de 1836 et 1837, faites à 
l'observatoire de Bruxelles, par le même. 

Sur les observations météorologiques, faites à Maestricht, 
par M. Crahav. 


( 369 ) 


Sur les instans du maximum et du minimum de hau- 
teur du baromètre, par le même. 

Sur la théorie électrochimique et la composition molé- 
culaire des corps, par M. Martens. 

Sur les composés décolorans du chlore, par le même. 

Monographie des Braconides de ue par M. Wes- 
mael. 

Sur un poisson nouveau, par M. Cantraine. 

Sur les évolutions de l'embryon dans les mollusques 
gasléropodes, par M. Dumortier. 

Sur la ville et le port d'Ostende, par M. Belpaire. 

Sur un manuscrit de li Muisis, par M. De Gerlache. 

Sur les deux premiers siècles de l’université de Louvain, 
par M. De Reïffenberg. 

Sur Rubens , par le même. 

Sur divers points obscurs de l’histoire de l’ancienne 
Rome, par M. Rouler. 

Sur le mythe de Dédale, par le même. 

Sur l'appareil costal des Batraciens, par M. Morren. 

Sur trois intégrales définies, par M. Plana, directeur de 
l'observatoire de Turin. 


Le doyen d'âge, faisant les fonctions de président, en 
levant la séance, a fixé l’époque de la prochaine réunion 
au samedi, 7 be 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Transactions of the royal Irish academy. Vol. 1, 2, 3, 
4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 (part. 1, 2); 
1787—1831. An index from ils incorporation in 1786, 
lo the vear 1813. 18 vol. in-4°, Dublin. 


( 370 ) 

Proceedings of the royal Irish academy for the year 
1836-37, part. 1 in-8°, 1837. 

Uber die Kawi-Sprache auf der Insel Java , von Wil- 
helm von Humboldt, ersier Band. 1 vol. in-4, Berlin 
1836. 

Gelehrte Anzeigen herausgegeben von Mitgliedern 
der K. Bayer. Akademie der Wissenschaften ; Band 1, 
2,3 ,4; Oct. 1835 bis Juny 1837. 4 vol. in-4°. Munich. 

ÆAbhandlungen der philosophisch-philologischen Classe 
der K. Bayer. Akademie der Wissenschaften; erster band, 
1 vol. in-4°, Munich 1835. 

Prolegomena on the development and metamorphoses 
of the human ovum, by À. B. Granville. 1 vol. in-4°, Lon- 
dres 1833. 

Researches on the tides. Seventh series, by the Rev. 
W. Whewell. 1 vol. in-4°, Londres 1837. 

Bulletin de la société géologique de France. Tome8, 
feuilles 13-15. Broch. in-&, Paris. 

Société de médecine de Gand. Annales, feuillets 15 et 
16; Bulletin , du mois de juin, feuill. 9 et 10 ; année 1837, 
in-8°, Gand. 

Journal historique et littéraire , 1ome 4; 37, 38,39 
et 40e livr. 4 broch. in-8°, Liége 1837, par P. Kersten. 

Belqisch museum uitgegeven door J. F. Willems, 
1° deel, 2 aflevering. 1 vol. in-8&, Gand 1837, chez F.etE, 
Gyselynck. : 

Table générale, alphabétique et analytique des ma- 
tières contenues dans les 15 1'° tomes de l’Histoire de 
Hainaut, de Jacques De Guise; par M. le marquis de 
Fortia d'Urban. Tome 1, in-8°, Paris 1837. 

Systema insectorum. Auclor Dr. Joannes Gistl. tomus 1, 
Coleoptera. Monachii , 1837, 1 vol, in-8°. 


( 371 ) 
- Essai de Matière Médicale Belge, par Fr. Dubois, 
Tournay 1837, 1 vol. in-8°, chez J.-A. Blanquart. 

Annuaire du cultivateur pour la 3° année de la ré- 
publique par Romme. Paris an IE, 1 vol. in-8°, de la part 
de M. Hayez, avocat. 

Légendes namuroises, par Jérôme Pimpurniaux. Na- 
mur 1837, 1 vol. in-8°, chez Leroux frères. 

Compte rendu des travaux de la société philotechni- 
que, par le baron de La Doucelte, secrétaire perpétuel. 
Séance du 18 juin 1837. Paris, broch. in-8&. 

Beschreibung des Skeleter des dreistreifigen Nachäf- 
fers (Nyctipithecus trivirgatus), von J® Gistl, Leipzig 
1836, broch. in-&. 

Ueber eine neue Familie, Sippe und Gattung aus der 
Ordnung der Käfer von Je Gistl. München 1836, broch. 
in-8, 

Enumeratio coleopterorum agri monacensis. Scripsit 
J°s Gisil monacensis. Monachii 1829 , broch. in-&. 

Société d'agriculture et de botanique de Louvain. Sa- 
lon d'été, 1837. 35° exposition publique. Louvain chez 
P. J. Peeters, broch. in-&. 

Notice sur l'emploi de la vapeur dans les incendies, 
par M. le D' Dujardin, 1 feuille in-&. Lille, 2 exemplaires. 

De l’influence de la Belgique sur l’industrie agricole 
des États-Unis, par M. Ch. Morren. Broch. in-&. Liége 
chez Collardin , 1837. 

Société d’horticulture de Liége. 12° exposition d'été, 
les 2, 3 et 4 juillet 1837. Broch. in-8, Liége chez Collardin 
1837. 

Salon d’été, 35° exposition publique de la société d’a- 
griculture et de botanique de la ville de Louvain. Broch. 
in 8, Louvain, chez Peeters, 1837. 


(372) 


Recueil héraldique et historique des familles nobles 
de Belgique, par le baron De Reïffenberg, 3° livraison, in-8°, 
avec planches, à Anvers chez H, Ropoll fils. 

Banquet offerta M. N.Cornelissen, le 16 juillet 1837, 
au casino à Gand, à l’occasion de la médaille qui lui fut 
remise par M. J. Van Crombrugghe, au nom des sociétés 
des beaux-arts, de botanique de St-Cécile et de S'-George. 
Broch, in-8°. Gand, chez Vanderhaeghen-Hulin, 1837. 
De la part de M. Voisin. 

Histoire du Limbourg, par M. S. P. Ernst, publiée par 
M. Ed. Lavalleye. Prospectus in-8°. 

Recherches cliniques et anatomico-pathologiques, sur 
- l'inflammation aiguë de la séreuse cérébrale et sur l’apo- 
plexie, par le professeur Van Coetsem. Goesin Verhagen: 
Gand 1830, in-8e. ; 

Medicinæ theoreticæ conspectus. Auct. Van Coetsem. 
Kerkhove, Gandæ 1825, in-&. 

Medicinæ forensis elementa, Auct. Van Coetsem. 
Mahne fils. Gandæ 1827, in-8°. 

Théorie de l’interprétation logique des lois , par 
À. EF. J. Thibaut, traduclion par Ch. Riltinghausen et 


G. De Sandt. 1 vol. in-8°; Bruxelles, chez Balleroy , 1837. M 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — Ne 9. 


. Séance du 7 octobre. 


M. Le baron De Stassart , directeur. 
M. Quetelet , secrétaire perpétuel. 


GORRESPONDANCE. 


Il est donné lecture d’une lettre qui annonce à l’acadé- 
mie la perte qu’elle vient de faire de M. Vincent Fohmann, 
l’un de ses membres dans la classe des sciences, et profes- 
seur ordinaire à l’université de Liége. 

M. Le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères 
fait parvenir à l'académie une copie de l'arrêté royal qui 
suit, concernant la construction de la carte géologique de 


la Belgique (voy. page 234, du tome III des Bulletins de 


l'académie , séance du 2 juillet 1836). 
» Vu notre arrêté du 31 mai 1836, ordonnant la con- 
struction d’une carte géologique de la Belgique ; 


Tom. 1v. 27 


(374) 

» Vu l’art. 3 dudit arrêté , portant que le sieur A. H. Du- 
mont , professeur à l’université de Liége, et membre cor- 
respondant de l’académie des sciences et belles-lettres de 
Bruxelles , serait chargé de l’exécution de la carte géolo- 
gique des provinces de Liége , de Namur, de Hainaut et de 
Luxembourg, ainsi que l’art. 4 par lequel nous nous 
sommes réservé la nomination de la personne chargée des 
mêmes travaux pour les provinces de Brabant, d'Anvers, 
des Flandres et de Limbourg ; 

» Vu la demande du sieur Dumont’, tendante à ce que 
la confection de la carte du pays entier lui soit confiée ; 

» Vu l'avis de l'académie royale des sciences et belles- 
lettres de Bruxelles ; 

» Sur le rapport et la proposition de notre ministre de 
l'mtérieur et des affaires étrangères, 


» Nous avons arrêté ei arrêtons : 


» Art. 1°, Le sieur À. H. Dumont, prénommé, est chargé 
de l’exécution de la carte géologique des provinces de 
Brabant, d'Anvers, des Flandres et de Limbourg. 

» Art. 2. Les dispositions prises par les art. 5,6 et7 de » 
notre arrêté du 31 mai 1836, seront également observées 
pour celle partie des travaux. . 

» Art. 3. Le terme de trois ans, fixé par l'arrêté précité « 
pour l'étude des terrains et le tracé de leurs limites, est 
prorogé d’une année. 

» Art. 4. Notre ministre de l’intérieur et des affaires 
étrangères est chargé de l'exécution du présent arrêté. 


» Donné à Bruxelles, le 25 septembre 1837. 


(Signé) LÉOPOLD. 


( 379 }) 

M. Le marquis de Fortia, membre de l'institut de 
France et correspondant de l'académie, adresse une ré- 
ponse à la note de M. Marchal sur un passage de César, 
concernant l’ancienne Belgique (voy. les deux Bulletins 
précédens), et il exprime l'opinion que le passage des Com- 
mentaires auquel il est fait allusion , n’a point été altéré,. 


* Recherches astronomiques de sir John Herschel. — 
M. Quetelet donne ensuite communication d’une lettre 
qu'il a reçuede sir John Herschel, écrite du cap de Bonne- 
Espérance, en date du 8 juin dernier. D’aprés cette lettre, 
l'illustre savant anglais se disposerait à quitter l'Afrique 
vers le commencement de 1838, il se rendrait de là à Rio- 
Janéiro, et serait de retour en Europe vers la fn de la 
même année. Les observations des nébuleuses et des étoiles 
doubles ont été très-nombreuses, comme on pouvait s’y at- 
tendre. « Les étoiles nébuleuses planétaires, dit Herschel, 
sont surtout remarquables, et leur nombre est beaucoup 
plus grand que je ne m'y attendais. Voici les positions ap- 
proximatives de treize d’entre elles : 


ASCENSION DROITE. DÉCLINAISON. 
7:40" 1160 52’ 
9 6 131 45 
9 16 147 36 
9 59 129 37 
10 13 151 24 ‘ 
10 26 170 € 
11 42 146 14 
13 40 140 21 
15 6 135 7 
15 35 150 41 
17:68 141 36 
17 12 128 18 


18 1 123 46 


( 376 ) 

» Quelques-unes d’entre elles sont d’une apparence plus 
ou moins décidément planétaire, mais toutes différent beau- 
coup des nébuleuses ordinaires, et deux ou troïsressemblent 
tellement à des planètes , qu’elles tromperaient même un 
observateur exercé à qui on les montrerait comme telles. 
L'une d'elles est d’une belle couleur bleue verdâtre. 

» Pendant l'apparition actuelle de Saturne, ajoute Her- 
schel, j'ai réussi à obtenir des observations décisives et ré- 
gulières du deuxième satellite (en comptant à partir de 
la planète extérieurement); j'ai, dans plusieurs circon- 
slances précédentes, obtenu des observations isolées de 
ce satellite, comme j'en ai maintenant la conviction, quoi- 
que je n’aie pas calculé depuis pour vérifier l'identité. 
Mais, à la fin, grâce à la grande hauteur de Saturne, à la 
clarté non commune du ciel et à la perfection à laquelle 
je suis parvenu à porter mes miroirs , j'ai réussi à suivre 
le satellite pendant plusieurs révolutions successives depuis 
le 4 mai, 15 heures de temps sidéral, époque à laquelle 
il était à sa plus grande élongation. Quant au premier 
satellite, l'observation surpasse le pouvoir de mon réflec- 
teur. Mais tous les autres, même à leurs conjonctions supé- 
rieures et inférieures, ont été facilement aperçus et leurs 
angles de position ont élé mesurés dans le champ du 
télescope, entièrement éclairé. J'ai déjà recueilli un grand 
nombre de ces mesures , qui seront, je pense, d’une grande 
utilité pour la théorie de ces corps. » 


COMMUNICATIONS. 
Étoiles filantes. — M. Quetelet communique les lettres 


qu'il a reçues de plusieurs savans au sujet de l'apparition 
extraordinaire d'étoiles filantes du 10 août dernier, sur la- 


( 377 ) 

quelle il avait appelé d'avance l’attention dans les Bulletins 
de l'académie. Ge phénomène n’a pas été visible à Bruxelles, 
à cause du mauvais temps, mais il a été observé avec des 
circonstances remarquables en France et dans plusieurs 
parties de l'Allemagne. M. Olbers écrit de Brême que deux 
de ses amis, dirigés du même côté du ciel, dont ils ne 
pouvaient voir que le tiers environ, ont compté jusqu’à 
60 étoiles filantes en 70 minutes. L'âge avancé de cet illus- 
tre savant ne lui a pas permis de suivre ces observations par 
lui-même; à Breslau , on a compté 558 étoiles filantes pen- 
dant la durée de la nuit ; à Berlin , le nombre de ces mé- 
téores a été également considérable. 

Il semblerait donc bien établi que, conformément à ce 
qui avait été annoncé dans la séance de l'académie du 3 dé- 
cembre1836 et dans celle du 4 mars de cette année, la nuit du 
10 août devrait être rangée à côté de celle du 13 novembre 
qui, seule, avait jusqu’à présent excité la curiosité des ob- 
servateurs. Cependant le mois d'août, et particulièrement 
le 10 de ce mois, n'avaient pas échappé entièrement à l’at- 
tention de quelques-uns; mais on avait été loin d'attribuer 
à ces observations l'importance qu’elles méritent. 

« Musschenbroek , dit M. Quetelet, dans son introduc- 
tion à la Philosophie naturelle, cite le printemps et l’au- 
Lomne comme élant très-favorables à l'apparition des étoiles 
filantes, mais cet habile observateur ajoute plus loin S'ellæ 
(GA DENTES) potissimum mense auqusto post prægressum 
œstum trajici observantur, saltem îta in Belgio, Leydæ 
et Ultrajecti, t. TI, p. 1061. L'ouvrage de Musschenbroek 
|" parut en 1762; c’est l'indication la plus ancienne que j'aie 
trouvée sur la fréquence des étoiles filantes au mois d’août. 
Je ne la connaissais pas quand, à la fin de l’année 1836, je 
signalais ce mois et particulièrement le 10, comme devant 


( 378 ) 

fixer l'attention des observateurs. Mais une autre coïnci- 
dence bien plus remarquable encore, et dont je dois la con- 
naissance à l’obligeance de M. le D' Th. Forster , se irouve 
dans un manuscrit intitulé Ephemerides rerum natura- 
lium, manuscrit qui semble avoir élé composé par un 
moine, vers la fin du dernier siècle, et qui se trouve con- 
servé à Cambridge, dans le collége du Corpus Christi, 
comme le pense M. Forster. Dans ces éphémérides, ou plu- 
tôt dans ce calendrier, on trouve à côté de chaque jour de 
l'année, soit un pronostic, soit une indication relative à la 
floraison des plantes ou au passage des oiseaux ; or, en re- 
gard du 10 août, on trouve le mot : meteorodes qui fait al- 
lusion à une grande fréquence de météores. M. le D7 Fors- 
ter a reproduit ce catalogue dans son opuscule The pocket 
encyclopædia of natural phænomena, etc., in-12, à Lon- 
dres, chez Nichols et fils 1827. Ce même observateur m'a 
dit que c'était une tradition, chez les catholiques de son 
pays, que les étoiles filantes qui se présentent en plus grand 
nombre à cette époque, étaient les larmes brûlantes de 
saint Laurent dont la fête arrive justement le 10 août. C'est 
peut-être l’idée de ce préjugé qui a fixé plus particuliére- 
ment l'attention de M. Forster sur cette soirée, et il l’a si- 
gnalée en effet comme ayant présenté plusieurs fois des ap- 
paritions remarquables. Quoi qu’il en soit, on ne songeait 
guére à placer la nuit du 10 août à côté de celle du 13 no- 
vembre, et à en déduire des conséquences sur la nature de 
phénomènes trop longlemps négligés par les physiciens. 

» Le soin que je pris de former un catalogue des nuils les 
plus remarquables par les apparitions d'étoiles filantes me 
prouva qu’elle méritait celte distinction. J’eus moi-même, 
d'après les observations de Bruxelles, occasion de la signa- 
ler , deux années de suite en 1834 el 1835 , comme ayant 


( 379 ) 

présenté à un degré remarquable le phénomène qui nous 
occupe. J'ai senti par là plus que jamais l’utilité et j’oserais 
dire la nécessité de former et de compléter un catalogue 
aussi précis que possible des nuits extraordinaires par les 
apparitions d'étoiles filantes, et pour que l’on pût s’enten- 
dre sur la valeur du mot extraordinaire, j'ai déjà inséré 
une nolice dans les Bulletins de l’académie (3 décem- 
bre 1836) ayant pour objet de faire connaitre le nombre 
moyen des étoiles filantes qu’on peut observer dans les nuits 
ordinaires. Il faudra rechercher aussi si ce nombre moyen va- 
rieselon leslieux, les temps ou par d’autres circonstances. » 

M. Quetelet met ensuite sous les yeux de l'académie le 
catalogue qu'il a formé des nuits les plus remarquables par 
les apparitions des éloiles filantes, d’après les principaux 
ouvrages de météorologie (1). Voici le résumé des nuits 
qui ont particulièrement fixé l'attention, et dont la date est 
le mieux constatée. On trouve, en regard de chaque mois, 
l’année et l'indication de la date de chaque nuit. 


Apparitions remarquables d'étoiles filantes. 


Janvier. . . Aucune nuit remarquable. 
Février. . . id, 

Mars . .. ‘763. — 1811, 18. 

Avril.. .. 1092, 25. — 1803, 22. 


Mai, ... Aucune nuit remarquable. 

Juin. . .. 1777, 17. 

Juillet... 1784,27.— 1785, 27. 

Août, ... 1029 — 1784, 9, — 1806, 10. — 1811, 10. — 1813, 11. — 


1815, 10.— 1818, 14. — 1819, 6 et 13. — 1823, 15. — 
nt à LE NN up an à de Te UE RRE U v 
(1) Le catalogue sera imprimé dans la seconde livraison du tome IX 


de la Correspondance mathématique et physique de l’observatoire de 
Bruxelles. 


( 380 ) ? 
1824, 14, — 1826, 14. — 1827, 14, — 1828, 10.— 1829, 14, 
— 1834, 10. — 1835, 10. — 1836, 8. — 1837, 10. 
Septembre. 1820, 2. — 1822, 10 
Octobre. . 902 — 1202, 19. — 1805, 23. 
Novembre. 1799, 11.— 1812, (?) — 1813, 8. — 1818, 19. — 1820, 12. 
— 1822, 12. — 1826, 6. — 1830, 12.— 1831, 13 — 1832, 13. 
— 1833, 13. — 1834, 13.— 1835, 13. — 1836, 18. 
Décembre. 1798, 7.— 1741, 25. 


« Ainsi, sur 46 nuits extraordinaires par les appari- 
tions d'étoiles filantes, il s’en est trouvé 18 entre le 9 et le 
15 août, et 14 entre le G et le 19 novembre. S'il était pos- 
sible de compléter un pareil catalogue, son inspection seule 
serait de la plus grande utilité pour la science. » 


— M. Dumortier communique une lettre de MM. Linden 


et Ghiesbrecht, par laquelle ces jeunes naturalistes invitent 
l'académie à leur proposer des sujets de recherches dans le 
nouveau voyage scientifique qu'ils préparent. Leur but est 
de visiter d’abord la partie orientale de l’île de Cuba, qui 
n’a pas encore été explorée; ils se rendront ensuite sur les 
côtes de Honduras, pénètreront dans la république de Gua- 
timala et passeront par l’isthme de Panama dans la Colom- 
bie. Commissaires, MM. Dumortier, Wesmael, Cantraine 
et Cauchy, pour les sciences naturelles ; Quetelet, pour les 
sciences physiques et De Reïffenberg pour les sciences 
historiques et la littérature. 


Météorologie. — M est donné communication des ob- 
servations météorologiques horaires faites, pendant le der- 
nier équinoxe, à l'observatoire de Bruxelles, à Louvain et à 
Alost ,en correspondance avec les observations semblables 
faites sur les principaux points du globe, d’après l'invita- 
tion de sir John Herschel. 


dot tie Se tés) De. ds MÉÉIRRSS 


(381) 


Observations météorologiques horaires faites à l'observatoire de 
Bruxelles , le 21 et le 22 septembre 1837. 


BAROMÈTRE ; 
HEURE. TEMPÉR. | HYGR. VENT. | ÉTAT DU CIEL, 


réd. à 0otemp. 


6 m, 755,69 | + 8,0 | 90c,0(4)) ENE. | Serein brouill, 


7 755,82 9,4 89,5 » Ser. lég. brouil. 
8 265,87 | 11,1 | 88,5 | NE |) uw. 
9 755,94 | 13,5 | 79,5 » Serein. 
10 755,88 | 15,0 | 74,0 » = 
11 755,76 | 16,4 | 71,5 » à 

| 12 765,83 | 17,5 | 68,0 CR CRE 
15. | 765,76 | 18,3 | 70,0 » 5 
2 755,68 | 187 | 67, » : 
3 755,86 | 19,1 | 66,5 » » 4 
4 755,91 | 19,1 | 68,0 14069) Lo 
5 756,15 | 18,7 | 73,0 » » 
6 756,47 | 16,7 | 80,0 » . 
7 756,98 | 15,0 80,0 ? MAT 
8 16712 | 138 | 87,0 ? ) 
9 757,28 | 13,8 | 87,5 ps » 
10 } 767,52 | 12,0 | 88,0 ? À 
11 757,71 | 12,0 | 88,0 ? 5 


12 757,84 11,0 89,5 P : | 


(1) Entre 8 et 9 heures le brouillard disparaît entièrement. 

(2) Maximum de température + 170,8 minimum + 70,7, du 20 au 21, 

(3) Le maximum de température +- 199,2, vers 3 h. 45’. | 
(4) L'hygrométre est top bas de 4 à 5 degrés, à 


BAROMÈTRE 
HEURE. 
réd. à Ootemp. 
22 SEPT. 
mm, 


1m. | 757,98 


2 758,08 
3 758,10 
4 758,18 
5 758,26 
6 758,62 
7 758,83 
8 759,02 
9 759,24 
10 759,33 
11 759,10 
12 759,12 


15. | 758,96 
758,84 
758,77 
758,88 
758,95 


Lo] QC + © LE) 


759,14 


(1) Ciel rougeätre, surtout versle NNE, comme pour une faible aurore boréale. 
(2) Entre 10 ct 11 h. le vent souflle plus fortement. Vers 11 h. on aperçoit 
quelques légers cirrhus au $. Maxim. de température + 190,2, Minim, + 8,9. 


( 382) 

TEMPÉR, | HYGR. 
+-100,4 | 92,5 
10,5 93,0 
10,0 93,0 
9,6 93,0 
9,4 93,0 
9,0 93,0 
9,8 90,5 
11,9 88,5 
13,8 82,0 
15,5 76,5 
16,4 75,0 
17,5 69,5 
18,1 66,0 
18,1 63,0 
18,5 59,0 
18,0 61,0 
16,9 63,0 
15,6 68,0 


Avant deux heures les nuages ont disparu, 


VENT, 


st das a ton td et M 


ÉTAT DU CIEL, 


Si end st Été D à 


Serein, 
(1) » | 
» , 
| 
» , 
. 
» { 
t 
» { 
L 
L1 
» Ë 
» À 
(2) » 
» 
Q.-q. cirr. cum. 
au S 
Q.-q. cum. 
Serein. 


( 383 ) 


Observations météorologiques faites à Louvain, au collége des 
Prémontrés, par J. G. Crahay, professeur de physique de 
l’Université catholique. 


ÉPOQUE BAROMÈTRE | TEMPÉ- 


ÉTAT DU CIEL. 
DES OBSERVATIONS. réduit à 00. | RATURE. 


21 SEPTEMBRE. 


mm, 

6 heures du m. 757,670  |+ 80,4 Le ciel est resté constam- 

ment sans nuages; le léger 

7 ri à 57,820 9,7 brouillard qui régnait à 6h. 

: 4 s’est bientôt dissipé. Vers les 

dix heures du matin il s'est 

8 à 57,794 11,3 fait sentir un peu de vent qui 

a soufllé jusqu’au soir, après 

9 — 57,817 13,3 s'être renforcé vers les sixh. 

après-midi. 

10 — 57,765 15,2 
11 — 57,712 16,3 
12 — 57,672 17,1 
1 h après-midi 57,557 18,2 
2 — 57,409 18,8 
3 — 57,438 18,9 
4 — 57,627 18,5 
5 — 57,960 17,0 
6 — 58,288 15,6 
7 — 58,690 14,8 
8 — 58,978 13,2 

9 — 59,230 12,4 Pendant la nuit du 21 au 

22 le thermomètre à mini- 

10 ee 59,393 12,2 mum n’est pas descendu plus 


bas que +- 90,9, point qu'il 
a atteint à 6 h, du malin. 


11 _ 59,519 11,6 


( 384 ) 


ÉPOQUE BAROMÈTRE | TEMPÉ- 


DES OBSERVATIONS. réduit à 00. 


ÉTAT DU CIEL, 


RATURE,. 


22 SEPTEMBRE, 


mia, 


5 heures du m. 760,149 + 100,3 Durant toute la journée 

du 22 le ciel a été sans nuages. 

CS 0.349 9.9 Un léger vent s'est levé vers 

6 60, ? les 7 h. du matin, et, après 

s'être renforcé successivemt, 
il a soufllé jusqu'au soir, 


7 > 60,648 11,7 
12,8 
14,3 
15,4 
16,2 
17,1 
17,6 
18,2 
18,0 
17,4 
16,2 


14,7 


( 385 ) . 


Observations météorologiques horaires , faites à Alost par 
M. Maas, professeur de physique. 


1 ÉPOQUES BAROMÈTRE| THERM,. 
4 HYGROM,| VENTS, 


[DES OBSERVATIONS. | réduit à 00. 


: 21 SEPTEMBRE. 
mm, 


6 heures m. 758,91 | +80,9 | 960,3 N. 
‘ PE 759,07 9,9 | 96,2 | NNE. 


cute 759,31 | 13,1] 80,7| » 
9 — 759,36 14,7 77,5 » \ 
Ho, — 759,25 | 159 | 770| » É 
L'REES 769,12 | 16,9 | 770 | » : 
Midi 760,18 | 18,1 | 75,7 | se. À © 
1 heures 759,08 18,6 74,7 » F 
Le 768,97 | 19,1| 756| » £ 
de 759,09 | 19,3 | 758 | ENE ) À 
Ab, 759,07 | 19,5 | 75,7 | » É 
5 _— 759,18 18,6 77,0 » Ë 
no 759,59 17,3 | 83,0 | » É 
ee 759,98 | 16,1 | 850 | ? : 
| Di 760,17 | 14,7 | 88,7 | ? A 
nor 760,45 | 13,9 | 90,8 | ? 
D — 760,564 | 13,1 | 924| ? 
De — 761,05 | 125 | 931| ? 
| Minuit. 761,00 11,9 93,8 


( 386 ) 


ÉPOQUES | BAROMÈTRE | THERN. 
DES OBSERVATIONS. réduit, extér. 


HYGROM.| VENTS. 


22 SEPTEMBRE. 
mm, 
761,22 
761,41 
761,42 
Serein. 
761,44 
761,43 


761,73 


762,26 Nuages. 


762,45 + | Cirr-cum. 


4 heures 5. 762,10 


cmt ri een nes 


(387) 
LECTURES. 


Analyse. — M. Pagani communique à l'académie une 
note relative à l'équation binome AP = C, dans laquelle 
il examine tous les cas que peut offrir la résolution de cette 
équation, les quantités qui la composent étant réelles ou 
imaginaires. Les deux théorèmes suivans, qui découlent 
des formules démontrées par M. Pagani, feront voir que la 
théorie algébrique des logarithmes, telle que l’a faite Euler 
et telle qu’elle était restée depuis, est incomplète, en ce 
sens, que les formules d’'Euler ne donnent pas toutes les 
valeurs possibles de ces quantités. 

En désignant la base des logarithmes par la quantité 
réelle et positive « ; le nombre positif par b,parmetpar n 
des nombres entiers quelconques, zéro compris ; par 7 le 
rapport de la circonférence au diamètre, et par / le loga- 
rithme naturel des nombres; on aura 


__Lal.b + 4mnr? + (2nl.a — 2mi.b) 7V/—1 


+10 
à log l2.a + 4m?7? 


? 


La.l.b + 2m (2n+1) 72 + [(2n+-1) Z.a—2mi.b|7}/—1 


2 log. (—b)— 3 + Amir 


Les formules d’'Euler se déduisent des précédentes, 
comme cas particuliers , en y faisant m— 0. Commissaires 
MM. Dandelin, Quetelet et Thiry. 

— Aprés la lecture de M. Pagani, M. Quetelet fait connai- 
tre à l’académie que M. Cerquero, directeur de l’observa- 
toire de San-Fernando près de Cadix, qui se trouvait à 
Bruxelles il y a peu de semaines , lui a communiqué des re- 
cherches analytiques et des résultats encore inédits, sem- 
blables à ceux auxquels M. Pagani est parvenu de son côté. 


( 388 ) 

Géométrie. — Il est donné communication d’une note 
de M. Ghasles, sur l'attraction des ellipsoïdes, sujet délicat 
que l’auteur a traité en général par de simples considéra- 

tions de géométrie. Dans la noie présentée à l’académie, 
M. Chasles parvient par une marche facile à ce théorème 
de M. Poisson : 

L'attraction d’une couche infiniment mince, com- 
prise entre deux surfaces ellipsoïdales, concentriques et 
semblables , est dirigée suivant l'axe du cône qui est cir- 
conscrit à la surface externe de la couche , et qui a pour 
sommet le point attire. 

» Ce n’est pas, ajoute M. Chasles, à cet énoncé même que 
j'aiété conduit; j'ai trouvé que l'attraction de la couche est 
dirigée suivant la normale à l’ellipsoïde, dont les sections 
principales ont les mêmes foyers que celles de la surface 
externe de la couche , et qui est mené par le point attiré. 

» Mais on passe de cet énoncé au premier, au moyen d’un 
théorème de géométrie qui est inséré dans les Bulletins de 
l’Académie pour l’année 1834 (p. 216). J'ai présenté alors 
ce théorème comme pouvant être utile pour les cas de 
l'attraction d’un ellipsoïde sur un point extérieur. Et en 
effet, indépendamment de son application actuelle, je 
m'en suis servi pour parvenir à une solution directe, et 
fondée sur de simples considérations de géométrie , de ce 
cas d’un point extérieur. 

» Quand le point soumis à l’attraction d’une couche infi- 
niment mince est situé sur la surface extérieure, on trouve 
que l'attraction est normale à cette surface et propor- 
tionnelle à l’épaisseur de la couche en ce point. 

» Cela s'accorde avec les lois connues de la distribution 
de l'électricité à la surface d’un ellipsoïde. 

» Les mêmes formules ci-dessus conduisent encore à un 


: À 2 
hrs à dx 5“ \ à 
y 
F + Fr 
ne 
' x 
4 dx 
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® 
ANG U 
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1 Le 2 
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nee re ane pe Maire 
ART 


ee em 


hameau 


Lulletin de L'Acadernue 


Vue. de Bar sqraaf Pruxelles 
GITAGÿ 


(3590) 
théorème analogue à celui de Maclaurin sur l'attraction 
exercée par deux ellipsoïdes décrits des mêmes foyers, mais 
beaucoup plus général ; en voici l'énoncé : 

Si l’on a deux couches, comprises chacune entre deux surfaces 
d’ellipsoides semblables, concentriques et semblablement placés, 
et si les surfaces extérieures des deux couches sont décrites des 
mêmes foyers , ainsi que les surfaces intérieures ; 

La densité à chaque point de chacune des deux couches étant 
proportionnelle à une puissance quelconque , entière ou frac- 
tionnaire, positive ou négative, de la distance de ce point au 


centre de la couche, divisée par le demi-diamètre de sa surface 
externe , sur lequel ce point est situé ; 

Les attractions que les deux couches exerceront sur un même 
point situé au dehors de leurs surfaces, auront la même direc- 
tion et seront entre elles comme les masses des deux couches. » 


Entomologie. — Sur la Vespa muraria de Linné, par 
M. Wesmael. 

Dans la Monographie des Odynères de Belgique que 
jai publiée en 1833, j'ai cherché (p. 10-12) à faire res- 
sortir toute l'incertitude qui régnait relativement à la con- 
naissance de l’espèce décrite par Linné sous le nom de 
Vespa muraria. Depuis cette époque j'ai pu, grâces à 
l’obligeance de M. Westwood, obtenir sur cette espéce des 
renseignemens qui ne seroni pas sans intérêt pour les en- 
tomologistes, et que j'ai l'honneur de communiquer à l’aca- 
démie. 

M. Westwood a eu recours à la collection de Linné, qui, 
comme on sait, est à Londres. Il y a trouvé étiquetées par 
Linnæus lui-même les quatre espèces suivantes: Vespa 
… parietum À spinipes , bifasciata et muraria. La synonv- 

n° des trois premières espèces , telle que je l'ai établie 
_ dans ma monographie est exacte, Quant à la Vespa mu- 
A. Tow. 1v. 28 


LS 


PRE LE 


( 390 ) 


raria ; voici la description latine faite par M. Westwood 
dans une premiére lettre : 

« Elongata, mesothoracis dorsum lineis duabus impressis 
longitudinalibus (paraptera efficientibus fere ut in Discælio 
zonato). Caput et antennæ nigra, macula minuta inter basin 


antennarum flava excepta. Collare maculis duabus minutis 
lateralibus flavis. Tegulæ margine externo luteo. Tota thoracis 
pars nigra (nisi maculæ præcedentes). Alarum anticarum costa 
et margo apicalis tenue (1) nebula fusca. Femora nigra apice 
flavo. Tibiæ fulvæ subtus linea obscura in singula. Tarsi 
fulvi. Abdomen nigrum , fasciis quatuor flavis. » 

M. Westwood joignait à cette description un dessin à la 
plume représentant l'abdomen de l’insecte grossi, et la 
mesure de sa taille. (Voyez fig. 1, a et b.) 

Comme ces renseignemens étaient loin de m'éclairer 
suffisamment, j'en demandai de nouveaux à M. Westwood. 
Il m'envoya un dessin à la plume représentant le thorax 
vu par dessus et grossi de la Wespa muraria (voy. fig. 2), 
me disant que c'était une espèce voisine de la Vespa 
crassicornis de Panzer; et ajoutant : Metathorax nec 
recta truncatus lateribus acutis,nec anqulum lateralem 
habet. 

Enfin, étant revenu une troisième fois à la charge pour 
dissiper un dernier doule qui me restait, M. Westwood | 
eul l'extrême complaisance de m'envoyer un nouveau des- 
sin à la plume représentant un croquis du métathorax de la 
Vespamuraria vu par dessus et de côté (voy. fig. 3,a et b), À 
en répétant, comme il me l’avait déjà écrit, que les bords . 


latéraux de cette partie du thorax sont sans pointes et sans < 
marge; et en ajoutant que sa surface est arrondie sur les 


(1) Je crois qu'il y a ici un mot omis. 


(391) 


côtés , qu'elle est toute couverte de gros points enfoncés , 
etque sur la face postérieure on distinque l'apparence 
d’un cercle très-faiblement indiqué. 

De l’ensemble de ces renseignemens , il résulte évidem- 
ment que la Vespa muraria de Linné appartient à ma 
troisième famille des Odynéres ou sous-genreSymmorphus, 
et qu'elle doit être placée à côté de l'Odynerus crassicor- 
nis , si toutefois ce ne sontpas tout simplement deux varié- 
tés de la même espéce. Si ce soupçon , vers lequel je penche 
beaucoup , se vérifiait , il faudrait rejeter la dénomination 
de Panzer, et conserver celle de Linné, comme plus ancienne. 


Physiologie végétale. — Notes sur la Ca talepsie des Draco- 
cephalum austriacum et moldavicum, par M. Ch. Mor- 
ren , professeur ordinaire de botanique à l’université de 
Liége , correspondant de l'académie. 


La catalepsie du Dracocephalum virginianum devant 
être attribuée, comme nous l'avons démontré précédem- 
ment (1), non pas à une propriété de tissu, à un défaut 
d’élasticité du tissu cellulaire, mais bien à un résultat phy- 
sique de la disposition des parties , il nous paraît convena- 
ble de faire connaître que ce fait n’est pas une exception , et 
que nous l'avons trouvé le même sur deux autres espèces 
du même genre. Plusieurs professeurs de l'Allemagne ayant 
appris que je m'occupais de ces recherches , m'ont envoyé 
les graines d’un grand nombre d'espèces de Dracocéphales, 
de sorte que j'ai pu étudier la structure de leurs fleurs et 


"NE UMRE 1 


(1) Bulletins de l'académie, t, VIL P. 300, Mes vues ont été adoptées de- 
puis par les botanistes, Je citerai MM, Decandolle, Treviranus, Dutrochet, 
- Turpin, ete , ete. 


( 3929 

les comparer entre elles. Je n'ai observé de phénomènes 
calaleptiques que sur les trois espèces suivantes : le Dra- 
cocephalum virginianum, qui le possède au plus haut 
degré, le Dracocephalum austriacum , où la résistance au 
mouvement est un peu moindre, et le Dracocephalum mol- 
davieum, où elle diminue encore ; j'entends par cette résis- 
tance au monvement successivement moindre, que, sur un 
nombre déterminé de fois que l’on détourne les fleurs de 
leur position normale , elles la reprennent de plus en plus, 
au lieu de conserver les siluations qu’on leur donne, comme 
cela devrait avoir lieu constamment si la catalepsie était 
parfaite; les différences tiennent à ce que la fleur déplacée 
ne l’est pas toujours assez pour que les organes situés dans 
son voisinage l’arrêlent au bout du chemin qu'on lui a fait 
parcourir. 

Le Dracocephalum austriacum présente comme le vir- 
ginianum un pédoncule court, aplati ou déprimé et une 
bractée raide, en gouttiére, courte et peu large, de sorte que 
la saillie du calice est retenue comme un crochet au-des- 
sus du bord de la bractée , quand on repousse à droite ou à 
gauche la fleur de cette plante. J'ai répété sur elle les ex- 
périences que j'avais faites sur le Dracocephalum virgi- 
nianum , et les résultats ont élé parfailement les mêmes : 
la catalepsie se montrait à droite ou à gauche selon le côté 
de la bractée que j'avais laissé subsister, et du côté où j'a- 
vais enlevé la moitié de cet organe l’élasticité avait reparu. 
La bractée coupée à sa base, la fleur avait perdu loue sa 
catalepsie. Le sommet de l’inflorescence sur cette espèce 
m'avait permis de passer avec facilité au-dessus d’une de ces 
fleurs dont j'avais enlevé la bractée, un appareil de pa- 
pier tellement construit qu’un bout coupé en forme de 
braclée et imitant sa forme, sa grandeur et le pli en gout- 


( 393 ) 


tière de l'organe, remplaçait celui-ci à l’aisselle de la fleur. 
Cette dernière redevint cataleptique retenue comme elle 
l'était par la saillie de son calice dans les mouvemens que 
je lui imprimais. Ici encore nous voyons dans ce phéno- 
méêne la suite mécanique de la disposition et de l’agence- 
ment des parties. L'organisation intérieure du pédoncule ne 
m'a rien montré de particulier. 

Le Dracocephalum moldavicum est une espèce qui 
présente dans les détails de la structure quelques faits qui 
le distinguent de ses congénères. Quand on examine légé- 
rement la catalepsie qu'offrent ses fleurs, on dirait, à voir 
la disposition des bractées , que la cause du phénomène ré- 
side ici réellement dans le pédoncule ; mais lorsqu'on 
apporte quelque soin dans l'observation, on ne tarde pas à 
remarquer que ce phénomène est encore ici tout mécanique. 
Cette plante présente deux types d'organisation trés-dis- 
tincts : l'un en rapport avec la structure générale des 
labiées , l’autre une anomalie évidente. Je décrirai d’abord 
le type normal. La tige est carrée, à quatre sillons et à qua- 
tre cannelures. Les deux grandes bractées ont chacune deux 
bractéoles insérées plus haut qu’elles, et chaque bractéole 
ayant une fleur à son aisselle, il y a d’abord quatre fleurs 
placées à la même hauteur d'insertion. Les fleurs corres- 
pondant aux bractées, s’insèrent plus haut que la légère 
commissure qui nnit les deux bractéoles de ce côté, de ma- 
miére qu'il y a six fleurs, dont deux placées le plus près de 
la tige, Chaque pédoncule est comprimé d'avant en arrière. 
Je passe maintenant à la description de la variété anomale 
qui ,en vertu de sa singulière organisation, mérite davan- 
tage notre altention. ‘4 

Chaque verticille de fleurs dépend sur cette variété ano- 
male de la division ternaire des parties et de ses muliples, 


( 394) 


ce qui est en rapport avec l'exception que présente la tige de 
celte labiée, qui, au lieu d’être quadrangulaire, offre trois 
angles, surtout quant on la coupe immédiatement au- 
dessous des bractées. Chacun des côtés du triangle fait voir 
une légère dépression qui correspond à un sillon sur la 
tige, elcomme chaque angle offre un sillon semblable à son 
sommet diédre , il s'ensuit que la tige toute triangulaire 
qu’elle est, est garnie de six cannelures séparées par autant 
de sillons. Les cannelures sont obtuses et tellement égales 
en saillie qu’au tact on dirait que les mérithalles sont cylin- 
driques, mais traversées longitudinalement de sillons. La 
section seule, à la naissance des braclées, donne la elef de 
cette structure de la tige, structure qui, comme nous le ver- 
rons plus loin, influe singulièrement sur le mouvement 
cataleptiforme de la fleur. La section montre aussi que la 
moëlle, la couche ligneuse et l'écorce partieipent de cette 
forme triangulaire. À chaque sillon correspond unesolution 
de continuité dans la couche ligneuse ou un plan médul- 
laire, ce qui fait six de ces plans. 

Chaque angle du triangle correspondant donc à un sillon, 
donne naissance à une grande bractée de trois à cinq cen- 
timètres de longueur, dentée sur ses bords et dont le pétiole 
est long de trois à cinq millimètres. Les fleurs, quand elles 
sont bien épanouies , atteignent les cinq sixièmes de cetle 
longueur ; au-dessus du point d'insertion de ces bractées, 
naissent à droite et à gauche deux bractéoles qui n’égalent 
que le tiers de la longueur des bractées principales, et 
chacune de ces bractéoles correspond à une cannelure de 
la tige; également dentées sur leuvs bords , elles possèdent 
un péliole qui égale le sixième de leur longueur totale. 
Ces bractéoles atteignent aussi la longueur des calices des 
fleurs. 


( 395 ) 

Il suit de la qu'il y a trois bractées plus longues que les 
fleurs et six bractéoles beaucoup plus petites. 

A l’aisselle de chaque bractéole ou vis-à-vis de chaque can- 
nelure de la tige, il naît une fleur dont le pédoncule égale 
ordinairement le tiers de la longueur de la bractéole, de 
sorte que le pédoncule est le double du pétiole de celle-ci. 
Ce pédoncule est armé de deux petites pointes à sa base. Il 
y a donc six fleurs de cette structure. 

Mais il reste trois sillons sur la tige, ce sont ceux des 
sommets des angles du triangle devant lesquels il y a une 
fleur. Celle-ci correspond à chaque bractée, mais prend 
naissance au-dessus des fleurs bractéolaires; leur pédoncule 
de la même longueur que ceux de ces derniers, paraît en 
vertu de son point d'attache plus élevé , un peu plus long, 
et de plus il est privé à sa base de deux petites pointes 
qu'offrent les pédoncules des fleurs bractéolaires. 

Il suit de là que chaque verticille comporte trois fleurs 
un peu plus élevées que les autres, et six fleurs disposées sur 
le même rang, neuf en tout; ces neuf fleurs se disposent 
en vertu de la forme triangulaire de la tige , de maniére à se 
serrer trois par trois au sommet des angles du triangle ; il 
y a ainsi un léger intervalle entre les fleurs bractéolaires 
des faces de la tige, 

Si l’on a bien suivi celte descriplion , on nn facile- 
ment que vu la longueur respective des pédoncules et des 
pétioles des bractées et bractéoles, vu l’association de six ou 
de neuf fleurs sur une tige mince, vu la mollesse ou la flacci- 
dité des bractées, la catalepsie ne saurait guère provenir de 
ces organes. Les fleurs très-serrées les unes contre les autres 
ne peuvent pas faire de mouvement à droite ou à gauche 
quand on les pousse , sans rencontrer les calices des unes et 
les corolles des autres, les bractéoles et les bractées ; et les 


( 396 ) 


dents de ces organes peuvent bien arrêter les fleurs, mais 
personne ne confondra ce résultat avec le phénomène 
de la catalepsie signalé chez cette espèce par M. Decan- 
dolle. 

La véritable catalepsie du Dracocephalum moldavicum, 
se manifeste en eflet tout autrement. Quand la plante a la 
turgescence voulue dans toutes ses parties , on observe en 
effet que les fleurs détournées à droite ou à gauche conser- 
vent leur posilion nouvelle quand on les a éloignées suffi- 
samment. En faisant les expériences, la première fois je 
coupais les bractées à leur naissance , et la catalepsie avait 
encorelieu ; j'enlevais les bractéoles et la résistance au mou- 
vement se manifestait encore. Quand un verticille est ainsi 
dénudé de ses organes foliacés, on ne tarde pas à saisir la 
cause du phénomène. En effet, les pédoncules sont tous as- 
cendans , apprimés contre la tige, et lorsqu'on vient à pous- 
ser latéralement la fleur, la saillie formée par le fond du 
calice est retenue par la cannelure de la tige en s’insinuant 
dans le sillon correspondant; or quatre ou six de ces sillons 
et quatre ou six de ces cannelures donnent des chances 
nombreuses pour que les saillies des calices s’y acerochent. 

La vérité de ces faits m'a paru démontrée par une expé- 
rience décisive et par la contre-épreuve. Je coupai une 
fleur à la base de son pédoncule ; je fixai celui-ci par le 
moyen d’une épingle sur une réglette de bois ; je détournai 
la fleur à droite et à gauche en haut et en bas; elle était élas- 
tique en tout sens, donc la catalepsie ne siége pas dans le 
pédoncule. 

Je coupai avec un scalpel bien acéré, après avoir dé- 
primé les six ou les neuf fleurs d’un verticille, les quatre ou 
les six cannelures de la partie inférieure d’un mérithalle 
jusqu'au niveau des sillons , de manière à obtenir un cylin- 


(397) 


dre aussi net qu'on peut le produire dans une expérience 
de ce genre. Les fleurs ramenées à leur position naturelle 
furent détournées à üroite et à gauche, il n’y eut pas d’au- 
tre catalepsie que celle qui résulte accidentellement d’une 
fleur arrêtée par les pointes des bractées. Ainsi la catalepsie 
ne provient ici que du rapport de forme qu’il y a entre le 
calice et les sillons de la tige. 

C’est donc encore une fois un effet mécanique, mais ré- 
sultant ici non de la bractée qui arrête le pédoncule ou le 
calice, mais des sillons de la tige qui font le même office. 

Je ferai remarquer que vu le grand nombre de fleurs qui 
naissent sur un verticille, il y en a souvent une ou deux qui 
s’atrophient plus ou moins. Leur calice plus petit, leur 
pédoncule moins long, jouent souvent le même rôle que 
les bractées dans le Dracocephalum virginianum, et 
arrêtent les fleurs plus grandes. 

Il conste donc, que le phénomène qu’on a nommé cata- 
lepsie chez le Dracocephalum moldavicum , n’est pas une 
propriété de Lissu , dépendant d’un défaut d’élasticité dans 

- le pédoncule , mais bien un résultat mécanique de la dispo- 
sition des parties. 


| Chimie. — M. le professeur Martens présente à l'académie 
un mémoire où Esquisse sur une nouvelle classifica- 
tion chimique des corps. 


« L'auteur, après avoir démontré l'utilité d’une bonne 
classification des corps sous le rapport chimique, et avoir 
4 fait ressortir les vices de celles que l'on a suivies jusqu'ici, 
a cherché à prouver la nécessité d'introduire dans ces clas- 
sifications des modifications importantes. Il est facile, 
dit-il, avec un peu de réflexion, de s’apercevoir que de la 


( 398 ) 
manière dont les divers corps simples et composés se 
trouvent groupés ou distribués dans les traités de chimie, 
même les plus modernes, il est une foule de substances, 
qui, malgré leur analogie de composition et de propriétés, 
se trouvent très-éloignées les unes des autres ; ce qui, iso- 
lant les faits au lieu de les rapprocher, ne permet pas de 
saisir le lien qui les unit et d'acquérir des notions précises 
sur les réactions des corps les uns sur les autres. C'est 
ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, que dans nos traités 
de chimie, on rapproche généralement divers composés 
du premier ordre , tels que les fluures, chlorures , iodu- 
res, cic. mélalliques , des oxisels composés du deuxième 
ordre, au lieu de les rapprocher des oxides métalliques 
auxquels ils se rattachent nécessairement par leur analogie 
de composition et de propriétés. Comme eux , ce sont des 
composés binaires d’un métal et d’un métalloïde très-élec- 
tro-négatif ; comme eux, ils jouent souvent le rôle de bases 
par rapport aux acides à même élément électro-négatif ; 
ainsi les chloracides forment avec les chlorures basiques, 
les fluacides avec les fluures basiques, les sulfacides avec 
les sulfures basiques, etc., des composés analogues à ceux 
que les oxacides forment avec les oxides basiques ; et de 
même que nous avons des oxides métalliques indiflérens, 
basiques et acides , de même aussi nous avons des chlorures, 
fluures, sulfures ,etc., indifférens, basiques et acides; et ce 
qui achève de démontrer l’analogie de ces divers composés, 
c’est qu’à un oxide basique ou à un oxide acide d’un métal 
répond respectivement un chlorure, fluure,etc., basique, ou 
un chlorure , fluure acide du même métal. Si nous voulions 
pousser plus loin la comparaison , nous montrerions que, 
de même que les oxides métalliques , les chlorures et les 
iodures, etc., sont souvent hydratés par un équivalent | 


( 399 ) 
d’eau.,et comme dans celte circonstance ils nous offrent une 
? 


composition semblable à celle que nous présenteraient des 
chlorhydrates ou des iodhydrates d’oxides, il n’est point 


surprenant qu'ils réagissent souvent sur les autres corps, 


comme le feraient de pareils sels avec lesquels ils sont 
isomères ; c’est ce qui a engagé les chimistes à les rappro- 
cher des combinaisons salines ordinaires, et à lier leur his- 
toire à celle de ces dernières. Mais c’est évidemment une 
erreur grave : 1° parce qu'il est fort douteux qu'il existe 
des chlorhydrates ou des iodhydrates d’oxides d’une 
composition stable; 2° parce que les chlorures ou les 
iodures métalliques acides ne peuvent point réagir à la 
manière des oxisels, puisqu’en se décomposant dans l’eau, 
ils ne donnent naissance qu’à deux nouveaux acides : té- 
moin le perchlorure de manganèse , qui se décompose dans 
l'eau en acides chlorhydrique et manganique. 

Aïnsi tous les métalloïdes fortement électro-négatifs, 
savoir le chlore, le brome, l’iode, le soufre, donnent, de 
même que l’oxigène, naissance à des composés basiques 
en sc combinant avec les métaux électro-positifs, comme 
ils produisent généralement des composés acides en se 
combinant avec d’autres métalloïdes ou avec les métaux 
électro-négatifs ; et si la propriété basique de plusieurs 
fluures, chlorures, etc., a été jusqu'ici contestée, c’est 
qu’on est parti de la fausse idée que l’oxigène est le seul 
principe acidifiant, c'est qu’on n’a considéré comme ba- 
siques que les corps susceptibles de neutraliser les oxacides, 
sans réfléchir que ces derniers ne peuvent former des com- 
posés salins stables où être parfaitement neutralisés que 
par les oxides métalliques, et par les bases mélalloïdiques. 
Mais en admettant, ce qui au reste se trouve irrévocable- 
ment constaté de nos jours, qu'il y a autant de principes 


( 400 ) 

acidifians que de métalloïdes fortement électro-négatifs, 
et que les diverses classes d'acides qui en proviennent ne 
se combinent généralement et d’une manière stable qu’a- 
vec les bases métalliques à même élément électro-négatif 
pour former les sels, on ne saurait se refuser à mettre sur 
la même ligne les oxides, les fluures, les chlorures, les 
bromures, les iodures et même les sulfures métalliques; et 
il serait à désirer que leur RO PAGE eût été formulée 
de la même manière. 
« D’après ces considérations il est nécessaire de suivre 
l'ordre suivant dans l'étude chimique des corps. On trai- 
tera d’abord des corps simples en les divisant en métal- 
liques et en non métalliques ou métalloïdes, non pas que 
celle division soit bien établie dans la nature, qui n’en 
admet aucune, mais parce que ces deux sections de corps 
ont généralement des propriétés physiques et chimiques 
très-différentes. Après l'étude des corps simples on passe 
naturellement à celle des corps composés, que l’on divise 
en composés qui sont le produit des seules forces physi- 
ques ordinaires, et que nous pouvons réformer après les 
avoir décomposés, et en composés que l’affinilé seule ne 
saurait produire, qui ne se forment généralement que 
sous l'influence de la vie. Ces derniers que l’on ne rencon- 
tre que dans le règne des êtres vivans, peuvent bien être dé- 
composés comme les substances inorganiques, parce qu’on 
peul les. soustraire aux forces vitales qui ont concouru à 
leur formation, et annuller l'effet de l’affinité chimique des 
élémens par d’autres affinités plus puissantes ; mais on ne 
saurait généralement les recomposer, parce que nous ne 
saurions disposer de la force vitale dans nos laboratoires, 
parce que nous ne pouvons pas animer la matière morte et 
ajouter ainsi à l’action de l’aflinité celle de l'influence de 


( AL ) 
la vie dont l'intervention est nécessaire pour opérer ces 
sortes de combinaisons. De la la division de la chimie en 
inorganique el organique. 

L'étude de la chimie inorganique doit nécessairement 
précéder celle de la chimie organique : 1° parce qu’elle 
comprend tous les corps simples, toute matière organique 
étant nécessairement composée ; 2° parce qu’elle renferme 
les composés les moins compliqués et ceux qui sont soumis 
dans leur composition ou leur formation à des lois sim- 
ples que la synthèse nous a surtout fait connaître. 

Les composés inorganiques se sousdivisent en métalloï- 
diques et en métalliques , suivant qu'ils sont formés exclu- 
sivement par des métalloïdes ou qu’il entre des métaux dans 
leur composition. Ils se divisent encore en composés du 
premier ordre, résultant de l'union immédiate de corps 
simples, et en composés du second ordre, résultant de l'u- 
nion de composés du premier ordre. Les composés du se- 
cond ordre peuvent aussi souvent se combiner entire eux et 
donner naissance à des composés du troisième ordre ; mais 
ces composés élant peu nombreux et se rattachant par leurs 
propriétés chimiques aux composés du second ordre, on n’a 
pas cru devoir en faire une section à part: On ne connaît 
guère de composés du quatrième ordre, et la raison en est 
toute simple. On remarque en effet que les corps simples se 
combinent plus intimement entre eux , pour former les 
composés du premier ordre, que ceux-ci ne s'unissent pour 
former ceux du second ordre ; de sorte que les affinités des 
corps semblent diminuer en raison de leur composition, et 
dès lors il n’est pas étonnant qu'à un certain degré de com- 
posilion, les corps n’ont plus d’aflinité pour se combiner, 
comme si la nature se refusait à une trop grande complica- 
tion dans les combinaisons. 


( 402 ) 

Après les corps simples il convient d'examiner les com- 
posés métalloïdiques du premier ordre, en les rangeant 
dans trois catégories : les composés acides, les composés ba- 
siques et les composés neutres ou indifférens. A la rigueur 
il n'y a point de composé essentiellement indifférent, c’est- 
à-dire incapable de se combiner avec d’autres corps en se 
comportant comme base ou comme acide : car presque tous 
les corps envisagés comme neutres ne sont que des corps 
dont les affinités pour les autres sont faibles, ou qui,en s’y 
unissant, n’en masquent et n’en altérent pas profondément 
les propriétés, telle est entre autres l’eau. Celle-ci, cepen- 
dant, n’en joue pas moins, jusqu’à un certain point, le rôle 
de base avec les acides forts et celui d’acide avec les corps 
dont la propriété basique est très-énergique; et en effet, 
quoiqu’elle ne diminue pas généralement les caractères 
alcalins ou acides de ces substances, c’est-à-dire leur pro- 
priété de se combiner avec d’autres acides ou bases plus 
énergiques qu’elle, cela ne prouve point qu’elle ne les neu- 
iralise pas jusqu’à un cetain point. Il faudrait pour décider 
celte question, pouvoir mettre l'acide ou l’alcali hydraté en 
contact avec un corps dont l’affinité pour eux fût plus fai- 
ble que celle de l’eau, et voir si dans ce cas l’acide ou l’al- 
cali hydraté aurait encore la même affinité pour ce corps 
ques’ilétait anhydre. Il est permis d'admettre le contraire, 
surtout lorsqu'on songe que l’eau, à l'instar de toute autre 
base , augmente la stabilité de plusieurs acides, qu’elle 
donne à quelques-uns des propriélés chimiques différentes 
de celles des mêmes acides anhydres (témoin l'acide sul- 
furique), qu’elle se laisse déplacer des acides comme les 
bases faibles par une base plus puissante qu’elle, à moins 
qu’elle ne puisse former avec l’acide et la nouvelle base 
an sel hydraté. Si l’on considère, du reste, qu’elle est dé- 


(403 ) 


placée de certains acides d’après les mêmes lois que le se- 
rait toute autre base , ce qui a été mis hors de doute par les 
belles recherches de Graham sur l'acide phosphorique à 
divers degrés d’hydratation, on ne saurait, ce me semble, 
douter que l’eau ne joue dans ce cas le même rôle dans l'a- 
cide hydraté que les oxides métalliques dans les sels. 

Ainsi l'expression de corps neutre ne doit pas être prise 
dans un sens absolu, ou plutôt il faut considérer comme 
neutres les corps qui sont placésentre les acides et les bases, 
qui forment le point de passage des uns aux autres, et dont 
le caractère n’est pas plus acide que basique; ce qui veut 
dire qu’ils peuvent indifféremment jouer le rôle d’acideet 
celui de base. Par la même raison, la limite entre les com- 
posés acides et les composés basiques ne saurait être rigou- 
reusement tracée; car la qualité acide ou basique n'est 
aussi souvent que relative, et ceci ressort d’ailleurs de la 
théorie électro-chimique, puisque l’état électrique dont les 
qualités basiques et acides sont, en quelque sorte, une con- 
séquence est souvent variable dans le même corps, suivant 
la nature de celui avec lequel on le met en présence. On 
ne doit donc considérer comme acides que les corps qui 
jouissent ordinairement des propriétés acides et comme 
bases, ceux qui se comportent communément comme des 
corps basiques. En précisant ainsi le sens qu'il faut alta- 
cher aux mots de corps acide, corps basique , corps indif- 
férent, on trouve un grand avantage à diviser les composés 
du premier ordre en ces trois catégories, parce que leurs 
propriétés chimiques sont généralement subordonnées à 
leur tendance acide ou basique. 

Dans l’examen des composés métalloïdiques du premier 
ordre, il convient de traiter d’abord de ceux qui sont considé- . 
rés comme indifférens; on passe ensuite aux composés act- 


( 404 ) 

des, qui doivent être rangés en diverses classes d'aprés la 
nature de leur principe acidifiant , et nous donnent ainsi les 
classes suivantes: les oxacides, les fluacides, les chlora- 
cides , les bromacides, les iodacides, les sulfacides, les 
sélénacides et on peut même y joindre les cyanacides, parce 
que le cyanogène, qui se comporte comme corps simple, 
joue aussi souvent le rôle de principe acidifiant. D'après 
cela, en rangeant les treize métalloïdes connus dans l'ordre 
de leur énergie électro-négative décroissante, on trouve 
que les sept premiers sont des principes acidifians, et que 
les six derniers ne sont généralement que des substances 
acidifiables. L'oxigène étant le corps le plus électro-néga- 
tif, est aussi celui qui acidifie le plus grand nombre de 
corps, el qui forme avec eux les acides les plus énergiques, 
surtoul avec ceux qui différent le moins avec lui de ten- 
dance électrique. Aussi la classe des oxacides est la plus 
nombreuse et a été long-temps la seule admise. Vient 
ensuite la classe des fluacides métalloïdiques , qui com- 
prend les acides fluorhydrique, fluoborique, fluosilicique. 

Comme plusieurs acides peuvent se combiner entre eux 
ou se décomposer en partie et donner naissance à des 
composés qui, quoique d’un autre ordre, ontcependant avec 
les acides ordinaires une trop grande analogie pour pou- 
voir en être séparés, ils convient, après l'examen des acides 
à élémens simples, de traiter de ceux à élémens composés, 
sous le nom d’acides doubles on multiples, et ici viennent 
se ranger l'acide sulfocarbohydrique (acide hydroxanthi- 
que de Zeise), l'acide fluoborohydrique, l'acide fluoboro- 
silicohydrique, et on peut y joindre l’eau régale. 

L'étude des composés métalloïdiques acides doit être sui- 
vie de celle des composés basiques qui, jusqu'ici, sont peu 
nombreux; par suite, les composés métalloïdiques du second 


( 405 ) 

ordre sont également en nombre peu considérable, et on 
ne connaît guère de composés mélalloïdiques du 3 ordre. 
Les composés métalliques sont bien plus nombreux que 
les composés métalloïdiques, non-seulement à raison du 
grand nombre de métaux connus, mais surtout parce que 
les métaux peuvent se combiner avec les métalloïdes; ce 
qui donne licu à une classe de composés mixtes formés à la 
fois de mélaux et de métalloïdes. D'après cela, il convient 
de diviser les composés métalliques en deux grandes sec- 
tions, en composés purement métalliques que j'appelle 
métallo-métalliques, et en composés formés à la fois de 
mélaux el de métalloïdes, et que j'appelle métallo-métal- 
loidiques. Il est naturel de s'occuper d’abord des premiers, 
- comprenant les alliages el les amalgames , parce qu'ils se 
* rapprochent le plus des corps mélalliques simples. Ces 
composés ne forment qu’une seule division, à raison de leur 


TE 


grande similitude. Mais les composés mélallo-métalloïdi- 
ques doivent nécessairement être sous-divisés, à la maniére 
des composés métalloïdiques , en composés du premier ordre 
et en composés du second ordre. Les premiers comprennent 
des corps neutres, acides et basiques : toutefois la division 
entre ces trois classes de composés est bien moins tranchée 
ici que dans les composés métlalloïdiques du premier ordre: 
voilà pourquoi on ne les classe pas d’après leur qualité 
acide, basique ou neutre, d'autant plus que le même 


métal, en se combinant avec diverses proportions d'un 
même métalloïde, peut former des composés tantôt neutres, 
tantôt acides, tantôt basiques. I1 faut donc adopter une 
autre base de classification. Or, nous savons que les.treize 
métalloïdes connus peuvent se diviser en deux sections, 
en métalloïdes qui sont très-électro-négatifs et acidifians, el 
en métalloïdes qui ne sont qu'acidifiables et peu électro- 
Tom, 1v. 29 


( 406 ) 

négatifs. Les premiers se comportent tous à peu près de la 
même manière à l'égard des métaux; ils forment avec eux 
des composés qui ont généralement une tendance basique, 
tandis que ceux qu'ils forment avec les métalloïdes ont, 
comme nous le savons, des caractères acides. Les métal- 
loïdes non acidifians ne forment ordinairement avec les 
métaux que des composés neutres. Il est donc naturel de 
diviser les composés métallo-métalloïdiques du premier 
ordre en deux sections; 1° celle des composés à métalloïdes 
non acidifians, comprenant les hydrures , borures, sili- 
ciures, carbures, phosphures et azolures métalliques ; 
2° celle des composés à métalloïdes acidifians , comprenant 
les oxides , fluures , chlorures, bromures, iodures, sulfures, 
séléniures , cyanures et sulfo-cyanures métalliques. 

Aprés avoir fail successivement l’histoire générale de ces 
diverses classes de composés , on passe à celle des composés 
du second ordre, qui sont trés-nombreux et forment la 
grande section des sels métalliques. Cette classe de corps 
s’est singulièrement accrue par les nombreuses découvertes 
faites en chimie depuis peu d'années: il n’y a pas très- 
long-temps encore que l’on n’admetlait d’autres sels que les 
composés des oxacides avec les oxides mélalliques et avec 
l'ammoniaque. Mais bientôt on fut forcé de convenir que 
d’autres acides que ceux dont l’oxigène forme le principe 
acidifiant ou électro-négatif peuvent également former des 
composés analogues aux sels ordinaires, en se combinant 
avec des corps basiques tels que l’'ammoniaque, ou avec des 
bases métalliques à même élément électro-négatif. C'est 
ainsi qu’on reconnut que l'acide fluosilicique et l'acide fluo- 
borique sont sans action sur les oxides alcalins par la voie 
sèche, tandis qu'ils neutralisent parfaitement les fluures 
alcalins qui ont d’ailleurs une tendance basique et une 


SN NT STI ENT L'OPRS PECS DT ee 


= 


( 407 ) 

action sur les couleurs végétales tout aussi marquée que celle 
des acides correspondans, et les sels ainsi produits sont 
soumis aux mêmes lois de composilion que ceux que les 
oxacides forment avec les oxides basiques. On a observé 
de même que l'acide sulfhydrique forme des combinaisons 
salines parfaites avec les sulfures de la première section, 
qui offrent encore une réaclion alcaline très-marquée, et, 
en général, il n’y a plus de doute maintenant que chaque 
acide tend à former des combinaisons plus ou moins neu- 
tres avec des composés métalliques du premier ordre, à 
même élément électro-négalif que lui : de sorte que nous 
devons admettre actuellement autant de classes de sels qu’il 
y a d'acides à principes acidifians divers. Cette vérité a déjà 
été entrevue par l’illustre chimiste suédois qui a établi la 
classe de sulfosels formés d'un sulfacide et d’un sulfure 
basique. Mais il était aisé de prévoir qu’en admeltant des 
sulfosels , il fallait aussi admettre des fluosels, dés chloro- 
sels, etc. ; car nous avons aussi des chloracides et surtout 
des chlorures métalliques acides qui forment des composés 
salins avec les chlorures basiques. 

Nous devons donc admetire que de même que l’oxigène : 
le fluor, le chlore, le brome, l’ivde, le soufre, le cyanogène, 
tendent à former des composés basiques en se combinant 
avec des métaux électro-posilifs : mais ce qu’il ne faut pas 
perdre de vue, c’est que cette propriété basique ne leur 
donne pas la faculté de neutraliser indifféremment tous les 
acides, et c’est parce qu’on n’examinait le caractère basique 
de ces composés que par rapport aux oxacides, que l'on a 
si long-temps méconnu leur véritable caractère. Or, c'est 
une loi générale que les acides ne forment de combinaison 


_ stable qu'avec les bases métalliques & même élément élec- 


tro-négatif, ou avec les bases métalloïdiques ; et ce phéno- 


( 408 ) 


méne n'est pas difficile à expliquer. Un acide ne peut jamais 
exercer d'action décomposante sur une base métallique à 
même élément électro-négatif que lui : il n’en est plus de 
même lorsqu'on veut combiner un chloracide tel que l'acide 
chlorhydrique avec un oxide basique : ici les élémens de 
l'acide tendront toujours à réagir sur ceux de l’oxide, de 
manière à donner naissance à deux nouveaux composés, de 
l’eau et un chlorure. La même chose a lieu lorsqu'on tente 
de combiner l'acide chlorhydrique avec unsulfure : ilse pro- 
duit alors ordinairement un chlorure-et de l'acide sulfhy- 
drique qui ne peuvent se combiner. De même mettez un 
oxacide en présence d’un sulfure, d’un iodure ou d’un chlo- 
rure , la combinaison saline sera généralement impossible 
par la réaction décomposante qui tend à s'établir entre 
les élémens des composés en présence. Le seul cas où il 
ne pourra y avoir décomposition , c’est lorsque les deux com- 
posés à élémens électro-négatifs différens ont un élément 
électro-posilif commun : ainsi le chlorure de mercure ne 
peut pas réagir sur le chlorure ou le sulfure de mercure; 
aussi la formation de ces sortes de composés du second 
ordre est assez fréquente; de là ,.le grand nombre d’oxi- 
chlorures, d’oxi-sulfures métalliques ; mais ce qui limite la 
production de ces composés et les rend, en général, peu 
stables, c’est que les oxides, chlorures, sulfures corres- 
pondans d’un même métal, ont généralement la même 
tendance électrique , et doivent avoir, par suile, peu d’afh- 
nité l’un pour l’autre : ce qui explique pourquoi les com- 
posés dn second ordre à élément électro-positif commun 
sont moins nombreux , moins parfaits ef moins stables que 
ceux à élément électro-négatif commun. 

Mais il est beaucoup plus rare encore d'obtenir des com- 
binaisons stables et parfaites entre deux composés du pre- 


D ES CS 


RE 


( 409 ) 

mier ordre, lorsqu'ils n’ont aucun élément commun, parce 
qu’alors il tend toujours à se produire une réaction qui 
s’oppose à la formation de la combinaison qu’on voudrait 
produire, et peut-être aussi parce que l’affinité entré de 
pareils composés est beaucoup moins forte que celle qui 
s'exerce entre des composés acides et basiques à même 
élément électro-négatif. 

D'après ce qui précède, il est clair que l’on doit diviser 
les composés métalliques du second ordre en trois sections : 
1° celle des composés à élément électro-négatif commun ; 
2° celle des composés à élément électro-positif commun ; 
3° celle des composés à quatre élémens différens. La pre- 
mière section, qui comprend la grande masse de sels mé- 
talliques, renferme autant de classes qu’il y a de principes 
acidifians divers. Ces classes sont les oxisels composés 
d'un oxide et d’une oxibase, les fluosels composés d’un 
fluacide et d’une fluobase ; les chlorosels ( chloracide et 
chlorobase) , les bromosels (bromacide et bromobase), les 
iodosels (iodacide et iodobase), les sulfosels (sulfacide et 
sulfobase), les sélénisels (sélénacide et sélénibase) et les 
cyanosels (cyanocide et cyanobase). 

Chacune de ces classes renferme autant de genres qu’il 
y a d'acides divers à même principe acidifiant qui leur 
correspondent ; ainsi la classe des oxisels comprend les bo- 
rates, les silicates, les carbonates, etc.; celle des fluosels 
comprend les fluorhydrates, les fluoborates, les fluosili- 
cates et ainsi de suite. 

Pour bien faire connaître les composés métallo-métal- 
loïdiques , il importe de les examiner d’abord sous deux 
points de vue généraux , d'indiquer, 1° les propriétés com- 
munes à tous ceux de même ordre et qui renferment le 
même métalloïde ; 2° celles qui sont communes à tous ceux 


( #10 ) 


qui ont le même métal. On connaîtra ainsi, en quelque 
sorte , les caractères génériques et spécifiques de chaque 
composé métallo-métalloïdique; de sorte qu'on n'aura plus 
ensuite à examiner que leurs caractères accessoires et 
leurs usages, pour compléter l’histoire partieulière de cha- 
cun d'eux. 

Ce cadre de classification chimique des corps comprend 
aisément tous les composés inorganiques, et la manière 
dont ces composés s’y trouvent distribués est non-seule- 
ment la plus conforme au génie de la science, mais elle 
offre sur les classifications chimiques employées jusqu'ici 
l'avantage inappréciable de rapprocher ies corps dans l’or- 
dre de leurs aflinités naturelles , c’est-à-dire d’après l’ana- 
logie de leur composition et de leurs propriétés chimiques. 

— Commissaires MM. Cauchy, d'Omalius, Dämortier 
et Sauveur. 


Botanique. — M. Dumortier ‘présente à l'académie le 
rapport suivant sur un ouvrage manuscril' de M.fVande- 
vyvere, ayant pour titre : Plantes phanérogames et les 
plus cultivées de la province de la Flandre occidentale, 
ainsi que les cryptogames et les agames qui ne se trou- 
vent pas dans l'excellent ouvrage de M. Kickz , ou La 
FLORE CRYPTOGAMIQUE DES ENVIRONS DE Louvaix. 


« De toutes les provinces de la Belgique, celles dont 
la flore est le moins connue, sont incontestablement les 
Flandres. Nous devons donc savoir gré à M. Vandevyvere 
de nous avoir remis un catalogue des plantes phanéroga- 
mes de la Flandre occidentale. J'ai parcouru ce catalogue 


(411) 


avec le vif intérêt que doit inspirer la botanique d’une 
province si riche et si peu explorée, et j'y ai trouvé l'in- 
dication de plusieurs espèces nouvelles ou peu connues 
pour la flore belgique. Telles sont le Sratice plantagi- 
nea , l'Orobanche eryngii, le Chlora sessilifolia, le 
Carduus podacantha , le Carduus flavescens , le Tha- 
lictrum majus, V Alyssum clypeatum, le Linum ma- 
rilimum , elc. 

» Il est à regretter que l’auteur ait négligé bon nombre 
d'espèces maritimes telles que l'Zordeum maritimum, le 
Juncus maritimus , les Glyceria maritima et distans, 
le Sagina maritima , le Pyrethrum maritimum , les 
Arenaria marina et marginata,les Ruppia marina et 
spiralis, le Beta maritima, les Halimus pedunculatus et 
portulacoïdes , les Lepturus incurvatus et strigosus, etc. 
J'ai aussi eu occasion d'observer, dans mes herborisations 
dans la Flandre occidentale, bon nombre de plantes rares 
qui ne figurent pas dans le catalogue de M. Vandevyvere, 
telles que le PBuplevrum tenuissimum , le Glaucium 
corniculatum, le Cicendia filiformis, V Asperula cy- 
nanchica , le Chenopodium concatenatum , le Gentiana 
amarella, le Carex extensa, V_ Atriplex farinosum , les 
Orobanche galii, arvensis, elc., les Trifolium scabrum 
et subterraneum , ' Asparaqus prostratus, le Lolium 
decipiens , le Bromus diffusus , etc., etc. 

» L'auteur trouvera encore de précieuses indications dans 
le Tableau des plantes du département de la Dyle de M. G. 
Edward, et dans le Bouquet du littoral des Flandres, par 
M. J. Kickx. Nous ne saurions assez l’engager à ne pas 
trop se hâter dans la publication de la flore qu'il se pro- 
pose de faire, car il explore une province trop riche et 
trop peu connue pour produire un ouvrage incomplet. 


( 412) 

» Eu résumé, le travail de M. E. Vandevyvere , nous pa- 
rail digne des encouragemens de l'académie, et nous vous 
proposons de voter des remercimens à l’auteur pour ses 
iniéressantes communications. » 

Les conclusions du rapport sont adoptées. 


Conchyliologie. — M. Dumortier fait également un rap- 
port sur le mémoire de M. De Koninck, intitulé : Descrip- 
tion des coquilles fossiles de l’argile de Boom, etc. 

« Le mémoire de M. De Coninck, dit M. Dumorlier, 
comprend la description de 41 espèces de coquilles fossiles 
trouvées dans l'argile de Bazèele, Boom, Schelle, etc., et 
appartenant à 21 genres différens ; dix-sept de ces espèces 
sont indiquées comme inédites, et la plupart d’entre elles 
sont accompagnées de bonnes figures. 

» Les phrases diagnostiques paraissent rédigées avec soin, 
et sont suffisantes pour l'intelligence des espèces, quoique 
l'on puisse regretter l'absence de descriptions complètes, 
ce qui eût élé facile vu le petit nombre d'espèces décrites. 
À la suite de la synonymie, l’auteur discute les observa- 
tions présentées par M. Nyst fils, dans son travail sur les 
fossiles d'Anvers, et celle discussion ne peut qu'être utile 
aux progrès de la Conchyliologie indigène. 

» En somme, c’est un travail intéressant et qui nous 
paraît mériter d'être imprimé dans les Mémoires de l’a- 
cadémie. » 

L'académie, après avoir entendu aussi le rapport de 
M. Cantraine, second commissaire, a déeidé que le travail 
de M. De Koninck serait inséré dans le recueil de ses 
mémoires. 

L'académie a également ordonné l'impression des deux 
ouyrages SUIVans : 


DR A OR 


- XL 
e FUA 


( 413 ) 

i° Sur le Pesce Tinca des Siciliens ou Serranus 
Tinca , par M. le professeur Cantraine. (Voyez p. 207, t. II 
des Bulletins ). - 

2° Dissertation juridico-historique sur ce que l’on 
doit entendre par Terra salica dans le titre 62 de la loi 
salique, et sur l’origine de quelques anciennes coutumes 
de la Belgique, qui excluaient les filles dans le partage des 
successions des biens immeubles de leurs pères et méres, 
par M. Raoux. ( Voyez pages 154 et 237 du t. IV des Bul- 
letins.) 


L'académie a en outre reçu les mémoires manuscrits 
suivans : 


1° Études génétiques sur les appareils respiratoires 
et de la sécrétion biliaire, considérés dans l’homme et 


dans la série animale , par Ad. Burggraeve, professeur 


d'anatomie humaine à l’université de Gand. Le mémoire 
esl accompagné de préparations anatomiques failes par 
l'auteur d’après un procédé particulier qu'il est parvenu à 
étendre à tout le cadavre. Commissaires MM. Wesmael, 
Dumortier et Sauveur. 

2° Une notice de M. Carton, directeur de l'institut 
des sourds - muets et des aveugles de Bruges, sur les 


_ différentes méthodes employées pour construire les cartes 


géographiques à l'usage des aveugles, el en particulier sur 
la méthode employée par l’auteur, qui, à plusieurs avan- 
tages, réunit celui de mettre ces sortes de cartes au prix le 
plus bas. M. Carton a joint à sa notice un specimen des ré- 
sultats auxquels il est parvenu. Commissaires MM. Sauveur 
et De Reiffenberg. 

3° Note de M. Vlaeberghs, sur un procédé nouveau 
pour la Leinture par la garance. 


( 414 ) 
M. Dehemptinne est prié de faire un rapport verbal, à 
la prochaine séance, sur le contenu de cette note. 


Fragment en langue Romane, communiqué par 
M. DeReiffenberg. 


L'Académie a bien voulu accorder quelque attention à 
nos recherches sur la littérature des trouvères. Le sujet 
du moins méritait de l’intéresser; en effet il est impossible 
de bien comprendre les origines des langues néolatines et 
d'expliquer une foule de faits littéraires ou historiques, 
si l’on condamne à l'oubli les naïfs monumens du génie 
de nos pères; pourrions-nous d’ailleurs refuser de nous as- 
socier au mouvement général qui nous reporte vers la 
poésie du moyen âge, pourrions-nous mépriser des études 
qui ont fait la gloire de l’illustre Raynouard et du docte 
De la Rue, des études qui promettent une réputation du- 
rable aux Amaury-Duval, aux Paris, aux Francisque Mi- 
chel, aux Martonne, aux Leroux de Lincy, aux Madden, aux 
Mone, etc.? 

Notre pays n’est pas resté étranger à cés utiles travaux. 
Après les Tournois de Chauvency, publiés par feu Del- 
motte, M. Hennebert nous a donné les Æithmes et refrains 
des Tournésiens, tandis que M. Van Hasselt était couronné 
par vous pour un judicieux mémoire sur la poésie romane 
en Belgique. Plus récemment M. Chalon, président de la 
sociélé des bibliophiles de Mons, et numismate distingné, 
a mis au jour, avec la coopération de M. E. Gachet, la jolie 
Chronique de Gilles de Chin. Ce même littérateur, dont 
l'amitié m’honore, vient de me charger de présenter de sa 
part à l’Académie un fragment d'épopée trouvé dans la ré- 
liure d’un livre vermoulu. Je le mets sous vos yeux avec ses 


ns | 


{ 415 ) 

notes. Ge fragment, qu'il avait déjà cité dans le glossaire 
placé à la suite du Gilles de Chin, appartient à une grande 
composition qu’il m’est impossible de reconnaître mainte- 
nant , privé que je suis momentanément, par l'effet de ma 
transplantation à Bruxelles , de ma bibliothèque et de mes 
papiers. On y voit figurer le roi Danemont, un personnage 
subalterne appelé Galopins, et deux guerriers nommés l’un 
Ferrans et l'autre Ay, abréviation qui n’est peut-êlre que 
le nom d’Ayol. Dans ce cas, on saurait à quoi s’en tenir sur 
le roman dont M. Chalon a recueilli quelques feuillets ; 
mais je le répète, je suis hors d'état aujourd'hui de rien 
affirmer. 

Je saisirai cette occasion pour ajouter quelques détails 
à ceux qu'ont publiés les journaux d’une découverte plus 
importante encore de M. Hoffmann von Fallersleben. Ce 
philologue habile, en visitant la Belgique, a retrouvé à 
Valenciennes le manuscrit d’où Mabillon a tiré le chant de 
triomphe composé en tudesque, à l’occasion de la victoire 
remportée en 883 sur les Normands par Louis IIT, roi de 
France. Il va donc, à l’aide de ce manuscrit qui provient 
de l’abbaye de St-Amand, nous en procurer un texte plus 
exact et plus correct. Mais voici bien autre chose pour les 
amateurs de la langue romane! Le même manuscrit con- 
tient un cantique (rythmus) en latin et en roman en l'hon- 
neur de S'--Eulalie, Le commencement de la version ro- 
mane est ainsi CONÇU : 

Buona pulcella fut Eulalia. Bel auret corps bellezour anima. 

Voldrent la ueintre li dô inimi. Uoldrent la faire diaule seruir. 


Elle non eskoltet les mals conselliers. Quelle dô raneiet chi maent sus 
en ciel, 


C'est-à-dire mot-à-mot en latin barbare : 


Bona puella fuit Eulalia, bellum habcbat corpus, belliorom anima. 


( 416 ) 


Voluerunt illam vincere illi Deo inimici. Voluerunt iliam facere dia- 
bolo servire 

Tlla non auscultabat illos malos consiliarios, quod illa Deo renunciaret 
qui manet super in cœlo. 


Ce qu’il y a de remarquable, c’est que le roman et le 
tudesque sont écrits de la même main, tandis que le latin 
est d'une main différente. Voilà donc le roman qu’on par- 
lait en Belgique, à côté du latin qui s’effaçait el du tudes- 
que qui influait sur.le nouvel idiome. Ce roman ressemble 
encore beaucoup à celui du midi, et par ses formes paraît 
appartenir au X® siècle. Pour moi, je regarde l'hymne de 
sainte Eulalie comme antérieur au poëme sur Boëce, publié 
par M. Raynouard, et, par conséquent , comme le plus an- 
cien monument connu de la poésie romane. Et pourtant 
tout le système des trouvères s’y retrouve! Le vers de dix 
syllabes s’y entrelace avec celui de douze, ce qui détruit 
tout ce qu’on a débité de l'origine tardive de l’alexandrin; 


de plus, dans le vers de cinq pieds, le muet s’élide à la cé-- 


sure, et par là tombe l’assertion de l'abbé De la Rue, sui- 
vant l'opinion duquel cette coutume rhithmique est beau- 
coup plus moderne , et a été réduite en règle au XIe 
siècle, par le trouvère anglo-normand Richard de Beau- 
lieu (1). 

Mais il est temps de revenir au fragment de M. Chalon. 


* De l’orguellieus roi Danemont 
IV’est merveile se paour ont; 
Et qu’il se sont moult redouté, 
Quant il virent si grant fierté 
Que il avait sour la montaine. 


* Tout ce qui est en italique manque dans le MS. M. Chalon a cherche à y sup- 
pléer. 


(1) Ph. Mouskes, I, 63, v. 1489. 


(417) 


Danemons o sa grant compaigne 


Là ot longuement demouré. 
Ay. coisi l’aigle doré 
Et voit le dragon flamboïant 


10 


fièrement s’en vait esmaïant 


Une escarblouke siet el front. 


Et qui les angar des ficies. 
Il voit ces palefrois randonniers 


À tout ces menniaus sommiers 


.…. Où les sevent escarnir. 


Il oit ces boins destriers hanir; 


Au palastres et as bouriaus. 


20 


3i 


= 


8 Coisi, aperçut , distingua. 

10 Esmaïant , effrayant, donnant l'é- 
. pouvante. 

11 Siet el front , il avait au front. 

12 Maistre aucube, le pavillon royal, 


la tente du chef; de cubare , lieu ou l’on 
- couche, Ce mot n'est dans aucun glos- 
saire. È 

14 Ficies pour féties ,Arahisons, sur- 
prises. 


Æn mainte manière s’envoisent, 


Eus Jà sont mis pour essarder 
Et pour le plus espavanter 

Les homes et les boines gent. 
Maint en orent jà fait dolent, 


d 
J De sus le maistre aucube amont 
; Voit ses escus et ces espies 
Voit asaïer ces damoisiaus ; 
Li un lancent, li autre craient, 
Li à pluisieurs manières s’asaient, 


Pluisour à escrémir entoisent, 
Li un vienent, li autre vont. 
Ay. esgarde sour le mont, 

Vit les testes qui i pendoient 
De ceus que il ocis avoient ; 


Nul ne venoit à ce passage 

Qui ne laissast le cief pour gage, 
A un sec arbre sour le mont 

Les ot fait pendre Danemont. 


15 Randonniers, impétueux, rapides. 

16 Menniaus ? 

17 Escarnir, blâämer, 

19 Bouriaus ? 

23 S'envoisent , se réjouissent. 

24 Escrémir , escrimer; entoisent , 
s'apprêtent, 

29 Pour esgarder, pour qu'on les 
voie, 

30 Espavanter, épouvanter, 


40 


(418 ) 


Cil rois fu moult de malestrière, 
Or orés jà en quel manière 

Il fist les passages garder, 

Pour les venans à mort livrer. 
Ce pas si chevaliers gaitoient. 
Qui de II pars de lui estoient; 
IIT en i ot de toute part. 

Soir et matin et tempre et tart, 
Jour ne nuit, si com vos oés, 
Ne fust jà là li pas trouvés 

Qu’il n’i éust II cevaliers 

Moult bien armés sour les destriers. 
En ce trespas VI loriers ot 


50 I chevalier sour cascun ot 


Qui moulte estoit preus et vasaus 
Puis c’Ay. aperçost ces vaus, 

Et Galopins li ot conté 

Com li pasage sont gardé, 

Et Ferrans li preuslia dit 

Quel gent ce furent que il vit, 
Et comment et pourquoi sont là, 
N'est merveille s’il se douta. 
Moult par se crient de mesestance, 
N'est mervelle s’il a doutance, 
N’avoit de bataille talant. 

Et ne pour quant , alé ont tant 
Que , desous le primier lorier , 
Coisist aigres un cevalier, 


Et li cevalier coisi lui. 


Puis qu’ilsentrevienent andui 
N’orent essoigné d’aus requerre ; 


37 Malestrière, mauvais génie, mau- 
vaise pensée. 

41 45%, six, gaitoient, guettaient. 

43 IITentot, ily en avoit trois. 

44 Tempre , de bonne heure. Ce mot 
est resté dans le patois de Mons. 

49 Trespas, pas, passage étroit, défilé. 

50 OL, ont, avoient, sont, 

51 Jasaus, braves. 


53 Galopins, les valets. 

58 Se douta, eut peur. 

59 Mesestance, malaise, déplaisir. 

60 Doutance, crainte. 

62 Et ne pour quant, et cependant. 

64 Coisist aigres, aperçut chagrin 
(avec contrariété). . 

66 Andui, ensemble. 

67 N'orent essoigné , n'eurent besoin. 


Li) DR. 


Y 
, 
0 


(419) 


Cil desous le lorcer deserre, 
Point le destrer, vers Ay. vient, 
70 Liber le voit , son rene tient, 

Tout empais s’est arestéus 
Et cil li est devant venu. 
Ay li escria en haut : 
« Vasal, fait-il, se Dix me saut, 
Se vos quidiés que bien faciés, 
Ains que de plus prez m’enlaciez, 
Parlés à moi ou peu ou grant 
Et si me dites tout itant 
Se m’estuet de vos garde avoir. 

80 Car n’est pas raison nesavyoir 
D’ome asalir sans deffer, 
Ains me devez certefier 
Se riens vos ai meffait ou non, » 
Cil li respont par contençon : 
« Vasal, couvrés vos justement, 
Ne pris riens votre ensegnement ; 
Nai de vos paroles que faire. » 
Ferrans entendi le contraire 
Et Ay. le règne a laskiée, 

90 L’escu prist , la lance empugnié 
Broce vers celui fièrement 


x 


Que plus n’i fait arestement. 

Ains c’Ay. soit apercéus, 

Li est Ferans devant venus 

Et dist : « Sire, ce cop primier 

Me devés vos bien otrier, 

Si vos en requier moult et pri, 

Dounés le moi votre merchi, » 

Ay. respont : « Et vos l’aiés. » 
100 Ferans baus, joïans ct haitiés 


68 Deserre, quitte sa place, avance. 
69 Point le destrer, pique le cheval. 


coup). 
74 Se Dix me saut, Dieu me pro- 
. tége! 


78 Jtant, de suite, aussitôt, ainsi. 


- 71 Empais, précipité (tout d'un 


79 Se m'estuet, s'il me faut, si je dois, 
84 Contencon, dispute, querelle. 
86 Ne pris riens, je ne fais nul cas de. 
91 Broce, pique de l'éperon. 
96 Otrier, accorder, concéder. 
99 £t vos l'aiés, et vous l'avez. 
100 Haitiés, joyeux, bien portant. 


( 420 ) 
- Vait le Danemon dois férir, 
À grant force et à grant aïr 
7 Le requiert, et moult fierement 
L’escu li perçoie et desment, 
Et le boin haubiert li desmaille; 
Et la fort broune et la ventaille. 
Du cuer lia II moitiés fait, 
Li cors ciet jus, l’ame s’en vait. 
Ferans autre conte ni tient, 
310 Fors son cours prent et s’en revient, 
Se damoisele au frain i prent 
Et oirent tout hastivement. 
Quant moult bien lor est ayenu, 
De l’autre lorier l’ot veu. 
Li chevalier qui sous estot. 
Comment Ferrans celui mort ot; 
Moult l’empois, dolent en est, 
Pour lui vengier sefait tout prest, 
Sa ventaille laceet estraint, 
120 De lui vengier se met en main, 
Son haubiert a la rafaitant, 
Et ses manicles ensement ; 
Saut el ceval, au col l’escu, 
Et puis radoune par vertu, : 
Encontre aus vint par grand air. 
Ay. vit le glouton venir, 
Ja l’alast férir maintenant 
Quant Férans li revint devant; , 
Le coprequiert, Ay. li doune, ‘ 
130 Et Ferans broce et esperoune, 


101 J'ait Le Danemon, le garde de 169 et suivantes). 


Danemon. 108 Li cors siet fus, le corps tombe. 

102 Air, colère, haine de (ira). 112 Oirent, vont, voyagent. 

104 Desment, ébranle, démonte. 117 L'empois, le prise, l'estiue. 

105 Desmaille, arrache les mailles du 119 Estraint. Serre, lie. 
haubert. 121 Rafaitant, rajustant. 

106 Broune, (?);ventaille, a partie in- 122 Manicles , brasselets, armures du … 
férieure de la visière qui couvrait le men- bras; ensement, de même, 
ton. (Études sur les casques du moyen 124 randoune, galope,. 
âge , par Allon; dans les Mémoires des 126 Glouton, vicieux, ivrogne, terme M 


antiquaires de Trance, tom. XI, pag. injurieux en général. 


( 421 


Lance alongié, l’escu 


) 


pris 


Et cil li vient tous à demis, 
Cos s’entre dounent mervelliex , 
Mais Férans fu plus vertuex; 
L’escu fent , le haubiert dessere, 


Le glouton fait voler 


à terre, 


Ou veule ou non le cevyal laist, 


Li cors s’estent, l’ame 


s’en vait. 


A son cours s’en révint Ferans. 
140 Sour lé tiers lorier est Huans 

Niès Danemont le roi félon ; 

Ains Dix ne fist plus mal glouton, 


Ne qui plus plains fus 
Li quivers ot la noise 


t de boidie. 


oïé, 


Et bien vit com cil causfu, 
EI ceval saut, au col l’escu, 
L’espiel ou poing, li vint grant oire. 


Férans lé r’aperçut en 
À Ay. vient si li a dit : 


oire, 


150 « Sire, merci se Dix m’ait, 


Se plaisir vost fust et j 


’osaise, 


Et courechié ne vos quidaisse, 


Encor vous requesisse 


un don; 


Dounés le moi par guerredon, 
S’il vos plaist créantés le moi. » 


Ay respont : « Dont dites quoi, 
Se faire le dois si l’aurois. » 
Férans respont : « À ceste fois 
Votre merchi me créantés 

160 De celui que venir véés 


Le cop s’il vos plaist e 


t la fouste. 


Moult durément me grève et couste 
La grant posnée qu’en lui voi 
S’abatre n’empuis le boufoi.... » 


135 Dessere, perce, sépare, m 
141 Miés, neveu. 


ain, il accourt. 
150 Se Dix m'aït (m'aïst), si Dieu 


142 Dix, Dieu, m'assiste. 


143 Boidie, mechanceté. 
145 Com cil caus fu , comme l'affaire 
avait élé, s'était passée. 
146 El ceval saut, saute à cheval, 
147 L'espiel ou poing, etc., V'épée à la 
Tom. 1v. 


154 Guerredon, récompense, 

160 F’éés, voyez. 

163 Posnée, pompe, altirail, train. 
164 Boufoi, bruit , tapage. 


30 


( 422 ) 

ANTIQUITÉS. — Æmpreinte d’une pâte antique trouvée 
dans les environs de Fleurus (1). (Note de M. le profes- 
seur Roulez. 

« L'imitation des pierres précieuses au moyen de verres 
colorés était un genre d'industrie très-lucratif et fort en 
vogue dans l’antiquité (2). Gependant ces contrefaçons ne se 
faisaient pas toujours dans un but frauduleux. Souvent on 

n’y avait recours que pour multiplier les exemplaires d’un 

original d’un grand prix; souvent aussi ces verres colorés 

remplaçaient les pierres précieuses pour les anneaux à 

cacheter chez les personnes peu fortunées (3). On peut pré- 

sumer que la pâte anlique trouvée près de Fleurus a jadis 
été encastrée dans un anneau de cette espèce. Elle est 
d’une couleur bleue foncée, et porte gravé en creux le 
buste d’un empereur romain , couronné de laurier et re- 
vêtu du paludamentum. Sa barbe , fort longue, indique 
déjà qu'il est postérieur à Hadrien , puisque c’est le pre- 
mier des empereurs qui ait adopté cet usage des philoso- 
phes, conservé par ses successeurs jusqu’à Sévère Alexandre; 
et la ressemblance des traits de la figure avec le portrait de 

Septime Sévère, tel que le donnent les médailles (4) me 

fait croire que c’est réellement ce prince qui y est repré- 

senté. » 


L'académie reçoit ensuite de M. Morren, une notice sur 
la vie et les travaux de M. Vincent Fohmann dont la mort a 


(1) Cette pâte antique, qui orne maintenant une bague, appartient à 
Mme Félix Van Hulst de Liége. 


(2) Plin. Hist. Nat., XXXVII, 75: Neque est ulla fraus vitæ lucrosior. 


(3) Voy. Salmasius Ærercitat. Plinian , p. 769. 
(4) Voy. dans Mongez , Zconographie Romaine , la médaille ne 3 et le 
médaillon n° 4 de la planche XLVII. 


Î 
, 


( 425 ) 
été annoncée au commencement de la séance. L'heure 
avancée ne permet pas de prendre connaissance de cette 
notice, qui sera lue à la prochaine séance. 

Le secrétaire dépose sur le bureau le tome XI de la col- 
lection des Mémoires couronnés de l'Académie, contenant 
- le mémoire de M. Chasles sur les différentes méthodes 
géométriques et particulièrement sur les méthodes mo- 
dernes. 

M. le Directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la 
prochaine réunion , au samedi 4 novembre. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Mémoires couronnés par l’académie royale des 
sciences et belles-lettres de Bruxelles. Tome 11,Bruxelles 
chez Hayez, 1837, 1 vol. in-4°. 

Annales de l'Observatoire de Bruxelles, par A. Que- 
telet. Bruxelles, Hayez 1837. Tome 1,2° partie 1 vol. in-4e. 

Correspondance mathématique et physique , publiée 
par À. Quetelet. 3° série, tome 1°, 1° livr. Août 1837. 
Bruxelles, Hauman , Cattoir et C°, 1837. 1 vol. in-&e. 

Transactions of the royal society of literature of the 
united kingdom. Vol. 3, part. 1. London, 1837, un vol. 
in-4°. 

Royal society of literature. Annual Report. Presi- 
dent’s address. List of members ; 1837. London, 1 vol. 
in-80. 

Address of Earl Stanhope president of the Medico- 
Botanical society. January 16, 1837. London, 1 vol. in-8. 

A treatise on the strength of timber, cast iron , mal- 
leable iron and other materials, by Peter Barlow, F. R.S. 
London, 1837, 1 vol. in-&. 


(424 ) 


Rescarches into the cause of voltuic eléctrieity by 
Mons. Auguste De la Rive. London, 1837, broch. in-8e. 

Les Pays-Bas avant et durant la domination ro- 
maine, par À. G. B, Schayes. Tome I‘, Bruxelles, établis- 
sement Encyclographique, 1837, 1 vol, in-8&°, 

Bulletin de la société géologique de France. Tome 8, 
feuilles 16-20, 1836 à 1837. Paris, broch. in-8°, 

Messager des sciences et des arts de la Belgique, 
année 1837, 2° livr. Gand, chez L, Hebbelynck, 1 vol, in-8°. 

Journal de la Société de la morale chrétienne et table 
des matières du tome 11°. N° 1 et 2, teme 12°. Paris, 
in-8e. 

Bulletin des concours, publié par M. Eug. Cassin, n° 1. 
Paris, broch. in-8&°. 

Le Géant de Milet , par J. De Witte. Paris 1835, broch. 
in-80. 

Aphrodite Colias , par le même. Paris, broch. in-8°. 

Encyclographie du règne végétal , publié sous la direc- 
tion de M. Drapiez. Bruxelles, à l'établissement Encyclogra- 
phique. 20 cahier, grand in-4°, n° 30 (juin 1835) à 49 
(janvier 1837.) De la part de M. le ministre de l'intérieur. 

Journal historique et littéraire. Tome 4°, 41 et 42 livr. 
2 broch. in-8°. Liége chez P. Kersten. 

Annales de la société des sciences médicales et na- 
turelles. de Bruxelles , année 1837, une broch. in-8°. 
Bruxelles, imprimerie Encyclogr. 1837. 

Rapport sur les filtres à charge permanente et à fone- 
tions intermittentes , découverts par M. P.-F. Peyron, fait 
à l'Académie de Marseille. Marseille, 1837, broch. in-8°, 

Observations sur quelques chartres et anciens docu- 
ments relatifs à l’histoire des monnaies, par R. Chalon. 
Gand, chez L. Hebbelynck, 1837, broch, in-8°. 


( 425 ) 

Annales littéraires et philosophiques, 9° livr., sep- 
tembre 1837. Liége chez J.-G. Lardinois, 1 vol. in-8°. 

Mémorial de l'expert dans la visite sanitaire des hom- 
mes de querre , par L. Fallot. D. M. Bruxelles, Hauman , 
Cattoir et C°, 1837. 1 vol. in-8°. 

Rapport à M. le ministre de l’intérieur et des 
affaires étrangères sur les améliorations introduites et 
a introduire dans l'instruction des aveugles , par l'abbé 
C. Carton. Bruges, chez Vande Casteele-Werbrouck, 1837, 
broch. in-8. 

Les colonies des anciens comparées a celles des mo- 
dernes, par M. J.-C.-L. de Sismondi. Genève 1837, broch. 
in-8e. , de la part de M. De la Rive. 

Le sourd-muet et l’aveugle , par l'abbé GC. Carton. Bru- 
ges, chez Vande Casteele-Werbrouck, 1837. 7° et & livr. 
Feuille 1 à 17, in-&. 

Traité pratique sur les maladies des organes génito- 
urinaires , par le docteur Civiale. 1° partie. Maladies de 
l’urètre. Paris 1837, 1 vol. in-8°. 

Belgisch museum uitgegeven door J.-F. Willems. 1° 
deel,3° aflevering. Gent, by F. en E. Gyselynck, 1837, 1 vol. 
in-8°. 

Memorias da Academia R. das sciencias de Lishoa. 
Tomo 12 , parte 1. Lisboa , 1837. 1 vol. in-4°. 

De l'affranchissement des communes dans le nord de 
la France , par M. Tailliar. 1 vol. in-8°, 1837. 

De invloed der yseren wegen. L'influence des chemins 
de fer. Ode avec la traduction en vers français, par M. Van 
Duyse , à l'occasion de l'inauguration du chemin de fer de 
Gand à Malines. Broch. présentée par M. Cornelissen. 


D 2 


« : 


BULLETIN 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 10. 


Séance du 4 novembre. 


M. De Gerlache, vice-directeur, occupe le fauteuil. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 


CORRESPONDANCE. 


# 
È Le secrétaire annonce à l'académie qu’il a reçu de M. le 
| « baron de Humboldt une invitalion d'observer les varia- 
… tions de la déclinaison magnétique, le 13 novembre pro- 
chain, à partir de midi jusqu’au lendemain à la même 
« heure. Ces observations devraient être répétées à des inter- 
À walles de temps très-rapprochés, de 5 en 5 minutes par 
(8 exemple. Le but principal de cette demande, adressée par 
— MM. de Humboldt et Gauss, aux astronomes et aux physi- 
To. rv. 31 


ut 


( 426 ) 

ciens qui s'occupent spécialement du magnétisme terrestre, 
est de rechercher si les variations de cet élément ont 
quelque rapport avec les apparitions des étoiles filantes. 
L'on sait que, depuis 1799, ces sortes de météores ont 
été périodiquement observés en très-grand nombre à l’'é- 
poque indiquée. Quoique l’on désigne particulièrement 
la puit du 13 novembre, il faudrait aussi, autant que 
possible, porter son attention sur la nuit du 12 et sur celle 
du 14. 

Les personnes qui seraient dans le cas de pouvoir se 
livrer à des observations semblables, sont priées d’en 
communiquer les résultats à M. le professeur Gauss de 
Gœtlingue. À 

Il est donné lecture d’une lettre de M. Schlumberger 
de Mulhausen, contenant des réclamations contre le 
jugement de l'académie au sujet de la question des 
garances proposée au dernier concours. Cette lettre est 
renvoyée à la commission nommée pour la question des 
garances. 


COMMUNICATIONS. 


Ouragan observé à Bruxelles. — Mardi, 31 octobre, 
le baromètre de l’observatoire qui avait atteint son mini- 
mum vers midi, commença à remonter vers deux heures ; 
la pluie avait cessé, mais le vent était assez fort. Le 
soir, le ciel se découvrit en partie, et vers 7 b. 374 l’on 
aperçut un grand nombre d'éclairs dans la direction du 
NNO au NNE. Le lendemain 1° novembre, le vent souffla 


avec une violence extrême pendant toute la journée ; la M 


pluie tombait en abondance, le matin; à midi, elle de- 


ACTE. 


à 


AH 77 dettes 


( 429 ) 
vint moins forte et cessa vers 4 heures; puis il plut encore 
à différens intervalles pendant la soirée. Le ciel resta 
constamment couvert; des nuages épais et peu élevés 
étaient chassés avec impéluosité par le vent. Le baromètre 
qui avait constamment baissé, commença à remonter vers 
8 heures du soir ; l'hygromètre avait baissé d’une manière 
remarquable ; il n’indiquait que 69 à 9 heures. Plusieurs 
édifices en construction, un cirque que l’on élevait dans 
les bas-fonds de la rue Royale furent renversés, un arbre 
des boulevards fut déraciné près de l'Observatoire. Le 2, 
l'ouragan était aussi fort que la veille; le ciel s’éclaircit 
entre 9 172 et 11 h. 45’ du malin; le vent était un peu 
plus faible, mais il reprit bientôt toute sa violence et la 
pluie recommença; à 4 heures, l’on aperçut un arc-en-ciel 
dans la direction du NO. Il plut à différens intervalles dans 
la soirée et dans la nuit. Le 3, le vent avait perdu beaucoup 
de sa force et le temps était assez beau le matin; la tem- 
pête était finie. L’on trouvera ci-après la marche des ins- 
trumens météorologiques, telle qu’elle a été observée à 
Bruxelles, et le tableau des observations que M. le pro- 
fesseur Crahay a faites à Louvain, pendant le même ou- 
ragan et qu'il a communiquées à l'académie. Il paraît 
qu’à Louvain, l'ouragan du 1° novembre a été moins 


. violent que celui du 29 novembre de lan passé ; M. Crahay 


n’a pas entendu dire qu’il y ait causé de dégat. 


(430 ) 


Observations météorologiques faites à l’Observatoire 
de Bruxelles. 


BAROMÈTRE 
réduit à 0° detemp, 


DATES. TEMPÉR, | HYGROM,.| VENT, 


LE 81 OCTOBRE. 


mm 
Midi RASE 742,57 + 90,4 620,0 050. 
À beures soir. . . 744,44 8,9 80,0 0. 
9 — Neve 746,21 5,4 84,0 » 
LE 1t* NOVEMBRE. 
9 heures matin . . 741,06 6,5 93,0 s. 
L. EC: Fe MIRE Ps SE | 735,66 9,0 94,5 SSO. 
4 heures soir. . . 732,74 13,0 -85,0 050. 
8 — RUE 731,05 — — » 
SPORE ET APN STARS 731,38 12,5 | 69,0 0. 
LE 2 NOVEMBRE, 
| 9 heures matin . . 738,25 6,9 85,5 so. 
MAÉ ET rase 739,72 8,1 79,5 050. 
4 heures soir. . . 740,38 - 6,6 83,0 OS0. 
9 — ETS 740,22 6,7 87,0 » 
LE 3 NOVEMBRE. 
9 heures matin . . 741,25 5,9 86,0 OSO. 
mm, 
| Quantité d’eau tombée du 31 à midi, au 1er novembre à midi. 9,49 
— — du lerau — 2 — . 13,50 


— — du 2 au — 3 — . 21,50 


(431) 


Observations météorologiques faites à Louvain. 


BAROMÈTRE| vewpé- 


réduit à 00. | RATURE. ÉTAT DU CIEL. 


30 ocTOBRE. 


mm, 


8 h. du mat. 748,26 Ciel couvert pendant toute 
la journée ; pluie l'après-midi; 
47,98 pluie et vent très-fort le soir. 


47,79 
46,80 


Hauteur de l’eau tombce, 
45,10 mesurée à 8 heures du ma- 
44,82 TIR Ne ue anim 750 


44,57 
44,30 
43,61 
43,36 


Max. de temp. de Ja journée . 


110 0 ANS" 


31 OCTOPRE. 


mm 


8 h. du mat. 745,56 Éclaircies rares; pluie pen- 
745.40 dant la matinée; un peu de 
? pluie l'après-midi; ciel clair 


745,35 le soir, 


Midi tr. 745,00 
A Hauteur de l’eau tombée, 
3 h, du soir. 745,07 mesurée à 8 heures du ma- 
745,58 tin. . . . ... 20,125 


746,23 


Maximum de température. — + 89,7 
Minimum : : . . . . + 6,5 


1e NOVEMBRE 


8 h. du mat._ 
DUT 
10 — 
11 — 
Midi. 
1 dusoir, » 
D. = 
de 
NT 
Do 
gs 
gr Ve 
que 
+ OR 


Maximum de température . 


Minimum 


2 NOVEMBRE, 


8 h, du mat. 
Din 
10 — 
Midi. . 
3 h. du soir, 
LEE 
EEE 


(432) 


Maximum de température, 


Minimum 


BAROMÈTRE| rewpi- 
réduit à 0°. | RATURE. 
mm, 
744,68 + 6v,0 
742,99 + 6,3 
741,09 » 
739,25 » 
737,75 + 82 
737,07 » 
736,09 » 
735,77 + 11,4 
735,43 » 
733,91 » 
733,30 » 
732,30 min. » 
732,99 » 
734,34 » 
= 120,2 
= 3,4 
mm, 
739,07 + 60,5 
740,05 + 7,7 
741,00 »” 
741,01 + 9,1 
742,05 + 6,9 
742,05 » 
742,76 » 
=—=199;1 
— 5,6 


ÉTAT DU CIEL. 


Ciel couvert; pluie conli- 
nue depuis 7 h.; vent fort. 

Depuis 2 h. après-midi jus- 
qu'à 8 Le vent souflle avec une 
force de plus en plus grande ; 
il tombe un peu de pluie pen- 
dant l'après-midi, 

Vers les 8 h, du soir les 
coups de vent sont d'une vio- 
lence extrême ; pluie averse. 

À 10 b. environ le vent se 
calme, ct il est faible pendant 
la nuit. { 


Hauteur de l’eau tombée, 
mesurée à midi, — 10mm,420 


Pluie pendant la nuit; le 
vent qui a été faible pendant 
la nuit, devient plus fort vers 
6 h. du matin, il diminue en- 
suite, et conserve une force 
médiocre pendant le reste de 
la journée; de tems en temsil 
tombe de la pluie; le ciel s’é- 
claircit par intervalles, 


Hauteur de l'eau tombée, 
mesurée à 8 heures du ma- 
tin 10mm,626 


L: 
( 433 ) 

Au sujet de sa note relative à l'équation binome A8—C, 
et de l'observation qui y est jointe dans le Bulletin pré- 
cédent, M. Pagani déclare qu’il ignorait complétement, 
avant la séance du 7 octobre, que M. Cerquero , ou tout 
autre géomètre, fût parvenu à des résultats semblables aux 
siens; et que la matière qui fait l’objet de sa note avait été 
examinée par lui, il y a plus de deux ans, et communi- 
quée alors à M. Crelle de Berlin. 

M. Lambotte, docteur en sciences naturelles, adresse à 
l'académie une note manuscrite sur le Théridion malmi- 
gnatte , espèce d’araignée que l’on rencontre surtout en 
Italie. M. Dumortier est invité à faire, à la prochaine 
séance, un rapport verbal sur cette communication. 

M. Lambotte envoie en même temps des renseignemens 
demandés par l'académie, au sujet de son mémoire sur les 
batraciens anoures, auquel a été décernée la médaille d’ar- 
gent. (Voyez le Bulletin n° 5 dela séance du 7 mai der- 
nier.) Ces renseignemens sont renvoyés aux commissaires 
qui avaient été chargés de l'examen du mémoire. 

M. Namur , second bibliothécaire à l’université de Liége, 
fait hommage d’un ouvrage manuscrit, intitulé : Biblio- 
graphie Académique, ou répertoire systématique des 
mémoires, extraits de mémoires , dissertations, observa- 
tions, essais et mémoires de prix publiés jusqu’à ce jour 
par l’ancienne et la nouvelle académie de Bruxelles ; etc. 


Anatomie végétale. — M. Morren écrit à l'académie 
qu’il a donné suite à son travail sur l’anatomie et le mou- 
vement du Séylidium graminifolium , et qu’il vient de 
faire des recherches semblables sur le Séylidium corim- 
bosum. 

« Les résultats, dit-il , sont identiquement les mêmes. 


“3 

( 434 ) 
Sur cette espèce, le mouvement de la colonne est sou- 
vent tellement énergique qu’il se manifeste une torsion 
sur son axe. Ea partie mobile est aussi caractérisée par un 
amas de fécule, amas terminé par un ménisque concave en 
haut, convexe en bas. La fécule est ici renfermée dans un 
prismenchyme visible , et l’ablation de cette matière em- 

porle la cessation du mouvement. » 

M. Morren communique aussi, par l'intermédiaire du 
secrétaire, la note suivante sur les plantes hypocarpogées. 


« Le phénomène que présentent les plantes hypocar- 


pogées de faire mûrir leurs graines sous terre, après que la 
fleur a été fécondée dans Fair atmosphérique, a été trop 
peu étudié jusqu’aujourd'hui. Depuis 1798, où Bodart a 
signalé ces singulières fructifications, nous n'avons pas 
de travail sur celle matière, qui soit en harmonie avec 
l'avancement des sciences anatomiques. J'ai tâché de com- 
bler cette laeune. La dissection du Trifolium subterra- 
neum m'a appris que ce n'est nullement la fleur qui 
s’enterre, elle est dans son essence un appareil bien trop 
aérien pour cela; l'organe agissant , le moteur qui pousse 
un capitule d’abord dressé, puis horizontal, dans une di- 
rection descendante , le moteur de cette subversion est 
une partie nouvelle de l'axe du végétal qui n'existe pas 
pendant la floraison, maïs qui se développe après la fécon- 
dation. L’axe du capitule est ascendant ; il devient descen- 
dant : quelle est la cause de ce changement complet ? C'est 
que l’extrémité de l’axe en se divisant , revêt l’organisation 
spongiolaire des racines ; le tissu cellulaire s’y met à nu, 
des poils formés comme des poils radicaux s’y développent, 


et de ce changement d'organisation provient le change- 


ment de fonction. Ces organes sont constitués d’abord 
comme un bout de racine , comme une spongiole ordi- 


( 435 ) 

naire ; bientôt des cellules s’isolent et deviennent des poils; 
il n’y a pas de trace de derme sur ces extrémités. Plus tard 
les bouts se divisent et deviennent des étoiles à rayon va- 
riant en nombre depuis 3 à 10. Chaque rayon a en soi l’or- 
ganisalion d’une spongiole ; c’est un tissu cellulaire à nu 
dont quelques utricules sont allongés en poils. Dans cha- 
cun de ces rayons comme dans le système entier, plongent 
les appareils séveux et respiratoires ; mais ce dernier n’a 
point de trachées, forme particulière à l'axe ascendant, au 
moins dans la plupart des plantes, et par conséquent inutile 
ici ; le vaisseau annulaire la remplace. Ces organes sont, de 
plus, remplis de fécule comme beaucoup de racines. On peut 
donc, en vertu de cette structure si singulière, les regarder 
comme des appareils tout aussi distincts que les suçoirs, 
les haustories, les lenticelles et les spongioles elles-mêmes ; 
aussi je propose de les nommer elcyses (EXevou action 
de tirer), puisqu’en effet ces organes exercent l’action de 
Lirer sous terre les fruits rassemblés en capitule près d’eux. 

» Le ZLinaria cymbalaria ne pousse pas ses fruits de 
haut en bas dans la terre, mais latéralement dans les fissures 
des murailles où il croît. La direction que suit le fruit, n’est 
donc pas celle de la racine : aussi l'organe actif dans ce 
mouvement latéral n'a-t-il que la moitié, si je puis le dire, 
de l’organisation radicale ou spongiolaire. Il y a une elcyse, 
mais celle-ci, attachée au fruit même, faisant partie du 
fruit, n’est pas constituée par du tissu cellulaire com- 
{ plétement dénudé, Au-dessus du péricarpe et au détri- 
“ mentdû mésocarpe, à la pointe correspondant à l’inserlion 
“du style, il y a un développement particulier de tissu 


… cellulaire. C'est un amas d’utricules sphériques enve- 


LA 


“loppant, comme ceux d’une infinité de racines, de gros 
grains de fécule. C'est un mérenchyme féculifére. L'endo- 


( 436 ) 

carpe est formé par un colpenchyme (tissu cellulaire 
sinueux) imitant un tissu fibrocellulaire, et l’épicarpe est 
si mince que ce n’est qu'un derme fort ordinaire. Au 
milieu , la columelle formée principalement de tissus sé- 
veux (fibres ligneuses) va se rendre dans le style dont le 
stigmate présente un mérenchyme complétement dénudé. 
Remarquons que ce style organisé en définitive comme 
une spongiole, se dirige en avant dans la marche du fruit 
vers les fissures des murailles. S'il était turgescent, je dirais 
que c’est lui qui remplit les fonctions d’e/cyse et je trou- 
verais là l’antagonisme complet qui doit exister entre le 
pistil qui termine la plante en haut, dans son système aérien, 
et la spongiole qui la termine en bas, dans son système 
terrestre. Les deux pôles ou la dualité de la triade qui com- 
pose toute plante, se retrouvent ici ayant même organisa- 
tion et je dirai presque même fonction. 

» Les anatomies que j'ai faites de ces plantes doivent se 
compléter par celles du Cyclamen et de l'Arachis hypo- 
gæa. Je présenterai alors ce travail complet à l'académie. 


Dans la marche rapide des sciences naturelles j'ai dû m'as- 
surer seulement la priorité de ces observations. » 


Mécanique industrielle. — M. Dietz, ingénieur méca- 
nicien domicilié à Bruxelles, présente un mémoire manus- 
crit sur un nouveau remorqueur et de nouvelles voitures 
de son invention, appropriés aux routes payées. L'auteur » 
dit qu'il s’est proposé : | 

1° De trouver le moyen de faire disparaître les cahots et . 
les chocs occasionnés par les inégalités des routes et des 
pavés, et deréduire les secousses à une simple vibration ana- 
logue à celle qu'éprouvent les remorqueurs sur les che- 
mins de fer; 


( 437 ) 

2 De pouvoir faire suivre régulièrement le remor- 
queur par une série de waggons, dans la ligne tracée par 
lui ; pendant sa marche , et sans aucune déviation possible 
quels que fussent les accidens et les courbes des routes ; 

3° De trouver quelle est la force utile d’adhérence des 
roues travaillant sur le pavé , eu égard au poids de la ma- 
chine et à la largeur des jantes, le tout combiné avec la 
puissance nécessaire pour remorquer sans glisser, une 
charge donnée sur une pente ascendante de 5 centimètres 
par mêtre au moins; 

4° De proportionner sa force de traction au poids néces- 
saire à transporter pour produire des recettes capables de 
couvrir, et au dela, ses dépenses , afin de le rendre lucratif 
aux spéculateurs. 

Commissaires MM, Cauchy , Crahay, De Hemptinne, Pa- 
gani ct Quetelet. 


LECTURES. 


Mécanique industrielle. — M. Cauchy, qui n’a pu as- 
sister à la séance, fait parvenir à l'académie les observations 
suivantes, concernant une nole de M. Triven, médecin 
militaire, sur laquelle il avait été invité à faire un rapport 
verbal. 

« Dans une note qu'il a remise le 11 octobre à l’aca- 
démie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, M. L. F. 
Triven propose de diminuer considérablement le nombre 
des essieux d’un train de waggons destiné à parcourir un 
Chemin de fer, et demande un avis sur la partie pure- 
ment scientifique de la question. 

» Je l'ai examinée avec M. Henri Maus, ingénieur du 
chemin de fer, qui joint à de profondes connaissances en 


( 436 ) 
mécanique, une sagacité remarquable pour apprécier Île 
mérite d’une machine. Voici les résultats de cet examen. 

» On sait que la résistance qu'éprouve un train de wag- 
gons qui se meut sur un chemin de fer, est due au frot- 
tement des essieux dans leurs crapaudines et à celui des 
roues sur les rails. Voyons donc si ces frottemens seront 
notablement diminués dans le système de M. Triven. 

» Les expériences de Coulomb et celles de M. Morin ont 
suffisamment démontré que la résistance due au frottement - 
de deux surfaces glissant l’une sur l’autre, est propor- 
tionnelle à la charge ou à la pression qu'elles supportent; 
qu'elle est indépendante de l’éléndue des surfaces et 
qu'elle varie seulement avec la nature et l’état de ces 
surfaces ; en d’autres termes , qu’elle est égale au produit 
de la charge ou de la pression par un coefficient déter- 
miné pour chaque nature et état des surfaces frottantes. 
De là résulte évidemment que, quel que soit le nombre 
des essieux adaptés à un système de waggons, la résistance 
due au premier des frottemens rappelés ci-dessus, sera 
constamment la même si la charge reste aussi la même ; 
mais cette charge devra être plus forte dans le système de 
M. Triven; car si l’on considère l’ensemble d’un convoi de 
waggons comme un vaste plancher d’une surface donnée, 
il est bien évident que les pièces de bois destinées à lui 
donner la solidité nécessaire, devront être d'autant plus 
fortes, et, par conséquent, d’autant plus pesantes, que 
les points d'appui ou essieux seront plus éloignés. Remar- 
quons en outre que les enduits graisseux pénètrent plus 
difficilement à mesure que la pression augmente, de sorte 
que le graissage en devient plus imparfait. M. Wood a 
trouvé , par une série d’expériences, que le coefficient du 
frottement augmente sensiblement, lorsque la pression 


E 


nn «ed el PURE LE 


( 439 ) 
dépasse 7 kilogrammes par centimètre carré des surfaces 
frottantes. 

» Quant à la résistance due au frottement des roues sur les 
rails, M. Wood a trouvé qu’elle est aussi proportionnelle à 
la charge, du moins pour des vitesses comprises entre les 
limites d’une et de trois lieues (de cinq mille mètres) par 
heure ; il semble donc, au premier aperçu, que cette, 
seconde force retardatrice doit être sensiblement atténuée 


… par la diminution du nombre des essieux ; mais il suffirait 


pour reconnaître qu'il n’en est point ainsi, de faire atten- 
tion à l'excès de solidité, et, par conséquent ,de poids, 
qu'il faudrait donner à toutes les parties du train, pour 
faire porter sur deux essieux le poids réparti aujourd’hui 
sur soixante. j 

» Observons d’ailleurs que le coefficient du frottement 
des roues sur les rails n’est guére, d’après les expériences 


. de M. Wood, que de 0,001, tandis que celui du frottement 


des essieux dans les crapaudines, est évalué par le même 
auteur, à 0,004 , et s'élève même, d’après d’autres cbser- 
vateurs, à 0,005, on voit donc que si l’on augmente, 


. comme on doit le faire dans le système de M. Triven , le 


poids portant sur l’essieu d’une quantité À , il faut que 
celui du poids portant sur les rails soit diminué d’une 
quantité quadruple el même quintuple. 

» Remarquons encore que le grand intervalle qui existe 


- entre les essieux d'avant et d’arrière d’une locomotive, est 
y 


un inconvénient dans les courbes, car ces essieux étant 


parallèles entre eux, ne peuvent se trouver dans la direc- 


tion du rayon de la courbe passant par le point de contact 
d’une roue avec le rail, de sorte que les roues de devant 
tendent à s'échapper en franchissant le rail extérieur de 


la courbe , et les roues de derrière , en franchissant le rail 


( 440 ) 


intérieur ; elles ne sont retenues que par les rebords des 
roues, qui frotient alors contre les rails avec d'autant plus 
de force que les essieux sont plus espacés. C'est à cette 
cause que l'on attribue la rupture de plusieurs essieux 
extrêmes de locomotives. 


» De toutes les considérations qui précédent , je crois 


pouvoir conclure que le système de M. Triven, fûl-1l sus- 
ceptible d'application, ne présenterait aucun avantage 
sur ceux actuellement usités. » 


Teinture. — M. De Hemptinne qui, dans la séance du 7 
octobre, avait élé prié d'examiner une notice adressée à 
l'académie par M. Vloeberghs, sur un procédé pour teindre 
la laine en rouge de garance, fait le rapport verbal suivant : 

« Je n’ai rien trouvé dans celte notice qui puisse in- 
téresser l'académie sous le rapport de la science, L'auteur y 
décrit le procédé qu’il suit dans cette opération de teinture, 
el sa manipulation me paraît assez bien conçue. Il emploie 
la garance du pays; et l'étoffe de laine teinte en rouge qui 
accompagnait son mémoire, est d’une belle nuance et peut 
rivaliser avec ce que l’on teint dans ce genre dans le pays, 
et ce que l’on nous envoie de l'étranger. 

» Ce qui me paraît mériter une attention particulière, 
c'est que l'auteur assure que son procédé produit une 
grande économie de matière premiére et de main-d'œuvre, 
qui permet de travailler beaucoup en dessous du prix ac- 
tuel du commerce. C’est une assertion dont on ne peut 
bien juger qu’en suivant le travail en grand et en le compa- 
rant avec celui des diverses fabriques, mais celte question 
se trouvant en dehors des travaux ordinaires de l'académie, 
je n'ai pas cru devoir me livrer à des recherches sur ce 
point. » 


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( 441 ) 

Philosophie anatomique. — Rapport de la commission 
chargée de l'examen du mémoire et des préparations 
anatomiques adressés par M. Burggraeve, à l'académie, 
dans la séance du 7 octobre. Commissaires MM. Sauveur, 
Dumortier et Wesmael, rapporteur. 

«Le mémoire soumis par M. Burggraeve au jugement de 
l'académie, a pour but, comme son titre l'indique, de 
démontrer l'unité de'.composition des organes respira- 
toires et de la sécrétion biliaire considérés dans l’homme 
et dans la série animale. 

» L'auteur a divisé son mémoire en deux parties: dans la 
première, il traite des organes respiratoires, et 1l annonce 
qu’il trailera des organes de la sécrétion biliaire ainsi que 
de l’analogie entre le foie et les poumons, dans une se- 
conde parlie que nous n’avons pas reçue. C’est donc uni- 
quement la partie du travail de M. Burggraeve relative aux 
organes respiratoires, que vos commissaires ont été appelés 
à examiner. 

» M. Burggraeve commence son mémoire par un exposé 
des principes qui l'ont guidé dans ses recherches ; il fait voir 
combien est féconde en résuitats la grande loi de l'unité de 
composition des êtres vivans, la seule qui, sagement inter- 
prétée, nous montre, suivant ses expressions , la création 
comme une œuvre d'ordre et d'harmonie suprême. 

» Il jette ensuite un coup d’œil rapide sur la manière 
dont on a successivement traité l'étude de l'anatomie : 
les anciens accordant trop à leur imagination; les hom- 
mes de la renaissance des sciences se montrant -au 
contraire grands observateurs de détails, mais sans 
vues philosophiques. Plus heureux aujourd'hui, dit 
M. Burggraeve , Les faits viennent appuyer nos théo- 
ries, et nous n'avons plus à craindre de les voir re- 


( 442 ) 
léquées un jour au rang des rêves. Ici se termine l'intro- 
duction. p 

» Dans un premier chapitre, l’auteur passe en revue les 
principales modifications que subit l'appareil respiratoire 
dans la série animale. Il nous montre cet appareil ayant 
son siége , d'abord dans le tégument tout en entier, puis se 
localisant de plus en plus, mais toujours au moyen de 
prolongemens ou de rentrées de ce même tégument. 

» Un second chapitre est consacré aux organes respira- 
toires de l’homme. M. Burggraeve examine succinctement 
les diverses opinions émises sur la structure anatomique 
des poumons de l’homme , depuis les anciens jusqu’à nous, 
et il se rallie à l'opinion assez généralement admise aujour- 
d'hui, que les innombrables ramifications des bronches se 
terminent chacune en cul-de-sac. Cependant , comme une 
opinion différente avait été émise, l’année dernière, en 
France, M. Burggraeve a cru devoir se livrer à de nouvelles 
recherches; il a injecté au mercure les canaux bronchi- 
ques, et ses préparalions mises sous les yeux de vos com- 
missaires, leur ont paru la meilleure réfulation possible 
de la théorie des canaux labyrinthiques de M. Bour- 
gery. 

» En résumé, nous pensons que l’académie doit des re- 
mercimens à M. Burggraeve pour la communication de 
celte première partie de son mémoire, et doit l’engager à 
le terminer ; car c’est alors seulement que vos commissaires 
pourront se prononcer sur sa valeur réelle. 

» Vos commissaires se réservent aussi d'entretenir ulté- 
rieurement l'académie des injections de M. Burggraeve, 
qui a témoigné le désir qu’ils se rendissent à Gand à cet 
effet. » 

Les conclusions de ce rapport sont adoptées. 


(443 ) 
L'académie ordonne ensuite l'impression , dans son re- 
cueil , du mémoire de M. Martens, Sur les produits de lu 
En nusrion lente de la vapeur alcoolique et de la vapeur 


éthérée autour d’un fil de platine incandescent, présenté 
à la séance du 4 février 1837. 


Botanique. — M. Dumortier lit la note qui suit, sur 
le genre Dionæa. 

« La Dionée, l’une des plantes les plus curieuses et les 
plus intéressantes par le phénomène de l’extréme irritabi- 
lité du limbe de ses feuilles, offre une grande incertitude 
quant à la place qu’elle doit occuper dans les familles 
naturelles. J. Ellis, qui le premier décrivit cette plante, 
indiqua aussi le premier ses rapports avec le genre Drosera 
et surtout avec le D. rotundifolia (1). Antoine Laurent 
De Jussieu, dans son savant ouvrage sur les familles natu- 
relles, révoqua en doute cette affinité, et plaça le genre 
Dionæa dans ses Plantæ incertæ sedis (2). Les différences 
importantes qui existent entre ce genre et les Droseracées 
n'avaient pu échapper à l’immortel auteur du Genera 
plantarum , qui comprit dès l’abord la difficulté de les 
rapprocher et de les réunir en une seule el même famille. 
C'est cependant ce que fit Linné, dans ses Ordines natu- 
rales , où il place le Dionæa parmi ses Gruinales , avec 
le Linum , V Aldrovanda , le Drosera, l'Oxalis, le Ge- 
ranium (3) , rapprochement aujourd’hui reconnu impos- 


sible. 


D 


(1) 3. Ellis, de Dionæa muscipula planta irritabili nuper detecta, ad 


 perill. car. a Liôie epistola (1771), gott., p. 10. 


(2) A. L. Jussieu, Genera plantarum (1789), p.431. 
(3) Linné, Ordines naturales , ed, Giseke (1792), p. 320. 
Tom. 1v. 32 


( 444 ) 

» En 1792, parurent les Ordines naturales de Batsch, 
travail trop peu connu, annexé à son Synopsis univer- 
salis analytica generum plantarum. Dans cet ouvrage, 
riche en vues neuves et intéressantes, Batsch réunit la 
Dionæa aux genres Drosera, Aldrovanda et Roridula , 
et en forma une petite famille qu'il désigna sous le nom 
de Ciliatæ (1). Batsch maintint cette même classification 
dans sa Tabula afjinitatis regni vegetabilis. Cette famille 


des Ciliatæ devint pour M. Decandolle (2) le type des _ 


Droseraceæ , dans laquelle la Dionée est comprise, et qui 
fut adoptée par MM. Bartling (3), Schuliz (4), Martius (5) 
et Speach (6). Cependant M. Reichenbach , dans son Con- 
spectus regni vegetabilis, avait indiqué la séparation de 
la Dionæa d'avec les Droséracées (7), et moi-même, dans 
mon analyse des familles des plantes, j'avais omis de men- 
tionner ce genre, dont les caractères ne s'accordent avec 
ceux d'aucune famille. 

» M. Lindley comprit enfin la nécessité de retirer le genre 
Dionæa de la famille des Droséracées , avec laquelle il n’a 
qu'une analogie éloignée, et dans son Vixus plantarum , 
il le plaça à la suite des familles qui composent la 2° 
cohorte de sa 1° classe, nivus 5, c’est-à-dire parmi les 


plantes endogènes polypétales, albumineuses, hypogynes 


(1) Batsch, Synopsis universalis analytica generum plantarum, 1794, 
p.388. 

(2) Decandolle, Prodromus regni vegetabilis (1824), p. 320. 

(3) Bartling , Ordines naturales plantarum (1830), p. 286. 

(4) Schultz, Das Pflansensystem nach innerer Organisation (1832), 
p. 442. 

(5) Martius, Conspectus regni vegetabilis (1835), n. 280. 

(6) Spach, Histoire naturelle des véyétaux , tome VI (1836), p. 492. 

(7) Reichenbach, Conspectus regni vegetabilis (1828), p. 189. 


4 


Ê 


( 445 ) 

et à graines centrales (1). Dans cet état, le genre Dionæa 
était rapproché par M. Lindley des Olacinées , des Pittos- 
porées et des Vitidées. Toutefois, ce savant auteur ne pa- 
raissait pas lui-même satisfait de celte combinaison, et 
doutait encore de la place que doit occuper ce genre, car 
il ajoute : Dionœa alienigena videtur ; forsitan punctum 
commune Pittosporalium adhuc incompletarum, inter 
quos omnino analoga est cum Cephaloto in Ranalibus , 
Adrastæa? in Anonalibus. — Dans sa Clef de la bota- 
nique physiologique et systématique, M. Lindley change 
d'avis , il rapproche le Dionæa de ses Ranales , qui for- 
ment la première alliance de son premier groupe, el le 
place à la suite des Céphalotées, des Nymphæacées , des 
Papaveracées et des Renonculacées (2), tout en reconnais- 
sant cette affinité comme très-douteuse : Dionæa, ditl, 
is aparadozical plant whose true affinites are doubtful. 
Enfin dans son système naturel de botanique, le même 
naturaliste place ce genre comme tribu dans la famille 
des Céphalotacées , mais toujours en manifestant ses doutes 
sur la place qu'il doit réellement occuper (3). 

» L'analogie de la Dionée avec le Drosera repose sur 
certains caractères d'habitation et de formes. Comme le 
Drosera , la Dionée habite en effet les marais tourbeux ; 
comme elle, elle offre une rosette de feuilles radicales 
étalées sur la terre, et une hampe radicale pluriflore. Que 
si nous examinons les caractères tirés de la fleur, nous 
verrons que la Dionée présente à la vérité, comme le 


——_——_— 


(1) Lindley, Virus plantarum (1833), p. 10. 


(2) Lindley, À key 10 structural, physiological, and systemutic botany 
(1835), p 40 


(3) Lindley, À natural system of botany (1836), p. 14 


( 446 ) 

Drosera , un calice pentasépale, cinq pétales insérés sur 
le réceptacle el un fruit uni-loculaire, mais les Drosé- 
racées véritables ont les étamines en même nombre que les 
pétales, le style multiple et les placentaires pariétaux, 
tandis que la Dionée en diffère par ses étamines en nom- 
bre double des pétales, par son style unique et capité, et 
par son placentaire central. En outre, la Dionée n'offre ni 
l'eslivalion circinele des vraies Droséracées, ni leurs poils 
stipulaires; elle est glabre dans toutes ses parties et pré- 
sente le limbe des feuilles totalement distinct du pétiole. 
Ces caractères, celui de la placentation surtout, ne per- 
mettent pas de confondre ces plantes dans une seule 
famille. La Dionée ne convient pas mieux à la famille des 
Céphalotées, car elle en diffère par sa cerolle distincte, 
par son ovaire simple pluriovulé, et non multiple à cap- 
selles uniovulées, enfin par la placentation, caractères 
tellement importans, qu'il est impossible d'admettre la 
réunion proposée par M. Lindley. Les caractères de la 
Dionée repoussant toute alliance avec les familles dans 
lesquelles on a voulu la placer, il importe donc d'en faire 
une famille distincte. Voyons maintenant de quelles fa- 
milles ses caractères la rapprochent. 

Par la présence et l'insertion de sa corolle, la Dionée 
doit figurer parmi les plantes à corolle polypétale, insérée 
sur le torus ( Toropétales); c'est donc dans cette classe qu'il 
faut chercher ses affinités, et cette question est bien difficile, 
car je n’y vois aucune similitude réelle parmi les familles 
connues. En effet, si nous consultons le grand caractère 
de la placentation, si important pour la coordination des 
familles naturelles, nous verrons que le placentaire central 
et libre de la Dionée, l’éloigne de toutes les familles à 
placentaires pariétaux ou inlervalvaires. Parmi les familles 


( 447 ) 

restantes, son ovaire uniloculaire l’éloigne des Rutariées, 
des Geranariées, des Malvariées, des Hypéricarites, des 
Citrariées et des Sapindariées. C’est donc parmi les Stel- 
lariées qu'on doit fixer provisoirement ce genre, qui 
prendra place entre les Corrigiolées et la nouvelle famille 
_des Claytoniacées, avec laquelle il a quelques points d’ana- 
logie. La famille des Droséracées, comprendra le genre 
Drosera , et peut-être aussi le PDrosophyllum, dont plu- 
sieurs auteurs avaient fait une espèce de Spergula , ce qui 
est une preuve nouvelle de l’affinité que nous venons 
d'indiquer. Il nous reste à en exposer les caractères. 


DIONACEEÆ. 


« Flores completi hermaphroditi, polysepali , polypetali , regu- 
laes. Calix pentasepalus, inferus , sepalis persistentibus æqua- 
libus, præfloratione imbricatis. Petala tot quot sepala, epithalama, 
alternativa, æstivatione contorta. Stamina petaloram numero 
dupla vel indefinita, libera, epithalama , antheris terminalibus , 
bilocularibus lateraliter dehiscentibus. Pollen trilobum. Pystillum 
unicum , superum , simplex, monostylum. Ovarium sessile unilo- 
culare , pluriovulatum , ovulis placentario centrali libero aflixis et 
intra ejusdem substantiam semi-immersis. Stylus simplicissimus, 
stigmate capitato-pellato, fimbriato. Pericarpium simplex , capsu- 
lare, uniloculare, plurivalve, placentario centrali celluloso semi- 
nifero. Semina numerosa minuta albuminosa. Albumen carnosum 
semini conforme. Embryo minutus. — Herbæ perennes foliis in 
rosulam radicalem congestis estipulatis, præfoliatione reclinatis. » 


Botanique. — Note sur l'effet pernicieux du duvet du 
Platane, par M. Ch. Morren, professeur ordinaire de 
botanique , à l’université de Liége et correspondant de 
l'académie. 


On observe parfois que les jardiniers, aprés avoir procédé 


( 448 ) 

à la taille des arbres, éprouvent un prurit désagréable 
dans le nez, dans l’arrière-bouche, suivi d’une inflamma- 
tion des voies respiratrices , de laryngites, de bronchites ; 
les expectorations se répèlent , et le plus souvent il y a hé- 
mopiysie plus ou moins inquiétante. L'expérience prouve 
que lorsque la taille se fait pendant les vents et sous leur 
influence, ces eflets délétères sont moins fréquens et 
moins énergiques ; ils le sont d'autant plus que le temps 
est plus chaud, l'air plus lourd et moins balayé par le vent. 
Ayant été témoin, encore celte année de deux phénomènes 
semblables, il ne m'a pas été difficile d’après les indications 
que j'ai reçues des ouvriers, de reconnaître que l'arbre 
qui donne naissance à de si pernicieux effets, était le PJa- 
tane. En examinant avec quelque soin l’organisation de 
celte espèce, on s’aperçoil bientôt que la cause d’une in- 
fluence si active sur les organes de la respiration, réside 
dans le duvet qui recouvre les jeunes feuilles, les jeunes 
branches et le dessous des feuilles plus âgées. Je devais na- 
turellemeut être porté à soumettre à l'inspection micros- 
copique ce duvet pris sur les différentes parties du végétal, 
et les observalions que j'ai faites sur son organisalion ex- 
pliquent parfaitement les effets que je viens de signaler, et 
que je ne me rappelle pas avoir vus mentionnés dans aucun 
auteur de botanique, d'agriculture, d’horticullure, d’éco- 
nomie forestière ou de médecine. Je suis d'autant plus 
convaincu que l'étude des poils qui composent ce duvet 
m'a fait connaître la cause du mal, que M. Henrard père, 
jardinier pépiniériste de Liége , m'a assuré depuis qu’en se 
couvrant le nez et la bouche d’un mouchoir ou d’une gaze 
fine, par laquelle l'air se tamisait convenablement, il n’a- 
vait plus éprouvé les graves inconvéniens dont il avait eu 
lui-même à pâtir, avant de prendre ces précautions. 


( 445 ) 

Le duvet du platane est uniformément répandu sur les 
jeunes feuilles, sur les stipules et les branches. Quand la 
feuille est encore petite, d’un à quatre centimètres par 
exemple, il donne à sa surface supérieure une couleur 
brune plus foncée sur les nervures. Le dessous de la feuille 
est au contraire pourvu d’un duvet blanc , plus abondant 
entre les nervures. Quand la feuille grandit et qu’elle pré- 
sente un décimètre de longueur, le duvet est beaucoup 
plus clair, mais il donne encore à l’organe un aspect cha- 
toyant un peu doré sur les bords du limbe. Le dessous est 
uniformément cotonneux. La feuille parvenue à sa belle 
croissance, à cette longueur de plus de deux centimètres 
de hauteur et de trois en largeur, croissance qui a fait don- 
ner à l’arbre le nom significatif qu’il porte (rar , large) 
présente une surface lisse, sans duvet aucun, et la face in- 
férieure n'offre d’autres poils que de légers amas au bas des 
nervures maîtresses, à l’aisselle et le long des nervures se- 
condaires. 

Ces faits expliquent suffisamment pourquoi les accidens 
dont j'ai parlé, n’ont guère lieu qu’au printemps, alors que 
les feuilles toutes jeunes, n’ont pas encore eu le temps de 
se dépouiller d’un duvet dont la caducité se prouve par son 
absence sur les feuilles parvenues à leur entier développe- 
ment. Dans le cas où cela ne nuirait pas à la végétation, 
il conviendrait pour faire la taille, d'attendre le dévelop- 
pement à peu prés complet des feuilles. 

Le duvet des jeunes branches est d’un blanc roussâtre, 
assez abondant et distribué par petites pelottes qui s’espa- 
cent d'autant plus que la branche est plus vieille; quand 
les branches ont quelqu’épaisseur, tout le duvet est tombé, 
Le moindre frottement suffit pour le détacher de la plante, 
et l'on conçoit facilement comment le vent peut la priver 


( 450 ) 


de ses poils : sur les vieilles feuilles on aperçoit quelque- 
fois un reste de ce duvet sur le bord même de cet organe. 

Les poils des jeunes branches sont de plusieurs espèces, 
et d’après leur organisation typique, comparée aux autres 
formes, je serais tenté de croire qu'ils croissent à peu près 
comme les bois des ruminans, c'est-à-dire qu'ils se divi- 
sent d'autant plus qu'ils sont plus âgés. Le développement 
des poils chez les végétaux est un objet encore peu élu- 
cidé. Ainsi tantôt et quand le poil est trés-jeune, il se com- 


pose de quatre divisions disposées en croix (£g. 5)ou decinq 


(fig. 6),et alors il y a un globule central (a, fig. 6) basique, 
qui bien certainement est le rudiment de la tige du poil, 
tige qui en se développant portera les divisions plus haut 
ou sur le côté ou au sommet. La forme (fig. 7) exprime 
celle modification. Alors le poil est à branches simples, 
mais plus tard il peut devenir plus rameux, comme on le 
voit à la fig. 8. Dans ce cas, les rameaux simples ou divi- 
sés semblent être autant de cellules particulières, allongées 
et pointues, soudées à leur base avec la tige commune. La 
soudure est plus ou moins parfaite; tantôt l'articulation 
est visible, tantôt elle a disparu. Dans ce dernier cas, 
comme chaque utricule pileux est creux, la cavité est com- 
mune à tout le poil, circonstance bien importante à noter 
comme nous le verrons plus loin. 

Sur la jeune feuille, le duvet, quand on le voit en masse, 
présente un amas effrayant de pointes hérissées, divari- 
quées, acérées, se pressant fortement les unes contre les 
autres (fig. 1). À l’aspect de cette forêt de dards aigus, on 
conçoit comment les voies bronchiques doivent s'irriter 
quand des pelotes aussi horriblement épineuses séjournent 
sur la muqueuse. Chaque poil a souvent vingt ou trente 
pointes des plus aiguës, et sur un millimètre carré J'ai 


Bulletin de L'Academue Er Tome IV. 


feuille sh z 7 3 


/ 


Bt de Bar ggraaff, Prat 


4 


(451 ) 


compté jusqu'a quarante de ces poils, ce qui fait de 800 à 
1200 pointes qui constituent autant de foyers d’irritation. 
Tantôt ces poils ont un globule central (a, fig. 1) d’où émer- 
gent les dards aigus (b fig. 1); tantôt ce sont de longues tiges 
articulées (fig. 2,aa) terminées en cône pointu (fig. 2. c). 
Les cavités de ces tiges et des branches sont ou communes 
à tout le système, ou partagées par les articulations de la 
tige maîtresse et des branches. s 

Sur la feuille adulte , les poils ont souvent des branches 
unilatérales , alors dirigées au dehors (fig. 3). D'autres poils 
ont leurs pointes divariquées et comme verticillées (fig. 4). 

J'étais naturellement curienx de connaître, au mieux 
possible, la constitution intime de ces organes si pernicieux 
pour l’homme. Leur roideur et leur transparence, leur as- 
pect vitré et leur cassure nette me firent conjecturer que 
ces corps devaient être siliceux. En effet, les acides n’eurent 
aucune influence sur eux, et l'acide nitrique bouillant ne 
les modifie guère ; je les brûlai ; ils devinrent un peu bruns, 
mais leur forme ne changea pas. Ce sont donc comme au- 
tant de pointes de verre trés-tenues que le jardinier avale, 
quand il taille les platanes. 

Le compressorium me démontra que leur membrane est 
légèrement extensible, et par conséquent qu’ils sont dilata- 
bles. Leur volume peut en effet devenir une fois et demie 
plus fort que l'ordinaire. Cette extensibilité des poils est un 
effet sur lequel on n’a pas attiré l'attention du physiolo- 
giste , et pourtant elle est bien importante pour la fonction 
de ces organes, quand ce sont des appendices ou de la respi- 
ration végétale ou de la cyclose. J'ai fait depuis deux ansun 
grand nombre de recherches qui me prouvent que ce sont 
là deux fonctions bien différentes, réparties aux poils des 
plantes, mais pas à tous les poils. 


( 452 ) 

J'ai dit que les branches ne sont que des cellules soudées 
à la tige commune du poil. Le compressorium me fit voir 
davantage. Aux aisselles des branches, on aperçoit à un 
fort grossissement du microscope d'Amici des corpuscules 
arrondis, à noyau central (ee fig. 4). Ce noyau, quand on 
parvient à briser un corpuscule semblable, est rempli d’une 
liqueur claire comme de l’eau. Je pense que c’est une sé- 
crétion de la membrane utriculaire , destinée à faire place 
au fluide aériforme , qui plus tard doit remplir la cavité de 
tout le poil. Ges corpuscules sont évidemment des rudimens 
des cellules, qui ,ens’allongeant, deviennent les branches. 

Le compressorium ne tarda pas à me démontrer que la 
cavilé des grands poils était remplie de gaz. On voit, en ef- 
fet, sortir les bulles, quand le disque compresseur agit sur 
le poil plongé dans de l’eau (fig. 4, d) et l’on voit de plus 
les bulles traverser le canal mitoyen de la tige maîtresse, 
dont les parois épaisses deviennent alors facilement appré- 
ciables {fig. 4; a). | 

Je mis quelques poils dans l’eau de chaux déposée sur le 
disque inférieur du compressorium, je fis sortir l'air des 
poils par le disque supérieur et l’eau de chaux ne se troubla 
pas. Ce n’est donc pas de l'acide carbonique qui réside dans 
_ les poils. J'aurais bien voulu savoir si c'était de l’oxigène; 
mais tous mes efforts pour recueillir le gaz dans une éprou- 
vette au moyen de la machine pneumatique furent inutiles. 
Le fluide aériforme tient tellement aux parois de ces poils, 
qu'il est impossible par ce moyen de le faire sortir. M. Théo- 
dore de Saussure, en démontrant l'absorption et la con- 
densation des gaz par les corps poreux ou pourvus de ca- 
naux capillaires, a rendu plus facile l'explication de la 
fonction respiratrice des poils, canaux infiniment capil- 
laires. On sait de plus par ses travaux, et par ceux de 


(453 ) 


M. Dutrochet (Respiration des végétaux, mémoires, t. 1, 
320) qu'après l'acide carbonique c’est l’oxigène qui est le 
plus attiré par les corps poreux ou capillaires , en qui le 
carbone abonde. Or ici, dans ces poils , le gaz est tellement 
condensé, tellement adhérent aux parois, que sauf l'effet 
du compressorium, il devient quasi impossible de le faire 
sortir pour l’examiner avec soin. Toutefois la fonction res- 
piratrice des poils devient un fait hors de doute , et quand 
on réfléchit que les poils sont des appendices du derme de 
la plante (1) et que celui-ci jouit dans une infinité de cas 
de la fonction respiratrice (Cypripediuwm venustum, etc.), 
on ne saurait douter que les poils n’en jouissent aussi. 

Mais ce gaz ainsi absorbé par les poils, ainsi condensé 
dans leur cavité intérieure, ainsi adhérent à leur paroi, doit 
par cela même rendre ces organes en quelque sorte inalté- 
rables. Quand il y à de l'air dans un organe soumis à l’ac- 
tion macérante de l’eau, la décomposition est retardée ; les 
plantes aquatiques ont toutes des réservoirs d’air, ou des 
coussinets d'air pour ne pas pourrir dans l’eau , etc. Ces ef- 
fets sont connus ; or ici, dans ce cas particulier, il est 
évident que l'inaltérabilité de ces poils provenant d’une 
part de leur composition siliceuse ,et de l’autre du gaz 
qu'ils contiennent à l'état condensé, doit devenir, quand 
l’ouvrier les a fait passer, par la respiration, dans les voies 
aériennes, une condition d'irritation et d'effet plus perni- 
cieux. Il n’y a donc qu’à s’opposer par une gaze placée au- 
tour de la tête, à l'entrée de ces poils dangereux. 


(1) Dans un traité d'anatomie végétale auquel je travaille, je nomme 
derme, ce que les auteurs appellent à tort épiderme, Un épiderme suppose 
un derme, cela est évident ; et l’épiderme existe du reste, c’est la mem- 
brane cuticulaire simple de Brongniart,. 


( 494 ) 

Il paraît du reste que d’autres plantes produisent des 
effets analogues. M. Raffeneau Delille, professeur de bota- 
nique à Montpellier, m’a assuré que chaque fois qu’il ma- 
niait dans son herbier les V’erbascum , il était pris d’une 
toux fort incommode pendant plusieurs jours. 

Je n'ai pas besoin de faire remarquer que d’après ces 
faits, il importe que les platanes soient éloignés des hôpi- 
taux, des hospices, des refuges pour la vieillesse et en 
général de tous les établissemens dans le voisinage ou les 
jardins desquels les convalescens ont l'habitude de se pro- 
mener. 


Anatomie. — M. Gluge, docteur de la faculté de mé- 
decine de Berlin, adresse à l'académie la note suivante sur 
la structure microscopique des hydatides. 

« L’anatomie des acéphalocystes ayant été jusqu'ici peu 
cultivée, j'ai cru utile de rappeler l'attention sur une or- 
ganisation assez curieuse. Les observations que j'ai l’hon- 
neur de soumettre à l'académie ne sont qu'un extrait 
succinct d’un mémoire plus étendu. 

» On trouve comme on sait, dans l’homme, ainsi que 
dans quelques animaux des vésicules qui contiennent ou un 
liquide limpide ou de petits grains nageant dans ce liquide 
ou atlachés à la surface intérieure de la vésicule. Pallas 
avait le premier émis l’opinion que ces petits grains pour- 
raient bien être des animalcules, mais à M. Goeze (1), 
appartient leur découverte. Il trouva que ces petits grains 


(1) Goeze, Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewürmer im 
thierischen Kôrper. Leipzig , 1782. 4, et erster Nachtrag zur Naturge- 
schichte der Eingeweidewürmer von Goeze von Zeder. Leipzig, 1800, 4. 


RE 


( 455 ) 
visibles à l'œil nu contenaient, observés par le microscope , 
une infinité de petits animalcules. Il donna la description 
des crochets et des quatre suçoirs qui se trouvent à la 
partie supérieure de l’animal. 

» I faut avouer que les auteurs qui l'ont suivi, n'ont rien 
ajouté à cette description , et généralement on a augmenté 
la confusion sur les hydatides. C'est ainsi que Rudolphi (1), 
dans son ouvrage classique, se borna à donner seulement la 
copie des figures de Goeze; et que M. Bremser, dans la pre- 
mière édition de son ouvrage, excellent du reste, nia même 
l'existence de ces petits vers (échinocoques) chez l’'homnue, 
qui avait été signalée par Goeze; et c’est plus tard seule- 
ment que, dans une dissertation d’un deses élèves (M. Renz- 
dorf ), il rétract a son erreur. M. Laënnec et M. Kuhn, 
le dernier dans sa dissertation sur les hydatides (Stras- 
bourg 1832), ont donné des remarques intéressantes ; mais 
ils ont augmenté la confusion sous le point de vue z00logi- 
que et anatomique. Le second nia les crochets ; mais il ne 
fut induit en erreur que parce qu'il s'était seulement 
servi d’un grossissement de 4 fois, tandis qu’il en faut de 
200 fois pour bien étudier la nature des échinocoques. 
M. Laënnec enfin réunit des élémens fort hétérogènes en 
confondant les échinocoques et les vésicules qui n’en con- 
tenaient pas sous le nom d’acéphalocystes. 

» Cette dénomination renferme déjà une hypothèse. Le 
nom de Âyste sans tête laisse présumer que l’auteur 
regarde comme des animaux les hydatydes mêmes qui ne 
contiennent pas des échinocoques, opinion qui n’est nul- 
lement prouvée. 


0, 


(1) Rudolyhi K. A. Entozsoorum historia naturalis. Amste/odami 
1808. 8. 


( 456 ) 

» Il me paraît plus prudent, d’après les observations que 
j'ai faites et dont je donnerai le résumé , de laisser le nom 
d'hydatides à toutes les vésicules renfermant des grains 
d’échinocoque ou non, et d'attendre pour les subdivisions 
le temps où des observations microscopiques nombreuses 
auront été faites sur ce sujet. Les miennes ont élé faites 
avec le microscope de Schiek de Berlin, et un grossissement 
de 250, sur les hydatides de l’homme et du cochon. 


L. Æydatides contenant des grains d’échinocoques. 


» 1. Ænimalcule. J'ajoute seulement aux observations 
faites par les auteurs précédens, qu'on trouve dans la 
partie postérieure de l’animal des corpuscules assez cu- 
rieux. Îls sont d’une figure ronde, transparens, et sont 
formés par un noyau et une enveloppe séparés sous le 
microscope par une ligne noire. 

» Je nesauraïs mieux les comparer qu'aux œufs des lima- 
çons regardés par la loupe simple, après les avoir rendus 
transparens par un acide. Seulement ils sont infiniment 
plus pelits (, millim. à peu près). Ils sont situés vers 
la partie latérale de l'animal, de manière à former un 
demi-cercle, et laissent un petit espace entre eux. Leur 
nombre est variable : on en voit 3, 5 et plus. On les sépare 
facilement du corps de l’échinocoque; et, s'il commence 
à être détruit, on les trouve quelquefois déja détachés. Il 
se pourrait bien que ces petits corps fussent des œufs, 
cependant ce n’est qu’une hypothèse. 

» Les crochets de l'animal se conservent très-long-temps, 
pendant que son corps se détruit facilement par la décom- 
position ou putréfaction des tissus environnans , qui ren- 
ferment les hydatides et d’elles-mêmes. C’est par la pré- 


( 457 ) 
sence de ces crochets, qu’on peut toujours déterminer si 
les grands kystes, qu’on trouve souvent dans le foie ou 
dans des autres organes et remplis d’une matière verte, 
contenaient dés leur origine des échinocoques ou non. 

» 2. Le liquide dans lequel les échinocoques nagent est 
assez transparent ; il contient des globules d’un dia- 
mètre différent qui ressemblent tout-à-fait aux gouttelettes 
de graisse que renferment les kystes du tissu adipeux de 
l’homme (1). Ils se trouvent aussi fortement adhérens à la 
surface interne du kyste qui renferme les échinocoques. 
Outre ces globules, il y en à d’autres d’une nature tout-à- 
fait diflérente. 

» 3. Ge sont des globules parsemés de points noirâtres , 
d’une surface inégale, de différens diamètres, dont la 
moyenne est à peu près 37100 millim. 

» 4. Des cristaux. J'ai décrit dans un autre mémoire les 
cristallisations qu’on trouve dans les sécrétions saines et 
morbides des mammifères. Celles de l'échinocoque ont 
quelque chose de particulier, ce sont des lames demi- 
transparentes reclangulaires , qu’on trouve dans le liquide 
en trés-grand nombre; elles sont très-minces ; je n’en ai 
trouvé jusqu'ici dans aucune sécrétion morbide, Ces cris- 
taux augmentent à mesure que le liquide et les enveloppes 
se décomposent, mais ils se trouvent toujours dans les 
hydatides qui sont encore parfaitement intactes. 

» 5. Membranes. La membrane qui forme le kyste hyda- 
tique peut être divisée artificiellement en plusieurs lames ; 
si l'on regarde la surface interne au microscope, on aper- 
goit, même avec un faible grossissement, les globules 


© 


(1) Voyez mes observations sur le tissu cellulaire Annales de physio- 
logie, par Laurent et Bazin ; Paris 1837, IL. 


(458 ) 


(adipeux), dont nous avons parlé et dont plusieurs au- 
teurs ont déjà fait mention. La membrane est composée, 
d’après mes observations, de la manière suivante. Elle ne 
contient aucune fibre; des grains infiniment petits sont 
disposés l’un auprès de l’autre et forment ainsi une sur- 
face unie, dont un fort grossissement seulement peut faire 
distinguer les petites granulations qui constituent la masse 
entière de la membrane; quelquefois seulement des fibril- 
les très-courtes se présentent dans la membrane; mais 
constamment j'y ai vu une sorte d’arborisation qui ressem- 
ble assez bien aux formations qu’on trouve dans la fibrine 
exsudée pendant le premier degré de l’inflammation. On 
voit alors des corps transparens avec des contours un peu 
irréguliers , ressemblant aux vaisseaux sanguins vides et 
se ramifiant comme ces derniers. Si ce sont de véritables 
vaisseaux je n’en sais rien, toutefois j'ai cru devoir noter 
le fait. À 

» Un autre fait assez curieux que j'ai trouvé dans la 
structure des membranes hydatiques, est le suivant : Si 
l’on coupe verticalement dans leur épaisseur une lame très- 
mince, on voit par un grossissement de 255 fois, que la 
membrane est formée par des couches concentriques, l’une 
posée exactement sur l’autre. Une ligne noire, effet de la 
réflexion de la lumière, désigne le commencement de cha- 
que nouvelle couche. L’épaisseur des couches est diflé- 
rente, j'en ai vu de 12500 jusqu’à 17100 millim. On voit 
aussi alors que toute la masse, comme la surface, est com- 
posée de petits grains ou molécules liés par l’apposition 
la plus étroite. Maintenant, si nous cherchons à établir 
une comparaison de cette structure avec d’autres tissus, 
nous trouvons seulement les membranes de l'œuf des 
mammifères (je n'ai comparé que celles-ci), offrant une. 


( 459 ) 

assez grande ressemblance, comme nous le démontrerons 
plus tard dans un travail, sur les membranes de l’œuf fait 
en commun avec M. Breschet. Pour les couches concen- 
triques, je ne saurais mieux les comparer qu’à celles du 
bois, et dans les tissus des animaux qu’à la structure du 
cristallin. C’est là que M. Valentin a trouvé une sem- 
blable disposition, mais les couches sont plus uniformes 
quant au diamètre, et c’est pourquoi on a pu proposer de 
se servir des lignes noires pour millimètre. 

» 6. Les hydatides finissent par être détruites déjà dans 
le corps vivant. C’est alors qu’on trouve une masse verdâtre 
constituée par des molécules sans aucune forme distincte. 

» Les globules qui ressemblent aux gouttelettes adipeuses 
y sont mêlés. M. Cruveilhier a attribué la couleur de cette 
masse à la bile; mais comme les hydatides peuvent subir 
cette transformation hors du foie, on ne saurait faire va- 
loir cette cause. 


IL. Aydatides sans échinocoques. 


D ” 1. Liquide. Le liquide contenu dans ces kystes, qui ne 
- se caraclérisent que par l’absence des grains d’échinoco- 
“ ques, quoique transparent, n’est jamais pur. — Il contient 
« loujours les corps suivans : 

» 1. Des globules semblables à ceux qu'on trouve dans 
les échinocoques couverts des points noirs. 
—. » 2. Des globules d’un aspect graisseux et, comme dans 
Fi les précédens , fortement attachés à la surface interne de 
“la membrane. 
… » 3. Des cristaux ou des lames’ minces, rectangulaires 
ou d'une autre forme, comme des prismes, etc. 

» 4. Des globules très-pelits (plus petits que les globules 

1 Tom, 1v. 33 


Det 


45 


( 460 ) 


du sang) qui forment des agglomérations. Ils ne se trou- 
vent pas dans les kystes remplis d'échinocoques. 

» Les membranes offrent absolument la même structure 
que les kystes qui renferment les échinocoques. Seule- 
ment composées par des grains infiniment petits , des cou- 
ches se sont posées successivement l’une sur l’autre;"et on 
voit par une coupe perpendiculaire six et plus de ces cou- 
ches qui sont séparées par une ligne noire. 

» Ces hydatides subissent, comme les échinocoques, la 
transformation en matière verte , qui alors offre la même 
apparence sous le microscope. Seulement j'y ai encore vu 
des corps assez ressemblans aux vibrions, mais je n’ai ja- 
mais remarqué de mouvement. 

» Ordinairement les hydatides sont renfermées dans une 
membrane commune, qui les sépare entièrement du tissu 
de l'organe où elles sont déposées. Sa structure diffère M 
tout-à-fait de celle des kysies hydatiques. Il n’y a pas | 
de fibres dans les dernières, tandis que cette membrane 
offre des fibres distinctes , dont la formation entre tout-à- 
fait dans la manière dont se forment les fausses membranes; 
sujet d’un haut intérêt, mais qui n’entre pas dans le but « 
de notre communication. 

» Nous avons dit au commencement qu’il élait impossible 
a présent de former une division naturelle entre les deux 
formes des hydatides. Les observalions que nous avons faites 


l'ont, nous le croyons, démontré, en signalant la même 


structure dans les membranes des deux formes, et, à l’ex- 3 À 
ception des animalcules , le même contenu dans les kystes. 
» La seconde forme n'est-elle que la première au com-" 
mencement du développement ? Je ne saurais le dire , mais 
J'ai nolé avec soin tous les corps qu’on remarque dans leur” ti 
liquide, pour faciliter les recherches de ceux qui; un jour,» 


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Bulletin de l'Acadermie 


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( 461 ) 


seraient assez heureux pour observer le développement 
des échinocoques. Mais ni l'opinion que chaque kyste est 
un animal, ni celle que les kystes hydatiques de la seconde 
forme ne différent pas des autres kystes qui se forment 
quelquefois dans le corps animal, ne peut être admise 
d’après mes observations. » 


EXPLICATION DE LA PLANCHE, 
(Grossi 255 fois). 


1. Corps ressemblans aux vaisseaux sanguins dans la membrane des 
hydatides. 

2. Membrane avec une apparence fibrilleuse, qu’on trouve seulement 
quelquefois dans les membranes hydatiques. 

3. Agglomération de petits globules que j’ai seulement (rouvés dans 
les kystes hydatiques sans échinocoques. 

4. Coupe perpendiculaire pour montrer les couches posées l’une sur 
l’autre et composées par de petits grains; dans les deux premières 
figures la lame est étendue, dans la dernière elle a sa courbure naturelle. 

5. Gouttelettes graisseuses adhérentes aux surfaces externes des 
membranes hydatiques et nageant dans le liquide. 

6. Corps ressemblans aux vibrions; je les ai seulement trouvés dans les 
kystes sans échinocoques. 

7. Crochets détachés. 

8. Globules le plus souvent dans le liquide des kystes sans échinoco- 
ques. 

9. Corps oviformes qu’on voit à la partie postérieure du corps de 
léchinocoque et que l’on peut en détacher. 

10 Lames cristallines nageant dans le liquide des deux formes 


Géologie. — Rapport sur les travaux de la carte géolo- 
gique, pendant l'année 1837, par À. H. Dumont, 
membre de l’académie. 


» Les travaux exécutés, cetle année, pour la confection 
de la carte géologique du royaume ont eu deux directions 
principales. 

Il était nécessaire , avant de commencer l'étude des ter- 
rains secondaires, de faire des courses suflisantes pour 


( 462 ) 
prendre une idée exacte de l’ensemble de ces terrains et 
être à même de les traiter convenablement. J'ai donc con- 
sacré une partie de la belle saison à cette recherche. Ces 
courses préliminaires terminées, J'ai cru devoir , ensuite, 
m'occuper spécialement de la géologie du Hainaut, si re- 
marquable par ses richesses minérales. 

Dans le rapport présenté à l'académie en 1836, j'ai donné 
une idée de la manière dont est composé le massif ardoi- 
sier qui constitue l'Ardenne. On a vu que l'on pouvait y 
distinguer trois systèmes caractérisés par leur disposition, 
el même, jusqu’à un certain point , par leur composition 
minéralogique , et les débris de corps organisés. 

Ces divisions ont été confirmées par de nouvelles obser- 
vations dans les Ardennes, et notamment par une grande 
coupe de Vianden à Slavelot. 

Une excursion entreprise le long du Rhin, de Bonn à 
Bingen , a également confirmé mes opinions au sujet du 
calcaire de l’Eifel, savoir : qu’il se rapporte au calcaire 
inférieur de la Belgique, et que le massif schisteux qui 
l'entoure, appartient à notre système quarzo-schisteux in- 
férieur. En effet , j'ai reconnu que tout le massif schisteux 
qui s’élend depuis Bonn jusque près d’Andernach est du 
terrain anthraxifère dont il a d’ailleurs la position, les ca- 
ractères minéralogiques et les fossiles, Ce système s'étend 
même le long du Rhin, de Vallandar, par Ehrenbreit- 
stein, jusqu’au delà de Rhens. 

Le terrain ardoisier commence à Boppard, et sauf une 
petite bande centrale qui passe à Gaub (entre Oberwesel 
el Bacharach), il appartient tout entier au système supé- 
rieur. 

Venons au massif ardoisier de Belgique, et spécialement 
à celui du Hainaut. 


s 
* 


La 


( 463 ) 

On sait que notre terrain anthraxifére est déposé dans 
un bassin de terrain ardoisier, dont l’un des bords se 
montre au sud et l’autre au nord. Des trois systèmes qui 
composent le terrain ardoisier du sud, un seul, le supé- 
rieur, se montre dans la partie la plus méridionale du 
Hainaut. Nous avons fait connaître, dans notre premier 
rapport, ses caractères les plus importans. 

Dans la partie septentrionale de cette province, et dans 
la partie centrale de la Belgique, le terrain ardoisier est 
caché par un dépôt plus ou moins puissant de terrains se- 
condaire et tertiaire, et ne se montre à découvert que dans 
les vallées un peu profondes. Les points extrêmes où on 
peut l’observer sont : Lessines et Enghien vers l'ouest ; 
Jodoigne vers le nord; Hozémont vers l’est, et le massif de 
Gembloux vers le sud. | 

Ea examinant avec attention la composition et la dispo- 
sition des roches, je n’ai pu y reconnaître que deux Sys- 
témes, que je rapporte respectivement aux systèmes infé- 
rieur et moyen. 

Des schistes aimantiféres inférieurs, semblables à ceux 
de l’Ardenne centrale, se montrent entre Lembeck et Oost- 
querque, et près de la chapelle de St-Renelde à Bierghes. 
Au nord, vers Halle, et au sud, vers Roncquières, on 
trouve d’autres schistes que je rapporte au système moyen 
des Ardennes, dont ils occupent la position, mais qui 
en différent par une texture schisto-compacte plutôt 
que finement schistoïde, ce qui est cause qu’on n’a pu, 
jusqu'à présent, réussir à en faire des ardoises comme 
celles de Fumay, du Cul-des-Sarts, etc. (1). 


—_—_—. 


(1) On est occupé dans ce moment de recherches d’ardoises dans 


… les environs de Roncquières. 


(464) 


Quant au système supérieur, il paraît manquer dans 
cette région, ou, s’il existe, il est très-peu développé, et 
doit se trouver entre le système moyen et le terrain an- 
thraxifére. 

Le fait très-remarquable des divisions en feuillets obli- 
ques aux joints de stratification, qui s'observe si fréquem- 
ment dans les schistes anciens des Ardennes , se voit égale- 
ment dans ceux du centre de la Belgique; ainsi, par 
exemple, lorsqu'on descend la Senne depuis Écaussines 
jusqu’à Roncquières, où les quatre systèmes du terrain 
anthraxifère sont bien développés et ont une faible incli- 
naison, on trouve, en dessous des schistes rouges et des pou- 
dingues, des schistes ardoïses en couches à stratification 
concordante et peu inclinées, mais qui présentent des 
clivages verticaux plus apparens que les joints de stratifi- 
cation. À Ronequières, seulement, les roches se redressent 
et présentent un clivage parallèle aux strates. 

- Le terrain ardoisier du nord doit aussi fixer l'attention 
par ses roches plutoniennes et les altérations ignées qu'il 
présente dans quelques localités: Lessines, Enghien , Que- 
naest, Glabbeek, Pitet et Hozémont , où s’observent prin- 
cipalement ces sorles de roches, s’écartent peu d’une li-. 
gne droite , dirigée de l’ouest à l’est, qui semble indiquer | 
la trace incomplète d’un grand dyke ayant traversé un peu 
obliquement le terrain ardoisier, sans l'avoir cependant. 
percé sur toute l'étendue. 

A Lessines, Quenaest et Hozémont , la roche est un por-. 
phyre quarzifére, remarquable par les grains de serpentine 
verdâtre qu’elle semble contenir comme parlie essentielle, 
et qui communiquent à la masse une couleur verdâtre: 
qu'on a fautivement attribuée à l’amphybole, car on n’en, 
voit aucune partie dans la roche. . 

Dans les belles carrières de Lessines, où une grande 


( 465 } 
masse de porphyre est à découvert, on distiñgue très- 
bien une tendance vers la structure prismatique. 

Il existe à Enghien, Glabbeek et Pitet , d’autres roches 
qui, comme les porphyres ci-dessus, contiennent des cris- 
taux de feldspath, mais qui présentent souvent une texture 
schistoïde. Il serait difficile de décider, dans l’état actuel 
de nos connaissances, si ces roches sont tout-à-fail d'origine 
plutonienne , ou ne sont que le résultat de modifications 
ignées. 

L'examen du terrain anthraxifère du Hainaut m'a 
donné lieu de remarquer que, dans le bassin méridional, 
c'est-à-dire entre la grande bande centrale du système 
quarzo-schisteux inférieur et celle du même système qui 
longe l’Ardenne, il n’y a que du calcaire inférieur, des 
psammites et des schistes supérieurs, el que le calcaire 
supérieur manque entièrement. 

Dans le bassin septentrional, au contraire, c’est-à-dire 
dans celui qui s'étend au nord de la bande centrale du 
système quarzo-schisteux inférieur, le calcaire supérieur 
seul est bien développé, tandis que le calcaire inférieur y 
est rare, ainsi que le système quarzo-schisteux supérieur. 

Le calcaire donne lieu à des exploitations fort impor- 
tantes de pierres de taille, de marbre, etc. On en fait de 
la chaux de diverses qualités qui est fort estimée. En géné- 
ral il renferme plus de fossiles que celui des autres pro- 
vinces , et Tournay peut être cité comme une des localités 
les plus riches en fossiles anciens qu’il y ait en Europe. 

Le terrain houiller du Hainaut , étant recouvert dans la 
plus grande partie de son étendue, était plus difficile à 
étudier que dans les provinces de Liége et de Namur, aussi, 
jusqu’à ce jour, personne n’en a fait connaître les limites 
exactes. Cependant , comme ce terrain est la source des ri- 
chesses immenses de cette belle province, il devenait très- 


( 466 ) 

important de savoir à quoi s’en tenir relativement à son 
étendue et à ses limites. J'ai donc apporté un soin tout 
particulier à celte déterminalion, et j'ai été assez heureux 
pour faire des observations propres à fixer, d'une manière 
rigoureuse, les limites du riche bassin de Mons. Il résulte 
de ces observations , qu’il est plus étendu qu’on ne l’a cru 
généralement , et que, dans la région située à l’ouest du 
méridien de Mons, où se trouvent les mines du Borinage, 
les trois quarts du terrain houiller sont encore vierges; ce 
qui suffit pour calmer les craintes que plusieurs personnes 
avaient manifestées sur l'épuisement de ces mines. A la 
vérité les difficultés pour parvenir à l'exploitation du 
combustible seront plus grandes, mais la nécessité fera 
trouver des moyens pour les vaincre. 

Vers le nord, le terrain houiller s'appuie sur le cal- 
caire supérieur; vers le sud, il s’adosse au système quarzo- 
schisteux inférieur de Montigny-sur-Roc , de Bougnies, 
etc., et quelquefois sur le calcaire supérieur, comme à 
Fontaine-l'Évêque, Mont-sur-Marchienne, etc. 

On y reconnaît un système inférieur représenté vers 
le nord par des phtanites , et vers le sud par des grès ; et un 
système supérieur composé d’une alternative de couches 
de schiste, de psammite et de houille. Ainsi que je l'ai 
signalé dans la province de Liége, on retrouve le même 
rapport entre la position des couches de houille et leurs 
propriétés économiques : à mesure qu'on en remonte la 
série, elles deviennent plus bitumineuses, de sorte que 
notre division en trois étages , caractérisés par la composi- 
tion , est applicable à tout le royaume. 

Le terrain houiller est recouvert dans sa partie centrale 
par du terrain crélacé, et dans presque toute son étendue 
par des terrains plus récens ; ce n’est que dans les parties 
méridionale, septentrionale et orientale, où le sol est en-. 


Re LS 


Tee 


“ 


( 467 ) 
lamé par de profondes vallées, qu’il se montre à découvert. 

Plus des deux tiers du sol belge, et les quatre cinquièmes 
de la surface du Hainaut, sont formés de terrains crétacé, 
lerliaire et moderne ,‘qui s’avancenl, vers le sud, jusqu’à 
une ligne dirigée de l'OSO. à l'ENE. longeant la Sambre 
de Maubeuge à Namur, et la Meuse de Namur à Liége. 

Toute la série de roches comprise entre le terrain crétacé 
et le terrain houiller manque, aussi ces dépôts sont-ils 
partout en siralification discordante avec les terrains pri- 
mordiaux. 

On distingue dans le terrain crétacé un système inférieur 
et un système supérieur. 

Le premier est représenté vers Peruwels, par des marnes 
gris-bleuâtres, avec ou sans grains verts; vers Hautrage et 
Baudour, par des argiles plastiques grises ou rouges; et près 
de Maiïzières, par des couches puissantes de silex et des 
marnes chloritées. 

Dans les terrains appelés niveaux par les mineurs du 
Borinage , toutes les roches qui se trouvent en dessous de 
la craie appartiennent à ce système. On aura une idée de 
ces niveaux par la coupe suivante, prise à une bure du 
bois de Boussu. 


; Terre végétale . Ps NAT SEE 0 30 
Hétu sl } CIDRE EE TI der et Dlariettes 2 30 
Marne calcarifère blanc-jaunâtre . . . ,. . Marne. ur; 
Bancs interrompus de gros silex noirâtres à sur- 
face inégale et caverneuse. . . . . . . Grosrabots. 1 » 
£ Marne calcarifère gris-jaunâtre avec beaucoup NE tous 
S de silex grisâtres disséminés . : mou 
E] petitsrabots. 7 90 
À Marne argileuse gris-bleuâtre , ordinairement 
E avec cailloux et grains verts. . . ,. . . Bleue. 1 80 
EF Marne plus argileuse et un peu plastique avec 


callouxroulés +. LD A ON MN A Diet) 0 55 
Pâte de calcaire jaunâtre avec un grand nombre 
de cailloux de toute grosseur , , , . . Tourtia, 0 50 
Terrain houiller, 


( 468 ) 

Le système supérieur est composé de craie blanche et 
de calcaire de Maestricht. 

Le terrain crétacé forme, dans le Hainaut, deux basins: 
le premier s'ouvre vers Lille et vient se Lerminer au sud 
de Tournay; il est presque partout couvert d’une couche 
tertiaire qui empêche qu'on puisse déterminer ses limites 
avec précision. 

Le second, beaucoup plus étendu , se dirige de l’ouest à 
l'est, et vient se terminer au nord-est de Binche; il est 
rempli de terrains tertiaire et moderne, et repose en grande 
partie sur le terrain houiller de Mons. 

Le bord septentrional de ce basin a une faible inclinai- 
son vers le sud, et s'enfonce sous le dépôt horizontal du 
terrain moderne ; le système supérieur y forme une bande 
qui passe à Harchies, au nord de Ville, à Hautrage, au 
sud de Baudour, à Nimy, etc. Le système inférieur longe le 
supérieur au nord, et prend beaucoup de développement 
vers l’ouest. 

Le bord méridional est plus large; mais comme il est cou- 
vert , en beaucoup d’endroits, d'une couche puissante de 
terrain tertiaire supérieur , il ne présente pas une bande 
continue. Ici la disposition des roches est symétrique par 
rapport au bord septentrional : le système inférieur se 
montre au sud du supérieur. La ligne qui sépare les deux 
systèmes passe à Baisieux , entre Élouges et Viheries, à 
l'ermitage du bois de Boussu , à Wasmes, Frameries, 
Genly, Quevy, etc, 

Le calcaire de Ciply et de Beliant , si riche en fossiles, 
repose immédiatement sur la craie blanche et sert de base 
au terrain tertiaire inférieur, sans présenter de liaison 
avec ce dernier. Sa position, sa texture grossière el ses. 
fossiles, l’assimilent à la formation de Maestricht. Les 


( 469 ) 
cailloux qui se trouvent dans les bancs les plus élevés, 
rappellent l'étage supérieur de Foolz-les-Caves. 

Les terrains terliaire et moderne de la Belgique sont 
trop imporlans et présentent trop de modifications, pour 
que j'essaie de les traiter, en ce moment, d'une manière gé- 
érale. Je me contenterai de signaler, en peu de mots, leur 
composition dans le Hainaut, me proposant d’éludier en 
détail l’ensemble de ces terrains dans le nord du royaume, 
el de rechercher avec soin les fossiles qu’ils renferment. 

On peut établir dans nos terrains tertiaires trois divisions 
qui correspondent probablement à celles de M. Élie de 
Beaumont. 

Le système inférieur est formé de deux étages assez dis- 
tincts. Le premier est généralement composé , en allant de 
bas en haut : 

1° De sables fins, verdâtres, renfermant des nummulites. 

2 D'argiles schistoïdes grisâtres, alternant au point de 
contact avec les sables précédens. 

3° De calcaire , de marne, ou d'argile chlorités. 

Le second étage est en général un sable à grains plus 
gros, mélé de grains vert-noirâtres , renfermant des grès 
lustrés et des grès fistuleux et réniformes. 

Au-dessus des sables du système inférieur, on trouve 
d’autres sables, ordinairement jaunâtres , sans grains verts 
et ne contenant pas de fossiles. | 

À mesure qu'on s'élève, ces sables deviennent plus jau- 
nâtres et la partie supérieure est souvent remarquable par 
les plaques et les veines de grès ferrugineux ou les cailloux 
roulés qui s’y trouvent. 

Comme on n’a pas observé de fossiles dans ces sables, 
on ne peut les rapporter avec certitude au système moyen, 
mais ils se trouvent, dans le Hainaut, placés au-dessus 


( 470 ) 
de couches qui appartiennent au système inférieur, tandis 
que dans d’autres provinces, ils sont recouverts par des 
dépôts du système supérieur. 

Je rapporte au système supérieur une couche, plus ou 
moins puissante, qui s'étend sur une grande partie des 
roches de la Belgique, et que l’on a désignée sous les noms 
de limon, terre argileuse , terrain diluvien , etc. Ce dépôt, 
dont l'épaisseur est très-variable, mais qui atteint souvent 
plus de dix mètres , et qui imprime ordinairement son ca- 
ractère particulier à toute une contrée , donne lieu à des 
observations trop remarquables dans l'histoire géologique 
de notre pays , pour qu'on néglige d’en faire connaître les 
détails sur la carte. 

Son caractère principal est d’avoir une nature qui varie 
selon celle des roches qu’il recouvre ou qu’il avoisine, ce- 
pendant, on y distingue souvent deux étages; un étage 
* inférieur caillouteux et un étage supérieur qui consiste en 
une terre argileuse plus ou moins fine et de couleur jaunà- 
tre, tantôt calcarifère, tantôt sablonneuse, etc. Les fos- 
siles y sont rares. Ce sont les restes d’éléphans, de rhino- 
céros , elc. 

A l’époque de la formation du système supérieur, il s’est 
passé quelques phénomènes géologiques dont on retrouve 
les effets dans la composition et la position de ce système, et 
que je crois devoir faire connaître, parce qu’ils peuvent 
jeter quelque jour sur des phénomènes du même genre 
qui ont pu se passer à des époques plus reculées. Il est 
nécessaire pour cela de donner une idée de la configurations 
du nord de la province du Hainaut. 

Dans la partie septentrionale de celte province, et la 
partie méridionale de la Flandre orientale , il existe une 
série d’élévations dirigées de l’ouest à l’est , qui dominent 


ASE PTE * 


(471) 


toute la contrée environnante : ce sont les collines de 
Renaix, qui s'étendent du Mont-l’Enclus à Grammont. 
De ces collines se détache une grande presqu'île qui 
se dirige vers le sud et se partage, à partir du bois de 
Frasne , en deux rameaux qui s’avancent dans la plaine 
et se Lerminent, l'an à Ellegnies, l’autre au bois de Car- 
mois. 

On ne trouve de hauteur comparable aux collines de 
Renaix et d’Ellegnies, que le Mont isolé de la Trinité près 
de Tournay. Néanmoins, entre le Mont de la Trinité et les 
extrémités des presqu'iles d’Ellegnies et de Carmois, il y 
a une suite d’élévations moins considérables qui semblent 
lier ces collines. 

Si on examine la composition des collines de Renaix, 
de la presqu'île d'Ellegnies et du Mont de la Trinité, on 
trouve à leur base les deux élages du terrain tertiaire in- 
férieur, et à leur sommet, l’assise de sable jaune à cail- 
loux roulés et à plaques de grès furrugineux qui semble 
représenter le système moyen. Elles sont en outre couvertes 
d’un manteau limoneux d'argile jaunatre du terrain ter- 
tiaire supérieur , contenant presque toujours des plaques 
de grès ferrugineux, mais qui n'arrive pas jusqu’au som- 
met et laisse par conséquent les sables jaunes à découvert. 

Dans les petites collines qui lient les extrémités des 
presqu'iles d’Ellegnies et de Carmois au Mont de la Trinité, 
on observe à la base, le terrain tertiaire inférieur, mais au 
sommet , il n’y a plus de sable jaune, et le tout est couvert 
d’un manteau de limon, renfermant une quantité consi- 
dérable de plaques de grès furrugineux. 

On peut conclure de ces faits, qu’à l’époque où se for- 
mait le système supérieur, le nord du Hainaut était sous 
l'eau, à l'exception des sommets des collines de Renaix , de 


(472 ) 
la presqu'île d'Ellegnies et de Carmoiïs, et du Mont de la 
Trinité, puisque ces sommets ne sont pas couverts par 
l'argile supérieure. Ces hauteurs laissaient alors entre elles 
trois grands golfes au centre desquels se trouvent aujour- 
d’hui respectivement Renaix , Frasnes et Ellezelles. Le 
Mont de la Trinité formait une île au milieu de la mer, 
et les inégalités comprises entre celte île et les presqu'iles 
d'Ellegnies et de Garmois, étaient des écucils ou îles sous 
marines. 

Si on examine la composition du terrain tertiaire supé- 
rieur, on trouve qu’elle dépend des phénomènes qui ont 
dû se passer dans celte mer et des terrains sur lesquels il se 
formait. En eflel, on remarque que sa nature argileuse, 
dans les plaines éloignées des montagnes, devient de plus 
en plus sableuse en approchant de ces dernières. D'un au- 
tre côté, les sables ferrugineux qui couronnaïient les col- 
lines sous marines qui s'étendent entre le Mont de la 
Trinité, Ellegnies et Carmois, élant très-meubles, ont été 
enlevés par les eaux ; mais les plaques de grès ferrugineux 
que contenaient ces sables n’ont pu être entraînées, à cause 
de leur grand poids, et sont demeurées là comme les témoins 
des phénomènes qui se passaient alors. Effectivement , les 
plaques qui étaient dispersées dans les sables se sont ac- 
cumulées dans les argiles qui les ont remplacées, au point 
que le sol en est quelquefois entièrement couvert. 

Des phénomènes semblables ont dû se passer à différentes 
époques, et l'explication ci-dessus peut, je crois, être ap- 
pliquée à certains dépôts renfermant des corps tellement 
hétérogènes, qu’on ne peut concevoir qu’ils aient été for- 
més dans le milieu qui les contient aujourd’hui. Tels sont 
par exemple, les silex qu’on trouve presque toujours dans 
le limon qui recouvre le terrain crétacé. 


( 475 ) 

Le terrain moderne s'étend principalement le long de 
la Haine , de Mons à Condé; il y forme une plaine maréca- 
geuse d’une horizontalité parfaite. | 

Dans les travaux qu’on exécute pour la construction des 
hauts-fournaux de Pommerœul , on a mis à découvert les 
couches suivantes : 


1° Terre argileuse gris-brunâtre sub-plastique . . . . . . 1 » 

20 Sable fin un peu marneux . En cfent-c da brcin t HSE 

80 Tourbe, renfermant à la partie inférieure une quantité consi- 
dérable de coquilles d’eau douce, . 


OMC RES OR RATE PE: 
4 Sable à gros grains hyalins, renfemant à sa partie inférieure 
une grande quantité de fragmens de phtanite houiller, . . 1 30 


Je suis déjà peut-être entré dans trop de détails pour un 
rapport simplement destiné à faire connaître l'avancement 
de la carte géologique. Cependant je crois devoir encore 
signaler quelques faits qui n’ont pas fixé l'attention en Bel- 
gique, et qui serviront à expliquer la formation d’un grand 
nombre de vallées de ce pays. 

Lorsqu'on parcourt les petites vallées qui sillonnent la 
Hesbaye et les contrées voisines , où les couches semblent 
s'étendre horizontalement , on devrait s'attendre à trouver 
sur les deux versans une correspondance exacte dans les 
niveaux de celles de même nature, cependant il en est ra- 
rement ainsi. Presque partout il y a dérangement dans ces 
niveaux , au point même de ne plus trouver d’un côté de la 
vallée ce qu'on trouve de l’autre. 

Qu'on examine à Jandrin , dans le Brabant méridional, la 
vallée qui se dirige du sud au nord, on verra sur la rive 


droite du ruisseau , la série des roches suivantes, en allant 
de haut en bas : 


( 474 ) 
1° Limon. : Terrain tertiaire supérieur. 
2 Marne chloritéeo 
30 Couche de cailloux roulés . . . . 


4° Calcaire de Maestricht . . . 
D ULRID EUR Rte ee ee 


Terrain tertiaire inférieur. 


TA à | Terrain crétacé. 


A la rive gauche , au contraire, on ne voit que le limon. 

Le même fait se répète dans toutes les pelites vallées pa- 
rallèles, comme on peut le voir dans la figure ci-jointe. 

A Noville-le-Bois et à Tiller (province de Namur), le ter- 
rain ardoisier est à découvert sur la rive droite du ruisseau, 
tandis qu’on ne voit que du limon tertiaire à la rive gauche. 

Je pourrais citer une infinité d'exemples de ce genre, 
d'où il suit que la plupart des vallées qui sillonnent ces 
contrées doivent leur origine à des failles. 

Il ÿ a même des localités où les terrains tertiaires ont été 
fortement dérangés de leur position originaire, et où les 
couches ont aujourd'hui une inclinaison très-prononcée, 
comme, par exemple, à la Montagne-de-Fer près de Louvain, 

“et dans les collines situées entre Louvain et Diest. 

Si l’on considère que les failles dont il est ici question 
affectent le terrain tertiaire supérieur, on en conclura 
que les vallées sont plus récentes que ce terrain , et que 
leur formation se rapproche beaucoup de l’époque actuelle. 


Histoire nationale. — Sur la patrie et les descendans 
de Pierre l’Hermite. (Notice par le baron De Reïffen- 
berg.) 


La patrie du fameux Pierre L'Hermite, le promoteur de 
la première croisade, est un point encore indécis parmi 
P ? 
les historiens. En général, on le fait naître en Picardie, mais 
Le) ? ? 
quelques auteurs inclinent à lui assigner la Belgique pour 


(475 ) 

berceau. M. Grandgagnage a même inséré dans les Buile- 
tins de l’Académie, un passage d’un ancien obituaire, 
propre à confirmer cette opinion jusqu’à un certain 
point (1). Parmi les choses curieuses entassées chez le 
libraire De Bruyn, à Malines, nous avons trouvé une 
pièce qui semble lever toute incertitude à cet égard. C’est 
une reconnaissance, confirmation et réhabililation de 
noblesse, en tant que de besoin, accordée par le roi Phi- 
lippe IV à Jacques L’Hermite , receveur du conseil d'État 
des Pays d’en bas et de Bourgogne, entretenu au château 
d'Anvers, et à son frère Antoine L'Hermite, licencié en 
droit, domicilié à Malines. 

Cette patente, grande feuille de parchemin comme les 
diplômes de cette espèce, portant au centre des armoiries 
coloriées, mais qui ont souffert, offre tous les caractères 
de l’authenticité. Il en résulte que Pierre L’Hermite était 
bien réellement d'Amiens, qu’il épousa une fille de la 
noble maison de Roussy, et que sa postérité s’est con- 
tinuée sans interruption jusqu'aux impétrans. En voici 
le crayon généalogique tel qu’il se trouve dans le di- 


plôme : 


{1) Bulletin du 5 avril 1835, n° 21. 


Tom. 1v. 34 


( 476 ) 


PIERRE 1 L'HÉRMITE;, 
d'Amiens, celui-là même qui alla à la Terre-Sainte, épousa BÉATRICE DE Roussy. 
a NE 
PIERRE II L'HERMITE, 
LS 


EUSTACHE 1 L'HERMITE. 
—— 


EUSTACHE II L'HERMITE, 
RE  ——— " 


SIMON 1 L'HERMITE. 
un te tie) 


SIMON Il; 


Seigneur de la terre, champs et bois de l'Hermitage. 


PHILIPPE L'HERMITE: 


TRISTAN L'HERMITE 
Capitaine et châtelain du château de Tilly. 


JACQUES 1 L’HERMITE 


Épousa l'héritière de Caumont. 


JEAN L'HERMITE; 


Chevalier, sieur de Caumont. 


DENIS I L'HERMITE, 


RICHARD L'HERMITE: 


DENIS 11 L'HERMITE. 


PIERRE III L'HERMITE. 


DENIS III L'HERMITE 


Épousa MARIE DE Wizpe, descendante de Gossuin de Wilde, chevalier . 
souverain-bailli du comté de Flandre , en 1374, et de Gossuin de Wilde, 
président du conseil de Flandre, en 1411. I} calma les mutinés de l’ar- 
mée navale à Dunkerque, en 1594, en se rendant caution d’une somme 
de 300,000 florins qu'il leur paya à compte sur leur solde, et délivra, à 
ses frais, plusieurs prisonniers retenus en Hollande, 


EE 


JACQUES II L'HERMITE: ANTOINE L'HERMITE ; 


Dont la noblesse et l’ancienne ex- 
traction furent reconnues par di- 
plôme du 22 janvier 1630 , signé 
du roi Philippe IV. 


( 477 ) 

Daniel L'Hermite, regardé comme appartenant à la fa- 
mille du célèbre instigateur des croisades, naquità Anvers 
de parens protestans, vers l'an 1584. Il devint l'ami de 
Joseph Scaliger et de Casaubon. Ce fut par leur protection 
qu'il entra dans la maison du sieur De Vic, embassadeur 
de France en Suisse, qui le ramena dans le giron de l’é- 
glise catholique. Ayant voyagé en Italie, il se fit connaître 

à Frédéric de Médicis, duc de Toscane, qui le prit pour 
secrétaire et l’employa dans plusieurs missions; âgé de 
vingl quatre ans, il prononça devant toute la cour, à 
occasion du mariage de Cosme de Médicis, fils aîné de 
Ferdinand et de Marie Madelaine d'Autriche, un discours 
qui fut imprimé à Florence et qui lui fit un grand honneur, 
Cinq mois après, il composait l’oraison funèbre de son bien- 
faiteur , le duc Ferdinand. Son nom étant parvenu, à cette 
occasion , jusqu’à l’empereur Rodolphe IT ; il obtint la fa- 
veur de plusieurs princes d'Allemagne, qui le comblérent 
de distinctions flatteuses. La liste de ses principaux écrits 
est dans Foppens, qui donne en outre la notice de deux 
jésuites appelés l’un François et l’autre Martin L’Hermite. 
Mais j'ignore s'ils étaient de la même famille que Daniel. 
Nicéron parle également de ce dernier. 

Les armes de L’Hermite sont équartelées au premier et 
au quatriéme quartier, de sinople à trois quinte-feuilles 
d'argent en sautoir, deux et un, opposés à un chevron 
d’or, formé de deux fragmens de collier de perles ou 
de chapelet suspendus à un anneau, et péri l’un en barre 
el l’autre en bande; au second et au troisième d’argent à 
la bande de gueules de six pièces. Le tout sommé d’un 
casque grillé damasquiné d’or, ayant pour cimier un vol 
d'aigle également d'or et langueyé de gueules , avec des 
lambrequins d’or et de sinople. » 


( 478 ) 


M. De Reiïffenberg , présente en outre une notice né- 
crologique sur M. Bekker, l’un des membres de l'académie 
royale de Bruxelles. Cette notice et celle présentée à la 
séance précédente par M, Morren, sur M. Fohmann , que 
l'académie vient de perdre également, sont remises au 
secrétaire pour l'insertion dans l’_Æ{nnuaire de l'Académie. 

M. De Hemptinne répète ensuile devant l'académie, au 
moyen de l'appareil de M. Thilorier, construit pour le 
Musée des arts et de l'industrie de Bruxelles, les curieuses 
expériences de ce dernier physicien, sur la solidification 
de l'acide carbonique, et par suite sur la congélation du 
mercure, au moyen de l'acide carbonique solidifié, Ces 
résultats ont vivement intéressé la compagnie, qui a ex- 
primé ses remercimens à M. De Hemptinne. 

M. Le vice-directeur, en levant la séance, a fixé l’époque 
de la prochaine réunion au samedi 2 décembre. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Inventaires des archives de la Belgique, publiés par 
ordre du gouvernement sous la direction de M. Gachard. 
De la part du ministère. Bruxelles, chez M. Hayez, 1837, 
tom. 1°, 1 vol. in-4°. 

Compte-rendu des séances de la commission royale 
d'histoire ; tom. 1°, 9° bulletin. Bruxelles, chez M. Hayez, 
1837, 1 vol. in-8&°. 

Recueil des chroniques de Flandres , publié sous la 
direction de la commission royale d'histoire , par J.J. Des- 
met ;tom. 1°", Bruxelles, chez M. Hayez, 1837, 1 vol. in-4°. 

Statistique de la France, publiée par le Ministre des 
travaux publics, de l’agriculture et du commerce ; Lom. 1°* 
(Territoire. Population) , 1 vol. grand in-4°. Paris, 1837, de 
la part de M. Moreau de Jonés. 


( 479 ) 

Société de médecine de Gand. Ænnales, vol. 3, feuilles 
18-21.—Bulletin du mois d'août , feuilles 12 et 13, vol. 3, 
année 1837. Gand, chez F, et E. Gyselynck , in-8°. 

Essai sur l'histoire de la médecine belge avant le 
XIXe siècle ; par C. Broeckx ; ouvrage couronné et publié 
par la société de médecine de Gand, 1837. Gand, chez 
Leroux, 1 vol. in-8c. 

Programma vanhet Bataafsch genootschap der proef- 
ondervindelyke rwysbegeerte , te Rotterdam , 1837. 
1 feuille. 

Société royale d’horticulture de Liége. Catalogue de la 
première exposition de fruits et léqumes, ouverte les 15, 
16 et 17 octobre 1837. Liége, chez H. Dessain, 1837, broch. 
in-8°. | 

Discours sur l’histoire de Belgique , par le baron De 
Reiïffenberg. Bruxelles, chez Lacrosse, 1837, broch. 
in-8°. 

Les siècles et les légumes , ou quelques mots sur l’his- 
toire des jardins potagers, par M. Ch. Morren. Liége,chez 
H. Dessain , 1837, broch. in-&. 

Droit pénal et discipline militaires , par Ad. Bosch. 
Bruxelles, société typographique belge, 1837, 1 vol. grand 
in-8°. 

Histoire du Limbourg, par M.S. P. Ernst, publiée avec 
notes par M. Ed, Lavaleye ; tom. 1°. Liége , chez Collardin , 
1 vol. in-8°, 1837. 

Esquisses biographiques de l’ancien pays de Liége, n° 4. 
— Massacre des magistrats de Louvain en 1379.—Assassi- 
nat de Charles-le-Bon. — Les seize chambres de la cité de 
Liége, 4 broch. in-8°, par M. L. Polain, Liége , chez Jeune- 
homme frères, 1837. 

On the brain of the negro , compared with that of the 


( 480 ) 
european and the orang-outang by D' Frederick Tiede- 
mann. London, 1836, 1 vol. in-4°. 

Phœnician and punic inscriptions , by James Yates. 
London, broch. in-8°, 1837. 

Description des antiquités et objets d'art qui com- 
posent le cabinet de feu M. le chevalier E. Durand, par 
J. De Witte. Paris 1836, 1 vol. in-8. 

Description d’une collection de vases peints et bronzes 
antiques provenant des fouilles de l'Étrurie , par J. De 
Witie. Paris, 1837, 1 vol. in-8° 

Journal de la société de la morale chrétienne, tom. 12, 
n° 3 à 4. Paris, 1837, 2 vol. in-8°. 

Messager sciences et des arts de la Bel gique, année 
1837, 3° livr. Gand , L. Hebbelynck, 1 vol. in-8°. # 

Journal bstorigà et littéraire ; tome 4, 43° livr., 
novembre 1837, 1 vol. in-8. Liége, chez Kersten. 

Elnonensia. Monumens des langues romane et tudesque 
dans le IX° siècle , et avec une traduction et des remar- 
ques , par M. J. F. Willems (éd. tirée à 120 exemplaires), 
in-4°. Gand , chez Gyselynck , 1837. 

Sur les couronnes, par M. Delezenne, mémoire d'optique 
(extrait des Mémoires de la Société Royale de Lille), broch. 
in-8°. 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — N° 11. 


Séance du 2? décembre. 


M. le baron De Stassart, directeur. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 


GORRESPONDANCE. 


Il est donné lecture d’une lettre du cabinet du Roi, 
contenant des remercimens pour l'envoi des deux derniers 
volumes des mémoires et de nouveaux témoignages de bien- 
veillance de Sa Majesté pour les travaux de la compagnie. 

Le secrétaire annonce qu'il vient d'établir des relations 
scientifiques avec la société géologique de Londres, et que, 
par suile , ce corps savant fera un échange de ses mémoires 
contre ceux de l'académie. 

Il est donné communication de la circulaire suivante, 
adressée par le comité météorologique du Cap de Bonne- 
Espérance aux physiciens qui s'occupent des observations 

… méléorologiques horaires, demandées par sir John Her- 
schel , pour les époques des solstices et des équinoxes. 
Tom. 1v. 35. 


( 482 ) 

« Le comité de météorologie de la société littéraire et 
philosophique de l'Afrique méridionale, a l'honneur d'in- 
former les personnes qui veulent bien faire les observa- 
üons horaires aux solstices et aux équinoxes, d’après le 
plan recommandé par le comité, que par suile du peu 
d'avantage que présente une série d'observations prolongées 
pendant 36 heures sur celles qui auraient lieu seulement 
pendant 24 heures, surtout quand on a égard au surcroît 
de faligue et de gêne qui en résulte pour l'observateur , 
il a été résolu que l’on ne solliciterait de son zèle et de sa 
patience que la série d'observations suivante, pour l’équi- 
noxe d’automne.—Les observations commencerontle 21 sep- 
tembre à (6 heures du matin) temps civil et se Lermineront 
le 22 à la même heure; l’on prendra soin de noter la pre- 
mière et la dernière observalion de manière à compléter 
la série de 25 lectures d’instrumens, etc. La restriction, 
quant au dimanche, est conservée. » 
Le secrétaire annonce qu'il areçu, en même temps que 
cette circulaire, une lettre de sir John Herschel, dont le 
retour en Europe paraît fixé à la fin du mois de juin pro- 
chain. Sir John Herschel désire néanmoins que les obser- 
vations horaires soient continuées en correspondance avec 
celles qui se feront au cap.— Déjà les mesures micrométri- … 
ques d'environ 400 étoiles doubles prises avec l’équatorial » 
de sept pieds, et la première partie du catalogue des nébu- . 
leuses et des étoiles doubles du ciel austral, observées par 
le savant astronome anglais , ont été envoyées en Europe; « 
celte parlie, comprenant les six premiéres heures, donne 
les positions de 654 nébuleuses et de 475 étoiles doubles. . 
Le secrétaire communique encore l'extrait d’une lettre 
particulière qu’il a reçue de M. le major Ed. Sabine, con- | 
cernant le magnélisme terrestre , sujel sur lequel un rap- . 


me 


( 483 ) 
port doit être présenté à la prochaine session de l'Association 
britannique. M. Ed. Sabine, en soumettant les observa- 
tions de M. Quetelet à de nouveaux calculs, a trouvé les 
résultats suivans pour l'intensité totale du magnétisme, en 
adoptant, avec M. De Humboldi, le nombre 1,3482 comme 
représentant l'intensité totale à Paris. 


INCLINAISOX. INTENSITÉ 
Bruxelles. , . . 1829 680 56/5 1,374 
Berlin. . . . . 1829 68 42,0 1,367 
Leipzig. . . . .’ 1829 68 8,2 1,363 
Dresde. . . . . 1829 67 41,3 1,366 
Gættingue . . . 1829 63 39,0 1,365 
Francfort. . . . 1829 67 52,0 1,358 
Bruxelles. . . . 1830 68 52,6 1,374 
Paris iris. 1.141939 67 45,0 1,348 
Genëve, . . . . 1830 65 31,2 1,292 
St-Bernard . . . 1830 65 9,8 1,294 
Milan . . . . . 1830 64 16,0 1,294 


M. le capitaine Duperrey écrit de son côlé que les ob- 
servations magnéliques qu'il a faites, comparées à celles de 
Bruxelles, prouvent d’une manière incontestable que la 
ligne isodynamique qui passe par Brest, passe aussi à peu 
de distance de Bruxelles, et est rigoureusement perpendi- 
culaire aux méridiens magnétiques qui traversent ces deux 
villes. 

M. Garnier écrit que l’état de sa santé ne lui permettra 
pas d'assister à la séance, et fait hommage d’un exemplaire 
de sa Météorologie ou Physique du globe , qu'il vient de 
publier. M. Garnier exprime en même temps le désir de 
voir se former, dans le sein de l'académie, une commis- 
sion chargée de recueillir et de consigner dans ses mé- 

- moires les observations actuelles sur la physique du globe. 


( 484 ) 


M. Triven remercie l'académie pour avoir fait examiner: 
les questions qu’il lui avait soumises , et il lui présente en 
même lemps quelques observations sur le rapport inséré 
dans le précédent bulletin. Renvoyé aux commissaires. 


COMMUNICATIONS. 


Aurore boréale. — L'académie reçoit quelques rensei- 
gnemens sur l'aurore boréale du 12 novembre dernier. Ce 
phénomène a été vu à Bruxelles vers 9 heures 374 du soir 
et a été visible pendant une demi-heure environ. L’obser- 
vation des étoiles filantes, qui a élé très-entravée par la 
présence des nuages pendant celte nuit et les suivantes, n’a 
présenté aucune circonstance remarquable. 

M. Quetelet, au sujet des observations précédentes, com- 
munique le passage suivant d’une lettre qu'il a reçue de 
M. De la Rive de Genève: « Nous avons été témoins ici, 
le 18 octobre dernier, d’une belle aurore boréale; à 6 h. 172 
elle était dans tout son éclat ; à 7 heures, elle avait pres- 
qu’entièrement disparu ; elle fut de courte durée, trés-cir- 
conscrite, mais très-brillante pendant sa durée. Sa couronne 
n'atleignait pas l'étoile polaire qu'on voyait briller au des- 
sus, dans un ciel parfaitement pur; on voyait du reste les. 
étoiles à travers la teinte rose violette de l'aurore boréale. 

» Vous serez sans doute frappé, comme moi, de la coïn- 
cidence de date entre la belle aurore boréale de l’année 
dernière qui eut lieu aussi le 18 octobre et celle de cette. 
année. Je me demande si cette classe de phénomènes ne 
serail point aussi soumise, comme celui des étoiles filantes, 
à quelque périodicité? Ce qui me semblerait donner quel- 
que fondement à cette supposition, c’est la remarque que 
me communique dans cel instant M. Kreil qui fait à Milan 


(485 ) 

des observations magnétiques très-soignées. Il a observé, 
en 1836 et en 1837, que les plus fortes perturbations de 
l'aiguille ont eu lieu également les 22 avril et 18 octobre. 
Comme il y a une liaison intime entre les perturbations 
magnéliques et l'apparition des aurores boréales , la pério- 
dicité dans les unes serait bien un signe de la périodicité 
dans les autres. » 


LECTURES. 


Anatomie et physiologie végétales. — Rapport de M. Du- 
mortier sur le mémoire de M. Morren, intitulé : Re- 
CHERCHES SUR LE MOUVEMENT ET L'ANATOMIE du Séylidium 
graminifolium. 


Tout ce qui est relatif à la motilité spontanée des végé- 
taux est plein d'intérêt pour la science; car, on sait encore 


bien peu de chose sur la manière dont s’exerce cette sin- 


gulière faculté qui rapproche d’une manière si sensible le 
végétal de l'animal, et tend à faire disparaître le caractère 
différentiel des deux règnes. M. Dutrochet avait cru expli- 
quer la motilité spontanée de la sensitive par la turgescence 
des utricules situées aux articulations, turgescence qui 
aurait été produite par l’endosmose; mais, en admettant 
ce système , ce n’était que déplacer la question , car il res- 
tait alors à expliquer comment le simple contact de la sen- 


‘silive pouvait y produire l’endosmose. De nouvelles obser- 


valions de ce savant l'ont porté à croire que chez les 
végétaux, tous les phénomènes du mouvement se rappor- 
tent à l’incurvation du tissu cellulaire ou du tissu fibreux, 
le 1°" se courbant par implétion de liquide, le 2° par 
implétion d’oxigène. C'est ce système qu'il a développé 


( 486 ) 
dans ses mémoires sur l'anatomie et la physiologie des 
animaux et des végétaux. « 

Le mémoire de M. Morren, relatif au mouvement el à 
l'anatomie du Stylidium graminifolium se rapporte donc 
aussi à la motilité spontanée végétale. On sait, en effet, que 
la colonne gynandrique de cette plante est articulée vers 
sa base et susceptible d’un mouvement spontané de va et 
vient. C'est sur ce phénomène que repose le travail dont 
nous sommes appelés à vous rendre compte. 

L'auteur divise son mémoire en cinq paragraphes, le 
premier comprend un aperçu historique des travaux sur les 
mouvemens du Stylidium , le second expose l’organogra- 
phiede la fleur, le troisième traite des mouvemens exécutés 
par la colonne du Stylidium graminifoliwm , le quatrième 
de son anatomie, enfin le cinquième contient des expé- 
riences sur le mouvement de cetle singulière plante. 

La manière dont s'opère le mouvement du Séylidium est 
connue de tous les botanistes, et c’est à celte particularité 
qu'est probablement dû son nom générique. Mais l’articu- 
lation qui est le siége de la motilité devait être étudiée 
avec soin , et c’est ce qu’a fait M. Morren dans la partie 
anatomique du travail qu’il vous présente : l’auteur a 
observé à l’intérieur de la colonne deux fibres opposées et 
situées aux deux côtés latéraux de l'articulation: On croirait 
d'abord que, conformément à l'opinion de M. Dutrochet, 
ces deux fibres doivent jouer un grand rôle dans la moti- 
lité spontanée du S'tylidium, mais cela paraît bien difficile 
à admettre à cause de leur situation aux deux côtés de la 
colonne, ce qui ne leur permet pas de remplir l’effet de 
deux muscles antagonistes; aussi l’auteur a-t-il observé que 
la force de flexion réside dans le cylindre central de l'arti- 
culation, En soumettant celui-ci au compressorium, il a 


( 487 ) 


reconnu qu'il offrait une quantité de globules très-petits 
et qui, d’après lui, n’existent qu’en cet endroit de la plante. 
Traités par l’iode , ces globules se sont colorés en violet, 
d’où l’auteur conclut que ce sont des globules de fécule. 
Ces globules sont contenus dans des cellules cylindriques 
très-fragiles qui occupent la partie supérieure de l’articula- 
lion , et cette portion féculifère isolée s’est toujours , dit 
M. Morren, recourbée avec force dans l’eau, dans l’alcool 
et dans l'air, d’où il Lire cette conséquence que les mouve- 
meus de l'articulation du Srylidium sont dus à la fécule. 

Telle est l'observation fondamentale du mémoire, obser- 
vation peu conforme à la théorie de M. Dutrochet, mais 
qui n’en est pas moins intéressante dans l’état actuel de la 
science, car c’est de l’ensemble des faits que l’on pourra 
arriver un jour à une théorie certaine de la motilité spon- 
tanée des végétaux. Sans entendre nous prononcer enaucune 
maniéresur la valeur de cette théorie, nous croyons devoir 
manifester le regret que nous a fait éprouver l'absence de 
toute discussion relative aux nouveaux principes de M. Du- 
trochet , dans le mémoire de M. Morren. 

Relativement à la force vitale que l’auteur attribue à la 
fécule et à sa virlualité dans l’action du mouvement, on a 
peine à comprendre comment la fécule, matière inerte 
comme la résine, la cire, etc., pourrait être le siége de la 
vie. Peut-être aurait-il été mieux d'attribuer ce siége au 
tissu cellulaire dans lequel la fécule est contenue. 

Quoi qu'il en soit sous ce dernier rapport, le mémoire de 
M, Morren est plein d'intérêt surtout ce qui est relatif à la 
partieanatomique. N'omettons pasde dire qu'endécrivant ce 
qui se rapporte à celle parlie, l’auteur établit une nomen- 
clature heureuse pour indiquer les diverses formes du tissu 
cellulaire qu’il indique sous les noms de prismenchyme, 


( 488 ) 
svenchyme , conenchyme , pinenchyme , merenchyme 
(mieux sphærenchyme), etc., la simplicité de cette nomen- 
clature ne peut manquer ex la faire adopter pour Per 
les modifications du tissu cellulaire. 

Les considérations qui précédent tendent à établir lin- 
térèt du mémoire que vous nous avez chargés d'examiner, et 
nous avons l'honneur de vous en proposer l'impression dans 
les mémoires de la compagnie. 

Les conclusions de ce rapport, appuyées par M. Wes- 
mael , second commissaire, sont adoptées par l’académie. 


Entomologie et anatomie comparée. — Notice sur le 
Théridion malmignatte, par Henri Lambotte, docteur 
en sciences naturelles. 


Parmi les nombreuses espèces d'araignées que nous offre 
l'Italie, il en est une qui mérile une attention particulière 
par sa beaulé, par les circonstances qu’on rattache à son 
acclimalation en Toscane, et par les effets que l’on attribue 
à sa morsure. 

Cette araignée est lÆranea quitata de Rossi (Fauna 
etrusca), que Guvier range dans le genre théridion et dont 
Walckenaer faisail un genre dislinet sous le nom de Za- 
trodecte. 

Dans le mois de juillet 1786, F. Marmocchi, alors méde- 
cin à Volterra en Toscane, présenta à S. A. I. Pierre-Léo- 
pold, grand-duc de Toscane , un mémoire sur l’araignée 
rouge de Volterra. Ce médecin est sans contredit le pre- 
mier qui ait décrit l’araignée dont il s’agit. Et quoique . 
ce mémoire laisse beaucoup à désirer, on y trouve cepen- 
dant des détails inléressans sur cet animal, sur ses mœurs 
et sur les effets de sa morsure, effets qui ont été exagérés 
par les uns et niés ou révoqués en doule par les autres. 


Ê 


( 489 ) 

Quoi qu'il en soit, M. Raikem, actuellement professeur 
à l’université de Liége, a fait pendant son séjour à Vol- 
terra, où l’araignée rouge est pour ainsi dire concentrée, 
des observations qu'il se propose de faire connaître et 
qui sont bien propres à démontrer l'influence nuisible 
de cetle morsure. C'est l'obligeance de ce savant médecin 
qui me procura l'occasion d'étudier l'animal dont il est 
question , et de m’assurer de la disposition anatomique de 
l'appareil du venin, dont je donnerai la description plus bas. 

Le manuscrit du mémoire de Marmocchi est déposé dans 
la bibliothèque publique de Volterra, où M. Raikem l’a lu 
et copié. Un extrait de ce mémoire a été inséré dans le 
tome 68 du journal dei letterati de Pise (année 1787); il 
est aussi consigné dans lAÆntologia romana (f. 50, an- 
née 1787), dans une lettre du père Guglielmo della valle. 

Un autre médecin, Luigi Toti, qui écrivit quelque 
temps après, voulut s'approprier la priorité de la décou- 
verle de l’araignée rouge. Son mémoire est imprimé dans 
les actes de l’académie de Sienne. Mais, dans ce mémoire, 
on cite des observations faites en 1787 et 1789, ce qui 
porle à croire que le mémoire n’a été présenté qu'après 
celte dernière époque. 

D'après les observations de Marmocchi, il paraîtrait que 
le théridion malmignatte ne serait pas originaire de la 
Toscane : « C’est en 1786, dit-il, que l’on commença à 
» remarquer une quantité prodigieuse de ces araignées 
» dans la campagne de Volterra. » Il fait remarquer qu’en 
1782 la moisson fut si médiocre, que l’on dut faire reve- 
nir, pour ensemencer les terres, une grande quantité de 
céréales de l'Afrique et de la Sicile; aucun naturaliste 
n'avail signalé, avant cette époque, l'araignée rouge de 
Volterra, et il est difficile de croire qu'un animal aussi 


( 490 ) 


remarquable par ses caractères que par les craintes qu'il 
inspire au peuple, n’eût pas été décrit par les naturalistes 
de ce pays. Les personnes les plus âgées des environs n’a- 
vaient non plus aucune idée de cette araignée, au dire de 
Marmocchi, qui d’ailleurs ne donne que comme conjec- 
ture l'opinion qu’il émet sur l'apparition de ces araignées; 
il ajoute que le temps nécessaire à la multiplication si 
grande de ces animaux n’aurait pas été de plus de trois ans, 
car on en vit déjà quelques-uns en 1785. 

Toti signale également l’abondance en 1786 du phalan- 
gien venimeux de la campagne de Volterra, et le silence 
des naturalistes sur elle avant cette époque. Cependant il 
croit que cet animal est connu depuis long-temps, quoique 
non décrit; il cite un manuscrit de Thomasso Chellini 
accompagné d'une figure de l’insecte, écrit en 1729, et qui 
existait dans la bibliothèque du professeur Octaviano Tar- 
gioni Tozzelti; on y lit que cetinsecte est l'araignée noire(1) 
de Cassignano ; qu’il habite sous les gerbes de blé et qu'il 
est venimeux. L’araignée est dessinée plus grande que celle 
de Volterra, et il n’y a que six taches rondes et rouges, au 
lieu des douze taches irrégulières que lethéridion présente 
sur le dos. 

L'animal parvenu à son accroissement, a lagrosseur d’une 
noisette ordinaire; l'abdomen est très-volumineux, sphé- 
rique dans les femelles et plus allongé dans les mâles. Les 
pattes ont des longueurs différentes : la paire antérieure 
est la plus grande, puis viennent la quatrième, la seconde 
et la troisième. Dans le plus grand individu que j'ai exa- 
miné , voici leurs grandeurs respeclives: 


(1) À taches rouges et rondes. 


1re paire 27 millimètres. 


me — 17 » 
quote 13 » 
gme — 24 » 


La couleur varie selon l’âge; les jeunes araignées de l’an- 
née sont d'un noir trés-foncé, brillant, avec des taches 
rondes d’un blanc éclatant; ces taches sont beaucoup plus 
grandes que dans un âge plus avancé, elles sont au nombre 
de treize : douze au côté lumineux, disposées en trois séries 
longitudinales , et la treizième est placée du côté terrestre 
de l'abdomen (fig. 2). 

Lorsqu’elles ont pris de l'accroissement, les taches chan- 
- gent de formes, les latérales s’allongent transversalement, 
les antérieures se réunissent souvent; celles de la ligne 
médiane affectent ordinairement la forme de cœur de carte 
à jouer; la couleur en est jaune citron ou rouge de minium 
dans les femelles (fig. 1); dans les mâles elles sont d’un 
rouge vif au centre et plus pâle à la circonférence; elles 
sont aussi plus rondes. Le fond n’est plus aussi foncé ni 
aussi brillant que dans les jeunes. Le corselet et les pattes 
ont une teinte plus roussâtre; tout le corps est pubescent 
dans les adultes. On a remarqué que les taches variaient de 
diamètre et offraient des oscillations analogues à celles de 
la pupille ; M. Raïkem a constaté l'exactitude de ce fait. 

L’araignée rouge habite dans les champs ouverts, dans 
les endroits exposés au soleil. L'hiver, elle se retire dans les 
trous des vieux murs exposés au midi, sous les pierres ou 
les racines. On ne la trouve qu’au midi et à l’ouest de Vol- 
terra; au nord et à l’est, elle ne se montre point; il est à 
remarquer que Volterra est bâlie sur une montagne pres- 
que conique, et qu'ainsi l’araignée dont nous parlons ne 


( 492 ) 
se tient qu'où la chaleur est la plus grande ; ce qui semi- 
blerait confirmer l'opinion de Marmocchi sur son origine. 

Le cocon est jaune-roussâtre , a une forme sphérique et 
présente une petite saillie conique; il est formé d’une soie 
tenace, et est garni intérieurement d’un duvet très-fin et 
blanc ; les œufs y sont déposés au nombre d'environ deux 
cents. Ils sont roses et de la grosseur de ceux des vers à 
soie. Marmocchi dit que les cocons sont quelquefois au 
nombre de six, Toti dit qu'il y en a trois. 

Quant au temps nécessaire pour que les œufs éclosent, il 
varieselon la température; ainsi, parmi ceux que M. Raïikem 
m'a donnés , ceux de deux cocons sur six étaient éclos pen- 
dant la route; des autres cocons, deux seulement ont fourni 
de jeunes araignées et au moyen d’une chaleur artificielle. 

Les jeunes théridions que j'ai nourris pendant l'été, de- 
meuraient engourdis la plus grande partie du temps, ils se 
réveillaient seulement quand ils étaient exposés au soleil 
ou dans une place échauffée. 

Cette araignée est craintive, le moindre corps qui la 
touche lui fait contracter les pattes ; il paraît qu’elle ne 
forme pas de toile, mais qu’elle tend seulement quelques 
fils irréguliers. Les jeunes araignées que j'ai observées ne 
formaient pas de rets; mais lorsqu'elles voulaient s'assurer 
une proie, elles la garrottaient au moyen de fils qu’elles 
dévidaient autour d'elle, Aussi n’attaquent-elles ordinaire- 
ment que des animaux qui ne font pas de mouvemens 
brusques; elles se jettent surtout avec avidité sur d’autres 
araignées qu'elles semblent préférer. 

Examinons maintenant les dispositions anatomiques des 
organes du venin. 

Il se compose de deux glandes vénéniféres, de deux man- 
dibules terminées chacune par un crochet très-acéré. 


( 493 ) 


Les deux glandes sont situées dans la cavité thoracique : 
elles sont à peu près piriformes, un peu recourbées (fig. 3); 
elles correspondent à cette partie du thorax qui est cir- 
conscrite par une impression en forme de V, et l’on pour- 
rail peut-être croire que c’est la présence de ces glandes 
qui occasionne celte saillie. Quant à la structure de cet 
organe glandulaire , il se compose de deux parties bien dis- 
tinctes, l’une extérieure (fig. 3. c), fibreuse, blanchâtre et 
plus diaphane ; l’autre (b) granuleuse, disposée à l’inté- 
rieur, plus jaunâtre et plus opaque. La présence des fibres 
est très-facile à observer dans le sac, elles sont disposées 
en anses, comme celles du muscle crémaster dans l’enve- 
loppe du testicule. | 

La glande équivaut à peu près à trois fois la longueur de 
la mandibule; elle se termine brusquement en avant, en 
un petit canal excréteur extrêmement délié, qui se conli- 
nue dans la mandibule et dans le crochet. 

La mandibule a une forme à peu près cylindrique, quoi- 
qu’elle se rétrécisse un peu vers le bout , et qu’à la parlie 
interne elle soit un peu aplatie à l'endroit où elle s’ap- 
plique à celle du côté opposé (fig. 4). Les deux crêtes (cc) 
qui bordent celte partie aplatie, sont garnies de poils, 
mais il n’y a aucune dentelure analogue à celles que l’on 
remarque à la mandibule de l’Epéire diademe ; ce sont ces 
poils seuls qui garantissent les crochets venimeux. 

Les crochets venimeux sont bien plus délicats que ceux 
de l'Epéire diadème ; ils sont crénelés à la partie concave, 
vers la base (fig. 7). L'ouverture du canal excréteur se 
trouve prés de la pointe, à la partie convexe du crochet 
(a. fig. 4 el 7) et a la forme d’une petite fissure. 

En examinant l'appareil venimeux de l'£péire diadème, 
on remarque que le crochel et la mandibule sont plus forts 


( 494 ) 


que ceux du théridion malmignatte, et que la mandibule 
est en outre munie de deux séries de dents (ec) qui for- 
ment une sorte de rainure qui reçoit le crochet (fig. 5) à 
la manière dont se ferment les canifs ; cette comparaison , 
triviale à la vérité, donne une idée juste de la disposition 
de ces parties. Mais la glande est bien moins développée 
que dans le théridion ; du moins dans loutes les épéires que 
j'ai disséquées, je l’ai constamment trouvée plus petite 
de presque la moitié; l'ouverture du canal excréteur est 
aussi beaucoup plus petite. Cette circonstance, jointe à la 
moins grande dimension de la glande vénénifère , semble 
prouver que Ja quantité de poison formée est moindre que 
dans le théridion, qu’elle est injectée moins facilement et 
moins rapidement dans la plaie. En outre, la petitesse du 
crochet dans le dernier semble devoir être compensée par 
la plus grande quantité de poison distillé dans la morsure. 

Cette dernière asserlion ne serait-elle pas confirmée par 
la remarque suivante. 

Dans le théridion malmignatte , comme nous l'avons dit 
plus haut, les mandibules présentent une partie aplatie 
dont les bords sont seulement garnis de poils (#g. 4); dans 
l'épéire diadème ils sont armés de dents très-forles (fig. 5); 
enfin , dans les phalangiens, les deux rangées de dents sem- 
blent s'être réunies et allongées en forme de crachet fixe, 
avec lequel le crochet mobile forme une pince (fig. 6). 

Dans ces derniers , il n'existe pas de glande vénénifère 
dont l'usage semble être compensé par la double pince 
dont l'animal est armé; dans les scorpions, se trouve une 
disposition semblable, et, bien qu'il v ait un appareil du 
venin , il est toujours placé à l'extrémité postérieure du 
corps. 

Dans l'épéire diadème , la glande venimeuse exisle aux 


AE re 


ANA L 


Bulletin de l'Acaderuc L Tome IV. 


lig.1 


1 Lambole del.adrat, 


x 


( 495 ) 
mandibules ; elle est moins développée que dans le théri- 
dion ; mais la pince des phalangiens et des scorpions est en- 
core rappelée par les dents qui garnissent les chélicéres, et 
qui en font une arme bien plus puissante que le petit cro- 
chetdu théridion, chez qui, en revanche, la glande du venin 
est trés-développée. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


ligure 1. Le théridion malmignatte femelle de grandeur naturelle, 

— 2. Un jeunc théridion de l’année; a grossi ; grandeur naturelle. 

— 3 La glande du venin; a le El excréteur; à la Li grenue ; 
c l'enveloppe rene 

— 4. Les mandibules du théridion vues endessous et grossies ; a le 
crochet et l'ouverture du canal excréteur ; 4 les mâchoires ; 
c les bords velus des mandibules; d les palpes. 

— Bb Les mandibules de l’épéire diadème; a les crochets; c les 

. rangées de dents qu’elles présentent. 

— 6. L’une des antennes-pinces d’un phalangien; a le crochet mo- 
bile; c le crochet fixe. 

— 7. Le crochet venimeux du théridion; a l’ouverture du canal 
excréteur; e les dentelures de ce crochet. 

— 8 Les mandibules du scorpion africain vues en dessus; aa les 
crochets mobiles ; 4b les crochets fixes ; ce dents des cro- 
chets mobiles représentant les dentelures du crochet ve- 
nimeux du théridion plus développées. 


Anatomie. —Note sur la structure de la couche extérieure 
de la peau dans plusieurs animaux, par M. Gluge, doc- 
teur en médecine à Bruxelles. 


L'étude des membranes qui tapissent les surfaces libres 
du corps animal, offre un très-grand intérêt sous le rapport 
anatomique comme sous celui de la physiologie. Des moyens 
plus parfaits d'analyse ont démontré que ces tissus réputés 


( 496 ) 

être sans aucune structure quelconque, en possèdent une 
qui est assez composée, et qu'ils se reproduisent cependant 
avec une rapidité merveilleuse. — Tous ceux qui ont exa- 
miné la salive de l’homme y ont pu remarquer des lames 
très-minces, formant des cellules d’une figure” hexagone 
et renfermant un petit globule. Ces lames sont les débris de 
l'épithelium. L’épithelium des membranes muqueuses ne 
présente pas la même structure partout, et il offre par 
exemple des différences très-grandes dans les différentes 
parties de l'intestin. 

Plus on s'éloigne de la bouche, plus la structure cellu- 
laire change, de telle manière que dans le rectum par 
exemple, l'épithelium forme un réseau très-élégant, où des 
ouvertures circulaires sont placées l’une auprès de l’autre 
el sont séparées seulement par de minces parois. L'épi- 
derme offre une structure semblable à celle de l’épithe- 
lium de la bouche, et la différence de la structure n'’exis- 
lant pas, on ne saurait plus long-temps admettre ces deux 
noms pour la même membrane. Quant aux animaux, nous 
devons la connaissance de la couche épidermique des ba- 
traciens à M. Valentin. Les grenouilles par exemple dépo- 
sent sans cesse dans l’eau, où on les conserve, une matière 
d’une apparence muqueuse et cohérente. Examinée au 
microscope, cette malière, d’une apparence si inorganisée, 
présente un tissu composé par des cellules hexagones 
renfermant chacune un petit globule. Les cellules for- 
ment tout-à-fait la couche épidermique des batraciens, 
elle se détache plusieurs fois par jour el se reproduit ra- 
pidement. J'ai étendu ces recherches sur les oiseaux, et je 
trouve une semblable structure à la surface nue de leur 

3—4 


corps. Des cellules hexagones d’un diamètre de = milli- 


mètres, formées par une matière uniforme blanchâtre, ren- 


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Bulletin de L'Acaderik 


Li. de Burggraaf Prasi Pr Clage delin 


L Epiderme du Sangsue .—— 2. Epiderme des Oiseaux. 


( 497 ) 
ferment un globule de la même couleur, d'une forme 
un peu irrégulière de a millim. Les globules peuvent être 
séparés des cellules par une légère compression. Les cel- 
lules mêmes se couvrent entre elles comme des tuiles et 
forment de cette manière une couche résistante aux fluides, 
qui ne parviennent à s’imbiber dans les lissus que diffici- 
lement. Les cellules peuvent facilement être isolées. — J'i- 
gnore dans combien de temps ces cellules se reproduisent 
dans l’épiderme des oiseaux.—Comme l'épiderme m'offrait 
une structure si analogue dans trois classes des animaux 
vertébrés , je crus qu’il serait de quelque intérêt d'étendre 
l'examen microscopique sur quelques animaux inférieurs, 
et en effet l'épiderme y offre souvent une semblable dispo- 
silion. Dans les sangsues, par exemple, une matière mu- 
queuse se détache de temps en temps de la surface de leur 
corps, et flotie dans l’eau qui les renferme. Ce n’est autre 
chose que l’épiderme qui se renouvelle sans cesse. Mais ici 
ce ne sont plus des cellules qui le forment , mais de petits 
globules parfaitement semblables, quant à la forme et au 
diamètre, à cenx que nous avons décrits dans les cellules; 
- ils sont renfermés dans une masse granuleuse qui elle- 
même n'offre pas de structure particulière. Les globules 
forment la plus grande quantité de l’épiderme de la sang- 
sue. Je dois encore signaler une circonstance.dans cet épi- 
derme détaché, c’est la présence d’un grand nombre de 
“cristaux, qui y sont déposés sans aucune régularité. — La 
“structure que nous venons de décrire offre un assez grand 
“intérêt par elle-même, mais elle devient trés-importante 
si on la considère sous le rapport physiologique; car, 
Comme nous le démontrerons dans une autre occasion, 
us avons observé une structure analogue dans les mem- 
ranes de l'œuf des mammifères. 
Tow. 1v. 36 


( 498 ) 


Chimie. — Sur la nature du principe explosif dans les 
composés fulminans et détonans, par M. le profes- 
seur Van Mons. 


On nomme fulmination une explosion avec bruit, que 
causent les principes de l’eau rapprochés à de petites dis- 
tances et déjà en union commencée, qui, à l'aide de per- 
cussion ou d'échauffement et sous combustion conlinuée, 
complètent ROSANPRenE leur union en eau. Le même 
effet, produit dans les mêmes circonstances et en vertu des 
mêmes causes, par les principes de deux des hydracides 
de comburens , est nommé détonation. L’'ammoniaque est 
mise en jeu dans les deux cas. Les mêmes principes, avec 
le secours d’une vive compression ou d’un échauffement 
électrique ou lumineux, en se réunissant de leur état de 
gaz, détonent violemment. Ils doivent, à plus forte rai- 
son , détoner en se réunissant et se gazéifiant de leur état 
solide ou liquide. 

Les noms de fulmination et de détonation sont indif- 
féremment donnés à des expansions incandescentes de gaz \ 
actuellement composés, jouissant d’un grand ressort et 
prenant un volume considérable. Ces gaz sont les seconds \ 
oxide et acide du carbone. Ils produisent le principal effet 
dans l'explosion des amorces fulminantes, de la poudres 
tonitruante et de celle à canon. 

Les dilatations subites et explosives de vapeur ou de” 
gaz, ont toutes lieu en vertu de combinaison par com- 
bustion et ainsi avec émission de chaleur. Une décombi-« 
naison par décombustion ne pourrait se faire sans qu'il 
yeüûl fixation de calorique, et par suile excitement de froid, 
L'agent de la dilatation se cacherait en place de se pros 
duire au jour; ce serait cependant là l'influence sous 


( 499 ) 
laquelle s'opérerait la disjonction entre l'azote et un métal ; 
et entre le même et un comburent relatif: il y aurait 
facilité de dislocalion, à cause de faiblesse d'union, mais 
pas condition d’explosion. 

L'or fulminant, bisousammoniure d'or, mieux triaurure 
d’ammoniaque, l'atome étant déduit du métal, résulte 
de la décomposition du sesquichlorure d’or par de l’am- 
moniaque liquide ajoulée jusqu'à saturation des deux 
constituans du chlorure. Les deux combinaisons de l’am- 
moniaque avec l’acide du chlore et le sesquioxide d’or, se 
précipitent ensemble. 1 172 at. ammoniaque, se combine 
avec l’acide, et 172 at., contenant 1 172 at. hydrogène, 
avec l’oxide qui contient 1 172 at. oxigène. On lave à l’eau 
bouillante pour enlever le sel. Un défaut d’ammoniaque 
et tel que de 1 172 al. donnerait du sel ammoniacal resté 
adhérent au sesquioxidule, mais qui serait sans élément 
de détonation. Toutefois , cet élément sc forme lorsqu'on 
percute ou qu'on échaufle l’oxidosel. Le sesquioxidule 
enlève l’ammonique à l'acide. L'ammoniure ne se compose 
que pour se décomposer aussitôl. On peut encore saturer 
l'oxide d’ammoniaque, tandis qu’il adhère au sel, ou dé- 
composer celni-ci par de la potasse, par où la moitié de 
J'ammoniaque se transmet à l'oxide , ou l'entier si on ne 
décompose que la moilié du sel. On ne doit alors pas laver. 
Le proluit est plus énergiquement détonant, parce que 
les principes de l'eau n’ont pas fait le progrès vers leur 
union accomplie, que la chaleur de l’eau de lavage aurait 
. déterminé. L'hydrogène tenant encore à l’azole, se met en 
possession d’oxigène qui lient encore au métal. IE y a équi- 
libre d'attraction, que l’échaufflement par expression ou 
- addition de calorique rompt en faveur de l'hydrogène. De 
l'eau est formée et vaporisée , et le métal , ainsi que l'azote, 
sont libérés. 


( 500 ) 

L'argent fulminant (triargenture d'ammoniaque) dé 
tone par les mêmes matières el agens d’explosion que l'or 
fulminant. Il se forme d'ammoniaque et d’oxide d'argent, 
tous deux naissant d’eau. Aussi de la Cécomposition d’un 
sel d'argent dissous dans de l’eau ammoniacale (1) par de 
la potasse. Ici, l’oxide , naissant d'acide, s’unit à l’ammo- 
niaque naissant d’eau. En raison de l'énergie plus grande 
de l'argent que de l'or, l'occupation de loxigène par l’hy- 
drogène esl moins avancée dans l'argent fulminant que 
dans l’or fulminant, ce qui, comme dans la poudre intac- 
tile, où le même moindre avancement d'occupation exisle, 
semble être une cause d’explosion plus bruyante et plus 
rapide. On remarquera que les deux se forment par compo- 
sition directe. De quel effort explosif serait capable 173 
at. azole uni à 1 at. métal réduit, qui s’en détacherait 
sans être autrement engagé ? Il faudrait de plus que le 
métal le plus faible puisse s’adjoindre un combustible que 
le métal le plus fort a Loute la peine de s'associer. 

L'huile détonante, qu'au moment de la découvrir, 
(1794), j'avais crue être du chlorite d’ammoniaque, se 
compose de chlore, qui, par 3 at., enlève 1 at. ammoniaque 
à un des sels de cet aleali. Les 3 chlore contractent un com- 
mencement d'union avec les 3 hydrogène qui sont dans 
1 ammoniaque. L'hydrogène tient encore à l’azote, tandis 
qu'il est déjà adhérent au chlore. Une attraction faisant 
équilibre est exercée entre les trois. Un excédant de chlore : 
affermit le composé. De la chaleur ajoutée ou de celle que . 
dégage l'union du chlore excédant avec un combustible 
approprié, mel le chlore en possession indivise de l'hydro- 
gène. La délonation est l'effet de l'acide hydrochlorique 


(1) Armmoniaco-nitrato-ammoniure d’argent. 


( 901 ) 
qui est formé. L'azote est abandonné. Le volume du chlore 
est doublé. L’acide hydrochlorique et les acides qui ne lui 
sont pas inférieurs en force , résolvent l'huile en ammo- 
niaque et en chlore ; par l'attraction disposante que l'acide 
exerce sur l'ammoniaque , l'azote rentre en possession de 
l’hydrogène. Les alcalis fixes opèrent dans le même sens. 
Ils remettent l’azote en possession de l'hydrogène, auquel 
ils se substituent près du chlore. Ils deviennent blanchis- 
sans. Avec l’assistance du calorique qui à la longue s’in- 
troduit, l'huile détonante se résout paisiblement en acide 
hydrochlorique et azote. | 

Ce qui est dit de l'huile détonante, doit être entendu de 
la poudre intaclile; cette poudre porte un excédant d’iode 
comme l'huile détonante en porte un de chlore. L'iode 
est assez moins énergique que le chlore, pour pouvoir, 
sans la décomposer, s'unir à l’ammoniaque simplement 
naissant d’eau. Nous avons vu que l’oxide d'argent se trouve 
dans le même cas comparativement à l’oxide d'or. La 
poudre intactile se forme aussi d’eau régale, tenant en 
solution de l’iode, que l’on sature de gaz ammoniacal. 
L'iode enlèvera l’'ammoniaque à l’un des sels formés. S'il 
restait de l'acide libre , la poudre serait décomposée pres- 
qu'aussitôt que composée. 

L'alcool saturé d’iode, ne donne pas de poudre intac- 
tile, lorsqu'on le charge de gaz ammoniacal. Il faut que 
l'iode, précipité par de l’eau, rencontre l’ammoniaque, 
pour que la poudre naïsse; ce n’est pas la poudre déjà 
formée que l’eau précipite d'avec l'alcool, dans lequel 
elle n’est pas soluble. C'est ainsi que l’oxide d’argent dis- 
sous dans un acide, la solulion étant chargée d’ammo- 
niaque , doit être précipité par un autre alcali, pour qu’à 
la rencontre de l’'ammoniaque il se forme en ammoniure. 


( 502 ) 

La poudre intactile cède son iode à l'hydrogène de l'acide 
hydro-sulfurique : de l’hydriodate d'ammoniaque est for- 
mé. À moins de prétendre que l'hydrogène de l'hydracide 
alcalifie l'azote et en même temps acidifie l’iode, la com- 
position de la-poudre ne saurait être mieux déterminée. 

Le gaz ammoniacal soutirant le eblore au soufre, comme 
il est par le chlore souliré aux acides, forme le détonant 
sulfureux (sulfotrichlorare d'ammoniaque) 1 at. chlore, 
123 al. ammoniaque et 1 at. soufre, c’est de l'huile déto- 
nanle dans laquelle l'excès de chlore est remplacé par le 
soufre. Comme le détonant iodeux, et en sa qualité de 
corps solide, qui permet l'expression du calorique , il dé- 
tone par le choc. Les liquides n'étant pas susceptibles 
d’être rapprochés dans leurs parties, l'huile détonante ne 
se prête point à une expansion de calorique et ne délone 
pas par le choc. Le détonant sulfureux détone aussi par 
un brusque échauffement; une chaleur lente fait sur cette 
sorte de composé le même effet qu’une chaleur brusque, 
mais sans qu’une explosion soit produite. De l’hydracide 
de chlore est formé et de l’azole ainsi que du soufre sont 
émancipés. La composition est ici toute particulière , en 
ce que le corps qui remplace l’excès de chlore ou diode, 
est d’avance uni au chlore, et que 3 at. s’en trouvent ad- 
joints à 1 at. huile. 1 sur 3 chlorure de soufre peut rester 
indécomposé el fonctionner comme 1 chlore. On obtient 
le sulfotrichlorure d’ammoniaque en saturant du chlo- 
rure simple de soufre de tout le gaz ammoniacal qu'il 
peul s'associer; 173 at. alcali se joint à 1 at. chlorure, ce 
qui fait 1 at. hydrogène pour 1 at. chlore, et 173 at. azote, 
puis 1 at. soufre. On a pu voir que lorsque j'ai fait réagir 
le gaz ammoniacal sur le même chlorure de soufre, j'ai 
obtenu de l'hydrocblorate d'ammoniaque, tenant à de l'hy- … 


( 503 ) | 
posulfite du même alcali; une matière cristalline jaune- 
pâle palissail jusqu'aux bords la coupe qui avait contenu 
le chlorure. L'eau partagea le produit en hydrochlorate, 
sulfite et soufre. L'hyposulfite anhydre avait échangé 1 at. 
soufre contre 1 at. eau. L’ammoniaque avait été appliquée 
suivant notre méthode, où le corps à saturer ne prend en gaz 
que ce qu'il peut employer. L’attraction se fait à distance, 
et le gaz n'arrive au corps qu'autant qu'il en est altiré. 
Le chlorure avait été fait de soufre concassé , avec lequel 
son contact était interrompu dès qu'il’était formé; c’est 
un moyen de lavoir simple. Le chlorure de selène, peut- 
être aussi celui oléiforme de cyane, donneront avec l’am- 
moniaque des composés analogues. Il ne serait pas éton- 
nant que l’ammoniaque fût soustraile à ceux de ses sels où 
elle existe sans eau, par le chlore présent dans le chlorure 
de soufre, comme elle l’est à lous ses sels, par le chlore 
libre. Le bromure de soufre, si semblable au chlorure du 
même, formera bien aussi un composé délonant avec 
l’'ammoniaque. Alors nous aurions ce composé comparable 
à ceux de chlore et d’iode, mais avec excès de soufre en 
place d’excès de brome. 

On est d'accord sur la nature du principe qui fait dé- 
toner les amorces fulminantes, la poudre tonitruante et 
la poudre à canon. Nous avons dit en quoi il consiste. 

Une détonation ne peut résülter que de calorique in- 
trinséquement contenu et subitement libéré. La chaleur 
exprimée ou administrée donne l'impulsion à l'effet, mais 
ne le produit pas. 

Des détonations ayant lieu avec disjonction et sous 
émission de calorique, peuvent être citées et nous être 
opposées. Les deux oxidations gazeuses du chlore en 
offrent des exemples. Le calorique est abandonné et les 


( 504 ) 
composans sont isolés. Il y a décombustion en place dé 
combustion , et cependant du calorique se libère, c'est ce 
qu’on est tenté de dire; mais le lien de la conjonction n’est 
pas le même que celui de la combinaison , il en est même 
l'opposé. Dans l’une le caloriqne accède et dans l’autre il se 
relire. Il y a la différence de la solution, qui se fait avec 
excitement de froid , à la combinaison, qui se fait avec pro- 
duction de chaleur. Un hydrate ne peut être dissous par 
l'eau , sans que de la chaleur de solution, qui doit faire le 
lien de l'union, ne se fixe. L'engagement que le chlore et 
autres comburens relalifs contractent avec l’oxigène, et 
ceux que les combustibles hydracidifiables contractent 
avec l'hydrogène, sont de celte nalure. Ces unions que 
le calorique, par son adjonction, contribue à former, ne 
peuvent se détruire sans que le calorique engagé ne soit 
remis en hberlé. Le chlore dissous par l’oxigène et non 
combiné avec l'oxigène, ne peut sorlir de solution sans 
que le calorique fixé ne soit désengagé; c’est ce calorique 
qui, exprimé par le refoulement ou expulsé par l’échauffe- 
ment,et brusquement libéré, pénètre les gaz et les fait 
détoner. Le chlore, aisément condensable, contribue peu 
à augmenter l’effort explosif, si même il n’enfreint pas 
celui de l’oxigène , qui est le plus élastique des gaz. La 
même cause d’explosion ne peut avoir lieu pour les métaux 
fulminans qui seraient du métal ét de l'azote , moins du ca- 
lorique, ni pour l'huile détonante qui est de l'azote et du 
chlore, moins du calorique; tandis que pour détoner par 
dédissolution , c’est plus du calorique qu'ils devraient être. 


L'académie reçoit encore les ouvrages manuscrits sui- 
vans : 
1° Anatomie du pneumodermon violaceum. d’orbi., 


( 505 ) 
par M. P.J. Vanbeneden. Commissaires MM. Dumortier et 
Wesmael, rapporteur. 

2° Mémoire contenant un nouvel examen de quelques 
questions de géographie ancienne de la Belgique, par 
M. Roulez. Commissaires MM. Cornelissen et Desmet. 

8° Réponse aux observations critiques insérées dans 
le bulletin de l’académie du mois de janvier, concernant 
un mémoire sur un fragment d’une ancienne colonne 
milliaire romaine, publié dans le n° 10 du bulletin de 
1836, par M. Cudell, juge-de-paix. Commissaires MM. De 
Gerlache , Crahay et de Reïflenberg , rapporteur. 

Une notice de M. Morren , sur la circulation observée 
dans l’ovule, la fleur et le phoranthe du fiquier , sera insé- 
rée dans le prochain bulletin de l'académie. M. Morren, 
communique encore une notice sur la vie et les travaux 
de R. Courtois , qui est remise au secrétaire pour en faire 
usage dans la rédaction de l'Annuaire de l’Académie. 


Hisrorre narTronALE. — Sur l’entrée de la noblesse duns 
les anciens états de nos provinces, par M. le chanoine 
Desmet. 


Quoiqu'il y eût des différences notables dans la consti- 
tution des anciens états de nos provinces, ils se compo- 
saient presque dans toutes du clergé, de la noblesse et du 
tiers-état. On a donc raison de s'étonner quand on s’aper- 
çoit que depuis le gouvernement des archiducs, la noblesse 
n’est plus représentée dans les états de Flandre. Dans un 
travail d’ailleurs très-remarquable sur le régime provin- 

 cial de la Belgique avant 1794 (1), M. Gachard explique 


(1) Collection de documens inédits, t 1, p. 47 et suiv, 


( 506 ) 


un peu trop laconiquement cette sorte d'anomalie. «Avant 
» le XVII siècle, dit-il, la noblesse avait eu entrée aux 
» états de Flandre : elle négligea l'exercice de ce droit , 
» qu’elle perdit ainsi par sa faute. » 

La première partie de celte assertion ne saurait être 
contestée; l'histoire du comté fournit à cet égard plusieurs 
documens formels : mais je pense que ce n’est point à 
l'indifférence ou à la négligence de la noblesse qu’on doit 
attribuer son exclusion des états depuis la mort de Phi- 
lippe I. 

Pendant la guerre civile qui agite la Belgique ds la 
seconde moitié du X VE siécle, on n’a pas lieu de s'étonner 
qu'on ne trouve plus les assemblées régulières des états. 
Dans les autres provinces tout paraît être rentré dans l’or- 
dre à l’avénement des archiducs à la souveraineté du pays; 
mais il n’en fut pas de même en Flandre, où les troupes 
hollandaises occupaient encore la ville et le port d'Os- 
tende. Les députés qu'on appelait les Quatre Membres, 
qui avaient déjà beaucoup augmenté leur pouvoir, vou- 
lurent l'agrandir encore et ne laisser à la noblesse et au 
clergé qu’une voix consultative dans le vote de l'impôt. 
Le clergé qui avait eu vent de cetie prétention avait ré- 
clamé ses droits devant le grand-conseil de Malines, et 
un arrêt de cette cour décida l'affaire à son avantage 
en 1596 (1). 

Les nobles ne firent alors aucune démarche de cette na- 
ture, parce qu'ils étaient convaincus sans doute que les 
raisons qui avaient donné gain de cause aux ecclésias- 
tiques, militaient aussi en leur faveur. Ils furent en effet 


(1) MirϾi dipl. supplem., p. 315. 


( 507 ) 

appelés avec les prélats et les communes pour composer les 
états-généraux qui avaient à donner leur agréation à la 
cession des Pays-Bas à l'infante Isabelle, et quand, au 
mois de février 1601, le seigneur d’Hingene demanda 
aux états de Flandre, de la part des archiducs, un prêt 
de 60,000 florins pour une affaire urgente (1), il fit une 
réserve expresse en faveur des nobles: « Sans observer, 
dit-il, les solemnitez en droit de la convocation des no- 
bles , villes et châtelenies subalternes , d'ancienneté ob- 
servée et sans préjudice d’icelle à l'avenir (2).» D'autres 
actes, postérieurs de quelques années, reconnurent les 
mêmes droits à la noblesse. : 

Vers l'an 1625 , le conseil de Flandre ne fit plus men- 
tion des nobles dans les lettres circulaires qu’il donnait 
pour la convocation des états , mais les seigneurs n'atten- 
. dirent point l’année 1781, comme le dit M. Gachard à 
l'endroit cité, pour réclamer contre cette injustice. Dès 
le 23 février 1628, ils donnèrent plein pouvoir aux 
seigneurs de Passchendaele et de Zweveghem pour porter 
plainte à ce sujet devant le roi et ses conseils ; cet acte 
est signé par M. de Lalaing, le duc d’Arschot, prince 
d'Aremberg, le prince de Chimai, le comte d'Isenbourg, 
Bournonville, comte de Hennin, les comtes d’Estaires, 
d'Isenghien, de Middelbourg, Albert de Lalaing, comte 
d'Hoogstrate, le vicomte de Gand, comte d'Ursele, le 
baron de Boulers, ber de Flandre, et Du Faing, baron de 
Jamoigne. 

L'affaire fut en effet renvoyée au grand-conseil de Ma- 


(1) Probablement pour le siége d’Ostende 
(2) Expos tion des trois états de Flandres, par Zaman , p.239. 


( 508 ) 


lines par dépêche de l'infante fsabelle du 31 octoble 1632, 
mais la mort de l’un des seigneurs qui prenait le plus vive- 
ment l'affaire à cœur, fit cesser les poursuites , et les pièces 
furent oubliées au greffe de la haute cour, ou, comme 
s’exprimait la jurisprudence du temps, tout au plus ven- 
tilées. La noblesse revint à la charge en 1725 et donna 
une nouvelle procuration, le 4 mai , aux comtes de Beaus- 
sart et de Weldene pour reprendre l'affaire. Le Gouver- 
nement accueillit leur requête et fit évoquer la cause en 
conseil privé, ordonnant aux nobles députés et à leurs 
adversaires de produire les pièces qu'ils avaient à l'appui 
de leurs prétentions. Après avoir consulté leurs princi- 
paux, le clergé et les communes nommées les Quatre 
Membres, déclarérent le 4 mai 1726, à la pluralité des 
voix, qu’ils ne voulaient se former partie contre la no- 
blesse de cette province, ni s'opposer aux conclusions 
prises par la susdite requête, mais au contraire qu'ils 
sont d’avis que le service de S. M. et le bien de la pro- 
vince requièrent que leur demande soit accordée. Gette 
déclaration prouve assez que dés lors ni le clergé ni le Liers- 
état ne s’opposait à la réintégration de la noblesse dans ses 
justes droits. 

L'affaire ne fut pas encore conduite à bonne fin par 
l'opposition du gouvernement, et on n’y songea pas même 
en 1754, lors des changemens notables que subit à cette 
époque la constitution des états de Flandre. M. Gachard 
assure que la noblesse flamande adressa en 1781 une nou- 
velle requête à Joseph Il pour se voir réintégrer dans ses 
droits de second ordre des états, el je crois volontiers à la 
réalité de cette démarche. On a lieu d’être surpris néan- 
moins de n’en trouver aucune mention dans un mémoire 
présenté en 1787 au clergé et aux communes de Flan- 


( 509 ) 
dre (1), où sont résumées toutes les démarches faites an- 
térieurement pour le même objet. Quoi qu’il en soit de la 
requête de 1781, toujours est-il que le mémoire de 1787 
est la dernière tentative de ee genre. 

Des faits que j'ai réunis, on peut inférer, ce me semble, 
que la noblesse perdit son droit d'entrée aux états, non par 
sa faute , mais d'abord par un empiétement du clergé et du 
tiers,-et plus tard par l'opposition du gouvernement. 


ANCIENNE POËSstE. — ÎVotice sur un manuscrit de la 
bibliothèque de Tournay, par M. le baron De Reiffen- 
berg. 


Ce manuscrit, grand et épais in-folio sur papier, avec 
des aquarelles, mais dont on a arraché plusieurs pages, 
et que le ptinus , implacable ennemi des bibliothèques, 
n’a pas épargné, porte sur le dos de la reliure ainsi que 
dans le précis de M. Deflinne (2° édit. 1835, p. 39), cet 
intitulé : Rimes sur des choses morales, en tres-vieux 
langage. Les derniers mots suflisaient pour exciter ma cu- 
riosité, mais le volume, en venant sous mes yeux, n'a pas 
tout-à-fail répondu à mon attente, puisqu'il a été écrit 
vers l'an 1515. 

Quant aux choses morales , c'est une désignation moins 
inexacte, quoique incomplète, et on en conviendra quand on 
saura que le manuscrit est un recueil des poésies de Moli- 
net, qui n’a pas Loujours écrit des moralités. Le catalogue 
de la bibliothèque de la cathédrale de Tournaÿ tel que l'a 


(1) H porte les signatures du comte C. 3. de Lichtervelde, second ber 
de Flandre, du marquis C. de Rodes , des comtes D'Hane de Leeuwergem 


et de Steenhuyze , du vicomte Vilain XEITT, 
sn 


(510 ) 


donné Sanderus (Bibl. Belq., MS, 1, 209) indiquait sans 
doute le livre dont nous parlons en signalant les poèmes et 
vers de M. Jean Molinet, avec des fiqures illuminées. 
Au commencement est une vignette représentant un 
personnage qui travaille dans son cabinet d'études, sur la 
porte duquel est un écusson armorié d'argent à un lion 
de sinople armé et lampassé de gueules, tenant une hache 
danoïse de gueules. Vers la fin est un autre blason d’azur 
chargé de sept tourteaux d’or 3, 3 et 1, au chef de même. 
Les habiles en héraldique devineront peut-être à qui appar- 
tenaient ces insignes. Les dernières armes semblent être 
celles des Fenin, du moins par la place qu’elles occupent. 
Les vers en forme de préface ne se trouvent pas entiers. 
En voici le commencement : 
Pour collauder, 6 gentil Molinet, 
Ton nom, ton art , ton sens, ta théoricque, 
J'ay rédiget en ce beau mol lit net 


Qui bien escript ne orthographié n’est 
Plusseurs tes fais en prose ou réthoricque… . 


Beaucoup des pièces qui suivent ne sont point impri- 
mées, et ce n’est pas un grand malheur. De ce nombre sont 
le berger sans solas, les douzes (sic) abusions des cloistres 
et la journée de Thérouenne (Esquinegate) qaignié par 
le duc d’Austrice. 


On remarque dans cette dernière l'énumération des ins- 
trumens alors en usage : 


Sonnés tambours, trompes, tubes , clarons, 
Flutes bedons , simphonies rebelles ; 
Cimbales, cors, doux manicordions, 
Décacordes, choros, psalteriums, 

Orgues , harpes, nacquaires , challemelles, 
Cornemuses , timbres et cloches belles, 
Pippes, flagos, lutz et marronnettes, 
Venez jouer dedens nos maisonnettes. 


(SE) 

Parmi les pièces inédites, je crois pouvoir citer encore: 
Complainte d'un gentilhome à sa dame, aggressé de 
la maladie de Naples ou de pocques, Gaiges de Molinet 
retrenchiés dont il se complaing, Le naufrage de la pu- 
celle, L’épitaphe Hotin Bonnette, Lettre à Jehan de 
Renchicourt, La mort Frédérie empereur, père de 
Maximilien , ete. 

Le copiste n’a pas oublié le fhrosne d'honneur que feu 
M. J. B. Lebroussart considérait comme n'ayant pas encore 
vu le jour, et dont il ignorait l’auteur; ni la récollection 
des merveilleuses qui a ur intérêt historique et dont j'ai 
donné une édition. Je regrette de n’avoir pu consulter ce 
texte qui m'aurait fourni de bonnes leçons. 

Molinet, quand il ne consigne pas des faits (1), mérite 
peu d’être lu. Il est de cette époque de transition où la 
poésie, qui voulait devenir savante, perdait sa grâce et sa 
naïvelé, sans se faire remarquer encore par la correction 
et le goût. Molinet joue sur les mots, sur les sons, il équi- 
voque à saliété, il pantagruelise, mais s’il n’a pas droit à 
l'estime comme poëte, on ne peut lui refuser attention 
comme versificateur. C’est en effet de son école qu'est sorti 
Marot , disciple de Jehan le Maire à qui Molinet donna des 
leçons. Molinet, tout insipide qu’il ést, soigne la rime et 
la mesure, et emploie des combinaisons métriques propres 
à satisfaire l'oreille. Par exemple, ce couplet ne rappelle- 
t-il pas, pour la forme, un passage célébre de la Cantate 
de Circé : 


Horribles tempestes 
Foudres et molestes 
Churent sus les testes 


(1) Voy les MSS. de la bibl, de Baurg., no 5976, 6026, 6027, 6467-70. 


( 512 ) 
De gens et de bestes, 
Mais ton noble ray 
Reboutte les gestes 
Des vens manifestes 
Qui furent ces festes ; 
J’en suis le prophetes, 
Il n’est riens plus vray. 


Je le répète, il ne s'agit ici que de la forme extérieure, 
* car je ne partage point les admirations de commande pour 
des choses illisibles et n’ai pas la folie de mettre Molinet et 
J.-B. Rousseau sur la même ligne, tout classique qu'est ce 
dernier. 

Molinet, en qualité d'écrivain, offre encore un cerlain 
intérêt : personne n’a inséré dans ses rimes plus de pro- 
verbes et de loculions proverbiales, et il prouve que la 
Sagesse des nations est presque aussi ancienne que leur 
folie (1). 

Au feuillet CCCCLV commencent les Ballades et dic- 
tiers de Philippe de Fenin. On sait que ce nom de 
Fenin a été porté aussi par un annaliste dont une femme 
érudite, Melle Dupont, s’est rendue récemment l'édi- 
teur. Parmi ces poésies, trés - faibles sous le rapport poé- 
tique, on distingue un Te Deum faict à la paix de 
Cambray, Marguerite présentée à la royne de la Tieul- 
loie le jour des rois, Lettres envoiet a Monseigneur 
Molinet à Vallenciennes (on y trouve les noms des 
monnaies avec leurs empreintes dessinées à la main) ; en- 
fin Lettre envoyé à maître Jehan Caulliers à Blois. 
Plusieurs des pièces de Fenin et de Molinet ont des rimes 


. 


x 


(1) Voir à la Bibl. de Bourg. sous le n° 3033, Antonii Selvii Collectanea 
(Commentuires sur diverses phrases proverbiales) Klam.-latin, XViles, 


( 513 ) 
en rebus. C'était la mode de ce temps-là, mode détestable 
mais tyrannique comme toutes les modes. 
Tel est le contenu du manuscrit de Tournay. Ces dé- 
tails serviront à rectifier l'indication du catalogue et à com- 
pléter ma notice sur Molinet. » 


— M. De Reiffenberg remarque que les journaux annon- 
cent souvent des découvertes d’antiquités dans notre pays, 
et que ces annonces ou passent inaperçues ou n’aboutissent 
à aucun résultat, faute de liaison et d'ensemble. Ainsi, 
dans le courant du mois dernier, les journaux nous ont in- 
formés qu'à Tournay, où précédemment, M. Dapsens avait 
trouvé une belle médaille celtique, on venait, sur l’em- 
placement de la parlie démolie du Gouvernement, d'exhu- 
mer un squelette et des vestiges d’une sépulture romaine, 
avec des fragmens de tuiles, des débris de vases deterreetune 
fiole de verre. Chaque jour de pareïls faits sont inutilement 
consignés dans les feuilles publiques. M. De Reïffenberg ex- 
prime le désir qu’un membre de l’Académie ou une commis- 
sion nommée par elle, s’occupe de dresser une statistique 
archéologique , contenant l’indication chronologique des 
découvertes d’antiquités faites dans le pays depuis vingt ans, 
avec la désignation exacte des localités et des objets décou- 
verts. De cette manière on pourrait réunir des élémens 
propres à rectifier notre ancienne géographie et à suppléer 
à l'absence des documens historiques proprement dits. Si 
une personne étrangère à l'académie prenait sur elle ce tra- 
vail, M. De Reiffenberg ne doute pas que la compagnie 
ne s’empressât d'encourager une tentalive si utile. 


L'académie s’occupe ensuite des dispositions à prendre 
pour la prochaine séance publique du 16 décembre, dont 
le commencement est fixé à 1 heure. 

To. 1v. 37 


( 514) 

M. Cornelissen est invité à s'occuper de la composilion 
des inscriptions qui seront gravées sur les médailles des- . 
tinées à être distribuées aux lauréats. X 

Le directeur, en levant la séance, a fixé l’époque de la 
prochaine réunion au 15 décembre; la séance commen- 
cera à 10 heures du matin. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Compte de l'administration de lajustice civile en Bel- 
gique, pendant les années 1832-33 à 1835-36, présenté 
au Roi par le Ministre de la Justice. Bruxelles, imprimerie 
du Moniteur Belge, 1837, vol. in-4°. 

Compte-rendu des séances de la Commission Royale 
d'histoire, tome 2, 1° bulletin. Bruxelles, chez Hayez, 

1837, broch. in-&. | 

Société de médecine de Gand. Annales, feuilles 22-24. 
— Bulletins, feuilles 14 et 15, mois de septembre. An- 
née (837, vol. 3°, in-&. 

Mémoire sur le traitement des fractures par le ban- 
dage amidonné, par M. L. Seutin. Anvers, chez la veuve 
3.-B. Heirstraeten, 1837, vol. in-8°. Publié par la société de 
médecine d'Anvers. 


Journal de la société de la morale chrétienne, tome 12, : 
n° 5. Paris, 1837, vol. in-8°. 

Mémoires de la société royale des sciences , de l'agri- 
culture et des arts de Lille. Année 1835, vol. in-&°.. 
. Lille, 1836. | 

Traité de météorologie ou physique du globe, par 
J. G. Garnier. Bruxelles, Hauman, Cattoir et C° 1837, 
vol. in-8°. 

Nouvelles archives historiques, philosophiques et lit-. 


(915 ) 
téraires , 3° hvrais., octobre 1837. Gand, chez C. Annooi- 
Braeckman. Vol. in-&°. 

Réflexions au sujet du péage des barrieres ; relative- 
ment aux voitures de M. Dietz, par M. Grégoire, négociant, 
1 feuille. 

Recueil héraldique et historique des familles nobles de 
Belgique, par le baron De Reïflenberg, 4° livraison. 

Journal historique et littéraire, 44° livraison , t. IV, 
1 déc. 1837, in-8° ; à Liége, chez P. Kersten. 

L'OEdipe de Sénèque rapproché de l'OEdipe, roi, de 
Sophocle, avec les imitations françaises, par Gobert 
Alvin, 1 vol. in-12; à Gand, chez Annoot-Braeckman, 
1837. 

De l'état stationnaire de la philosophie naturelle, par 
3. W. Schmitz, broch. in-8°. Paris et Bruxelles, 1837. 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 


ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 


1837. — No 12. 


Séance du 15 décembre. 


M. le baron de Stassart, directeur. 
M. Quetelet, secrétaire perpétuel. 


Cette séance a été consacrée par l'académie à prendre 
les dispositions nécessaires pour la séance publique du 
lendemain, ainsi qu'aux nominations aux places de mem- 

| bres et de correspondans devenues vacantes dans la classe 
… des sciences et dans celle des lettres. 

Ces dernières opérations ont présenté les résultats 
Suivans : 

: Ton. 1v. 38 


( 518 ) 
Classe des sciences. 


1 PLACE DE MEMBRE. 


M. Kickx, professeur de botanique à l’université de 
Gand , actuellement correspondant de l'académie. 


1 PLACE DE CORRESPONDANT ÉTRANGER. 


M.F. Tiedemann, professeur à l’université de Heidelberg. 
Sur la demande de la commission de présentation, l’aca- 
démie a jugé à propos d’ajourner la nomination à une place 
de correspondant indigène, qui avait élé proposée éven- 
tuellement. 


Classe des lettres. 


2 PLACES DE MEMBRES. 


M. De Ram, recteur de l’université catholique, à Lou- 
vain. 
M. Roulez, professeur dans la faculté des lettres de 


l'université de Gand, actuellement correspondant de l’aca- 
démie. 


4 PLACES DE CORRESPONHANS. 


MM. Gachard, archiviste du royaume; 

André Van Hasselt, attaché à la bibliothèque de. 

Bourgogne , à Bruxelles ; | 

Voisin, bibliothécaire de l’université de Gand ; 
Moke , professeur à l'université de Gand. 

Les nominations de MM. Kickx, De Ram et Roulez. 


seront soumises à l’agrément du Roi, conformément à 
l'article 6 du règlement. 


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Appareil de la Circulation chez Ja Figue. 


519 }) 


LECTURES. 


Anatomie et physiologie végétales. — Notice sur la cir- 
culation observée dans l’ovule , la fleur et le phoran- 


the du fiquier , par M. Ch. Morren (1). 


L'histoire de la circulation chez les plantes est loin 
d'être élucidée complétement, comme on pourrait le 
croire, d’après les nombreux travaux qui ont été publiés 
dans ces derniers temps sur cette matière. Ce phénomène 
mérite du reste d'autant plus notre attention, qu’il rappelle 
les services rendus à la science par un ancien botaniste 
belge, trop oublié de nos contemporains, je veux parler 
d’Adrien Spiegel, médecin né à Bruxelles en 1578 et mort 
en 1625 , professeur d'anatomie à l’université de Padoue. 
Dans ses Zsagoges ‘in rem herbariam , publiés en 1607 
par l’auteur qui ne pouvait ainsi avoir connu le micros- 
cope , inventé seulement en 1660 par Robert Hook, on 
trouve relativement aux vaisseaux de la circulation des 
idées si justes, qu’il a fallu à Spiegel une grande rectitude 
de jugement et un savoir très-profond pour les émettre. 
Il appelle ces vaisseaux des veines : Ÿ’ena autem dicitur 
(dit-il lib. 1, chap. IIT), guod oblongum est et cavum , 
humorem in se continens, qui plantis alimento est. Ejus 
vero cavitas aut meatus , etsi non facile conspici potest 
propter exiquitatem, tamen ratione comprehenditur 
certissima. Si quidem multæ plantæ st incidantur, hu- 


(1) Cette notice a été présentée à la séance précédente , mais elle n’a 
pu être insérée alors dans le Zulletin, parce que la planche qui l’ac- 
compagne , n’était pas terminée. 


( 520 ) 

morem emittunt, aut lacti similem , ut Tithymalorum 
genera ; aut aquei coloris, ut V'itis ; aut lutei, ut Cheli- 
donium majus ; aut alterius, ut multa alia. Fibris 
venas assimilavit Theophrastes, sed grandiores cras- 
sioresque aît esse, el in se ramos spargentes, quos in 
foliis plurium stirpium apertissime videtis. Humor 
autem qui in venis atque tota planta continetur , pro- 
prio nomine caret, qualis in animalibus sanquineis 
sanquis existit. Menestor in cunctis stirpibus simpli- 
cibus simpliciter ôrpé appellavit (1), id est succum : alii 
in quibusdam succum , in aliis vero lachrymam , quæ 
tamen puto discreta esse extrahendi tantummodo , non 
materiæ differentia. Liquor, qui ex contusa herba expri- 
mitur, aut elicitur , succus vocatur ; qui vero incisione 
dimanat , lachryma. Depuis plus de deux siècles que ce 
passage a été écrit par notre Théophraste belge, il n’y a 
rien à y reprendre, et les découvertes récentes n’ont fait 
que confirmer la théorie conçue depuis si long-temps par 
le successeur de Vésale. C’est un des points les plus inté- 
ressans et les plus glorieux de l’histoire des sciences natu- 
relles en Belgique. 

J'ai dit plus haut que tout n’était pas fait pour l’histoire 
des vaisseaux lalicifères ou opophores. On ne saurait trop 
les étudier au milieu des dissensions que ces organes 
mettent entre les théories professées de nos jours par les 
plus grands physiologistes. Ainsi, je vois d’une part 
M. Mirbel qui établit que les couches corticales sont for- 


(1) C’est sans doute ce passage qui a donné l’idée à M. Link de nom- 
mer vaisseaux opophores (vasa opophora) ceux que M. Schultz avait dé- 
signés sous le nom de vaisseaux du latex, ou laticifères (voy. p 196, 
aph 52, Grundleren der Kräuterkunden, erster Theil, Berlin, 1837). 


( 521 ) 

mées de vaisseaux du latex (1) et qu'ils y jouent le rôle 
principal, et, d’une autre, je lis que M. Lindley (2) met en 
doute jusqu’à l'existence de ces organes. Il ne reste plus, 
après des avis si opposés, qu’à interroger la nature en 
elle-même, et c’est là du reste ce que depuis long-temps 
J'avais fait. Dans mes recherches sur ces vaisseaux , je suis 
parvenu à les suivre plus loin qu’on ne l'avait fait jusqu’à 
présent, du moins si j'en juge par ce que je connais de 
littérature dans eette partie de l'anatomie végétale. 

Pour plus de facilité je nommerai etrculation, le mou- 
vement du fluide dans les vaisseaux opophores, et cyclose 
celui qui se manifeste dans la cellule ou l’utricule du 
tissu cellulaire. La circulation a heu dans les vaisseaux, 
la cyclose dans la cellule (3). Il ne s'agira que de la pre- 
mière dans cet écrit. 

Ayant disséqué quelques phoranthes de figuier, j'y re- 
marquais un grand nombre de vaisseaux opophores, placés 
ici à une assez bonne distance des fibres. Le lacis qu'ils 
composent , finit par envoyer des ramifications le long des 


(1) Couches ligneuses, couches corticales, brochure extraite du 
Cours d'agriculture, par M. Mirbel, p. 1. 

(2) À kew to botany by Lindley, 1835, p. 8, aph. 35. 

(3) Je viens d'observer avec les élèves du cours de botanique de 
l’université de Liége, la cyclose gyratoire double ou triple dans les 
“poils du Tradescantia virginica. Nous l’avons mieux vue dans la variété 
rose que dans la bleue, où le fluide coloré a une intensité de couleur trop 
forte. Ce phénomène se manifestait encore, le 12 novembre, et sur une 
plante coupée depuis trois jours et conservée dans de l’eau. Nous avons 
vu les sacs intérieurs qui contiennent le liquide coloré, s’excaver sous 
impulsion du fluide circulatoire (voy. Ann des Scienc. nat., nouv. 
série Bot., tom I, avril et mai, Exposition des tissus élémentaires des 
plantes par Henri Slack.) à 


( 522) 

prétendus placentas [Raspail(1)] qui supportent les fleurs. 
Ces vaisseaux s'isolent de manière à ne pas laisser le 
moindre doute sur leur nature. Il est impossible d’y voir 
des méais intercellulaires, car, avec des aiguilles, ou en 
roulant de côté le disque compresseur du compressorium 
sur la plaque inférieure, on parvient à les séparer com- 
plétement. On voit alors leur membrane propre; épaisse, 
parfaitement transparente, sans lissu aucun, et en dedans, 
le fluide circulatoire avec ses nombreux globules. Rien 
n’est plus facile que d'opérer cette dissection, el de toutes 
les préparations que j’ai faites jusqu’à présent pour dé- 
montrer la circulation du latex, c’est sans contredit la 
plus aisée et celle qui ne laisse pas le moiadre doute dans 
l'esprit. 

Quoique des figues aient élé coupées depuis cinq ou 
six jours, la circulation s’y remarque toujours ; un de ces 
phoranthes commençait à pourrir d’un côté, que l'autre 
montrait encore le mouvement spontané du latex. Cette 
observalion est curieuse, parce qu'elle permet de croire 
que la cause de la circulation est bien particulière au 
vaisseau dont une partie peut être morte et en putréfac- 
tion , tandis que l’autre jouit encore de la plénitude de ses 
fonctions, comme on voil certaines annélides traîner avec 
elles des portions de leur corps entièrement privées de vie. 

Quand la circulation a cessé sans que le vaisseau soit 
décomposé, on peut la simuler artificiellement par la 
simple compression. Le latex ne se fige pas comme le 
sang (hormis dans l'Æoya carnosa où le contact de l'air 
épaissit subitement le fluide extrayasé), et en pressant des 


om 


(1) Nouveau syst de physiol., végét,, pl. 56, fig. 6. 


( 523 ) 
vaisseaux qui le contenaient encore , mais à l'élat complet 
d'immobilité, on parvient facilement à le mettre en 
mouvement , de manière que l'œil y esl lrompé au mi- 
croscope. On croit voir la circulation normale, tant les 
globules sont indépendens, tant les masses, quand ils se 
sont réunis, cheminent régulièrement. 

Une disposition particulière se rencontre chez ces vais- 
seaux, à l'endroit où ils vont quitter le phoranthe pour plon- 
ger dans l'appareil floral. Ils sont dans leur trajet ordinaire 
droits , raides, anastomosés d'espace en espace, mais de 
manière à ce que les intervalles sont presque rectilignes 
(voy. fig. 6). Mais quand ils plongent dans l'appareil floral, 
ils deviennent sinueux, contortupliqués en différens sens, 
comme on le voit en b, fig. 6. La différence de cette dispo- 
sition avec la précédente est évidente dans la figure citée. 

_ Je note ce fait, parce que la disposition des vaisseaux 
Iympbatiques de l’homme et des animaux avec lesquels les 
opophores végétaux ont plus d’un rapport de structure, 
offre quelque chose d’analogue dans la peau où les lympha- 
tiques que Fohmann considérait comme des vaisseaux 
simples, élémentaires, constituant la trame de ce que 
l’on a nommé le tissu cellulaire chez les animaux supé- 
rieurs, sont d'autant plus sinueux, d’autaut plus petits, 
d'autant plus serrés, qu’ils occupent la couche la plus ex- 
térieure de la peau (1), et comme dans la figue, quand les 
opophores se rendent du diachyme du phoranthe dans les 
fleurs qui sont placées à la surface de cet organe , ils de- 


(1) Voyez Mémoire sur les vaisseaux lymphatiques de la peau, des 
membranes muqueuses, séreuses , du tissu nerveux et musculaire, par 
V. Fohmann , prof à l’univ, de Liége, 1833. 


( 524 ) 
viennent sinueux et se contournent en anses diverses à Îa 
manière des lymphatiques. Fohmann, dans les derniers 
temps de sa vie, ne voyait dans les lymphatiques les plus 
ténus, ceux qui constituent, d’après lui, le tissu même de 
la cornée transparente, les muqueuses, les séreuses et la 
membrane des cellules du tissu cellulaire animal, que des 
vaisseaux essentiellement élémentaires , simples, formés 
par un canal dont les parois transparentes ne laïssent voir 
aucun tissu. Il les nommait des vaisseaux canalicu- 
laires. D'après les idées de mon illustre collègue, les 
vaisseaux des plantes seraient les analogues de ces tubes 
élémentaires ou vaisseaux canaliculaires des animaux; 
mais, en vertu de l’organisation moins compliquée du 
végétal, ils n’y revétiraient jamais que la même forme, 
celle des opophores, tandis que dans les animaux, les vais- 
seaux élémentaires en se doublant de tuniques extérieures 
deviendraient des veines et des artères. Les veines et les 
artères auraient ainsi une origine commune dans les lym- 
phatiques. Ce serait la raison pour laquelle les lymphati- 
ques communiqueraient avec les veines et les artères. La 
tunique interne des veines représenterait la membrane 
qui forme les vaisseaux absorbans simples; elle ne se cou- 
vrirait pas de la membrane fibrineuse moyenne et de la 
celluleuse (composée de lymphatiques sinueuses d’après 


Fohmann) externe dans les veines des sinus cérébraux, 


dans les sushépatiques et celles des os. De la même ma- 
nière, un vaisseau simple formerait la tunique interne des 
artères. C’est sous le rapport de la simplicité de l’organi- 
salion , que les vaisseaux absorbans auraient une structure 
analogue aux laticifères des plantes dont la paroi est 
uniquement consliluée par la membrane végétale la plus 
ténue et sans aucun tissu ultérieur que nos moyens 


( 525 ) 

actuels d'investigation nous permettent de découvrir (1). 

Je reviens aux opophores de la figue. Parvenus dans la 
fleur, ils y suivent, mais en se plaçant au dehors, la fibre 
centrale du pédicelle (fig. 1), en parcourant les méats in- 
tercellulaires d’un cylindrenchyme (tissu cellulaire à cel- 
lules cylindriques) parfaitement régulier (fig. 2 et 3). Au 
centre de la fibre sont des vaisseaux rayés annulaires ou 
des trachées non déroulables, uniquement pneumato- 
phores. Autour d’eux est un anneau ou un cylindre formé 
par des fibres ligneuses conduisant la séve, un pleuren- 
chyme très-facile à reconnaître (a-c fig. 5). Enfin, au 
dehors et à une grande distance de ces vaisseaux, on voit 
cheminer les opophores (d, fig. 5) qui, par la moindre 
action d’une aiguille, se séparent parfaitement avec leurs 
parois tout entières el leurs anastomoses , sans laisser le 
moindre doute sur leur structure, comme vaisseaux parti- 
culiers. Bien que les méats du cylindrenchyme qu'ils par- 
courent soient formés de quatre angles curvilignes (fig. 3), 
ces vaisseaux n’en sont pas moins cylindriques. La circula- 
tion y est des plus évidentes; j'ai remarqué que ceux placés 


(1) Je me plais à déclarer ici que la première idée de ce rapproche- 
ment appartient tout entière à Fohmann, qui, peu de tempsavant sa mort, 
avait étudié la structure des végétaux d’après les principes que j'ai ex- 
posés dans la traduction des Æsquisses d’horticulture de John Lindley, 


La plus exacte représentation du vaisseau simple primitif serait , d’après 


Fohmann, le vaisseau dorsal des insectes , tel qu’il l’avait vu au moyen 
d’un microscope solaire. Les vaisseaux séveux des végétaux ne seraient 
encore, d’après lui, qu’une individualisation des vaisseaux simples con- 
stituant chez l’animal les absorbans, élémens primordiaux de tous les 
tissus regardés comme cellulaires. Ces aperçus nouveaux, dus à un 
homme si habile dans l’anatomie des tissus , ne devaient pas être perdus 
pour la science, et j’ai cru de mon devoir de rendre à Fohmann ce der- 
nier tribut de mon estime, en les publiant, 


( 526 ) 
le plus vers l'extérieur étaient en général les plus étroits (1). 

La panse qui contient l’ovule de la fleur femelle du 
figuier est séparée des folioles du périgone. Or, dans les 
divisions de celui-ci, j'ai observé les vaisseaux laticifères 
cheminant seuls, sens accompagner de fibres séveuses ou 
aérifères. Cela est très-remarquable, car c'es un argu- 
ment puissant pour faire regarder les opophores comme 
destinés à charrier le fluide nutritif analogue au sang dans 
les organes qui doivent l’élaborer davantage et absorber 
ainsi leur substance alimentaire. Un peu au-dessous de la 
naissance de ces divisions du périgone (fig. 1), on voit déjà 
un rameau de laticifère se séparer, parcourir la foliole et 
se diviser plus haut, soit dans la partie indivise, soit dans 
Ja portion bifide de cet organe. D’après M. Schultz, les par- 
ties qui offrent les vaisseaux laticifères sont celles qui 
possèdent les tubes spiraux, ou leurs métamorphoses, 
comme les vaisseaux rayés, elc. 

La fibre formée de ces vaisseaux pneumatophores el sé- 
veux monte vers la panse de la fleur ou son ovaire, et ar- 
rivée près du renflement, elle se partage par l'isolement de 
ses vaisseaux en deux fibres dont l’une, la principale, de- 
vient le cordon ombilical ou le funicule de l’ovule, sans 
doute pour pénétrer, avant que la fécondation ne soit 
accomplie, dans le prolongement stygmatifère de l'ovaire. 
Toujours est-il que, lorsque la fécondation est accomplie, 


celte fibre ne se rend pas au-dessus de l’ovule dans le : 


style et le stygmate de la fleur. C’est tout comme si l’atro- 
phie s'était déjà emparée de cette fibre séveuse et aérienne, 


(1) Malpighi avait déjà donné la dissection des tissus de la figue, 
mais, s#il a reconnu les trachées, il n’a rien vu des vaisseaux de la 
cireulation (Opera omnia, édit. Lond., 1686, p. 67). 


Ê 


d 


pour en priver un appareil devenu désormais inutile à la 
fleur. 

Ces deux divisions de la fibre, dont on voit la marche 
ascensionnelle dans la figure 1°, sont accompagnées d’un 
système de vaisseaux opophores, dont le plus riche en 
vaisseaux est celui qui devient le funicule de l’ovule. Si 
les opophores peuvent s'isoler dans les divisions du péri- 
gone , je n’en ai pas vu dans la partie stygmatifère de la 
fleur. Aussi cette partie est-elle fanée immédiatement 
après la fécondation; je suppose que pendant cette époque 
les vaisseaux opophores de la plus mince branche de la 
fibre principale de la fleur s’y rendent. J'ai trouvé ce styg- 
mate bifide sur toutes les fleurs que j'ai observées, bien 
que M. Raspail ait représenté autrement cette partie du 
pistil du figuier. 

La graine est suspendue à son cordon ombilical ; son test, 
formé de petites cellules presque sphériques remplies de 
ligneux, reçoit les vaisseaux séveux et les preumatophores 
que, pourtant , je n’ai pu suivre ultérieurement dans ce 
tissu. Les vaisseaux opophores y afflnent aussi, percent le 
hile et vont se distribuer dans le test même. Là , ces vais- 
seaux sont isolés comme dans les divisions du périgone, et 
se présentent sous la forme de canaux presque droits, nul- 
lement sinueux. Leur diamètre diminue, et ces organes 
affectent en général un aspect de simplicité qu’on ne leur 
reconnaît pas partout, au point qu’on pourrait les con- 
fondre avec les vaisseaux séveux, si ce n’élail le fluide glo- 
bulifère circulant de leur intérieur. J'ai représenté les 
vaisseaux plongeant dans le test fig. 8, et un vaisseau lati- 
cifère isolé fig. 7. 

Les vaisseaux opophores se portent donc muse dans 
Vovule dont ils nourrissent les enveloppes. Je n’en ai vu 


( 528 ) 
aucun dans l’amande ni dans l’endoplèvre. La circulation 
se manifeste ainsi jusque dans les tuniques qui contien- 
nent l'embryon. 

L'isolement de ces vaisseaux ne laisse aucun doute sur 
leur membrane propre, qui ne provient nullement des 
méats intercellulaires, comme quelques physiologistes le 
pensent. Leur indépendance d'avec les séveux et les vais- 
seaux pneumatophores, démontre encore mieux la nature 
spéciale de ces vaisseaux, qui portent le suc nutritif prove- 
nant de la séve modifiée par la respiration végétale dans 
tous les organes. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


Fig. 1. Fleur femelle isolée, fécondée, grandie plus de 100 fois au 
microscope. 

Pédicelle. 

Division bifide du périgone. 

Ovaire. 

Style. 

Stygmate bifide. 

Fibre séveuse et pneumatophore. 


CSN RESLESE 


Vaisseaux opophores. 
Isolement des vaisseaux opophores se rendant dans le péri- 
gone. 


F< 


Fibre séminifère, 


> *° 


Cordon ombilical s’insérant au hile. 
t, Fibre se rendant dans le stygmate durant la fécondation. 
m. Graine ou ovule. 
Fig. 2.  Cylindrenchyme de la fleur : les cylindres se posent bout- 
à-bout. 
— 3  Cylindrenchyme vu d’en haut. 
a. Cavité de la cellule. 
b. Paroi de la cellule. 
c. Méat intercellulaire à quatre angles. 
— 4 Derme à cellules armées de nucleus. 
— 6. Fibre vue isolément, 
a. Trachées et vaisseaux annulaires. 


DÉS oc 


PEER 


( 529 ) 
Fig. 5. c. Canaux séveux, 
d. Vaisseaux opophores, 
e  Portions de mérenchyme. 
f. Vaisseau opophore extérieur plus mince 
3 


. Cylindrenchyme. 
Fig. 6. Vaisseaux opophores isolés. 
a. Couche profonde. 
b, Couche snperficielle. 
7 Vaisseau opophore du test isolé. 
— 8. Extrémité du cordon ombilical et dissection d’une partie du 
test. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Lysiæ oratio funebris , par Ph. Bernard. Louvain, chez 
Vanlinthout et Vandenzande , 1837; 1 vol in-8°. 
Précis de l’histoire ancienne, par J.-J. Alimeyer. 
- Bruxelles, Meline, Cans et comp°, 1837, 1 vol. in-8°. 
- Société des sciences , des arts et des lettres du Hai- 
+ naut, 4 anniversaire. Mons, chez Hoyois-Derely, 1837, 
. broch. in-8. 
…— Société de médecine de Gand. Annales , feuille 25-27. 
— Bulletins, feuille 17 (nov. 1837), vol. 3, in-8°. 
— Additions et corrections à la notice sur les archives 
“de la ville de Malines , de M. L.-P. Gachard. Bruxelles, 
“chez L. Hauman et comp°, 1836, 23 feuilles in-8°. 


( 530 ) 


SÉANCE PUBLIQUE 


Du samedi, 16 décembre 1837, dans la salle du 
conseil provincial, hôtel du gouvernement. 


M. le baron De Slassart , directeur. 
M. De Gerlache, vice-directeur. 
M. Quetelet , secrétaire perpétuel. # 


M. Le directeur , à une heure et demie, ouvre la séance , 
par le discours suivant : 


Messieurs , 


A l’occasion de la fête académique que nous célébrons 
aujourd’hui, vous retracer quelques souvenirs de la patrie, 
me rappeler avec vous la glorieuse part que prirent les 
Belges aux progrès de l'esprit humain, sera, sans doute, 
me donner des titres à votre indulgence, et je sens combien. 
elle m'est nécessaire. 

Fondé sur des vertus qui longtemps avaient fait s 
force, mais qu'insensiblement l’égoïsme, la corruption e 
les excés du luxe avaient anéanlies, l'empire romain ve- 
nait de s'écrouler pour ainsi dire sous son propre poids ; 1 
était devenu facile aux barbares de triompher d’une civil 
sation usée... Cependant le christianisme tendait à recon- 
struire la société sur de nouvelles bases, sur les base 
d’une religion divine, d’une morale sublime qui per 
mettait à l'homme de ressaisir toute sa dignité. L'œuvre d 
celte régénération politique et religieuse devait toutefoi 
éprouver des obstacles. La Belgique contribua puissam 


( 531 
ment à les surmonter, elle qui déjà, sous les rois de la 
race Mérovingienne sortie de son sein , avait acquis une 
incontestable supériorité sur toutes les autres parties du 
Royaume des Francs; l'épée d’un belge, de Charles Mar- 
tel (1), arrêta le mahométisme sur le point d’envahir 
l'Europe. Bientôt après, sur nos rives de la Meuse encore, 
naquit ce prodigieux Charlemagne (2) qui fit briller d’un si 
vif éclat la fin du huitième siècle et les premières années du 
siècle suivant, Il ne fallait au héros législateur que des fils 
dignes de lui pour que la cause de la civilisation fût dès 
lors gagnée ; mais de faibles et lâches successeurs préci- 
pitérent, en quelque sorte, dans sa tombe les résultats de 
tant de nobles efforts, les fruits de quarante-cinq années 
de gloire, tout ce qu'avait enfanté ce génie d’une grandeur 
si colossale. Les ravages des Normands ne tardèrent pas à 
mettre le comble au désordre, et, de cette intolérable 
anarchie , sortit le gouvernement féodal qui ne présente 
pour patrie qu’un donjon, pour exploits que le pillage, le 
meurtre el l'incendie. Néanmoins il est jusie de recon- 
naître que , dans la Belgique plus qu'ailleurs, le tableau 
monotone de ces temps désastreux offre des trails de 
magnanimité, des actes d’héroïsme qui reposent la mé- 
moire fatiguée d’horreurs, el soulagent notre âme en nous 
prouvant que l'humanité n’a jamais perdu complétement 
ses droits. Les monastères, au milieu des épaisses ténèbres 
qui couvraient la surface de l'Europe, devinrent les seuls 
asiles de l'étude, les seuls refuges de ce qui restait encore 


(1) Dans les plaines de Tours, en 732. 

(2) 11 doit m'être permis de me prévaloir ici de l’opinion de Fisen 
( ores ecclesiæ Leodiensis) et de nombreux annalistes qui placent le 
berceau de Charlemagne à Jupille près de Liége, 


( 532 ) 

des connaissances humaines, et les cloîtres d'Orval, de 
Gembloux, de Lobbes, de S'-Bavon, de Tongerloo, d'Éver- 
bode, rendirent aux sciences, aux lettres, des services qui 
ne doivent pas être méconnus. L'agriculture commençait 
également à prendre son essor, sous la main des pieux 
solitaires autour desquels venaient se grouper de paisibles 
cultivateurs pour échapper au joug que faisaient peser sur 
eux des maîtres inhumains. 

Le régime féodal s’adoucit par degrés; nos provinces 
furent souvent gouvernées par des princes d’une haute sa- 
gesse et qui s’appliquérent à réprimer la violence de leurs 
vassaux, à protéger, avec une constante sollicitude, les 
classes inférieures; tels furent Regnier V, comte de Hai- 
naut, les Baudouin, Philippe d'Alsace qui fit cesser la 
servitude féodale en Flandre , Otton III, duc de Gueldre, 
Guillaume-le-Riche , comte de Namur, Henri III, duc de 
Brabant (1) qui supprima la mainmorte dans ses domaines 
dès l’année 1235. 

L'abbé Suger, ministre que la Belgique (St-Omer en 
faisait alors partie) avait donné à Louis-le-Gros , s'était 
placé, le siècle précédent, au nombre des bienfaiteurs de 
l'humanité , pour avoir en France commencé la création 
des communes et l’affranchissement des serfs. Cette pensée 
régénératrice se féconda sur le sol belge où les communes, 
dont il serait facile de faire remonter l’origine à des temps 
fort reculés, se constituëérent d’une manière vigoureuse. 
Les croisades , jugées diversement par les historiens , parce 
qu’en effet on peut les envisager sous plus d’un point de 


(1) Ou si l’on veut Henri VI, en admettant les Henri, comtes de Lou- 
vain, 


(533 ) 


vue, entraient dans les desseins de la Providence pour 
bhâter la marche de la civilisation; elles eurent le résultat 
d’affaiblir la féodalité par les dépenses excessives dans les- 
quelles fut entraînée la noblesse, et d'étendre de plus en 
plus l'émancipation des communes. Les croisades, qui 
virent briller au premier rang les seigneurs belges et qui 
recommandent à l'admiration des siècles Godefroi de Bouil- 
lon, Jacques d'Avesnes, et cet audacieux Baudouin (1) 
devenu comme par enchantement possesseur du trône im- 
périal de Constantinople, accrurent singulièrement l’im- 
portance des villes de Flandre. Ces villes, par leurs relations 
avec l'Orient et les immenses débouchés qui leur furent 
ouverts , devinrent pour ainsi dire le centre du commerce. 
Bientôt leurs richesses ne connurent plus de bornes. C’est 
alors qu'une Reine de France (2), non pas avec dépit, 
comme on l'a prétendu, mais avec un élonnement qui 
cherchait au contraire à se manifester d’une manière flat- 
teuse, s’écriait, dans un cercle à Bruges , qu’elle ne s’atten- 
dait point à voir tant de Reines réunies autour d'elle. 

La prospérité du commerce exerça sur l’activité de l’in- 
dustrie manufacturière (3) une heureuse influence; les 
autres nations se firent tributaires non-seulement de nos 
fabriques de haute-lisse qui donnèrent à Louis XIV l’idée 
de ses belles tapisseries des Gobelins, sous la direction 
d’un belge, Frans de Bruges, mais encore de nos tentures 


—@—_—_—_———————— 


(1) Baudouin VIIT, comte de Flandre ; il s’empara de Constantinople 
en 1204, 


(2) Jeanne de Navarre, femme de Philippe-le-Bel. 

(3) On ne sait trop pourquoi l’académie française, dans la dernière 
édition de son dictionnaire, n’admet pas, comme adjectif, le mot ma- 
nufacturier qui manquait à la langue, et dont l’usage est devenu géné- 
ral, surtout depuis qu’il se trouve dans le dictionnaire de Boiste. 


Tom. rv. 39 


( 534 ) 
de cuirs dorés, de nos draps, de nos toiles, de nos batistes, 
de nos dentelles, et d’une foule d’objets de luxe ou de pre- 
mière nécessité (1). 

L'industrie manufacturière, à son tour, favorisa les 
développemens de l’agriculture, et les bruyères du pays 
de Waes firent place à de riches moissons. L'agriculture, 
ce premier des arls, comme l'appelle un poète célèbre, la 
science la plus utile à l’homme, devint particulièrement 
la science belge; la charrue flamande fut imitée partout; 
une colonie belge, sous le règne de Christiern IE, en 1515, 
ferlilisa une île du Danemarck (2); une autre colonie 
s’élablit dans l’île que forment les deux bras de la Vistule 
en face de Marienbourg, el ce ne fut pas sans une émotion 
bien douce que, pendant la campagne de 1807, je m'y 
retrouvai, comme en famille, entouré des souvenirs de 
mon pays, Car dans celte contrée patriarcale, les mœurs 
et la langue même des ancêtres s’élaient religieusement 
conservées. Nos agriculleurs, à différentes époques, éten- 
dirent leurs paisibles conquêtes sur les bords de la Baltique, 
dans le pays de Galles et dans le Bannat de Temeswar. Les 
Anglais puisèrent chez nous, au dix-septième siécle, les 
connaissances qui les mirent à même de faire de si grands 
pas dans la carrière agricole. C’est à des belges, qu’Henri IV, 
pacificaleur de la France, s’adressa pour défricher une par- 
tie du Poilou, appelée encore aujourd'hui la Petite Flandre. 
Tandis que les Espagnols ravageaient le sol du Mexique, 
des belges l’enrichissaient de la culture du froment. 

Les impéralrices que nous avons données à l'Allemagne, 
les Reines que nous doivent la France, l'Angleterre , 


(1) I faut consulter à cet égard l’excellent mémaire de M, le baron 
De Reiffenberg, couronné par l’académie en 1820. 
(2) L'ile d’Amack séparée de Copenhague par un pont. 


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MES PEE Ta. 0T 


(535 ) 
l'Écosse, le Portugal, le Danemarck, la Suède, la Hon- 
grie (1), furent, pour la plupart, des princesses accomplies 
et qui contribuërent aux progrès de l'esprit social dans 
leur patrie adoptive. 

Les empereurs et les rois de Bohème, sortis de la mai- 
son de Luxembourg, ont été généralement des princes d’un 
mérite remarquable. Jean l’Aveugle, qui mourut d’une 
manière héroïque à la journée de Crécy (2), réunissait 
toutes les qualités exigées par les loïs de la chevalerie. 

La chevalerie, qui consacrait le grand principe de la 
prééminence du mérite personnel, avaïl fait germer dans 


les cœurs de généreux sentimens et poli les mœurs de la 


noblesse. Elle doit, sous ce rapport, figurer parmi les 
causes qui ramenèrent la civilisalion. La chevalerie brilla 
d'un vif éclat dans nos provinces. Quel plus parfait 
chevalier que ce Jean I, duc de Brabant, vainqueur à 
Woeringen, vainqueur dans plus de soixante combats en 
champ clos, et qui ne voulut s’en remettre à personne 
du soin de défendre, de venger une sœur indignement ou- 
tragée (3)! c'étaient aussi d’excellens modèles que notre 
Josse de Lalain, surnommé, comme depuis le fui Bayard, /e 
chevalier sans reproche, Jacques et Simon deLalain, Rase 
de Gayre, Gilles de Chin , Fastré de Ligne, et ce Raoul de 
Lannoi, toujours humain envers l'ennemi désarmé, mais 
d’une telle ardeur au combat, que Louis XI, lui passant 
une chaine d'or au col, prétendait qu’il fallait l’enchaîner 


—————————_——_—_——————_—— 


(1) Entre autres, Marie de Louvain, femme de l’empereur Othon IV, 
Marie de Brabant, femme de Philippe-le-Hardi, roi de France ; Mathilde 
de Flandre, femme de Guillaume le Conquérant et Philippine de Hai- 
naut, femme d'Édouard Il! , roi d'Angleterre, 

(2) En 1346. 

(3) Marie , femme de Philippe LIL (le Hardi), roi de France 


( 536 ) 

pour le conserver plus long-temps. C’est à des chevaliers 
belges, que les rois dont la fortune trahit la valeur veulent 
remettre leur épée. Denis de Morbecque reçoit celle du roi 
Jean, à la bataille de Poitiers; Charles de Lannoïi, celle 
de François Ier, à Pavie. Nos chevaliers ne se conten- 
taient point de rompre des lances et de remporter des prix 
dans les tournois, c'élaient des preux sur les champs de 
bataille. Si l’on peut faire un reproche aux guerriers de 
noire nation, c’est d’avoir été, dans des luttes étrangères, 
trop prodigues d’un sang qui n'aurait dû couler que pour 
les intérêts du sol natal. On retrouve des noms belges dans 
les annales militaires de tous les peuples et de tous les 
siècles. En France, c’est Gilles de Trazegnies, connétable 
sous Louis IX, c’est Gauthier de Ghistelles qui se signale ; 
à Bouvines, sous la bannière de Philippe-Auguste; c’est le 
maréchal de Marsin, intrépide soldat, s’il ne se montra 
point grand capitaine à Hochstedt (1). Ailleurs, c’est 
Thierri de Fauquemont qui soumet des provinces au roi 
d'Angleterre, Édouard IE, dont il avait embrassé la cause, 
et qui meurt, les armes à la main, en se précipitant au 
milieu des Liégeois insurgés (2). 

Les meilleurs généraux de Charles-Quint étaient belges , 
mais ceux-là servaient un prince, leur compatriote, et l’on 
pouvait les considérer comme servant leur pays. Le vain- 
queur de S'-Quentin et de Gravelines, le comte d'Egmont, 


ne croyait pas hasarder sa vie pour l’oppresseur de ses con- 


citoyens, et certes alors il était loin de s'attendre à devoir 


(1) En 1704. Il était né à Malines, en 1656, d’une famille liégeoise ap- 
pelée Marchin dans le pays. Cependant il signait Marsin, comme le 
prouve une lettre autosraphe que j’ai dans ma collection. Il fut tué au 
siége de Turin en 1706. 

(2) En 1346. 


( 537 ) 

expier, quelques années plus tard, sa gloire sur un écha- 
faud. Nous voyons, dans le siècle suivant, T'Serclaes-Tilli, 
ce noble descendant du loyal chevalier qui, l’an 1356, 
avait mérité le titre de /ibérateur de Bruxelles , contenir 
par son bras formidable la ligue protestante en Alle- 
magne et moissonner des lauriers qui seraient sans tache, 
si l'on pouvait retrancher de sa vie le chapitre de la prise 
et du sac de Lubeck. 

G'est à des capitaines belges, le marquis de Châteaufort (1), 
le marquis de Lede (2), le comte de Glimes, le comte de 
Gages, que Philippe V, roi d'Espagne, fut, en grande par- 
tie, redevable de la conservation de sa couronne et du suc- 
cès de ses armées en Italie. Napoléon mettait les belges au 
nombre des plus braves soldats de son empire. L’Autriche; 
dans ces derniers temps, n’a guère eu de chefs plus ha- 
biles que Clerfaït, le marquis du Chasteler, Beaulieu, 
Latour, d’Asper et ce brillant prince de Ligne à qui néan- 
moins, depuis ses campagnes contre les Turcs, la cour de 
Vienne interdit les trophées militaires, mais qui continua 
d'être compté parmi les plus aimables courtisans et les 
écrivains les plus spirituels de son époque. 

C'est assez, Messieurs, parler de la gloire des armes ; 
ce n’est pas elle qui peut influer sur les progrès de la 
civilisation. Reposons nos idées sur une gloire plus douce, 
plus consolante, sur la gloire que nous ont acquise les 
beaux-arts, les sciences et les lettres. 

Nos grandes dames, dès le XI° siècle, et sans doute même 
auparavant, s’'amusaient à reproduire avec l'aiguille, sur 


(1) Pierre Boysean , marquis de Châteaufort, né à St-Gérard, province 
de Namur, en 1659, mort capitaine-général de la Vieille-Castille en 1741. 


(2) Jean François Nicolas Bette, marquis de Lede , né en 1668 et mort 
en 1725. 


( 538 ) 
la toile, les exploits d'un père, d'un frère ou d’un époux, 
témoin la fameuse tapisserie de notre princesse flamande , 
Mathilde, femme de Guillaume-le-Conquérant, duc de 
Normandie et roi d'Angleterre (1), mais hâtons-nous d’ar- 
river à l’époque de la renaissance des arts. 

Grâces au génie de Van Eyck, l'inventeur de la pein- 
ture à l'huile (2), de Quentin-Metsis, à qui l'amour fit 
quitter l’enclume pour la palette, de Memling (3), de 
Rubens (qui sera toujours belge quoi qu’en dise Cologne), 
de Gaspard de Crayer, de Jordans et de Van Dyck, notre 
école flamande se place presqu’a côté de l'école italienne. 
Il n’est pas de galerie où ne figurent , au premier rang, les 
chefs-d'œuvre de nos grands maîtres, point de cabinets 
d'amateurs qui ne présentent à nos regards enchantés des 
tableaux de Steenwyck, de Breugel, de Gérard Lairesse, 
de Brauwer,de Snyders , d'Omeganck , d’une foule d'autres 
artistes distingués, et surtout de ces féconds Teniers, un 
peu grotesques sans doute dans leurs compositions, mais 


(1) On la voyait autrefvis dans la cathédrale de Bayeux ; elle avait 
disparu pendant la révolution française; elle s’est retrouvée, il y a 
vingt-quatre ans, et l’empereur Napoléon la fit placer au musée de 
Paris. 

(2) Autrement dit Jean de Bruges. Axant lui l’on suppléait à l’huile 
par ia gomme et les blancs d'œuf, recouverts d’un léger vernis. Le 
premier tableau à l’huile fut présenté par Van Eyck au roi de Naples, 
Alphonse ler, en 1425, et le second à Philippe-le-Bon, l’année sui- 
vante. On s’avise aujourd’hui de contester à Jean Van Eyck cette dé- 
couverte; on voudrait en faire honneur à son frère Hubert, mais les 
preuves que l’on en donne ne me paraissent nullement convaincantes. 


(3) Jean Memling, ou si l’on veut Hemling, car on a souvent écrit 


de cette manière le nom du célèbre peintre à qui l’on doit les chefs- 
d'œuvre de la châsse de sainte Ursule, composés pour l’hôpital de 
Bruges. Il était né dans cette ville (du moins cela paraît probable) 


vers 1430, 


( 539 ) 


qui nous captivent par le charme du coloris et par celte 
vérité de détails propre à compenser le défaut de pensée, 
le défaut d'invention reproché quelquefois à nos peintres. 

L’anversois Brill excella dans le paysage , genre agréable 
qu'avait inventé, vers la fin du XV: siècle, un dinantais, 
Joachim Patinier. 

La peinture, comme presque tous les arts, avait fait 
un pas rétrograde au XVIIL siècle; ce fut André Lens, 
auteur d’un ouvrage estimé sur le costume des peuples 
de l'antiquité (1), qui la ramena, chez nous, aux prin- 
cipes du bon goût; Vien s'était donné la même mission 
en France. 

Quant à l'invention de la peinture sur verre, elle appar- 
tient positivement à la Belgique, bien que les Français 
la lui disputent. Je ne connais point de pays où elle ait 
été portée à un plus haut degré de perfection. Nos tem- 
ples , malgré les dévastations du XVI: et du XVII siècle, 
sont là pour l’attester. 

Louis XIV, ce monarque trop maltraité de nos jours, 
parce qu’on prétend le juger nos constitutions modernes 
à la main, Louis XIV, si digne d’être entouré de grands 
hommes , parce qu’il savait les deviner, les apprécier , les 
encourager , profita d'une époque où les artistes belges 
étaient, en quelque sorte, sans patrie, pour leur en offrir 
une; il se plut à faire valoir les talens de Philippe de 
Champagne; il fit venir en France et s’attacha Vander 
Meulen dont le pinceau perpétua le souveuir des vic- 
toires du grand roi sur ces toiles admirables qu’un autre 
prince, si bien surnommé le Napoléon de la Paix (2), a 


(1) Un vol. in-do, Liége, Bassompierre , 1776. 
(2) Un belge, ancien officier de la garde impériale , s’est, je crois, 


( 540 ) 
placées dans ce magnifique musée de Versailles, véritable 
temple qu'il vient de consacrer à la gloire de sa nation. 

Les mémorables actions de Louis XIV furent également 
reproduiles sur les métaux par un belge, le liégeois 
Warin, directeur du cabinet des médailles. Un autre 
liégeois, Duvivier, fut chargé des médailles du règne de 
Louis XV. 

Edelinck d'Anvers, dont les estampes ont toujours été 
si recherchées, grava, pour Louis XIV, {a sainte famille et 
Alexandre visitant la famille de Darius. La gravure 
sur cuivre et la ciselure comptent, au nombre des hommes 
qu'elles ont illustrés , beaucoup de belges, mais je crain- 
drais de fatiguer votre attention par une trop longue série 
de noms propres, qui d’ailleurs vous sont déjà connus. 
Aussi ne citerai-je, parmi nos sculpteurs, que ce presti- 
gieux Duquesnoy (1) dont les moindres ouvrages sont d’un 
si grand prix pour les connaisseurs, Scheermackers et Rys- 
brack, tous deux Anversois, qui ont construit, dans 
l'église de Westminster, des monumens funèbres généra- 
lement admirés, Verhulst de Malines qui fut chargé des 
mausolées élevés par la république des Provinces- Unies à 
ses amiraux, Verbruggen à qui l’on doit la chaire de 
S'-Gudule, Delvaux, trop oublié peut-être, et ce bon 
Godecharle (2) dont la simplicité modeste, au milieu de 
ses nombreux succès, ne s’est jamais démentie. Ce fut à 
Tassart, dont cependant le nom même est ignoré dans sa ville 


servi le premier (en 1834) de cette heureuse expression, trop vraie, 
trop pittoresque pour n’être pas généralement adoptée. 

(1) François Duquesnoy, né à Bruxelles en 1694, Son frère Jérôme, 
né en 1602, fut également un habile sculpteur. 

(2) Né à Bruxelles en 1751 et mort dans la même ville le 24 février 
1835. 


gs 


r “idem? 


( 541 ) 
natale (Anvers), que Frédéric-le-Grand confia l’exécution 
des statues de ses généraux. 

Les édifices civils et religieux qui décorent nos villes, 
tous ces chefs-d'œuvre de l'architecture gothique, ou pour 
mieux dire arabe, témoignent assez du rare mérite de nos 
architectes, Hucbald, au XIIe siècle, Appelmans, Ame- 
bus, Ruysbroeck, Ulenhove, au XV°, et tant d’autres 
dont l’énumération serait fastidieuse. Les Anglais nous 
empruntèrent Paschen (1) d'Anvers, pour élever leur su- 
perbe bourse de Londres qui fut détruite par un incendie 
en 1666. Un des plus beaux ponts de Paris, le pont Royal, 
fut construit, vers la fin du XVIL siècle par un flamand, 
François Romain (2), à qui l’on conféra le titre d’archi- 
tecte des bâtimens royaux. La machine de Marli, destinée 
à conduire les eaux de la Seine dans les jardins de Ver- 
sailles, et regardée comme une des merveilles du règne de 
Louis XIV, fut conçue el exéculée par un liégeois, Ren- 
nequin Sualem (3). Le flamand Lintlaer avait, en 1606, 
imaginé le mécanisme de la Samaritaine (4), pour pourvoir 


(1) En 1566. 

(2) Né, l’an 1646, à Gand; il appartenait, en qualité de frère convers, 
à la congrégation des dominicains ; il mourut à Paris, dans la maison de 
son ordre, le 7 janvier 1735. 

(3) L'invention de cette machine fut d’abord attribuée à Deville, de 
Huy, et même on lui en fait honneur dans les lettres de noblesse qui lui 
furent accordées par Philippe V, en 1702, et enregistrées au greffe du con- 
seil de Namur, muis tous ceux qui, depuis lors , ont examiné la question 
sont restés convaincus que le véritable, le seul inventeur est Rennequin 
ou Rannequin Sualem, né à Liége en 1657. et mort à Rougival-Marli, 
en 1718. Deville avait eu l’entreprise de cette construction, entreprise 
au surplus tellement lucrative qu’elle le mit à même d'acheter la terre 
de Modave, apportée en dot par sa fille à la maison de Montmorcenci. 

(4) La samaritaine, dont l’origine flamande était constatée par un 


(542 ) 
de l’eau nécessaire les bassins dn Louvre et des Tuileries. 

Les Belges furent les restaurateurs de la musique au 
XV: siècle ; un moine de St-Amand , Hucbaud , né dans les 
environs de Mons, inventa un système de notation musi- 
cale; presque tous les souverains de FPEurope choïsirent 
pour maîtres de chapelle, des belges, tels qu'Ockeghem, 
Le Teinturier, Desprez, Willaert et Roland Lassus, le 
prince des musiciens de son temps. Deputte, au XVI siècle, 
parvint à faire adopter en Italie la gamme à sept notes. 

La capitale de la France, vers la fin du XVIIE siècle, 
applaudit aux accords imposans de Gossec (1) et vit régner, 
sur la scène de l'opéra comique, l’orphée liégeois, ce 
Grétry (2) si dramatique , ce Grétry qui connaissait si bien 
les cordes de l'âme et qui possédait à un si haut degré 
l'art du dialogne que je n’ai cru pouvoir mieux exprimer 
à cet égard ma pensée, qu’en l'appelant /e Moliere de la 
musique. I uous explique, dans des mémoires écrits avec 
le charme d’une bonhomie attachante, les causes de ses 
éclatans succès. 

Quelque frivole qu'il paraisse, il n’est point d'art qui 
wait son prix, lorsqu'on y excelle. Je n'hésite donc pas 
à dire un mot d’une danseuse célèbre, qui charma tout 
Paris par la noblesse, par la grâce de ses mouvemens, et 
qui servit de muse inspiratrice aux compositeurs des bal- 
lets de son époque. Il s’agit de la Camargo (3), née à 


carillon, se trouvait sur le pont neuf; elle a été démolie, il y a peut-être 
une trentaine d'années. 

(1) Né à Vergnies, village du Hainaut , en 1733, et mort à Paris, en 
1828. 

(2) Néen 1741, mort en 1813. 

(3) Marie-Anne de Cupis-Camargo, née à Bruxelles, le 15 avril 1710, 


re der 


( 943 ) 
Bruxelles, chantée par Voltaire, et qui vint à Baisy, sur 
les bords de la fontaine consacrée par les traditions popu- 
laires à Godefroi de Bouillon, expier dans les austérités 
de la pénitence l'ivresse de vingt années de triomphes à 
l'académie royale de musique. 

J'arrive aux sciences exactes : elles furent toujours cul- 
tivées avec succès en Belgique, et, depuis Francon, éco- 
lâtre liégeois du XP siècle, qui écrivit sur la quadrature 
du cercle, jusqu’à ce savant commandeur de Nieuport que 
nous avons vu faire preuve de tant de zèle et d’ardeur 
pour les travaux de l'académie, la liste des mathémati- 
ciens serait fort étendue; nous n’arrêlerons nos regards 
que sur le jésuite flamand Verbiest, qui, tout en catéchi- 
sant les peuples de la Chine, leur donnait des notions 
plus justes des mathématiques et méritait ainsi les bonnes 
grâces de l'empereur avec le titre de mandarin lettré; sur 
Grégoire de St-Vincent, dont Montucla vante la profonde 
science; sur Dellafaille d'Anvers, auteur d’un traité du 
centre de gravité qui précéda celui de Guldin, puis sur 
Simon Stévin, autre mathématicien et physicien flamand, 
inventeur du calcul décimal, renouvelé de nos jours, el 
des voitures à voiles dont on a fait récemment honneur 
aux Américains du Nord. 


non d'un maître de danse et de musique, comme le prétend la Brogra- 
phie universelle, mais d’un gentilhomme de l’illustre maison de Camargo 
(Ferdinand-Joseph de Cupis-Camargo, époux d'Anne Desmet). Après sa 
retraite de l'opéra, elle vint se fixer près de Genappe, au village de 
Baisy, et mourut avec les sentimens d'une piété fervente, le 28 avril 
1770 Elle avait hérité, en 1755, du domaine de la baïllerie qu’y possé- 
dait sa tante, Marie-Magdelaine de Cupis-Camargo, dont la tombe, ornée 
de huit quartiers : CUPIS-GAMAUGO, QUATTROCHY, MONTE FALCO, BUFFALY; 
FAVELEY , DUPUIS, RAN el SULMIER, se voit encore dans l’église parois- 
siale, 


( 544 ) 

L'astronomie, si dignement représentée aujourd’hui 
dans notre pays, y eut de tout temps ses adeptes; le sys 
tème du mouvement de la terre, deviné par Pythagore, 
et que Copernic, après Galilée, parvint à faire adopter au 
monde savant , avail été trouvé par un belge du XV: siècle, 
le cardinal de Cusa (1), mais la prudence enchaîna sa dé- 
couverte. Newton estimait beaucoup les ouvrages de Cusa, 
qui lui fournirent, ainsi que le traité d'optique de Fran- 
çois Aiguillon de Bruxelles, le germe de ses opinions le 
mieux accueillies. 

La navigation belge était déjà fort avancée du temps 
de Jules-Gésar. Le commerce, dont elle est l'âme, lui 
communiqua par la suile toute son activité, et, pendant 
le XV° siècle, elle n’eut pour ainsi dire point de rivale. 
Ce fut une flotie flamande, sous la conduite de Geoffroi 
de Thoisy, qui, par l'ordre de Philippe-le-Bon, connu 
chez les peuples de l'Asie sous la dénomination de grand- 
duc d'Occident, délivra Rhodes , lorsque les Turcs en firent 
le siége pour la première fois, en 1449. Il paraît certain 
que des brugeoïis et non des espagnols découvrirent les 
Açores en 1449 suivant les uns, en 1460 suivant les autres. 
Une de ces îles, aujourd’hui Tercère, fut appelée d’abord 
Flandria, après que Behain y eut abordé. Les lois ma- 
ritimes de Damme eurent une grande célébrité parce 
qu'elles servirent de base au droit maritime de la Hollande, 
de l'Allemagne, de la Suède, du Danemarck, etc. 

Le voyageur Guillaume de Ruysbroeck ou de Rubriquis, 
au XIIT siècle, Gérard Mercator de Rupelmonde, dévoué 
tellement à la science qu’il en perdait, s’il faut en croire 


(1) Ainsi nommé du lieu de sa naissance, dans le Luxembourg; il y 
naquit en 1401 d’un pauvre pêcheur. 


( 545 ) 
ses biographes, l'habitude de boire et de manger, Josse dé 
Ghistèle, Delaet, Orielins et Michel Coignet , qui indiqua 
le moyen de prendre la distance en mer, étendirent le 
cercle des connaissances géographiques. 

Dodoens , Clusius et Lobel , tous trois belges, furent les 
fondateurs de la botanique (1). 

Les sciences médicales nous rappellent d’importans 
services rendus, chez nous, à l'humanité. L'usage d'’atta- 
cher des chirurgiens aux armées, pour secourir les bles- 
sés, y est plus ancien de deux siècles qu'en France. La 
taille de la pierre fut pratiquée, pour la première fois, 
en Flandre au X° siècle, sur dix-huit personnes dont 
une seule mourut, puis sur le comte Arnould, ainsi 
que nous l’apprend Mabillon (2). Vésale, médecin de 
Charles-Quint, regardé comme le créateur de l’anatomie, 
avait conçu le système de la circulation du sang que, 
quelques années plus tard, l’anglais Harvei s’appropria. 
Antoine Nuck (3) et Palfyn (4), dans le siècle suivant, se 
distinguërent par leurs connaissances chirurgicales. Rega 
(professeur à l’université de Louvain), dont le mérite fut 
si bien analysé par un savant médecin de notre époque (5), 
attirait à ses leçons, de 1712 à 1754, de nombreux élèves. 
Ses principes étaient ceux auxquels Broussais , il y a douze 
ou quinze ans, donna tant de vogue. Je fus, au commence- 


(1) Dodoens ou Dodonée, médecin de l’empereur Rodolphe IF, était de 
Malines. Clusius était d'Arras et Lobel de Lille, mais ces deux dernières 


«villes faisaient alors partie de la Belgique. 


(2) Acta bencedic.,t. VIL. 
(3) L'inventeur de plusieurs instrumens de chirurgie. 


$ (4) Né à Courtrai en 1649 et mort, en 1730 , à Gand, 


(5) M. le docteur Baud , aujourd’hui professeur à l’université catho* 
“ lique. Il est auteur d’un éloge de Rega (en latin), imprimé en 1821; 


( 546 ) 
ment.de ce siècle, témoin des succès qu'avait obtenus, à 
Paris , le liégeois Nysten qui mourut au même âge que 
Bichat (1) dont il avait complété, par ses savantes recher- 
ches , les notions physiologiques sur la vie et la mort. 

Il ne serait pas juste que j'oubliasse Jean-Baptiste 
Van Helmont qui fit époque dans l’histoire de la méde- 
cine. Né à Bruxelles, en 1577 (2), il était venu, suivant 
l'heureuse expression d’un de nos confrères, M. Van Mons, 
deux siècles trop tôt pour être compris, et ses découvertes 
en chimie n’ont été bien appréciées que de nos jours. Son 
fils, François-Mercure Van Helmont, fut, pour l'instruction 
des sourds-muets , le précurseur de l'abbé de l'Épée, de 
Sicard et du vénérable abbé Triest, le Vincent-de-Paul de 
la Belgique. 

La science des lois n’a jamais cessé d’être en honneur 


parmi nous, et la confiance sans bornes qu'inspiraient nos 
tribunaux était justifiée par l’austère probité, par la noble 
indépendance des magistrats : ils auraient tous, dans une 
position semblable, fait la belle réponse de ce Président 
de la cour suprême de Malines (3) à la gouvernante-géné- 
rale des Pays-Bas Autrichiens qui se plaignait de la déci- 
sion prise sur une cause dont la fortune d’une famille 
puissante dépendait : « Rigoureux observateurs des lois, : 
» Madame, nous ne prenons pour guide que notre con- . 
-» science, et nous n'avons à rendre compte de nos arrêts 
» qu'à Dieu seul. » Le XVIL siècle surtout fut fécond en : 
habiles jurisconsulles , tels que Stockmans, Van Espen, le « 


(1) A 81 ans. 

(2) De chrétien Van Helmont, siegneur de Pellines, et de Marie de 
Stassart. 

(3) Pierre Van Volden , mort le 9 juin 1738. 


RE à Dé 


( 547 ) 

chancelier Christyn, Charles de Méan et Lou vrex, qui ce- 
pendant ne jouit de toute sa célébrité qu'au commence- 
ment du XVIIE siècle; ce fut alors que l'archevêque de 
Cambrai, Fénélon, n'hésita pas à se condamner lui-même 
dans un procès d’une haute importance, lorsqu'il sut que 
le savant jurisconsulle liégeois avait acceplé la défense de 
la partie adverse, 

Nous ne citerons, parmi les hommes d'état dont la Bel- 
gique se glorifie, ni le chancelier de Carondelel, puisqu'il 
apparlient par sa naissance à la Franche-Comté , ni le Pré- 
sident Viglius, né dans les environs de Leeuwarden (1), 
mais Guillaume de Croy, gouverneur de Charles-Quint, le 
comte de Wynants, le comte de Neny et tant d'autres 
conduisirent les affaires du pays avec une rare sagacité. 

Si je passe ensuite aux hommes d'érudition , il est im- 
possible de ne pas reconnaître avec moi que, dans tous 
les temps, la Belgique en eut un grand nombre. Les 
Divæus , les Swert, les Gramaye, les Miræus (2), les 
Fisen, les Puteanus, les Butkens, les Valère- André, les 
Sanderus, les Le Roy, les Foppens, les De Grave, les De Bast, 
Paquot même, quoiqu'il manque d’exactitude et de cri- 
tique, élonnent par les prodigieuses recherches que 
supposent leurs ouvrages. Le jésuite Couplet, de Malines, 
au relour de ses missions à la Chine, nous fil connaîlre 
la philosophie de Confucius (3); c’est au liégois François 
d'Antine, bénédictin de la congrégation de St Maur, 
qu'est dû l'Æ4rt de vérifier les dates (4). On connaît 


(1) En 1507. 

(2, Ou Aubert Lemire, né à Bruxelles en 1575. 

(3) Avec trois de ses confrères, dans un volume in-folio sous le titre 
de Confucius Sinarum philosophus, sive scientia sinica, etc. Paris 1687. 

(4) Cet important ouvrage, auquel travaillèrent aussi les bénédictins 


| 548 ) 
les services que les Bollandistes (1) rendirent à l'histoire 
par leurs immenses travaux. 

Juste-Lipse était plus qu'un érudit; c'était presqu'un 
homme de génie, et son nom n'est éclipsé par aucun au- 
tre de la même époque. 

Tous ceux que l'amour des lettres a conduits dans ce 
dépôt général des connaissances humaines, dans cette im- 
mense bibliothèque de Paris où l’on éprouve tout à la fois de 
l'orgueil en songeant aux œuvres du génie et de la modestie 
par un prompt retour sur soi-même, se rappellent sans 
douie avec quelle obligeance ils furent accueillis par un 
vieillard à l'œil vif, au sourire plein de bienveillance et 
d’aménité, par un savant qu’entouraient l’estime et la 
vénération publiques. Ce vieillard, ce représentant de 
l'érudition de notre siécle, était le belge Van Praet (2), 
membre de l'institut de France, auteur des Recherches 
sur Louis de Bruges, seigneur de le Gruthuyse , d'une 
Notice sur Colard Mansion, et du catalogue raisonné d’une 
partie des richesses bibliographiques confiées à ses soins. 

La plupart de nos savans, la plupart de nos théologiens 
(dont le nombre par parenthèse dépasse douze cents), 
et beaucoup d’historiens, entre autres Meyer, ont fait 


Durand et Clémencet, parut pour la première fois, en 1750 (Paris, 
un vol. in-40), quatre ans après la mort de Dom François d’Antine. 
Ce savant religieux prit également une grande part à la Collection des 
historiens de France, il était né à Gouvreux, dans le pays de Liége, 
en 1688 , d’une famille noble. 

(1) Ils tirent ce nom de Bollandus (Jean), né à Jullemont , en 1596. 
Ce fut lui qui conçut , avec quelques autres jésuites belges, le projet 
de publier les Acta sanctorum dout notre gouvernement vient d'encou- 
rager la continuation. 

(2) Né à Bruges, en 1754, mort à Paris, en 1837. 


(549 ) 


usage de la langue latine; nous pouvons cependant nous 
enorgueillir d’un livre écrit en français par un belge, 
d’un livre qu'on relit toujours avec un nouveau charme 
malgré les vicissitudes de la langue, malgré les trois 
siècles et plus qui se sont écoulés depuis la mort de 
l’auteur. On se doute que je veux parler des mémoires 
de ce Philippe de Comines, dont les discours , suivant 
l'expression de Montaigne, représentent avec autorité et 
gravité l'homme de bon lieu et élevé aux grandes affaires. 

La ville de Valenciennes a cessé d’être belge, mais elle 
l'était au XIV: siécle, et Froissart, qui nous attache par 
ses piquantes observations, par ses naïves peintures de 
mœurs, doit trouver sa place ici. 

La langue de la France est également celle qu'a parlée, 
de tout temps, une grande partie de la Belgique. Aussi 
l'étude n’en a-t-elle jamais été négligée. Il est sorti de 
nos écoles un des plus célèbres prédicateurs du XVII 
siècle, avant l'apparition de Bourdaloue, de Bossuet et de 
Massillon , le montlois Philippe Cospeau (1), qui purgea 
l'éloquence de la chaire des inconvenantes citations ti- 
rées des écrivains profanes, et qui devint successivement 
Évêque d'Aire, de Nantes et de Lisieux. Une circonstance 
remarquable de la vie de ce prélat, c’est que l’emploi de 
son ministère sacré se lie à la mort et à la naissance de 
deux grands rois. Il prononça l’oraison funèbre d'Henri IV 
et célébra la messe dans l'appartement de la reine Anne 
d'Autriche quelques heures après que Louis XIV fut né. 

Le diocèse de Cambrai n’a pas oublié les touchantes 


(1) Né à Mons en 1570 et mort en 1646. Quelques écrivains, entre 
autres l’abbé de Boulogne, l’appellent Cospéan, mais c’est une erreur, 
son véritable nom était Cospeau, 


Tom. rv. 40 


( 550 ) 
lettres pastorales d’un de ses plus vertueux archevêques, 
François Van der Burch qui fonda de nombreux établisse- 
mens de bienfaisance. 

Quoique lillustre général de la congrégation de l’ora- 
loire, le père Sénault, fût d'origine française, il m'est 
permis de le mettre au nombre de nos compatriotes, puis- 
qu'il a vu le jour en Belgique (1). 

Le dernier évèque d'Anvers, M. de Nélis, ne craigait 
pas de se mesurer avec un académicien français , l'abbé de 
Boismont, pour l'éloge funèbre de notre immortelle Maric- 
Thérèse, et la palme lui est incontestablement restée. 

Le Catéchisme philosophique de l'abbé de Feller n'est 
guère moins un chef-d'œuvre de style que de raisonne- 
ment. Ses autres ouvrages, bien qu'écrits avec plus de 
négligence, prouvent une érudition singulièrement variée 
et un goût presque toujours sûr lorsque l'esprit de parti 
ne le maitrise point. 

Si Vander Vynckt, Rapsaet, Villenfagne et Dewez ne 
peuvent pas êlre cilés comme des écrivains d'un ordre 
supérieur , ils méritcront éternellement notre reconnais- 
sance pour les inappréciables services qu'ils ont rendus 
aux persounes qui s'occupent de l’histoire du pays. 

La poésie française, dès son origine même, n’a pas 
laissé de jeter quelques fleurs sur notre sol. Sans parler 
des productions de nos trouvères, parfois ingénieuses, 
presque loujours empreintes de grace et de naturel, maïs 
dont je dois prudemment laisser à une voix plus éloquente 
le soin de vous entretenir, je vous rappellerai les vers d’une 
piquante naïveté que composait, pour charmer ses loisirs, 


(1) Dans la ville d'Anvers, en 1604 d'après la Piographie universelle, 
en 1599 d’après le Dictionnaire biographique de Prudhomme. 


Es pe As PO à 


En 


fe > 


( 551 ) 
une princesse née avec toutes les qualités qui constituent 
l'homme d’État, Marguerite d'Autriche, duchesse de Savoie 
et gouvernante-générale des Pays-Bas Autrichiens (1), les 
poésies fugitives de Lainez, les jolies idylles de Reynier, 
des apologues, des épiîtres de Bassenge (2), les opus- 
cules d'Henkart, une charmante allégorie d'Hubin (3), 
quelques pièces agréables de Comhaire, et les impromptus 
échappés à la plume spirituelle de Plasschaert, auteur de 
l'Esquisse historique sur les langues considérées dans 
leurs rapports avec la civilisation et la liberté des 
peuples (4). Je m’arrête. j'allais vous nommer d’autres 
poètes, oubliant que les bienséances m'interdisent, ici, la 
mention de ceux qui vivent encore. 

Nos chambres de rhétorique (5), plus anciennes que les 
Jeux floraux , devront peut-être un jour au zèle patrio- 
tique d’un de nos confrères, la même réputation que quel- 
ques écrivains du midi de la France ont faite à leur 
académie de Toulouse, 

Les muses latines n'ont pas été sans éclat dans notre 


(1) Née à Bruges en 1480 , et morte à Malines en 1530. Cette princesse 
non-seulement cultivait la poésie, mais encore la musique avec un 
égal succès. Elle se plaisait à s’entourer de gens de lettres, de savans et 
d'artistes. - 

(2) Entre autres l’épître à M. Rouveroy, de Liége , auteur de plusieurs 

bons ouvrages d'éducation , d’un livre plein d'intérêt , Ze petit Bossu , et 
d’un charmant recueil de fables. 
* (3) Le triomphe de La vérité, reproduit dans un grand nombre de re- 
cueils imprimés à Paris. Hubin (Jean-Hubert), né à Huy en 1764, et mort 
à Bruxelles en 1832, avait publié en 1812, un volume où l’on trouve plu- 
sieurs pièces qui certainement sont loin d’être sans mérite. 

(4) In-8, Bruxelles, De Mat, 1817. 

(5) Il existe, sur cet objet, une notice de M. De la Serna Santander, 
imprimée à la suite de son mémoire historique sur la bibliothèque de 
Bourgogne. 


( 552 ) 
patrie, surlout pendant les seizième et dix-septième sié- 
cles ; elles ont heureusement inspiré les jésuites flamands, 
Hossch (1), Vandewalle (2), Becan (3) et Meyer (4), Brants, 
beau-père de Rubens, deux descendans de Philippe-le- 
Bon, de la branche de Bourgogne-Falais, elc.,ete. 

La littérature flamande m'est trop peu familière pour 
que j'ose en parler dans celle circonstance, ce qui me 
cause un regret d'autant plus vif qu’elle me fournirait 
vraisemblablement le moyen d'indiquer différentes pro- 
ductions dont peuvent s’honorer nos compatriotes. Espé- 
rons que celte précieuse mine sera quelque jour exploitée 
par l’estimable littérateur auquel nous devons déjà les 
importantes publications du Renard, poème satirique, 
el du poème de Van Heelu sur la bataille de Woeringen. 

Nous ne sommes pas restés étrangers aux découvertes qui 
ont signalé les progrès de la civilisation. Indépendamment 
de la peinture à l'huile, des voitures à voiles, du mouve- 
ment de la terre, du calcul décimal, de la circulation du 
sang, etc., dont j'ai dilun mot, nous pouvons revendiquer 
à jusle titre aussi la découverte de Ja pesanteur de l'air 
par Stévin, l'art de tailler le diamant par Louis de Ber- 
ken (5), la méthode de préparer le fer, le fer blanc, le 
zinc, les hauis-fourneaux , les pompes à incendie, les lu- 
neltes d'approche (6), le perfectionnement des carrosses, 
les carillons (invention peut-être plus ingénieuse qu’utile) 


——… 


(1) Né à Mercken, en 1596. 

(2) Né à Courtrai, en 1599. 

(3) Né à Ypres, en 1608. 

(4) Liévin de Meyer, né l’an 1655, à Gand. 

(5) Vers 1476. 

(6) Par Jacques Metzu d'Anvers, au XVI: siècle. 


( 553 ) 
et l’art de conserver, d’encaquer les harengs, nouvelle 
source de richesses dont Charles-Quint appréciait toute 
l'importance , lorsqu'il allait solennellement visiter le - 


‘tombeau de l’homme modeste auquel on la doit, Guil- 


laume Beukels, du village de Beervliet. La houille, dont 
l'usage exerça tant d'influence sur l'industrie, fut trouvée 
dans le pays de Liége, vers la fin du XII siècle. 

Si les Belges n’ont pas inventé l’imprimerie, ils se sont 
empressés de l’accueillir : les premiers livres imprimés 
dans la ville d’Alost datent de 1473, ceux de Louvain de 
1474, ceux de Bruges, de Bruxelles et d'Anvers de 1476. 
On connaît le rare mérite des éditions de Thierry Martins, 
de Plantin et de Moretus. La première typographie pari- 
sienne fut montée par un brabançon, Josse Bude d’Assche. 

On a prétendu que les feuilles publiques (gazettes) 
étaient d’origine vénilienne et ne remontaient qu’au com- 
mencement du XVI siècle. C’est une erreur ; Anvers en 
possédait une (flamande) dirigée par l’imprimeur Verhoe- 
ven , dès 1550. On l’appelait alors Courante. 

Je regrette, Messieurs, que le loisir m’ait manqué pour 
approfondir le sujet que j'avais choisi, mais tout impar- 
faite qu'est cette esquisse, elle suffira pour prouver que 
la nation belge peut, à bon droit , se prévaloir de ses sou- 
venirs, et qu'elle n’a pas laissé, nonobstant l’exiguité de 


son territoire, de pousser dans sa marche triomphale le 


char de la civilisation moderne. 

L'époque actuelle est riche d’espérances.... Les ateliers 
de nos sculpteurs et de nos peintres, dont les étrangers re- 
cherchent les productions avec un si vif empressement, 
les beaux édifices qui s'élèvent sous l’équerre de nos ar- 
chitectes, tels que le grand hospice de Bruxelles, le palais 
de l’université de Gand et la salle de spectacle d'Anvers, 


( 554 ) 

le nombre et la magnificence de nos établissemens d’in- 
dustrie, nos chemins de fer si bien exécutés, un conser- 
vatoire de musique, dirigé par un maître habile et qui 
a formé déjà des sujets distingués, des médailles dignes 
de rappeler à nos neveux les événemens de notre résur- 
rection politique, la réputation européenne dont jouissent 
plusieurs de ros savans, le noble élan qui semble entrai- 
ner, chaque jour, avec plus d’ardeur, une jeunesse stu- 
dieuse vers la liltérature , et plus particulièrement encore 
vers l’histoire nationale , nous permettent de compter sur 
un brillant avenir. Le Prince magnanime, que nous avons 
élevé sur le pavoïs belge , pourra se féliciter d’avoir eu foi 
dans un peuple sage et loyal qui ne veut se servir de la 
liberté que pour maintenir l’ordre public et pour se 
frayer une route à tous les genres de gloire. 


Après cette lecture, M. le directeur accorde successi- 
vement la parole à M. le secrétaire perpétuel et à M. De 
Gerlache. 


Rapport sur l’état et les travaux de l’académie royale 
de Bruxelles, par le secrétaire perpétuel. 


L'académie vient, pour la troisième fois, présenter 
publiquement un aperçu rapide de ses travaux, de ses 
relations scientifiques, des résultats de son dernier con- 
cours, et remettre solennellement les palmes aux con- 
currens qu'elle a jugés dignes de ses suffrages. 

Le public nombreux et choisi qui assistait à nos pré- 
cédentes séances, a suffisamment montré que ce n’est pas 
aux beaux arts exclusivement qu'il s'intéresse, et que lui 
aussi comprenait, comme nous, que cette solennité est 
toute nationale ; il a senti que la Belgique, pour être 
complète, et pour reprendre dignement la splendeur dont 


CO JT VS 


Ù M 4 
. 


( 555 
elle brillait aux temps des ducs de Bourgogne, ou au 
siècle plus rapproché, mais non moins glorieux, d'Albert 
et d'Isabelle, devait chercher à ne rester étrangère à aucun 
genre d'illustration. 

Un des biens les plus précieux d’un peuple libre qui 
jouit de tous les avantages que peuvent produire la paix 
et l’industrie, c’est de ne pas rester inacjif dans le mou- 
vement général qui tend à agrandir le domaine de l'in- 
telligence et à relever l’homme à ses propres yeux; c’est 
de pouvoir se réunir de loin en loin el comme en famille, 
pour s’entourer de ses plus chers et de ses plus nobles 
souvenirs, Les noms des grands hommes qui ont illustré 
la patrie , sont les fleurs qui font la parure de ces fêtes; 
on aime à y allacher ses regards, et les honneurs qu'on 
leur rend , sont bien moins des témoignages de recon- 
naissance que des stimulans propres à créer des hommes 
qui sauront illustrer à leur tour le sol qui les a vus naître. 

Ce sont ces pensées sans doute qui ont présidé à la for- 
mation des grands corps scientifiques et litléraires qu'on 
a successivement élablis dans tous les états civilisés ; on 
n’a pas cherché seulement à former des foyers de lumière, 
mais encore à ériger des sanctuaires où l’on enregistrât 
religieusement le souvenir des. chefs-d'œuvre produits 
par des compatriotes, ou, si je puis m’exprimer ainsi, 
les titres de noblesse de la nation. 

Il est glorieux de se trouver dépositaire de titres pareils; 
l'académie a compris tout ce qu'il y a d’honorable dans 
cette mission, et tous ses efforts tendent à la remplir 
dignement. Aussi, nous sommes heureux de voir que, 
sinous ne possédons pas, parmi nous, tous les hommes 
qui se sont le plus distingués par leurs écrits en Belgique, 
il n’en est généralement pas qui ne nous aient donné des 


a 
(556 ) 
preuves de sympathie, et qui n'aient cherché à se rap- 
procher de nous; il n’en est pas que, de notre côlé, nous 
ne désirions de voir au nombre de nos confrères. 

Une active et brillante jeunesse, le plus bel espoir 
de la patrie, nous a particulièrement montré toute la 
confiance qu’elle mettait en nous; et, par ses travaux, 
nous a laissé entrevoir ce qu'on était en droit d’attendre 
d'elle. 

Ces témoignages de considéralion, l'académie n’a pas 
réussi à les mériter seulement à l’intérieur, sa persévé- 
rance et son activité lui ont permis encore de prendre un 
rang honorable parmi les autres corps savans du monde 
civilisé; il n’en est aucun de quelqu'illustration, qui ne 
soil en relation avec elle, et qui ne lui ait donné des témoi- 
gnages d’une bienveillante confraternité. Car l'intelligence 
a surtout cet heureux privilége de ne connaître aucune 
barrière politique, et de tenir unis les hommes éclairés 
répandus sur tout le globe, alors même que leurs nations 
se déchirent entre elles pour des intérêts particuliers. 

Nous n'avons pas craint de parler de l’activité de l’aca- 
démie, parce qu'elle a suffisamment fixé l'attention, et 
qu'on est en général d’accord sur les bons résultats que 
nous sommes en droit d'en attendre. En effet, pour ne 
parler que de nos publications récentes, deux volumes des 
Mémoires couronnés viennent de paraître successivement 
ainsi qu'un volume des Mémoires des membres ; V'aca- 
démie continue aussi régulièrement la publication de son 
Annuaire et de ses Bulletins, dont une livraison est im- 
primée immédiatement après chaque séance, et toujours 
avant qu'une seconde séance vienne apporter de nouveaux 
matériaux. 

On peut juger par ces bulletins des nombreuses com- 


Le 


( 557 ) 
municalions qui nous sont adressées, ainsi que de la 
promplitude avec laquelle sont fails les rapports sur les 
différens ouvrages soumis à notre examen. Cette prompti- 
tude mérite d’être signalée, si l’on considère que les rap- 
ports ont été bien souvent terminés d’une séance à la 
suivante, et ont rarement dépassé le terme de deux à trois 
séances ; et si l’on observe, d’une autre part, que les com- 
missaires chargés d’examiner successivement les ouvrages, 
habitent quelquefois à de grandes distances , et doivent par- 
courir dix et vingt lieues pour assister à nos assemblées. 

Les publications de l'académie méritent à plus d’un titre 
de fixer l'attention; elles présentent en quelque sorte le 
miroir où vient se réfléchir le mouvement intellectuel 
du pays, avec sa tendance, ses progrès el les lacunes qui s’y 
trouvent. Ainsi, il est facile pour l'observateur de recon- 
naître que l'attention est plus particulièrement tournée, en 
ce moment, vers les sciences naturelles ; les jeunes savans 
s’y portent avec plus d’ardeur; et il ne se passe guère de 
séance qu'il ne nous soit fait par eux quelque commu- 
nicalion importante à ce sujet. 

Une tendance pareille se remarquait autrefois vers les 
sciences exactes, qui ne nous ont produit, pendant ces 
dernières années , que deux à trois mémoires de jeunes 
mathématiciens. Quelles sont les causes de ce changement? 
il serait intéressant et utile de les rechercher, car de 
semblables lacunes doivent à la longue réagir d’une ma- 
nière fâcheuse sur les autres sciences et en particulier sur 
les sciences physiques. 

L'académie a mission pour les signaler; il est de son 
devoir aussi d'exprimer ses craintes sur la fausse direction 
que pourrait prendre l’une des branches des connaissances 
humaines dont elle est appelée à s'occuper. 


( 558 ) 

Ainsi, la classe des lettres a vu avec intérêt un grand 
nombre d'ouvrages manuscrits et imprimés qui lui ont été 
présentés, mais plus d’une fois elle a remarqué avec regret 
un empressement trop immodéré à publier des documens 
anciens sans valeur historique. On sert peu la science en 
se bornant à prendre de vieux manuscrits sur les rayons 
des bibliothèques, et à les transporter tout poudreux dans 
l'atelier d’un imprimeur. Il faut qu'une sage critique 
qu'un goût éclairé et des connaissances solides président 
à l’examen des pièces que l’on exhume pour les livrer à la 
publicité. Sans un choix judicieux, on ne fail que réunir 
des matériaux sans valeur qui encombrent les chemins de 
la science et déparent l'édifice à la construction duquel on 
les emploie. L'histoire a aussi sa littérature facile, qui est 
d'autant plus à craindre qu’elle tend à introduire un chaos 
dans son domaine. On s’est plaint de ne pas avoir assez de 
moyens de publication; il est à craindre au contraire qu’on 
n’en ait trop, et que cette facilité de présenter au public 
des ouvrages non müûris par la réflexion, n’ait pour effet 
de produire des livres dont l'existence ne sera guére de 
plus longue durée que le temps qu’il a fallu pour les faire 
naître. | 

L'académie, dans cet état de choses , doit surtout cher- 
cher à s'associer les savans dont les connaissances reposent 
sur des bases solides. Dans sa dernière séance , elle a été 
heureuse, mais embarrasée d’avoir à fixer son choix, pour 
deux places de membres, entre plusieurs hommes distin- 
gués qui semblaient avoir des titres égaux à sa préférence. 

Cependant elle a voulu montrer, d’une part, toute l’im- 
portance qu'elle attache aux études philosophiques et à 
la connaissance approfondie de notre histoire, en donnant 
l’une de ces places à l’auteur du Synodicon Pelgicum , 


( 559 ) 
et d’une histoire de la philosophie dont deux éditions ont 
été sanctionnées au tribunal de la publicité. 

D'une autre part, l'académie, en nommant à la place de- 
venue vacante par la mort de M. Bekker, ne devait point 
oublier la perte sensible qu’elle venait de faire sous le 
rapport des lettres anciennes et de l'archéologie; et elle 
a donné naturellement la préférence au candidat qui déjà 
avait enrichi ses recueils de plusieurs écrits sur ces parties. 

La classe des lettres, par suite de nouvelles dispositions 
qui tendent à donner à ses travaux une extension plus 
grande , avait encore quatre places de correspondans dont 
elle pouvait disposer ; et elle a désigné successivement 
pour les remplir MM. Gachard, Van Hasselt, Voisin et 
Moke, dont les noms se recommandaient par la publica- 
tion d’un grand nombre d'ouvrages remarquables. 

La classe des sciences n'avait qu’une place de membre à 
donner ; et, comme la classe des lettres , elle a été assez heu- 
reuse pour éprouver les difficultés les plus grandes à fixer 
son choix ; il s’est porté sur l’un de ses correspondans dont 
les recherches botaniques ont contribué à enrichir les 
recueils de la compagnie. 

L'académie a ensuite nommé pour correspondant étran- 
ger, M. F. Tiedeman, professeur à l’université de Heidelberg. 

Mais le nom de M. Tiedeman nous rappelle un dou- 
loureux souvenir; il s'associe naturellement à celui de 
M. Fohmann, l’ancien élève, l'émule et le gendre du cé- 
lëbre anatomiste allemand, L'académie à voulu témoigner 
à M. Tiedeman et l'estime particulière qu’elle lui porte 
et celle qu’elle portait à son ancien élève que nous nous 
honorions de compter parmi nos confrères. 

La perte de M. Fohmann n’est pas la seule que l'académie 
ait eu à regretter pendant cette année. Par un fatal con- 


( 560 ) 

cours de circonstances , le tombeau s’est fermé sur lui 
presque tout à côté du lieu où venait d’être déposé le savant 
Bekker, son ami, son compatriote, son confrère , et sur les 
mêmes lieux aussi où, le 6 novembre 1836 , on avait placé 
les dépouilles mortelles d’un troisième de nos confrères le 
docteur Schmerling, dont les travaux ont été si utiles à la 
géologie. 

En me rendant l'interprète de la reconnaissance de l’aca- 
démie , et j'oserais dire de la reconnaissance publique, 
envers ces trois nobles étrangers dont les travaux tendaient 
à ajouter à l'illustration de leur patrie adoptive, puissé- 
Je faire bien comprendre que nous confondons dans les 
mêmes sentimens d'affection tous ceux qui nous traitent 
en frères, quels que soient leur pays et leurs croyances , 
et qui s'efforcent avec nous d'augmenter le bonheur de 
notre chère Belgique ! 


Discours prononce par M. E.-C. De Gerlache. 


Messieurs, 


La révolution du XVE siècle est l’un des événemens les 
plus mémorables de notre histoire ; c’est alors que se’con- 
somma la scission des 17 provinces, en pays catholiques 
et en pays prolestans : et remarquez qu’au milieu de ces 
guerres civiles et religieuses qui ensanglantèrent le sol 
de la Belgique pendant 80 ans, il y avait une autre ques- 
tion que de savoir qui serait le maître des Pays-Bas ; c'était 
de savoir qui serait le maître en Europe; et ce fut chez 
nous, el en partie à nos dépens , que se résolut le grand 
problème de la balance entre les nations. 

On a comparé cette lutte à la révolution brabançonne 
et à celle de 1830. Mais si elle y ressemble en eflet sous 
maints rapports très-notables, elle en diffère essentiellement, 


( 561 ) 

d'abord , quant à son origine, et puis, quant à ses résultats. 
Dans ces deux dernières révolutions , c'est le prince qui 
est novateur , et c'est le peuple qui s'oppose aux atteintes 
qu’on veut porter à ses croyances ; tandis qu'au XVI: sié- 
ele, c’est le prince qui résiste aux changemens pour de- 
meurer catholique, et combat la réforme qui s'affermit 
dans ane partie de ses états. Ce qui m’enhardit à présenter 
quelques considérations sur cette importante phase histo- 
rique , ce sont les publications récentes qui ont eu lieu 
chez nous et à l'étranger , et qui ont contribué déjà à rec- 
tifier beaucoup d’assertions erronées de nos historiens ; 
c’est la grandeur des événemens et des personnages, qui 
sufhrait seule pour captiver l’attention. Quels noms en 
effet que ceux de Granvelle, de d'Egmont , du Taciturne, 
de Philippe IT, et du terrible duc d’Albe! D'une part, si 
je suis contraint d’esquisser , en courant, ce qu'il faudrait 
peindre avec détails pour exciter vivement l'intérêt, vous 
voudrez bien considérer que je ne puis sortir du cadre 
étroit el fugitif qui m'est tracé , sans manquer à de rigou- 
reuses convenances ; et d’un autre côté, je dois vous sup- 
plier cependant, Messieurs, de me permettre de remémorer 
ici quelques événemens très-connus , à cause de la liaison 
des fails, el pour mieux caractériser les hommes et les 
époques. Si l’on trouve que je heurte de front certains pré- 
jugés historiques, assez généralement reçus, et qui flattent 
l'amour-propre national, je répondrai que l’histoire n’est 
pas un panégyrique nalional, une espèce de type con- 
venu d'avance, devant lequel doivent fléchir tous les faits 
contraires, comme le supposent des esprils légers ou pas- 
sionnés , mais une école de science et d'austéère vérité. 

Il n’y a pas de période, je crois , sur laquelle on ait plus 
écrit que celle dont je vais vous entretenir, et il n’y en 


( 562 ) 

a guère qui ait été plus mal appréciée. Philippe IE, roi ca- 
tholique et absolu , eut pour adversaires tous les écrivains 
protestans ; puis tous les écrivains philosophes ; et comme 
notre nation répugnait obstinément à ses habitudes de 
despotisme, il est arrivé que beaucoup de Belges, eux- 
mêmes , en ont parlé comme ses ennemis. Mais en jugeant 
sévèrement la conduite de Philippe, il aurait fallu du 
moins distinguer les époques, el faire une différence entre 
les temps qui ont précédé l’arrivée du duc d’Albe aux Payÿs- 
Bas, et ceux qui l’ont suivie. 

Il est certain que Philippe ne gagna jamais l'affection 


des Belges; et il ne s’en donna point la peine. Ce roi, à 


qui l’on ne saurait refuser de l’habileté, une grande appli- 
cation aux affaires, une tête forte qui embrassait à la fois 
les différentes parties de son vaste empire, était en tout le 
reste l'opposé de son père: froid, réservé, dédaigneux ; 
reufermé dans l'étiquette espagnole ; s’habillant à l'espa- 
gnole; ne parlant qu'espagnol; toujours entouré d’Espa- 
gnols, même aux Pays-Bas. Les Belges, habitués à converser 
familièrement avec leur prince, se crurent méprisés de 
celui-ci. Charles-Quint, persuadé que rien ne saurait sup- 
pléer la présence du maître, était d’une prodigieuse acti- 
vité; Philippe voulait tout diriger du fond de son cabinet. 
Lorsqu'il eut une fois quitté la Belgique, on ne le revit 
plus. Et comme il ne la connut point, il se trompa sur les 
moyens de la gouverner et de la calmer. Mais on dépeint 
communément Philivpe comme un despote vindicatif, 
inexorable , inflexible par caractère el par système ; et tant 
s’en faut qu'il ait débuté par trop de rigueur, que plusieurs 
de ses acles furent des concessions faites mal à propos. 
Aiïnsi ce fut une première faute, que d’avoir rappelé son 
armée ; sans la remplacer par une force suffisante pour 


( 563.) 

garantir le repos du pays, tandis que le protestantisme 
grandissait et devenait de plus en plus menaçant; ce fut 
une seconde faute que d’avoir révoqué Granvelle en cédant 
aux criailleries de ses envieux et de ses ennemis , à qui sa 
présence en imposait. Et ces deux fautes en entraînèrent 
une troisième, bien plus grave, et qui perdit tout; ce,fut 
l'envoi du duc d’Albe aux Pays-Bas. 

Pour bien apprécier la politique de Phiñippe IE, il faut 
Jeter un coup d'œil sur l’état de l'Europe et de la Belgique 
à cette époque. Le protestantisme, centre lequel Charles- 
Quint avail constamment combaltu pendant sa longue 
carrière, prévalail dans une grande partie de l'Allemagne, 
de l'Angleterre et de la France , et de toute part il assail- 
lait la Belgique. La contagion s’étendit sous Philippe. 
Une multitude de sectaires et de bannis affluaient dans 
les Pays-Bas, où les prédicateurs des nouvelles doctrines 
propageaient leurs opinions avec d'autant plus de facilité, 
qu’on y jouissait d’une plus grande liberté, Philippe était 
le défenseur né du catholicisme, autant par intérêt que 
par conviction. La réforme, en rompant l'unité, el en atta- 
quant le principe d’aulorité en matière de religion , frap- 
pait le christianisme au cœur , et par l'application de ces 
mêmes règles à la société civile, elle tendail à la boulever- 
ser complétement. 

« Les sectaires, dit un homme dont le témoignage n’est 
» point suspect en celle matière (1), savaient bien ce 


-» qu'ils ne voulaient pas croire; mais ils ne savaient pas 


» ce qu'ils voulaient croire. Tous s’accordaient à s'élever 
» contre les abus de la cour et de l’église romaine , et tous 


(1) Voltaire, Annales de l'Empire, année 1526. 


(564) 


» introduisaient d’autres abus. Mélanchton s'oppose à Lu- 
»_ther sur quelques articles. Storck , né en Silésie, va plus 
» loin que Luther : il est le fondateur de la secte des ana- 
» baptistes. Muncer en est l’apôtre; tous deux prêchent 
» les armes à la main. Luther avait commencé par mettre 
» dans son parti les princes; Muncer met dans le sien les 
» babitans de la campagne. Il les flatte et les anime par 
» cette idée d'égalité, loi primitive de la nature, que la 
» force et la convention ont détruite. Les premières fu- 
» reurs des paysans éclatent dans la Souabe, où ils étaient 
» plus esclaves qu'ailleurs. Muncer passe en Thuringe. Il 
» s’y rend maître de Mulhausen, en préchant l'égalité, et 
» fait porter à ses pieds l'argent des habitans, en préchant 
» le désintéressement. Ils réclamaient les droits du genre 
» humain, maisils les soutenaient en bêtes féroces, etc. » 
Un peu plus tard la réforme pénétrant dans les Pays-Bas, 
y produisit des excès à peu près semblables. On a supposé 
que Philippe voulait, dès l’origine, supprimer les privi- 
léges des Belges , et que ce plan avait dominé toute sa poli- 
tique. Mais ce prince ayant hérité des vues et de l'ambition 
de son père, qui tendaient ce semble, à une sorte de do- 
mination ou de suprématie universelle, son premier besoin 
devait être de pacifier ses propres États, et d’en extirper 
tons les germes de dissensions. Or, à un époque où les 
croyances avaient conservé tant d’empire sur les peuples, 
la plus grande cause de troubles était, sans contredit, la 
différence de religion. Je pense donc que l’idée de détruire - 
par la force nos libertés nationales, ne lui vint que plus 
tard, et à raison de la résistance que les insurgés opposè- 
rent à l'exécution de ses projets contre les hérétiques. 
Charles-Quint avait déjà promulgué des édits très-sévères 
pour la répression du protestantisme. Mais on lui remontra 


( 565 }) 

combien de telles mesures étaient contraires aux lois des 
Belges, et propres à faire déserter d’un pays commerçant, 
tous les marchands étrangers; et ses édits furent révisés et 
modifiés (1). Philippe publia de nouveau les décrets de 
Charles-Quint ; mais en même temps il essaya de s'opposer 
aux progrès du mal par des moyens plus doux. Le nombre 
des évêques était trop restreint dans les Pays-Bas : tout le 
monde en convenait. Les ducs de Bourgogne avaient déjà 
concu le projet de l’augmenter; et Charles-Quint avait in- 
slamment recommandé à son successeur de méttre à exé- 
culion une idée si sage, si nécessaire au rétablissement 
de la religion et des mœurs du peuple, et du clergé, qui 
étaient en général, on ne peut le dissimuler, fort cor- 
rompues. 

Le président de Noyelles, témoin presque. contempo- 
rain, et fort impartial, dépeint ainsi l’état moral de la 
nation à cette époque. « Et nonobstant plusieurs dissolu- 
» tions entre les gens d'église, les prédications au peuple 
» estoient rares; les églises peu fréquentées ; les festes et 
» dimanches mal gardés ; les sacremens de pénitence et de 
» l’eucharistie, rarement recherchés et admimistrés; le 
» peuple ignorant nullement catéchisé és articles de la foi; 
» les villes marchandes remplies d'Allemands , François et 
» Anglois. Les escolles négligées ; nombre de comédiens 
» corrompus ès mœurs et religion, que l’on appeloit Rhé- 


(1) Comme les lois exorbitantes de Charles-Quint contre les hérétiques 
étaient appliquées, non par des juges spéciaux, mais par.les magistrats 
ordinaires , elles étaient encore tempérées dans l'exécution. 

Van Meteren , et autres, ont d’ailleurs prodigieusement exagéré le 
nombre des victimes de ces odieuses poursuites. 


Tom. 1v. 41 


( 566 ) 

» toriciens , ésquels le peuple print plaisir; et toujours 
» quelque pauvre moine ou nonnette avoient part à la 
» comédie. Il sembloit qu’on ne se pouvoit resjouir sans 
» se moquer de Dieu ou de l'Église. Si quelqu'un en par- 
» Joit par zèle, estoit contemné ou affronté. (Histoire ma- 
nuserite de Renom de France, seig. de Noyelles, ch. X, 
ns 10et11). 

Quoi qu’il en soit, la création de nouveaux siéges dé- 
plut à {la fois et au clergé et à la noblesse, Les évêques 
devaient être dotés aux dépens de plusieurs couvens, 
dont les abbés avaient séance aux États de leurs provinces. 
Et ces derniers qui allaient se trouver ainsi privés d’une 
partie de leurs revenus, et par suite du droit de siéger 
à l'assemblée des États, déclamèrent avec beaucoup de 
violence contre ces innovations. La noblesse n’en fut pas 
moins irritée, parce qu'elle prétendit que ces évèques 
voudraient exercer dans les États plus d'influence que 
les abbés, et qu’ils s’y arrogeraient la supériorité sur 
tout le monde. Certes on ne pouvait refuser au roi, d’ac- 
cord avec le pape, la faculté de nommer de nouveaux 
évêques, s'ils étaient nécessaires pour la répression des 
abus et la défense de la religion; mais, comme on n’o- 
sait avouer’ ouvertement le motif d'intérêt personnel qui 
faisait trouver cette mesure mauvaise, au lieu de sou- 
tenir simplement qu’il n’était pas permis de les doter 
aux dépens des maisons religieuses existantes et de leur 
ravir , soit leurs propriétés , soit leurs droits constitu- 
tionnels, on prétendit que ces pontifes, de la façon de 
Granvelle, seraient les instrumens et les suppôts de 
l'inquisition espagnole : ce qui était absurde et contra- 
dictoire, puisque l’inquisition même eût été destructive 


| 


( 567 ) 
du pouvoir de l'épiscopat, juge naturel en matière de 
foi (1). L 

Les nobles avaient d’ailleurs des motifs particuliers 
de mécontentement, qui ne contribuaient pas peu à les 
rendre hostiles au gouvernement espagnol, quelle que 
fût sa conduite à leur égard. Sous Philippe-le-Beau, les 
Belges et les Allemands étaient partout préférés aux 
Espagnols. Sous Charles-Quint, nos compatriotes eurent 
la première et la plus large part aux faveurs du prince : 
ils étaient placés dans tous les pays de sa vaste domina- 
tion; et dans leur propre patrie, ils occupaient à peu 
près seuls tous les emplois. Mais sous Philippe II, la 
chance tourna. 

Ce prince leur donna d’abord pour gouvernante cette 
fille naturelle de Charles-Quint et de Marie Vander 
Genst, dont le P. Strada a décrit les amours avec des 
détails qui tiennent quelque peu du roman. Marguerite 
de Parme avait été élevée en Belgique, et la nouvelle 


(1) Il y avait trois espèces d’énquisitions : celle des évêques, celle 
du pape, et l’inquisition dite d'Espagne Comme beaucoup d’historiens 
affectent de les confondre, soit par ignorance, soit à dessein, il me 
semble nécessaire d’en dire un mot. L’inquisition des évêques n’était 
pas celle dont on se plaignait, puisque les évêques furent spéciale- 
ment institués dès l'origine, pour surveiller la vie de leurs subor- 
donnés, et pour être les gardiens des saines doctrines. On peut en dire 
autant de l’inquisition du pape, qui était connue depuis long-temps 
en Belgique, et qui s’exerçait par délégation spéciale, à la demande 
des princes : celle-ci avait simplement pour but de suppléer à la sur- 
veillance des évêques, lorsqu'ils ne faisaient pas leur devoir, Enfin, 
quant à l’inquisition d’Espagne , avec ses tribunaux exceptionnels, 
terribles, sa procédure secrète, ses espions et ses délateurs à gages, 
incompatible avec nos mœurs et toutes nos lois, et qui répugnait éga- 
lement aux catholiques et aux protestans, il ny a aucune preuve que 
le roi Philippe ait jamais songé à l’établir en Belgique. 


( 568 ) 

de sa nomination fut fort bien reçue de la nation; néan- 
moins elle déconcerta les projets de quelques grands 
seigneurs, et entre autres ceux du prince d'Orange et du 
comte d'Egmont, qui convoitaient ce poste éminent, et 
qui y auraient eu des droits, à cause de leurs services et de 
leur nom, si la politique de Philippe ne l’eut détourné 
de confier, dans les circonstances présentes, des fonctions 
si importantes et si délicates à un indigène; mais il crut 
devoir préférer un membre de sa propre famille. Philippe 
établit en même Lemps pour servir d'appui à la gouver- 
nante, un conseil secret, qu'on appelait la Consulte, et il 
y nomma Granvelle, Viglius et le comte de Berlaimont, 
ses hommes de confiance : de sorte qu’en réalité le Conseil 
d'État, auquel on ne communiquait que les affaires de 
moindre importance, n'existait guère que pour la forme : 
la Consulte, était tout. Il est difficile de dire à quel point 
la haine des nobles s'éleva contre Granvelle, lorsqu'ils 
s'aperçurent que ce Bourguignon, comme ils l’appelaient, 
représentait, à peu près seul, Philippe aux Pays-Bas, et 
que la gouvernante même ne faisait rien sans son avis. 

Il était resté en Belgique une armée espagnole, assez 
peu considérable, mais qui imposait aux mécontens. On 
fit entendre au roi que le privilége des Belges était de se 
garder eux-mêmes; qu'il n’y avait pas dans le moment 
d'apparence de guerre; que c'était leur faire injure, que 
de les supposer capables de se révolter contre leur prince 
légitime. Comme on insistait beaucoup sur le départ de 
ces étrangers, Philippe ne put s'empêcher de dire avec 
humeur : ef moi! suis-je donc aussi un étranger ! me 
renverront-ils avec mon armee! Toutefois , comme il avait 
besoin de forces ailleurs , il retira la plus grande partie de 
ces iroupes. Il laissa seulement trois ou quatre mille 


( 569 ) 

hommes dans cette contrée , et il en offrit le commande- 
ment au prince d'Orange et au comte d'Egmont, qui le 
refusérent, pour ne point se compromettre aux yeux du 
peuple, fort prévenu contre les garnisons espagnoles, à 
cause de leur insolence. Le roi en fut outré, et néan- 
moins il ne laissa pas de leur confier le gouvernement de 
plusieurs provinces importantes, pour leur ôter tout mo- 
tif plausible de ressentiment. Mais il est bien difficile 
d'effacer dans le cœur des hommes le souvenir d’une 
grande faveur perdue. 

Le nombre de ceux auxquels le roi ne pouvait donner 
d'emplois élait immense. À aucune époque de notre his- 
toire, il n’y eut en Belgique autant de haute noblesse, 
autant de gentilshommes , tous aguerris aux armes, tous 
ayant des services à faire valoir : c’étaient les débris de ces 
fameuses bandes d'ordonnances, qui avaient jadis formé la 
garde de Charles-Quint , et le noyau de ses armées, et qui 
avaient sauvé les Pays-Bas de l’invasion française , au com- 
mencement du règne de Philippe IT. Ils étaient en général 
mécontens. [l me semble que cette crise a quelque analo- 
gie avec une autre, dont plusieurs d’entre nous ont pu 
être témoins. Je veux parler de la dissolution des restes 
de la grande armée française à la rentrée des Bourbons. 
Souvenez-vous de ces soldats et de ces généraux de Napo- 
léon , si fiers de leurs campagnes et de leurs exploits, si 
difficiles à satisfaire, qui eurent tant de peine à setenir 
tranquilles, sous un prince beaucoup moins belliquenx 
que son devancier, et dont ils ne croyaient pas avoir la 
faveur. Ajoutez à ces causes de révolution , le luxe et le 
dérangement presque général des fortunes. Renom de 


France, dans son Histoire inédite des causes de la désu- 


nion des Pays-Bas , que j'ai déjà citée, nous donne à 


( 570 ) 

cet égard quelques détails précieux à recueillir. « Pour 
» mieux entendre, dit-il, l’origine et les progrès de ceci 
» (de la réforme), il faut voir comment la noblesse s’est 
» dès long-temps desréglée et mise en arroï, par usures 
» et despens superflus; despensant quasi plus du double 
» qu’elle n’avoit vaillant, en bâtimens, meubles, festins, 
» danses, masquarades , jeux de dez et cartes, habits, 
» livrées , suites de valets, et généralement en toute sorte 
» de délices, luxe et superfluilés. Ce qu’estoit encom- 
» menché , dés auparavant le parlement de Sa Majesté vers 
» Espaingne : y avoit eu mescontement quasi général au 
» pays, et un espoir de ces gens (ainsi altérés), de voir 
» en brief un changement (1)... » En effet, vous les ver- 
rez entrer, au nombre de plusieurs milliers, dans Ja 
fameuse confédération ; puis périr dans les guerres civiles, 
ou sous le couteau du duc d’Albe , ou se retirer à l’étran- 
ger. Voilà comment se sontéteints tant de familles belges 
et tant de grands noms, qui ne vivent plus que dans l’his- 
toire ! 

Ce fut dans ces circonstances que le prince d'Orange ; et 
quelques autres seigneurs se liguérent ensemble pour 
perdre Granvelle. Antoine Perrenot de Granvelle est un 
de ces hommes que les partis ont si diversement jugé, 
qu'aujourd'hui même on n’est pas d'accord sur le rôle 
qu'il joua dans les dissensions qui éclatèrent en Belgique, 
sous son administration, et qui dégénérèrent depuis 


en guerre ouverte. Formé à l'excellente école de Charles- 1 


Quint, qui reconnut en lui de hautes capacités, Philippe, 
après l'avoir éprouvé à son tour, finit par lui accorder la 


0 


(1) Chap, ?, nomb. 2 et 3, 


( 571 ) 
plus aveugle confiance. Fils d’un grand ministre, il sur- 
passa son père en talens et en réputation. Il connaissait 
presque toutes les langues parlées dans les vastes États 
européens de la monarchie espagnole. C’élait un homme 
d’une dévorante activité , et d’une force de corps el d'âme 
telles, qu'il pouvait au besoin, travailler jour et nuit sans 
prendre ni repos ni nourriture ; ce qui lui arrivait assez 
souvent avec Charles-Quint , à quiil fallait des instrumens 
qui lui ressemblassent. Il était toujours méditant ou écri- 
vant , ainsi que le prouve sa prodigieuse correspondance. 
Strada dit qu'il avait un naturel si souple, qu'il s'était 
fait tout espagnol avec un prince espagnol ; et un esprit si 
pénétrant, qu'il devinait d'avance toutes les pensées de 
Philippe ; mais que pour mieux dissimuler sa force devant 
un roi trés-jaloux de son pouvoir, il se contentait de lui 
présenter une affaire, et de l’éclairer sous toutes les faces, 
sans avoir l'air de prendre de conclusion ; qu’il semblait se 
borner à recevoir comme d’en haut et à embrasser aveuglé- 
ment la décision du maître ; qu'il suivit la même conduite 
avec la gouvernante ; que c’est ainsi qu’il se maintint en 
faveur dans les positions difficiles et diverses où il se trouva. 
Ce qu'il y a de certain , c’est que Granvelle fut un homme 
d'une habileté extraordinaire; très-éclairé sur les affaires 
publiques , et en particulier sur celles des Pays-Bas ; n’é- 
tant jamais embarrassé; trouvant des expédiens pour tout. 
Il avait ce qu’on appelait alors les secrets de l’État : ce 
qui paraîtrait aujourd'hui , sous notre régime de publicité, 
une espèce de non-sens , était sous un empire absolu , qui 
embrassait tant de nations diverses et de détails compliqués, 
un grand arcane. Ses ennemis le disaient ambitieux et 
cupide , aimant le luxe et les plaisirs , plus qu’il ne con- 
venait à un prêtre. Ils lui reprochaient encore de paraître 


( 572 ) 

trop arrogant et trop enorgueilli de son pouvoir, lui, fils 
d'un parvenu, devant la haute noblesse des Pays-Bas , alors 
d'autant moins endurante , qu'elle était plus mal traitée. 
Mais sans prétendre que Granvelle fût absolument exempt 
de défauts , on peut affirmer que son principal crime fut 
de s'opposer toujours, et partout, aux complots des enne- 
mis de l’État, qu’il effrayait par sa vigilance, ses lumières 
et sa fermeté. Le prince d'Orange , les comtes de Horn et 
d'Egmont (1) avaient tous trois à se plaindre de lui. Le 
comte d'Egmont, qui était le plus franc dans l'expression 
de sa haine, se mit hautement à la tête des anti-cardina- 
listes. Cette guerre terrible, qui devait faire couler le sang 
belge par torrens, commença par des pamphlets, des satires 
et des caricatures. 

On traita Granvelle, en Belgique, à peu près comme 
Mazarin en France , au temps de la Fronde. Dans un repas 
donné à Bruxelles par Gaspard de Schetz, seigneur de 
Grobbendonck, où se trouvaient le comte d'Egmont , le 
marquis de Berg, le comte de Montigny, frère du comte de 
Horn, et d’autres seigneurs , après s'être beaucoup égayé sur 
le comte de Granvelle, à qui on imputait d’avoir dit que 
la noblesse belge n’était qu'un ramas de prodigues et de 
fous , quelques convives proposèrent de donner à leurs do- 
mestiques des livrées uniformes, pour se distinguer du parti 
cardinaliste , des Granvelle, des d’Arschot, des d’Arenberg, 
des Berlaimont, des Viglius, etc. Le comte d'Egmont, à 


(1) Il avait demandé, dit Strada, l’abbaye de Trulle pour son neveu, 
et Granvelle l’avait prise pour lui-même. D’autres prétendent qu'il s’a- 
gissait du bailliage d’Hesdin, sollicité par d’'Esmont , et que Granvelle , 
abusant de son influence , fit donner à une de ses créatures, 


( 573 ) 
qui échut par le sort le droit de déterminer cette livrée, 
indiqua une couleur sombre et tout unie , relevée par des 
capuchons rouges, et une marotte brodée sur l’habit. La 
plaisanterie contre le cardinal parut sanglante ; elle fut 
adoptée par acclamation et à l'unanimité. La gouvernante, 
qui aimait à rire, s’amusa d’abord beaucoüp de ces tra- 
vestissemens. Mais Granvelle lui ayant représenté que 
c'était une grave atteinte à l’autorité du Roï, dans la per- 
sonne de son ministre , elle pria d'Egmont de faire dispa- 
raître ses capuchons. Il les supprima, mais il y substitua 
un faisceau de flèches pour marquer qu’ils étaient tous 
unis pour la même cause. Telle fut, dit-on, l'origine des 
armes qu'ont conservées depuis les sept provinces unies. 
En Espagne, le faisceau de flèches fut considéré comme 
l'emblème d’une conjuration contre le gouvernement. 
Les mécontens avaient d'abord dépêché à Madrid, le comte 
de Montigny, pour demander le rappel du ministre au- 
quel on imputait toutes les brouilles. Mais n’ayant rien 
obtenu, le prince d'Orange, les comtes de Horn et d’Eg- 
mont prirent le parti de reproduire leurs griefs dans une 
requête énergique, qu'ils adressèrent au Roi. Plus tard 
on lui envoya de nouvelles députations. Le comte d’Eg- 
mont, entre autres, s’y rendit, et fut parfaitement reçu 
par le roi, qui lui reprocha doucement la part qu'il avait 
prise à ces caricatures et à ces livrées contre le cardinal, 
en observant que dans l’état des esprits, de pareils jeux 
pouvaient tirer à grande conséquence. D'Egmont répondit 
que ces plaisanteries ne s’adressaient qu’à la personne du 
cardinal, généralement détestée, et non au caractère du 
souverain que tout le monde aimait et respectait. Et puis, 
il ajouta avec beaucoup de feu , en faisant allusion à la 
correspondance présumée du ministre, que ceux qui dé- 


( 574 ) 
peignaient ses compatriotes comme toujours prêts à s’in- 
surger , trompaient le roi ; que celui-ci n'avait point de 
sujets plus dévoués; il dit enfin, que Philippe pouvait 
compter, quoi qu'il arrivàt, sur la noblesse belge, sur 
l’armée, et sur lui particulièrement. On assure que le 
prince rappela ces paroles avec bien de ’amertume, en plein 
conseil, lorsqu'il apprit les ravages des iconoclastes, et 
la levée de boucliers des protestans aux Pays-Bas. De son 
côté Granvelle invitait incessammeni le roi à prendre une 
résolution énergique pour étouffer les troubles ; il répétait 
que le meilleur moyen d’en finir, serait d'arriver lui-même 
sur les lieux, sans perdre de temps. Il lui rappelait l’acti- 
vité de Charles-Quint, et la promptitude avec laquelle il 
avait éteint l'incendie allumé par les Gantois. Philippe, 
qui semblait ne s’émouvoir de rien , envoyait de longues 
lettres , ou plutôt de longs mémoires, dans lesquels il ne 
disait jamais ni ce qu'il voulait, ni ce qu'il fallait faire. 
Ce Roi , qui avait la manie de tout voir par lui-même, et 
qui par indolence, par calcul ou par crainte, n’aimait 
pas à se déranger, temporisait toujours, se reposait sur les 
événemens ; et en altendant , les événemens marchaïient et 
empiraient. Guillaume , d'Egmont , et le comte de Horn, 
qui formaient une espèce de triumvirat contre Granvelle, 
essayérent de le dégoûter par une opposition systématique, 
au Conseil d’État, en contredisant toutes ses opinions : 
d’abord, en observant certaines bienséances; puis en le 
harcelant, avec des paroles piquantes ou ironiques ; puis 
en le heurtant d’une manière offensante. Voyant que 
Granvelle n’était pas homme à se laisser déconcerter ni 
intimider, ils désertérent le Conseil d’État , disant qu'ils 
ne voulaient pas siéger avec lui ; que d’ailleurs leur pré-. 
sence y élait inutile; et ils commencérent à tenir des con- 


(575) 

ciliabules de leur côté. La haine populaire contre Granvelle 
fut alors portée au comble. Les vers, les pasquilles, les 
caricatures se multipliaient de toules parts. On remit un 
jour au cardinal, sous forme de supplique, une estampe 
dans laquelle il était représenté couvant des œufs, dont il 
sortait de petits évêques en foule, avec le diable volti- 
geant sur sa tête, et cette légende : Pic est filius meus 
dilectus , ipsum audite ! Voici mon fils bien-aimé, écou- 
tez-le (1)! On ne s’en tint point là, on lui fit savoir offi- 
cieusement qu'il prit garde à lui, qu’un Bourguignon, 
nommé Villette , avait juré de l’assassiner (2). On employa 
des moyens plus perfides. On attaqua sa vie privée, sa 
religion et ses mœurs ; on le représenta comme l’espion et 
le familier de l’inquisition d’Espagne , et comme le déla- 
teur et le calomniateur des Belges , à Madrid. 

L’orage grondait et l’enveloppait de toute part. Les enne- 
mis du cardinal parvinrent enfin à le ruiner aussi dans 
l'esprit de la gouvernante. On lui disait qu’elle devait se 
séparer d’un homme que tous les bons citoyens haïssaient, 
et qu’elle verrait cesser bientôt ce tapage ; on lui répétait 
à chaque instant , qu’elle n’était gouvernante que de nom; 
qu’elle n’avait que les honneurs de sa place, et que Gran- 
velle en avait tout le pouvoir. Soit qu'elle en fût fatiguée, 
ou qu’elle eût à s’en plaindre, elle députa quelqu'un à 
Madrid pour obtenir son rappel. Granvelle, abandonné 
des uns et persécuté des autres, voyant tout le monde 
conjuré contre lui, crut devoir céder à la force. Ce fut un 


(1) Van Loon, Histoire métalliq. des Pays-Bas , t. Aer, p. 63. 

(2) D’autres disent que cette menace d’attenter à la vie de Granvelle 
n'eut lieu qu'après son départ des Pays-Bas, et pour empêcher son 
retour dont on ne cessait de parler. 


( 576 ) 
malheur pour le Roi et pour le pays. La gouvernante , qui 
ne manquait d’ailleurs ni d'esprit, ni d'adresse , était trop 
faible pour une position si difficile. « A dater du départ de 
» Granvelle, comme dit Grotius lui-même, la religion et 
» l'empire se trouvèrent ébranlés j ph dans leurs fon- 
» demens (1). 

Granvelle retiré à Besançon, y passa cinq années, pen- 
dant lesquelles il fit de ses immenses revenus et de son 
crédit le plus noble emploi. Il continua de prodiguer les 
secours et les encouragemens aux artistes, aux savans et 
aux gens de lettres: il choisit pour secrétaire le jeune 
Juste Lipse, dont il avait deviné le talent à son début; 
il eut pour bibliothécaires Suffride Petri et Pighius; il 
fut le principal promoteur de la belle typographie des 
Plantin. C'est sous le patronage de Granvelle que furent 
élevés dans la magistrature, les célèbres jurisconsultes 
Peck et Damhoudere, et dans les conseils du Roi, deux 
des hommes les plus recommandables de cette époque, 
Viglius et Hopperus. Personne ne fut plus calomnié en 
Belgique, et personne ne fit plus d'efforts pour éviter 
aux Belges d’'épouvantables calamités que Granvelle; son 
siècle ne le comprit point, parce qu'il vivait au milieu 
des passions politiques les plus furieuses, et qu'il fut 
contraint de lutter contre elles. Granvelle a eu contre 
lui tous les historiens protestans, et la plupart des his- 
toriens étrangers, parce qu’il était fort zélé pour les in- 
térêts de la religion et du prince, attaqués de toute 
part. Cependant il ne fut ni fanatique ni cruel, ce qui 
était rare en ce temps-là. Il se montra toujours contraire. 


(1) Omnia religionis,et imperii, sus deque versa sunt Ann. lib. I. 


DS PEL Li Len RE ne 


(577) 


aux mesures violentes, et entre autres, à l'inquisition es- 
pagnole. Il fit preuve de douceur et de longanimité dans 
l'affaire du baïanisme, qu'il aurait voulu étouffer sans 
bruit. Quoiqu'il eût pénétré et démasqué tous les projets 
du Taciturne, son ennemi mortel, il ne voulait point 
le perdre; il demandait simplement qu’on le dépaïsât, 
dût-on lui donner, disait-il, une vice-royauté! Quant à 
d'Egmont , il suflisait, selon Granvelle, pour le rendre à 
lui-même , d’éloigner ce prince d'Orange, qui était comme 
son mauvais génie. Ce n’est pas aux Belges qu'il appar- 
tient de joindre leur voix à celle des détracteurs du car- 
dinal, « Ils ne doivent jamais oublier (dit Neny) ce qu'ils 
» doivent aux Perrenot; leur ministère est une époque 
» dorée pour ces provinces. » 

Au reste la joie des ennemis de Granvelle fut courte. 
L'esprit du gouvernement ne changea point. Les anticar- 
dinalistes n’ayant pas plus de part aux aflaires qu’aupa- 
rayant, conlinuérent à cabaler; et la gouvernante, privée 
des conseils de son ministre, se trouva beaucoup plus 
embarrassée. On publiait les édits de Philippe contre 
l'hérésie, et on manquait de moyens pour les exécuter. 
Impossible à la gouvernante de réduire les mécontens par 
la force, ou de les apaiser par des concessions. En atten- 
dant Jes têtes s’exaltaient. On ne parlait plus que d’inqui- 
sition et de tribunaux secrets, d'échafauds et de bûchers. 
On disait que les Espagnols s’apprêtaient à traiter les 
Belges comme ils avaient Lraité les Maures et les Indiens. 

C'est dans ces circonstances que quelques nobles, plus 
audacieux que les autres, conçurent l’idée d’une confé- 
dération , dont le but et les motifs furent exposés dans 
un acle appelé Compromis. Le Compromis fut rédigé, 
dit-on, par Ph. de Marnix, qui avait fait ses études à 


( 578 ) 

Genève, alors métropole des lettres et du calvinisme, et 
qui attirait beaucoup de jeune noblesse à ses écoles. Ceux 
qui entraient dans cette espèce d'association juraient de 
maintenir la religion , l’obéissance au roi, et les anciennes 
lois du pays; ils promettaient de faire tous leurs efforts 
pour expulser les étrangers de la Belgique; de se défendre 
entre eux, et de se garantir mutuellement la sûreté de 
leur personne et de leurs biens, s'ils étaient poursuivis 
ou inquiétés pour avoir signé ladite association. Ils 
essayérent de former des ligues avec les protestans d’AI- 
lemagne, pour pouvoir opposer la force à la force, si 
l'on voulait établir violemment l’inquisition espagnole 
aux Pays-Bas. On lisait dans une foule de pamphlets, 
« que le peuple était dégagé de ses sermens parce que ses 
» priviléges étaient violés; que les conditions qui liaient 
» le suzerain au vassal, étant réciproques, l'engagement 
» venait à cesser de la part de ce dernier (1), dès qu’elles 
» étaient enfreintes de la part du seigneur. » Et l’on fit | 
réimprimer et distribuer à profusion, la Joyeuse Entrée 
du Brabant, qui exprimait, mieux qu'aucune autre, 
ces conditions essentielles. 

La ville de Bréda, où s'était retiré le prince d'Orange, 
‘devint le rendez-vous de tous les mécontens. C'esi là que 
l'on rédigea la fameuse Requête qui fut présentée à la 
gouvernante par 400 gentilshommes, qui voulaient prou- 
ver par leur nombre et leur présence, en face du souve- 
rain, combien leur parti était redoutable et résolu. Ils 
avaient à leur tête Henri de Brederode, descendant des 
anciens comtes de Hollande , qui espérait bien, dit-on, 


(1) Histoire générale des Provinces-Untes, t. 1er, I. 13, p. 124. 


( 579 ) 

ressaisir son comté , dans la conflagration générale : c'était 
le Clodius du parti: vain, léger, audacieux, expéditif, 
toujours pour les moyens violens : il joua d’abord un 
assez grand rôle dans la révolution; mais comme il était 
sans moyens, il disparut bientôt de la scène politique, 
et mourut d’une manière assez ignoble, par suite de son 
intempérance. Cette requête demandait la suppression 
des édits relatifs à l’inquisition, et la convocation immé- 
diate des États-Généraux. 

La gouvernante parut émue de voir tant de monde réuni 
avec tant d'appareil pour présenter une pétition; elle dit 
qu’elle en écrirait à Madrid, et qu’elle appuierait leur 
demande, mais qu’il fallait attendre les lettres du roi, aux 
intentions duquel elle devait se conformer. Quoique sa 
réponse fût conçue en termes bienveillans, elle fit voir, com- 
bien au fond du cœur, elle était blessée de leur manière 
d'agir, en cassant trois gentiishommes attachés à sa maison, 
qui avaient signé le Compromis. Cet acte d’improbation 
inattendu occasionna une grande rumeur parmi les con- 
fédérés; et à cause de cette espèce d'assurance mutuelle 
qu'ils s'étaient promise, ils crurent devoir réclamer , au 
nom de tous, en faveur des trois victimes, en protestant 
toujours de la pureté de leurs motifs. La gouvernante 
répliqua nettement , que quant à ceci, elle avait agi en 
simple particulier, et pour des raisons à elle connues; 
qu'on ne lui contesterait point sans doute le droit, qui 
appartenait au moindre bourgeois, de régler sa maison 
ainsi qu'elle l’entendait. Et comme il n’y avait rien à 
répondre, les choses en restèrent là. Cependant Marguerite 
se trouvait dans la position la plus crilique : toute la 
France était en feu: les protestans, ayant à leur tête le 
prince de Condé, l'amiral de Coligny, et une partie de 


( 580 }) 
la noblesse , s'étaient emparés de vive force d'un grand 
_ nombre de villes, bravaient hautement l'autorité royale, 
et croyaient pouvoir faire la loi à tout le royaume. Les 
calvinistes de France avaient de nombreux émissaires en 
Belgique, qui poussaient leurs partisans à la révolte, et 
leur offraient le secours de leur bras. L'association faisait 
des progrès rapides dans toutes les classes de la société : 
noblesse, clergé, bourgeoisie, tout le monde s’en mit. 

On n’est pas bien d'accord sur l’origine du nom de 
gueux (1). On ne sait au juste si les confédérés se le donné- 
rent , ou si on le leur donna, ni à quelle occasion. Quoi 
qu’il en soit, ils le prirent ou l’acceptérent , par bravade, 
et ce fut un signe de ralliement. En conséquence de leur 
titre, ils se parèrent de sacs de toile, et de médailles 
offrant d’un côté l'effigie du roi, avec celte légende : 
En tout fidèle au roi; el au revers, deux mains jointes, 
avec ces mots : Jusques à la besace (2). Dans une orgie, 
à l'hôtel de Culenbourg, où l’on fit beaucoup d’extrava- 
gances , on but à la santé du roi, et des gueux ! Il est remar- 
quable que, tout en accusant les ministres el les conseil- 
lers du roi, on ne cessait de parler de sa personne avec la 
plus grande vénération; qu'on en appelait toujours à sa 
sagesse et à sa justice, pour le redressement des griefs, 
alors même qu’on était déjà hors des voies constitution- 
nelles. C'est toujours ainsi que commencent les révolu- 
tions. En voyant tout ce que les nobles et les seigneurs se 
permettaient impunément, les sectaires s'enhardirent et 
commencérent à prêcher hautement leurs doctrines, à 
déclamer contre l’opulence, le luxe et l’oisiveté des cou- 


(1) Malgré l’anecdote qui l’attribue à un propos du comte de Berlaymont, 
(2) Van Loon. 


( 581 ) 

vens, et en général contre les gens d'église, prêtres, 
moines ou religieuses, qui avaient, disaient-ils, corrompu 
la religion du Christ, par leurs superstitions, leurs vices et 
leur idolâtrie. Peu à peu leur nombre s’accrut, el ils attiré- 
rent la foule. Les uns y venaient à cause de la nouveauté, 
ou parce qu'ils trouvaient cette religion plus commode 
que l’ancienne : d'éloquens sectaires s’y rendaient, pour 
pouvoir prècher et catéchiser à leur guise; et ils s’effor- 
çaient de prendre, vis-à-vis du peuple, la place de ce 
pouvoir, jadis si redouté, qu'ils foulaient insolemment aux 
pieds. Pour la multitude une fois en monvement, de la 
parole à l’action , il n’y a pas loin. Des bandes, échauffées 
par les prédications calvinisties, parcoururent les villes et 
les campagnes el y commirent d’épouvantables excès. En 
un moment une quaniilé de maisons religieuses et de 
couvens furent pillés et détruits ; leurs temples dévastés ; 
leurs meubles, livres et manuscrits, dispersés et anéantis. 
Ces fanatiques avaient quelque chose qui tenait de la 
rage ; et cependant ils paraissaient détruire méthodique- 
ment, avec une sorte de discipline, comme s'ils étaient 
conduits par des mains invisibles. Ils envahirent la cathé- 
drale d'Anvers, qui contenait les richesses accumulées de 
plusieurs siècles , en tableaux , en statues, en vases pré- 
cieux; et en quelques heures tout avait disparu. La statue 
du Christ est brisée et l’on épargne les deux larrons; les 
huiles saintes sont profanées ; les hosties consacrées fou- 
lées aux pieds; les tombeaux sont violés el les cendres des 
morts oulragées ; et toutes ces horreurs, qui se passaient de 
nuit, au chant des psaumes, sont éclairées avec les cierges 
des autlels, par d’infàmes prostituées. Et cependant ils 
étarent peu nombreux. 

Tandis que quelques misérables, de la dernière classe, 

Tom. tv. 42 


( 582 }) 
parmi lesquels on remarquait beaucoup d'enfans , abi- 
maient tout avec une célérité et un ordre élonnant, les 
bourgeois et les magistrats stupéfiés laissaient faire. On 
compte que plus de 400 églises et couvens furent ravagés 
dans les Pays-Bas, dans l’espace de quelques jours! La 
gouvernante , en pleurs, humiliée et indignée, supplia le 
prince d'Orange et le comte d'Egmont, qui avaient le plus 
d'influence sur le peuple, de tàcher de mettre fin à ces 
brigandages qui déshonoraient son gouvernement. Dans 
cette extrémité, elle céda tout ce qu’on voulut ; elle révo- 
qua les anciens édits sur l'inquisilion ; accorda pleine 
amnistie aux coupables ; promit la liberté de conscience, 
et même la liberté des prêches, partout où il s’en trou- 
vait d’établis. Muni des pouvoirs les plus étendus, le 
prince d'Orange se rendit à Anvers, où les calvinistes se 
trouvaient en très-grand nombre, pour les exhorter à 
rentrer dans l’ordre; ceux-ci allèrent au devant de lui et 
laccueillirent avec de bruyantes acclamations, qui prou- 
vaient assez qu'ils ne le redoutaient point. Il fit punir 
quelques iconoclastes avérés. Quant à d'Egmont, il avait 
singulièrement contribué, dès l’origine, sans mauvaise 
intention , à entrelenir la gouvernante dans une sécurité 
funeste. Lorsqu'on parlait des premiers mouvemens des 
calvinistes, il ne voulait point les croire sérieux ; il disait 
que tout cela s'en irait en fumée ; qu'il se faisait fort, à lui 
seul, de les apaiser, en se montrant; et lorsqu'il vit les 
progrès menaçans de l'hérésie , il objecta qu'il serait trop 
dangereux de recourir à des moyens de rigueur, àvec le 
peu de troupes qu'on avait, contre une telle multitude. 
On disputait beaucoup, au conseil d'État, sans pouvoir 
prendre de parti. Philippe de Croy, duc d'Arschot, qui 
était attaché à la gouvernante, mais d’ailleurs homme d'un 


(383) 


varactère modéré el indépendant, osa dire en plein conseil, 
à d'Egmont, au prince d'Orange, que par leur connivence, 
ou leur faiblesse, ils avaient compromis la paix et peut-être 
l'existence de l'État, Les comtes de Berlaimont, d’Arenberg 
et deMeghen, ne s’exprimèrent pas moins fortement : mais 
pour sortir d’un tel danger, il fallait autre chose que des 
paroles. 

Cependant Noircarmes, gouverneur du Hainaut, homme 
ferme , et qui n'avait point trempé dans la confédération, 
avant réuni quelques troupes, poursuivit ces bandits, les 
attaqua, les défit, assiégea ceux qui s’élaient réfugiés à 
Valenciennes, les força à capituler, et pacifia son gouver- 
nement en peu de jours. Ces hordes dévastatrices, qui 
avaient couvert le pays de ruines, traquées de loute part, 
disparurent presque subitement. Naguères, on aurait dit 
que la Belgique entière était calviniste et révollée ; et voilà 
que tout à coup elle était redevenue catholique et pai- 
sible! A la vue de tant d'impiélé, d’audace et de pertes à 
jamais irréparables pour la religion et les arts, l’indigna- 
tion avait succédé à l’effroi; on re parlait plus que d’ex- 
terminer jusqu'au dernier, ces brigands, ces vandales, 
ennemis de Dieu et des hommes! Aucun temple calviniste 
ne demeura debout. On se récriait surtout contre l’intolé- 
rance de ces misérables, qui ne s'étaient levés, disaient-ils, 
que pour réclamer la liberté de leur culte, et qui mar- 
chaient le fer et le feu à la main pour détruire les autels 
qu'ils venaient de déserter. La gouvernante se hâta d’an- 
noncer ces bonnes nouvelles à Madrid. Malheureusement 
il était trop tard! Marguerile avait écrit précédemment 
d’autres lettres, où elle dépeignait l’état du pays comme 
des plus alarmans , et réclamait de prompts secours, en se 
plaignant d'avoir été trahie par ceux-là même auxquels 
elle avait donné sa plus inlime confiance. 


| 584 } 

Philippe, en apprenant les ravages des calvinistes, qu'il 
croyait encouragés sous mains par les confédérés, et en 
songeant à la molle conduite de la plupart de ses gouver- 
neurs, ne pul contenir les mouvemens de sa colère et de 
sa vengeance, trop long-lemps concentrés. En repassant 
dans sa mémoire la conduite des Belges, avant et depuis 
: son départ des Pays-Bas, et toutes leurs promesses de fidé- 
lité et d’attachement, si souvent trompées , il jura que le 
temps des miséricordes était passé; il dit qu'il voyait bien 
que les chefs de la confédération n’avaient pas pour but le 
redressement de prélendus griefs, mais le partage des pro- 
vinces belgiques avec leurs adhérens de France et d’Alle- 


magne , projet qu'on lui avait si souvent dénoncé, et 
auquel il n'avait pas voulu croire jusque-là; que puisque 
ces hommes, qui parlaient toujours de leurs droits, mé- 
connaissaient les siens, et en appelaient aux armes et à la 
force , il allait donc les imiter: que grâces à Dieu, ses 
ennemis venaient de se démasquer; que le nombre et la 
qualité ne l’effravaient point : confondant, dans sa fu- 
reur, les confédérés avec les gueux, parce qu’ils en avaient 
pris le nom, et ceux-ci avec les iconoclastes, parce 
qu'on avait vu dans les pillages des bandits portant des mé- 
dailles de gueux, il s'écrie que le ciel lui-mème comman- 
dait de punir ces criminels de lèse- majesté divine et 
humaine; et renonçant enfin à son système de tempori- 
sations et de demi-mesures, qui lui avait si mal réussi, 
il prend tout à coup la résolution la plus violente. Il ap- 
pelle le duc d’Albe , l’un des plus vieux et des meiïlleurs 
généraux que Jui eût légués Gharles-Quint; d’Albe, qui 
n'avait jamais perdu de batailles; d’Albe, qui ne connais- 
sait ni amis ni ennemis, quand le maître commandait ; 
fui qui aurait détruit la ville de Gand, après sa révolte, 


| - ( 585 ) 
si Charles-Quint l’eût laissé faire; lui que Philippe con- 
naissait pour l’ennemi personnel des Belges, et surtout du 
prince d'Orange et du comte d'Egmont : il lui dit de ras- 
sembler à l'instant ses meilleures troupes, d'aller au Pays- 
Bas; et il lui donne des instructions secrètes el des pouvoirs 
illimités , pour faire saisir, juger et pumr ceux qu'il lui 


désignait , et en outre tous ceux qu'il trouverait coupables. 


À la nouvelle de l’arrivée du duc d’Albe, avec une 
armée, une multitude de Belges émigrèrent. Le prince 
d'Orange, qui mieux qu'aucun autre, connaissait Phi- 
lippe el le duc d’Albe, et qui ne se sentait point la con- 
science fort nette, ne l’allendit point. Le comte d'Egmont, 
qui comptait sur son nom, sur ses services; qui croyait 


pouvoir se disculper facilement de quelques actes équivo- 


ques; qui croyait avoir fait, comme on dirait aujourd’hui de 
l'opposition contre les ministres, el non de larévolte contre 
le roi; père d’une famille nombreuse, qu’il ne voulait point 
exposer, par sa fuite, aux chances d’une confiscation, l’at- 
tendit, pour son malheur. 

Le comte d'Egmont réunissait toutes les qualités qui 
imposent aux hommes : la haute naissance, la fortune, 
une brillante valeur, un caractère franc et généreux, 
la vigueur et la beauté physiques, des manières ouvertes 
et affables : aussi jouissait-il, parmi les Belges, d’une 
trés-grande popularité. Issu de l'ancienne maison des ducs 
de Gueldre , élevé dans les camps du grand empereur, 
qu'il avait suivi dans la plupart de ses expéditions, il 
fut l’objet de sa prédilection particulière. Charles-Quint 
lui fit épouser Sabine , duchesse de Bavière, et le décora 
de la Toïson-d'Or, en même lemps que ce fameux duc 
d'Albe, qui devait être un jour son bourreau. Dans sa 
première Jeunesse , il se distinguait par sa bonne mine, sa 


( 586 ) 
grace et son adresse dans les tournois et les exercices 
militaires ; il excellait à tirer de l’arquebuse, ce qui plaisait 
beaucoup au peuple (1): c'est ainsi qu'il préludait à la 
renommée qu'il acquit plus tard contre les ennemis de 
V'État. Il avait fait pour Philippe des choses dont celui- 
ci n'aurait jamais dû perdre la mémoire. Ge fut lui qui 
conclut son premier mariage avec Marie, reine d’Angle- 
terre. Ge fut lui qui, à la tête de ses braves Flamands , 
décida le gain de la bataille de St-Quentin. Et à Grave- 
lines, où il commandait en chef les troupes de Philippe, 
il remporta une victoire complète sur l'armée française , 
victoire qui amena la paix de Cateau -Cambresis, aussi 
honorable qu’avantageuse pour l'Espagne. Enfin d'Egmont 
était, sans contredit , la plus grande gloire militaire de 
la Belgique, et l’une des premières de la monarchie. Mais 
il avait le tort d'aimer trop à rappeler le passé. Et ce 
tort lui était commun, avec beaucoup de ses compatriotes. 
La rivalité qui existait entre les deux nations sous le règne 
de Charles-Quint, s'était changée en haine depuis l’avéne- 
ment de Philippe , qui traitait les Belges avec trop de 
partialilé. La morgue de ces grands d'Espagne, qui pour 
la plupart prétendaient descendre de quelques petits rois, 
maures ou chrétiens, et qui fiers d’appartenir à une nation 
maîtresse des deux mondes et dispensatrice des trésors 
du Pérou , regardaient de haut ce petit peuple de par-deçà 
toujours mutiné pour ses priviléges , était devenue insup- 
portable à la noblesse belge. Celle-ci criait à l’ingratitade, 
el ne craignait pas d'opposer ses services el ses hauts faits, 
à ceux des Espagnols. En effet (disait-elle), si l'Espagne 


(1) Strada, liv, I. 


( 3567 ) 

s'esLélevée à une si grande puissance, n’esl-ce pasgrace à son 
union avec la maison d'Autriche, dont la Belgique fut le 
lien ? Les Belges n’ont-ils pas figuré partout où les armes 
de Charles-Quint se sont distinguées ? À Pavie , à Tunis, 
à Mulberg, et à Ingolstadt, où dix mille d’entre eux, accou- 
rus sous la conduite de Maximilien d'Egmont , délivrèrent 
l'Empereur, assiégé et prés de Lomber au pouvoir de ses 
ennemis ? Et puis, avait-on oublié S'-Quentin et Grave- 
lines? Le comte d'Egmont ne valait-il pas bien les géné- 
raux de Philippe , sans en excepier le duc d’Albe ? Voilà ce 
qu'on disait en Belgique, et ce que l’on reportait peut- 
être en Espagne , avec des commentaires propres à accroi- 
tre l’irritation entre les deux peuples. 

Mais si la conduite de d'Egmont est au-dessus de tout 
éloge, comme militaire , il n’en est pas de même comme 
chef de parti. Depuis le commencement des troubles, il fut 
toujours flottant et incertain , entre l'amour de la popula- 
rité, et le désir de rester fidéle au roi. Cet illustre guerrier, 
avec une belle âme, avait un caractère faible. Un homme 
pour lequel il ne se sentait d’abord que de l'éloignement , 
mais dont l'avait rapproché sa haine contre Granvelle, 
devint le principal instrument de sa perte. Cet homme fut 
le Taciturne. Celui-ci poussait les Pays-Bas au protestan- 
tisme , ‘pour arriver de là à la révolte, et de là à l’expul- 
sion des Espagnols hors de la Belgique, où il ne voyait 
plus alors personnne au-dessus de lui (1). Ce n’était pas sa 


(1) Le professeur Léo, dans son savant ouvrage sur l’Histoire des 
Pays-Bas, n'hésite pas à considérer le Taciturne comme le grand moteur 
de larévolution. M Groen Van Prinstereer, éditeur de la Correspondance 
de La muison d'Orange Nassau, dont j'aurai occasion de parler plus 


( 588 ) 

croyance qui rendait le prince d'Orange ennemi de Phi- 
lippe, ear il n’était au fond ni catholique, ni luthérien. 
Il avait appris, dit Strada , avec le Prince de Machiavel , 
dont il faisait sa lecture favorite, qu'une grande ambition 
s'accorde mal avec les scrupules religieux. Né dans le luthé- 
ranisme, Guillaume y renonça, et fit profession ouverte 
de catholicisme à la cour de Gharles-Quint. Sous le gou- 
vernement de Marguerite de Parme, il continua pendant 
quelque temps à se montrer catholique. Mais quand il vit la 
réforme prendre de l'accroissement en Belgique et devenir 
un parli redoutable , il abjura de nouveau le catholicisme 
et se fit calviniste. C’est ce qui résulte des propres paroles 
de son apologie. «Is disent que dès que le roi eut quitté 
» ce pays, j'ai tâché, par dé mauvais moyens, de gagner 
» les méconlens, ceux qui élaient chargés de deltes, enne- 
» mis de la justice et désireux de nouveautés, et surtout 
» ceux qui étaient suspects dans la religion! Pour ce qui 
» est de ces derniers, j'avoue que je ne les ai jamais haïs ; 
» j'avais été nourri des le berceau dans cette religion ; 
» monsieur mon père v avait vécu , et il y est mort. Z/ avait 
» banni de ses terres les erreurs de l'église romaine. … 
» {ne faut donc pas s'étonner si cette doctrine était 
» gravée dans mon cœur, et si elle y avait jeté d’assez pro- 
» fondes racines pour y produire des fruits en sou temps. » 

Quant à d'Egmont , il ne fut jamais l’ennemi ni de la reli- 
gion ni du Roi; si Philippe fût venu lui-même aux Pays Bas, 
au lieu d’yenvoyerle due d’Albe, avec des sentences de mort, 
il n’est pas douteux qu'il n’eût rendu justice à un homme 


loin, combat vivement et longuement cette impulation ; mais les 
- pièces mêmes qu'il produit, sont contraires à son système apologétique. 


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(589 ) 


dont l'influence et lestalens devaient lui être si précieux. Si 
l'on en croit Bentivoglio, d'Egmont était si éloigné de la ré- 
volle, qu’ soutint le parti de la soumission contre les plus 
exagérés des opposans. Ceux-ci voulaient , lorsqu'on apprit 
l’arrivée du duc d’Albe aux Pays-Bas, qu’on fit un appel aux 
armes , pour empêcher d'y pénétrer. Mais d'Egmont s’y re- 
fusa. 

Le duc d’Albe ne fut sans doute qu'un instrument passif, 
qui recevait sa consigne de Madrid : il l’exécuta comme un 
soldat brutal. Cette conduite a pourtant trouvé des apolo- 
gistes. Quelques écrivains, entre autres un savant allemand, 
M. le professeur Léo, prétendent que l’hérésie ayant une 
fois envahi nos provinces, et la révolte ayant rencontré 
des chefs habiles et audacieux , qui avaient formé de puis- 
santes ligues à l'étranger, il fallait un système de terreur 
pour arrêter ce débordement. Cependant j'oserai demander 
à quoi servit un système aussi contraire à la justice qu’à 
l'humanité? J'oserai demander à quoi servirent les con- 
damnations des comtes de Horn et d'Egmont, ct d’une 
foule d’autres victimes, par la commission appelée le tri- 
bunal de sang ? Je suis loin de croire , comme le prétendent 
la plupart de nos auteurs, qui ont copié les écrivains pro- 
testans avec une si déplorable fidélité , que tout fut paci- 
fié à l’arrivée du duc d'Albe : le Taciturne n'était pas 
homme à lâcher prise si facilement. Mais je n’en suis pas 
moins convaincu que le système de terreur adopté par 
Philippe, a eu pour premier effet de légitimer, aux yeux de 
l'Europe, l'insurrection calviniste, qui venait de se dis- 
crédiler par ses excès : le danger commun réunit les catho- 
liques et les protestans , et provoqua les réactions qui firent 
perdre à l'Espagne la moitié des Pays-Bas. Le supplice des 
comtes de Horn et d'Egmont fut une tache éternelle à la 


( 590 ) 

mémoire de Philippe et de la domination espagnole. C'était 
le Taciturne qu'il fallait atteindre, comme disait Granvelle, 
el on le manqua. Chose étrange ! c'est avec du sang catholi- 
que que l’on sanctifia, en quelque sorte, lacause protestante! 

Au lieu de débuter par une amnistie, et de jeter un 
voile sur le passé, Lout en prenant des mesures pour l’ave- 
nir, le duc d’Albe élendit sa vengeance jusque sur les 
pierres des monumens ; il fit raser l'hôtel de Culembourg, 
comme complice des conjurés; il licencia l'armée natio- 
nale, qui avait combattu et détruit les iconoclastes, et 
l'incorpora dans ses troupes espagnoles ; il fit ériger des 
citadelles pour tenir en bride les habitans de quelques 
grandes villes : el après avoir fait couler le sang belge pen- 
dant deux années, il publia enfin cette amnistie désirée , 
qui ne satisfit et ne rassura personne, lant elle contenait 
de catégories et d’exceptions ; tant les termes en étaient 
élastiques et ambigus | 

Voici une réflexion fort triste de Strada, que l’on dirait 
empruntée à Machiavel. Strada observe que le duc d’Albe, 
par le supplice injuste des comtes de Horn et d'Egmont, et 
d’une foule d’autres citoyens, s’élait rendu exécrable aux 
yeux des Belges; que chacun murmurait , el que cependant 
personne ne bougeait : chacun espérait toujours que le 
malheur d'autrui ne l’atteindrait point. Maïs lorsqu'on en 
vint, dit-il, à proposer des impôts énormes, odieux par le 
mode de perception, qui atteignaient loutes les classes 
indistinctement, le mécontentement devint général: tout 
le monde se souleva, parce que tout le monde se sentit 
frappé(1). Il eûtété plus juste d'ajouter queles cruautés du 


(1j Guerres de Flandres, liv. 7. 


( 591 ) 


duc d’Albe, ayant d'abord aliéné tous les esprits, et ses me- 
sures financières ayant ensuite porté l’effervescence au com- 
ble, les symptômes d’insurrection éclalérent. D'ailleurs les 
impôts que demandait le duc d'Albe devaient être votés une 
fois pour toutes. Le cérémonial des pétitions de subsides, 
sous forme de prières , auquel le gouvernement était obligé 
de recourir, lorsqu'il voulait obtenir quelque argent, 
blessait sa fierté espagnole et ses habitudes militaires. Il 
voulait un fonds stable et indépendant de ces assemblées 
populaires pour lesquelles il se sentait un si grand dégoût. 

« Les Etats assemblés à Bruxelles représentérent , dit le 
» même auteur, que par l'impôt du 10° denier, on inter- 
» rompait le commerce, l'unique aliment de la Flandre.….; 
» qu'avant qu'on eût fabriqué et débité les draps, les 
» tapisseries et autres ouvrages, il faudrait payer le 10° 
» pour la manufacture, pour la laine, pour le fil, pour la 
» teinture, et enfin pour toutes les autres façons des mar- 
» chandises; que quand le prix en serait augmenté, le dé- 
» bit ne s’en ferait pas facilement; que les artisans se 
» relireraient plutôt ailleurs, et laisseraient la pauvreté 
» dans les Flandres; que le duc d’Albe devait considérer 
» les grands profits que faisait l'Angleterre, depuis deux 
» siècles, que des colonies de Flamands y avaient trans- 
» porté la manufacture des draps, après avoir dû quitter 
» leur propre pays, par suite d’inondations ; qu’il demeu- 
» rait encore dans les Flandres quelques métiers que les 
» peuples voisins ne savaient pas, et qui s'en iraient de 
» même si les ouvriers étaient contraints de s'y reti- 
» rer (1).» Il ne faut pas s'étonner si la résistance fut 


(4) Le due d’Albe répondait que le 10e denier existait en Espagne , no- 


( 592 ) 

désespérée, car en établissant un tel impôt, d’une manière 
permanente, il ruinait à la fois et le commerce des Belges, 
et le fondement de leurs libertés, qui reposaient toutes 
sur le vote spontané des subsides. Il eût mieux valu qu'il 
leur ravit les autres, et’qu'il épargnàt celle qui avait 
servi à les conquérir toutes. Cet impôt était si odieux que 
tous les bommes de bien s’y opposérent. Viglius, bomme 
respectable, mais que l'on regardait comme dévoué aux 
volontés du roi, l’attaqua en plein Conseil d’État , avec la 
plus grande énergie, ce qui lui attira des paroles violentes 
accompagnées de terribles menaces de la part du duc 
d’Albe. Enfin , pas un belge, qui valût, n’osa se ranger de 
son avis ; et le farouche espagnol resta seul an milieu de 
nous, avec son armée et ses bourreaux. Et quand il nous 
quitta, il était si exécré, qu’on n° Ù voulut pas même souf- 
frir sa statue. 

J'ai dit en commençant, que l’on avait traité Granvelle 
chez nous , à peu près comme Mazarin en France. En effet, 
toute cette guerre de pamphlets, de pasquilles, de cari- 
catures, entre la noblesse belge et le cardinal, ne fut 
qu'une espèce de mazarinade, qui rappelait les querelles 


tamment dans sa petite principauté d’Albe, où il ne donnait lieu à 
aucune réclamation. Les Belges répliquaient que si les Espagnols payaient 
un droit si onéreux, il devait avoir entraîné la ruine de leurs manufac- 
tures, et que si l’on ne s’en plaignait pas, c’est qu’en Espagne on n’osait 
se SE, On se souvient que lorsque le gouvernement néerlandais 
établit chez nous la souture, qui produisit aussi beaucoup de fermenta- 
tion, les Belges la repoussèrent par des motifs assez semblables à ceux 
qu’alléguaient jadis les États de Brabant contre le 10e denier, et que les 
Hollandais assuraient aussi, que chez eux cet impôt s’acquittait sans 
nulle répugnance : ce qui n’empécha! pas qu’il fut impossible aux deux 
nations de s’entendre à cet égard. 


à: taie ntm te then ne nn ES Sd à 


(9937) 

de la Fronde, suscitées par la noblesse française, jalouse 
de la haute fortune du favori d'Anne d'Autriche, qu’on 
qualifiait aussi d’insolent étranger. On pourrait pousser 
le parallèle plus loin, et comparer, au moins sous quel- 
ques rapports, d'Egmont au‘grand Condé, puisque tous 
deux, illustrés déjà par leurs victoires, ét soutenus par 
la faveur populaire, se trouvèrent portés à la tête du parti 
anli-cardinaliste ou anti-ministériel. Mais ici la compa- 
raison cesse : car Mazarin ayant fait meltre Condé en 
prison, ce prince qui y était entré innocent, en sortit 
coupable, comme il le confessa lui-même, et bien cou- 
pable, puisqu'il combattit contre sa patrie; tandis que 
d'Egmont, sans avoir été tout-à-fait irrépréhensible, 
refusa toujours de prendre les armes contre son prince 
ét son pays. Cependant voyez la différence! Condé rentra 
en grâce, et d'Egmont périt sur un échafaud! Oui, c'est 
sur un échafaud qu'on vit tomber la tête de celui qui 
avait fait trembler deux fois la France! Mais c’est que la 
Fronde, qui n'était au fond qu’une querelle ridicule, 
suscilée par des intrigues et des ambitions de cour, devait 
finir, comme elle avait commencé, faute de motifs. Dans 
nos discordes civiles, au contraire, les attaques contre 
Granvelle, ne furent qu'un prétexte, un prélude, une 
excitation ; mais 11 y avait au fond de cela deux nations 
opposées, irrilées, el deux religions en présence, dont 
chacune voulait subjuguer l'autre; et un tel conflit, dars 
un tel siècle, avec de tels hommes, et il faut ajouter en- 
core, avec des hommes tels que Philippe et le duc d’Albe, 
devait amener une guerre d’extermination. 

Après la mort de Requesens, l’armée espagnole, mal 
payée, se mulina , se rua sur quelques-unes de nos cités les 
plus opulentes, entre autre sur Anvers, le dernier siége 


( 594 ) 

du commerce dans la Belgique méridionale , que la solda- 
tesque pilla et saccagea, avec une rapacité et des excès 
inouïs même dans une ville ennemie, prise d'assaut. Alors 
un seul sentiment anima tous les Belges, tant catholiques 
que protestans , ce fut l'exécration du nom espagnol; et 
tous les partis se réunirent pour les expulser des Pays-Bas. 
C'est ce qui donna naïssance à la fameuse confédération 
de Gand (de 1576), chef-d'œuvre de la politique du Taci- 
turne. Celui-ci , dont le pouvoir élait complétement affermi 
dans les provinces du Nord, où le protestantisme avait 
triomphé, vit tout à coup son nom invoqué comme une 
sauvegarde, par les catholiques des Flandres, du Brabant 
et d'Anvers, et se crut un instant au comble de ses vœux. 
Il eût peut êlre réussi à expulser à jamais les Espagnols de 
tous les Pays-Bas , si la pacification de Gand eût été loyale- 
ment exécutée. Mais les calvinistes se mirent à persécuter 
les catholiques , à les proscrire , à confisquer leurs biens, 
à piller, à démolir les couvens et les temples, avec une rage 
inconcevable. Ce n’était plus un orage passager , comme ce- 
lui qui avait eu lieu dix ans auparavant; c'était un système 
d’extirpation violente et absolue du catholicisme dans les 
provinces méridionales, Pour cette fois, les iconoclastes 
furent maîtres pendant plusieurs années à Gand, à Bruxelles, 
à Anvers. Il suffit de dire que leur insolence et leur fana- 
tisme furent poussés à Lel point, qu'ils firent oublier l'in- 
solence, le fanatisme, l’avidité et la férocité des Espagnols, 
et qu'ils préparèrent une réaclion nouvelle et le retour de 
la domination de Philippe (1). 


(1) V. l'abbé Man, Abrégé de l’histoire de Bruxelles , ann. 1579-1525. 
« Les Gantois (dit de Thou) voulant faire éclater leur zèle pour la 
» réforme , persécutèrent si cruellement les catholiques , que personne 


( 595 ) 


Les provinces wallonnes, où le protestantisme avait 
fait peu de progrès (sauf à Tournay et à Valenciennes), 
furent les premières à se détacher de la confédération, 
sans toutefois vouloir se déclarer encore pour l'Espagne. 
D'un autre côté, la noblesse belge voyant à découvert les 
projets du prince d'Orange, qui avait profité des troubles 
pour se créer une puissance presque dictatoriale sur nos 
provinces , en conçut une extrême Jalousie , et commença 
à s'élever contre la prééminence hollandaise et protes- 
tante. C’est ce qui donna lieu à la Confédération d'Arras 
(de 1579), et à la pacification des provinces wallonnes, 
qui servit de point d'appui au prince de Parme, pour 
reconquérir bientôt loute la Belgique méridionale. Phi- 
hppe IT ayant enfin consenti à restituer à ces provinces 
tous leurs priviléges , elles rentrèrent sous sa domination, 
pour n’en plus sortir. 

Arrétons-nous nn instant, car voici un grand fait. A 
dater de celle dernière époque , les 17 provinces ne se sont 
plus réunies , par une haine commune, contre un oppres- 
seur commun; c’est la différence de religion qui prévaut; 
c'est elle qui divise les Belges et les Néerlandais, par une 
barrière éternelle. De leur côté , les provinces du Nord 
s’unirent par une convention nouvelle , appelée {a pacifi- 
cation d'Utrecht, qui est demeurée jusqu'ici le fonde- 
ment de la constitution hollandaise , sauf que l'intolérance 


» ne viola avec plus d’audace l’heureuse pacification à qui cette ville 
» séditieuse et avide de nouveautés avait donné son nom, La conduite 
» que les calvinistes tinrent à l'égard d'Amsterdam, et de plusieurs 
» autres villes des 17 provinces , ne contribua pas peu , d’un autre côté, 
» à attiser l'incendie qui s’allumait. 

Note du traducteur de Bentivoglio , liv, X , an. 1578. 


( 596 ) 
religieuse qu’elle consacrait ouvertement (1), s'y est adou- 
cie, du moins dans la forme. Certes il est bien étrange que 
tant d'auteurs aient écrit , et répètent encore aujourd’hui 
que la révolution des Provinces-Unies contre Philippe IL, 
fut faite dans l'intérêt de la liberté civile et religieuse! 
Les premiers édits des États de Hollande visaient au con- 
traire à l'extinction totale du catholicisme, par la persé- 
cution des prêtres, et par la défense de tout exercice du 
culte, soit public, soit privé, défense sanctionnée par des 
amendes el des confiscations, par la prison , par le bannis- 
sement , et même par des menaces d'exécution capitale en 
certains cas (2). Pour cette première époque, les Hollandais 
ont peu de chose à reprocher à l'inquisition espagnole elle- 
même. Mais plus tard, ils changèrent de système. La persé- 
cution fut moins violente et mieux calculée. « La tolérance 
» religieuse, qui avait servi de motif, ou plutôt de prétexte 
» à l'insurrection contre l'Espagne, dit l’auteur, juif et 
» hollandais, Meyer, fut reçue comme une mesure utile au 


(1) « Ces deux confédérations opposées , d’Utrecht et d'Arras, mirent 
» le comble à la division dans les 17 provinces, et causèrent entre elles 
» une guerre de religion qui les rendit irréconciliables. Elles perdirent 
» de vue la haine des Espagnols , qui les avaient réunies, pour ne s’oc- 
» cuper que des intérêts des religions auxquelles elles étaient attachées ; 
» et il faut convenir, avec Grotius, que les sept provinces elles- 
» mêmes, malgré l’aversion qu’elles semblaient avoir pour le gouver- 
» nement espagnol, étaient encore plus touchées du zèle d’affermir le 
» calvinisme sur les ruines du culte romain Le prince d'Orange, qui 
» n'avait pas d'autre projet que de profiter des circonstances, pour 
» se dérober au ressentiment de l'Espagne, et agrandir sa fortune , le 
» suivit constamment. » 

Note de Bentivoglio, liv. XI, an 1579. 

(2) Voir l'Histoire générale des Provinces- Unies , par Dujardin et Sel- 
lius, t. VII, p. 235 et suivantes, 


‘ 


PPT + 


( 597 ) 

» commerce el favorable à l’agrandissement de la répu- 
» blique (1). Mais tous les avantages civils et politiques 
» étaient réservés aux prolestans.. Ceux qui professaient 
» un autre culte étaient exclus des emplois... Les catho- 
» liques n’avaient pas même, en Hollande, le droit d'ouvrir 
» des églises, etc. (2). » Du reste, quoique les catholiques 
fussent très-nombreux dans les Provinces-Unies , quoiqu'ils 
y supportassent une large part dans toutes les charges de 
l'État ; quoique toujours fidèles et résignés au pouvoir qui 
les opprimait, la politique néerlandaise a continué, jus- 
qu’à présent , à les traiter en ennemis et en parias. 

Le 27 juillet 1581, à l’instigation de Guillaume de 
Nassau, on publia, en Hollande, un édit portant que 
Philippe IT, roi d'Espagne , était déchu de la souveraineté 
des Pays-Bas , pour avoir enfreint les priviléges et libertés 
desdits pays. Guillaume de Nassau prononça, à cette oc- 
casion, un discours que n'auraient point désavoué les 
plus fougueux révolutionnaires de 1793 et de 1830 : ces 
principes, du reste, étaient alors considérés comme de 
droit commun parmi les calvinistes. « L'autorité du sou- 
» verain, dit Guillaume, est subordonnée à celle de la 
» multitude. Lorsque le chef ne cherche que ses avan- 
» tages particuliers, sans s’embarrasser du bien public, 
» le jugement et la vindicte appartiennent au peuple, 
» dont il tient sa puissance, et que sa conduite remet 
» dans ses droits. L'autorité suprême réside dans la gé- 
» néralité : on ne peut le disputer, sans traiter en 


(1) Institutions judiciaires , t. IL, p. 408. Æistoire générale des 
Provinces- Unies, tom. 1er, p.179 et suiv. 
(2) Ibidem, p. 126; et Kerroux, Histoire de la Hollande, t, I, 
p. 310. 
ne 


Tom. rv. 43 


( 598 } 

même temps d’usurpateurs la plus grande partie des 
monarques de l’Europe. Un roi ne tire son droit que 
du consentement unanime de sa nation, qui par con- 
séquent peut l’ôter à celui qui s’en rend indigne. Les 
Belges sont plus particulièrement fondés dans ces pré- 
tentions, que d’autres peuples, ayant pris la précaution 
de faire reconnaître ce droit, par le serment que leur 
comte prête à son installation. Les cruautés et les in- 
fractions des Espagnols , les rétablissant dans leur pre- 
mier état, ils peuvent secouer un joug insupportable , 
et choisir la forme de gouvernement qu’ils jugeront la 
plus convenable et la plus juste (1). » 

« On ôta, dit Strada, les images et les statues du Roi 
de tous les endroits où il y en avait; on déchira ses ar- 
moiries; on eflaça partout son nom et ses qualités ; on“ 
rompit son sceau , el on défendit de plus rien faire, de 
plus rien sceller en son nom. On manda aux officiers de 
Ja monnaie, de ne plus marquer l'or et l’argent au coin 
du roi; on obligea les gouverneurs des places, les ma- 
gistrats et les chefs de guerre, de renoncer au service 
de l'Espagne. Il leur fut commandé de faire un nou- 
veau serment , suivan! la forme prescrite par les États... 
La plupart avaient horreur de toutes ces choses, et ap- 
préhendaient la fin de celle tragédie. On apprit que plu- 
sieurs, saisis de terreur, avaient manqué de parole en 
jurant... Les historiens flamands rapportent que Valde, 
célèbre conseiller de la Frise, était tombé mort en pré- 
tant son serment. Cependant le prince d'Orange faisait 
des festins avec les députés des États; il élevait ses espé- 


EN 


( 599 ) 

» rances sur les ruines des Espagnols, les hérétiques se ré- 
» jouissaient avec lui, et se hâtaient de chasser en même 
» temps le roi des provinces et Dieu des églises , etc. (1) » 

Il n’est pas de mon sujet de retracer les causes du triom- 
phe de l'insurrection dans les provinces du Nord, ce serait 
sorlir du cadre que je me suis tracé dans cette simple es- 
quisse. Je dirai toutefois, en passant, qu’on doit l’attribuer 
notamment , 1° aux progrès du calvinisme, et à la mortelle 
antipathie que la nouvelle religion inspirait aux Hollan- 
dais, contre la domination espagnole, ainsi que Guillaume- 
le-Taciturne l'avait bien prévu , en favorisant la propagation 
de l'hérésie; 2° à la situation particulière de la Néerlande, 
défendue par des bras de mer et de grands fleuves, qui en 
rendaient la conquête difficile à ses ennemis, en même 
temps qu'ils l’invitaient à devenir elle-même une puissance 
maritime et commerciale ; 3° à celte suite d’habiles capi- 
taines et de grands hommes d’État que produisit la maison 
de Guillaume de Nassau; 4° aux secours que tirérent les 
insurgés de plusieurs puissances de l’Europe, notamment 
de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne protes- 
tante ; 5° aux fautes du cabinet de Madrid, qui avec des 
États déja trop étendus et trop disséminés , ne songeait 
qu’à accroître sa prépondérance au dehors et portait ses 
armes de tous côtés, au lieu de réunir toutes ses forces sur 
un seul point pour étouffer la révolte et la guerre intes- 
tine qui le minait; 6° à l'indiscipline de l’armée espagnole 
presque toujours mal payée, qui perdait par ses rébellions 
le fruit de ses victoires, qui rendait le nom du roi odieux, 
même à des peuples ennemis de la réforme. Cette guerre si 


(1) Guerres de Flandres, liv.4, 


( 600 ) 


longue et si acharnée, mina peu à peu l'immense monarchie 
de Charles-Quint et de Philippe : l'Angleterre, la France, et la 
Hollande surtout, s’agrandirent de ce qu’elle perdit. Mais la 
Hollande ne tarda pas à reconnaîlre que son ennemi n'était 
plus la lointaine Espagne. Alors sa polilique changea : les 
Provinces-Unies ne pensèrent plus qu'à défendre les inté- 
rêts de leur commerce, contre l'Angleterre, leur puissante 
rivale , et leur terriloire même, contre la France, leur 
proche voisine. Enfin cette petite nation, qui avait un 
instant dicté la loi à l’Europe, ne conserva plus guère d’in- 
fluence qu’autant qu'il lui en fallait pour nuire à la Bel- 
gique, dont elle se fit comme un plastron du côté de la 
France, dont elle redoutait toujours l'ambition; et la Hol- 
lande, de plus en plus amaigrie et épuisée , concentra tout 
ce qui lui restait de force et de vie, dans l’agiotage, et le 
trafic de deux ou trois grandes villes; et cela même aux 
dépens de ses provinces agricoles , et de toute autre in- 
dustrie. 

Philippe, contraint par la nécessité, avait rendu leurs 
priviléges aux provinces belgiques : grâce à cette conces- 
sion, elles étaient redevenues espagnoles et catholiques : 
mais éclairé par l'expérience, il ne s’en tint point là. 
« Reconnaissant, dit-il, que le plus grand bien-être qui 
» puisse advenir aux peuples, c'est d’être régis à la vue de 
» leur prince et seigneur; et considérant que la plus 
» grande partie des malheurs qui ont affligé les Pays-Bas, 
» provinrent de ce que leur souverain n'avait pu les gou- 
» verner en personne, » il détacha la Belgique du reste de 
la monarchie, et lui donna sa propre fille pour les gouver- 
ner. On est surpris d'entendre sortir de si sages et si 
douces paroles de la bouche qui prononça l'arrêt de mort 
du comte d'Egmont, et qui dicta l’affreux édit de proscrip- 
tion contre leprince d'Orange. - 


( 6GOI ) 

On s'est, je crois , mépris sur le caractère de Philippe. 
Plusieurs de nos historiens le dépeignent comme un tyran 
hypocrite, se baignant à plaisir dans le sang de ses sujets ; 
comme l'assassin de sa femme, et de son fils; comme un 
prince qui ne rêvait qu'échafauds et bûchers. Ce n’est pas 
ainsi qu'on le jugeait dans ses autres États. En Espagne 
surtout, Philippe était renommé pour sa prudence, sa mo- 
déralion et son amour de la justice. Vous savez qu’on im- 
prime actuellement à la Haye une Correspondance inédite 
de la maison d’Orange-Nassau , sous les auspices du roi 
de Hollande, à qui l'ouvrage est dédié. L'éditeur, M. Groen 
Van Prinstereer, conseiller d'État , protestant très-zèlé, très- 
croyant , néerlandais très-attaché aux préjugés de son pays 
et à la dynastie des Nassau, et peu disposé par conséquent à 
flaiter celui qui fut son plus cruel ennemi, s'exprime ainsi 
sur le compte du roi d'Espagne : « Philippe n'était pas in- 
» traitable à tous égards, et même on peut remarquer quel- 
» quefois dans sa conduite de la modération. Sa réponse 
» à la lettre du 14 mars 1563 , où il dit (à propos des dé- 
» nonciations contre Granvelle): Ce n’est pas ma cou- 
» tume de sans cause gréver aucun de mes ministres, 
» ne porte aucune marque d’aigreur. Il renvoya pourtant 
» le cardinal de Granvelle; il accueillit le comte d’Eg- 
» mont ; il fit assembler les évêques; et quoique beaucoup 
» de ses protestalions fussent sans doute peu sincères, on 
» ne saurait, sans injustice, supposer partout de la faus- 
» seté. Bien des expressions dans les lettres de Hopperus 
» semblent indiquer que le roi inclinait à la clémence; 
» et Philippe lui-même écrit en 1567, à l’empereur 
» Maximilien , qu’il persiste toujours dans les sentimens 
» de douceur et de bienveillance que l’empereur lui 
» connaît. Il a été comparé à Tibère et à Néron: il a été 


( 602 ) 

» surnommé le démon du midi. Ces épithètes n’expli- 
» quent rien, et sont injustes. Il voulait ,ce que cinquante 
» ans D CON A presque tous les Aa de l'Église 
» romaine jugeaient agréable à Dieu ; il faisait ce qu'a- 
» vant lui avait fait Charles-Quint, qui combattait les 
» protestans comme perturbateurs de l'empire , mais qui, 
» dans ses États, les faisait brûler vifs(1). » Ici M. Groen 
n’a oublié qu’une chose : c’est que cette jurisprudence n'é- 
tait pas particulière à Charles -Quint et à Philippe IL Le 
chef suprême du calvinisme, qui fit brûler Servet, pour quel- 

que dissentiment d'opinion, la connaissait aussi. Qu’eût-1l 
donc fait s'il avait eu en mains la puissance de ‘Charles- 
Quint ou de Philippe ? Telles étaient les horribles mœurs et 
l'horrible politique des hommes de cette époque ; mais as- 
surément, ni l'Évangile, ni le Catholicisme n’en pouvaient 
rien. Relativement à l’inquisition d’Espagne, ce tribunal 

extraordinaire , épouvantable, le premier de tous les 
griefs, le grief dominant de la révolution du XVI sié- 
cle, notre auteur hollandais ajoute: « Qu'il n’est nulle- 
» ment probable que Philippe IT ait voulu l’introduire!.….. 
» Le conseil privé avait done raison de dire : Sa Majesté 
» ne veut aucune nouvelleté, et moins (encore) l’intro- 
» duction de l’inquisition d'Espagne selon que les 
» mauvais en font courir le bruit; mais lant seulement 
» garder et entretenir ce que par le passé a été ordonné 
» avec si grande délibération et solennité (2). » Au sur- 
plus, notre but n’est assurément point d’excuser les ri- 


(1) T. 1, p. 290. V. aussi p.283, ce que dit M. Groen du prétendu assas- 
sinat de la Reine, et de dou Carlos, par Philippe. 
1,p.291. 


( 603 ) 

gueurs ni les cruautés de Philippe I à l'égard des Belges, 
ni d'en faire ce qu’on appelle un bon Roi, quoique quel- 
ques écrivains de sa nation aient voulu aller jusque-là! 
tant le milieu est difficile à tenir en toutes choses! Mais il 
me semble que ces observations de M. Groen viennent bien 
fortement à l'appui de ce que j'ai dit sur les causes générales 
de la révolutiou du XVL siècle , que des esprits superfi- 
ciels ou prévenus prétendent imputer presque uniquement 
à Philippe lui-même, sans tenir compte de sa conduite 
pendant la première période de son règne, ni des circon- 
stances impérieuses el “fatales dans lesquelles il s’est 
trouvé. 

Je résume en peu de mois ce coup d'œil rapide sur 
les trois grandes époques de notre histoire, qui fixent 
particulièrement mon attention. Quoiqu'elles se ressem- 
blent beaucoup, relativement à leur marche, la révolution 
du XVI: siécle diffère des deux autres, et quant à son ori- 
gine, et quant à ses résulats. Je ne parle point de leur impor- 
tance, car la première fut une lutte européenne de très- 
longue durée, une véritable luttë de géans, et les deux autres 
furent de très-courtes commotions intérieures , qui eurent 
toutefois, la dernière surtout , assez de retentissement au 


dehors. La révolution du XVI siécle a été essentiellment 


religieuse, comme les deux autres, mais elle s'est ter- 
minée par le triomphe partiel du protestantisme ; tandis 
que celles de 1789 et de 1830 ont été couronnées par la 
victoire du catholicisme en Belgique. La révolution du 
XVE siècle, fomentée par la haute noblesse, et par 
quelques membres du clergé, qui croyaient défendre 
leurs prérogatives, en faisant de l'opposition contre le 
gouvernement espagnol, s'appuya sur la réforme , et des- 
cendit dans le peuple, qui la soutint avec acharnement : 


( 604) 


tandis que les révolutions de 1789 et de 1830, provoquées 
par le chef du pouvoir lui-même, qui voulait altérer les 
croyances établies, furent combattues à main armée par 
le peuple, qui voulait persévérer dans le catholicisme. 
Ici, comme dans la plupart des affaires humaines, il 
faut bien distinguer la cause réelle, du prétexte dont on 
la couvre, et de l’occasion qui fait éclater des événemens 
depuis long-temps préparés. L’orgueil et l’insolence des 
Espagnols, les nominations des nouveaux évêques, le 
pouvoir et la faveur de Granvelle, la crainte même de 
l'inquisition, ne furent que les prétextes de la révolution, 
dont le motif véritable a été l'invasion du protestantisme , 
fortement excilée par quelques grands ambitieux ou 
mécontens, qui se donnaient pour les défenseurs des li- 
bertés du peuple, et qui avaient deviné que le plus sûr 
moyen de changer le gouvernement d’un pays, c’est d’en 
changer la religion. é 

Nous eûmes aussi, sous Guillaume, nos pamphlets, 
nos caricalures, nos journaux, et puis noswnionistes , DOS 
pétitionnaires aux Chambres, nos députations à la Haye. 
Sous Philippe, les mécontens eurent leurs associations, 
leurs requêtes à la gouvernante, leurs députations au 
souverain ; ils formèrent des confédérations, dans les- 
quelles entrèrent une foule de citoyens de toutes les 
classes. Le danger croissant, on en référait toujours au 
Roi, dont les réponses étaient toujours incertaines ou 
tardives. Il en fut exactement de même sous Joseph II. 
Philippe finit cependant par céder sur plusieurs griefs ; 
mais il n’était plus temps ; on ne croyait plus à sa parole, 
et d’ailleurs on avait passé aux voies de fait. Ceci est 
encore de l’histoire de notre temps. Philippe eut cela de 
commun avec Joseph IT et Guillaume, qu'il apprécia mal 


( 605 ) 


les Belges. Mais il eut au moins la franchise d’en conve- 
nir; et il avona qu'un prince appartenant à une autre 
nation, ne pouvait bien gouverner celle-ci. 

Le règne d'Albert fet d'Isabelle fut une ère de répara- 
tion. Sous eux la religion, les mœurs, les lettres et les 
arts refleurirent. En général, l’histoire ne tient pas assez 
de compte de ces mérites modestes et solides qui, chez les 
princes, servent, peut-être plus que les qualités bril- 
lantes, au bonheur des peuples. Albert et Isabelle don- 
nérent, dans une position élevée, l'exemple des plus 
austères vertus; et cet exemple fut imité par la nation. 
Ils ne négligérent rien d’ailleurs de ce qui pouvait con- 
tribuer à son bien-être et à sa gloire. L'édit perpétuel est 
un des plus beaux monumens de jurisprudence que nous 
aient légué les siècles passés. C’est sous leur règne, que 
fleurirent Juste Lipse, dont la réputation européenne se 
réfléchit sur l'Université de Louvain, et Bollandus, le 
premier auteur de ce gigantesque ouvrage des Acta sanc- 
torum, qui ne pouvait être mis à fin que par des hommes 
qui se survivent et s’élernisent dans leurs successeurs. 
Van Dyck, Crayer, Jordaens, Rubens, illustrérent le 
siècle des archiducs. Ils surent enchaîner Rubens, à sa 
terre natale, à force d'honneurs et de bienfaits ; Rubens, 
l’un des artistes les plus extraordinaires qui aient jamais 
existé; Rubens , l'Homère de la peinture; Rubens, dont 
le nom est partout et les ouvrages aussi. Malheureuse- 
ment les archiducs moururent sans postérité; nos pro- 
vinces retombèrent à l'Espagne affaissée et dégénérée, 
dormant d’un sommeil léthargique qui la rendait pres- 
qu'insensible aux attaques de ses ennemis ; et la création 
d'un état belge fut encore une fois ajournée pour deux 
siècles !.. » 


( 606 ) 


M. le baron De Reïffenberg donne ensuite lecture, au 
nom de la commission dont il était rapporteur, du jugement ” 
prononcé sur le mémoire envoyé en réponse à la question 
de l’académie sur la poésie française en Belgique. Nous en 
citerons les passages suivans : 

«….. L'auteur avait à parcourir une vaste période, de- 
puis les établissemens des Francs dans les Gaules , jusqu'au 
milieu du XVI: siécle. Ces sauvages conquérans en adop- 
tant la langue des vaincus, la traitaient en maîtres et avec 
une brutalité capricieuse. Il la mutilaient impitoyable- 
ment comme les vases précieux et les magnifiques statues 
qu'ils livraient au pillage. De la corruption du latin sortit 
peu à peu une langue nouvelle, modifiée par le celtique 
et les idiomes septentrionaux. Si le roman du Nord n'eut 
pas les terminaisons mélodieuses, les formes larges et eu- 
phoniques du roman du midi, il compensa cet avantage 
par une allure plus franche et plus fiére, et par cela même 
qu’il se trouvait en présence d’autres langues différentes 
de caractère et d’origine, il s’éleva au rang d’une langue 
nationale ét progressive, tandis que le provençal restait 
stationnaire et local. 

À peine la langue est-elle née que la poésie s’en em- 
pare ; elle conduit les guerriers aux combats, recueille de 
pieuses légendes, tempère par sa grâce naïve, par ses 
utiles enseignemens la grossièreté des mœurs et amuse de 
ses merveilleux récits les maîtres de ces imposans et tristes 
châteaux que construisait partout la féodalité. 

Au XE siécle le besoin de soulever les masses, et de les 
précipiler sur l'Orient, perfectionne les langues modernes, 
tandis que la poésie, ravie des prodiges d'Outre-Mer, orne 
les sévères traditions des Germains et des Geltes de tout le 
luxe de l'Asie. Le siècle suivant est riche en poètes, Phi- 


( 60% ) 

lippe d'Alsace, comte de Flandre, aimait les trouvéres et 
les attirait à sa cour. Alors les palais de Bruges et de Gand 
retentirent des chants de Chrestien de Troyes, le plus fé- 
cond des écrivains de cette époque. Il nous rendit un grand 
-nombre de fables bretonnes ou en composa des versions 
nouvelles, tandis que Jean Le Nevelois altérant les sou- 
venirs de l'antiquité, célébrait par de piquans anachro- 
nismes , le héros de Quinte-Curce, et donnait son nom au 
vers de douze syllabes, qui néanmoins existait déjà au 
IX° siècle. 

Le XIIL fut témoin des luttes intérieures de nos grands 
communes. Un moment les poètes effrayés se turent , mais 
la noble protection des princes, mais les sympathies non 
moins puissantes du peuple leur rendirent bientôt la voix. 
Le drame, celte prédication profane, se constitue, s’or- 
ganise sous la plume de Jean Bodel et d'Adam de la Halle. 
Un chevalier de haut renom, Quesne de Béthune, que la 
religion et le goût des aventures avaient appelé au delà 
des mers , donne à la chanson les tons les plus variés de 
l'ode. 

Henri III , duc de Brabant , celui-là même qui par son 
testamerit affranchil ses vassaux des exactions auxquelles ils 
avaient été exposés, et régla qu’à l'avenir ils ne seraient 
plus traités que par droit etsentence , Henri IT avait pour 
trouvère en titre Adenez, dont les-poèmes tels que Berte 
aux grands piés et Cléomades , offrent avec des situations 
pleines d'intérêt, des détails d'une grâce et d’une frai- 
cheur enchanteresses. Chose étonnante! Le moyen âge, 
peu initié à la poésie de détail, aux délicatesses et aux 
petites perfections du style, était néanmoins en possession 
de la plupart des grandes idées poétiques qui seront éter- 
nellement la base de toutes nos inventions; il favait su 


( 608 ) 
leur donner un caractère moral et pratique, une forme 
sensible et palpable. Le même génie qui personnifia dans 
. Roland et Ganélon le courage trahi par la ruse, dans le 
Renard le triomphe de l’habileté, dans Partenopeus et 
Lanval , l’impatiente curiosité de l'amour, dans Berthe, 
Biétris et Geneviève de Brabant, l'innocence calomniée, 
dans Théophile enfin ou dans Faust, la révolte de l’intel- 
ligence contre Dieu , donnait aux petits comme aux grands, 
une pathétique leçon d'humanité, en montrant à tous les 
yeux, le chätiment du juif qui insulta aux souffrances 
ineffables du Sauveur du monde! 

Vers la même époque une femme dont je révendique le 
talent pour la Belgique, Marie de France, adressait au 
comie Guillaume de Dampierre, ses lais touchans et ses 
fables à la manière d'Ésope et de Phèdre. Elle versifiait 
aussi quelques branches du Renard, antique fiction 
dont le fonds est la propriété commune des âges, que 
chaque peuple, chaque écrivain, ont imprégnée de leur 
génie , mais que la Belgique s’esl appropriée des premiers 
et a marquée de son type national. 

Peu à peu il se formait au cœur de la France, un centre, 
un tribunal littéraire, et Paris commençait déjà à exiger 
des Belges une sorte de vassalité poétique. Cependant, 
Froissart” était bien fait pour défendre notre indépen- 
dance sous ce rapport. Après lui et Martin Franc, la poé- 
sie française décline visiblement parmi nous. La prose 
succédail aux vers, les mémoires aux romans, les réalités 
de la politique aux rêveries de l'esprit. D'ailleurs l’anti- 
quité retrouvée donnait lieu à de maladroites imitations; 
avant lout il fallait être savant ou le paraître. De là les dé- 
fauts de Chastellain, de Jean Le Maire et de Molinet, 
poêles sans âme el sans goût, quoique versificateurs assez 


( 609 ) 

habiles. La poésie française mourut en Belgique avec 
Marguerite d'Autriche, la gente damoiselle, cette pro- 
fonde ennemie de la France. Elle devait se réveiller plus 
tard lorsque le pays se gouvernerait encore une fois par 
lui-même. | 

* Tel est en abrégé le tableau déroulé avec art par l’auteur 
du mémoire. Il expose les différentes époques, en mariant 
l’histoire à la littérature, évite la sécheresse, met dans ses 
jugemens de la verve et de la chaleur, et les appuie par des 
exemples choisis avec bonheur, souvent inédits. 

On sent qu’il y a de la précipitation dans quelques par- 
lies de ce travail ; cependant la précipitation n’est que dans 
la rédaction dernière , non dans les études de l’auteur, qui 
ont dû être longues et sérieuses. 

On pourrait lui reprocher des omissions et c’est la res- 
source de h critique vulgaire, comme s’il était un seul 
sujet, auquel, malgré son exiguité, il ne fût pas permis 
d'ajouter ! Fimportant c’est que rien d’essentiel ne soit passé 
sous silence. Jaloux de nous montrer sévères, nous signa- 
lerons aussi un enthousiasme quelquefois exagéré dans les 
appréciations littéraires ; défaut commun aux esprits vifs 
et sensibles, qui ne parlent jamais froidement de ce qu’ils 
aiment. Enfin des expressions trop figurées s’attiréront 
notre blàme; taches légères qu'il est facile de faire dis- 
paraître dans une révision ultérieure. | 

Notre avis est que le mémoire portant pour épigraphe, 
Livres viels et antiques , mérite la médaille d’or. » 


M. André Van Hasselt, auteur du mémoire couronné, 
est invité à venir recevoir la médaille d’or qui lui a été dé- 
cernée; mais M. Van Hasselt ne se trouvant pas présent à 
la séance , le secrétaire est chargé de la lui remettre. 


(610) 


M. Cauchy, commissaire rapporteur, pour la question 
sur les inventions et les découvertes faites en Belgique, lit 
le rapport suivant sur le mémoire de M. Natalis Briavoinne à 
qui a été décernée la médaille d’or. 

Il est, pour les nations civilisées, des époques mé- 
morables par les progrés rapides et simultanés de l'indus- 
trie, des arts et des sciences. Alors, le génie inventif de 
l'homme, débarrassé des ignobles chaînes qui l’étrei- 
gnaient, excité par les besoins sans cesse renaissans , par 
les exigences toujours croissantes d’une civilisation qui 
ne peut rester stationnaire, exalté par ses succés, quel- 
quefois même par ses revers, enfante, tous les jours, 
de nouvelles merveilles, et semble, à chaque instant, 
prés d'atteindre la perfection, ce but idéal qui fuit 
comme une ombre, à mesure qu’on s’en approche. 

Dans le rapport qu’il a lu, il y a aujourd’hui un an, sur 
le mémoire qui m'inspire ces réflexions, notre honorable 
confrère, M. Cornelissen, a dissimulé par l’élégante naï- 
vité du style les profondeurs de l’abime qu'il a sondé 
pour y trouver quelques traces historiques sur les inven- 
tions et sur les inventeurs des siècles écoulés. Vain espoir. 

L'histoire, telle qu’elle a été traitée jusque dans ces 
derniers temps, a signalé les météores qui ont fasciné ou 
terrifié, de loin en loin, les peuples; mais éblouie par 
leur éclat trompeur, elle n’a point vu ces pléiades de 
savans, d'artistes et d’industriels qui ont jeté sur leur 
siècle une douce et bienfaisante lumière. Plus sage, dé- 
sormais , elle inscrira dans ses fastes, les Litres à la re- 
connaissance publique de ces hommes utiles qui ont 
inventé ou perfectionné des travaux si nécessaires à la so- 
ciété. Elle établira, aux yenx de.tous, cette vérilé que 
contestent encore aujourd’hui quelques esprits super- 


( 617) 


ficiels , que-les théories les plus abstraites à leur naissance 
finissent par s’infiltrer dans la pratique des plus simples 
arts, que celle-ci réagit, à son tour, sur les abstractions 
les plus élevées, et que cet échange continuel d’observa- 
tions établit une liaison intime, nécessaire, entre les 
hommes livrés aux travaux les plus disparates en apparence. 

Mais comment peut-on encore méconnaître cette in- 
fluence, sur les progrès de presque toutes les branches 
d'industrie des sciences , et surtout, de la mécanique 
et de la chimie qui en sont devenues les guides indispen- 
sables ! Qu'on jette donc les yeux sur les deux peuples voi- 
sins qui ont cultivé , avec le plus de succés, depuis la fin 
du siècle dernier, le champ de l’industrie. L’Angleterre, 
qui a étonné le continent, aussitôt qu’elle a pu s’en faire 
connaître, par le spectacle imposant de ses machines, 
n'a-t-elle pas vu, avec une égale surprise, les arts nou- 
veaux que la chimie moderne avait enfantés, perfection- 
nés, el pour ainsi dire naturalisés en France, en moins 
d’un quart de siècle. Qu'on écoute cet homme prodigieux 
que le souffle de la tempèle a jelé du premier trône du 
monde sur un rocher stérile et désert. Là, méditant, avec 
son puissant cerveau, sur tout ce qu'il avait observé, avec 
son regard d’aigle, il disait : « que l'Angleterre et la France 
avaient , sans doute également , de grands chimistes, mais 
que la chimie étail bien plus généralement répandue 
en France , et surtout beaucoup plus dirigée vers des ré- 
sultats utiles; qu'en Angleterre, elle demeurait une 
science; qu’en France, elle commençait à n'être plus 
qu'une pratique (1). » Est-il nécessaire de compléter 


(1) Mémorial de Ste-Hélène, t. 4, p. 


air» 
cette pensée en montrant que la mécanique, devenue de- 
puis long-temps populaire en Angleterre, y marche, 
incessamment, de conquête en conquête et a étendu son 
empire si loin qu'il n’est plus possible d’entrevoir les 
limites auxquelles elle doit s'arrêter. 

Ce dernier demi-siècle si fécond en prodiges industriels 
et scientifiques offre donc un beau sujet d’études à l’ob- 
servateur. 

Il appartenait à l'académie des sciences et belles-lettres 
de Bruxelles , dont les travaux ont toujours eu, depuis sa 
création, un but d'utilité publique , d'appeler sur cette 
partie si intéressante de l’histoire nationale, l'attention de 
ces jeunes écrivains qui recherchent avec tant de persévé- 
rance et de succès , les événemens accomplis sur ce théâtre 
si petit, mais si riche de souvenirs. Aussi, a-t-elle depuis 
1829 reproduit à tous les concours qu’elle ouvre annuelle- 
ment , la question suivante : 

Paques l’époque précise des inventions, importa- 
tions et perfectionnemens qui ont, successivement, con- 
tribué aux progrès des arts industriels en Belgique, 
depuis les dernières années du XVIII: siècle jusqu'à 
nos jours, et signuler les personnes qui, les premières , 
en ont fait usage parmi nous. 

Un seul athlète s’est présenté, en 1836, dans la lice ou- 
verte par l’académie ; il a lutté, non sans gloire, dans un 
premier essai, contre les difficultés bien connues de tous 
ceux qui osent s'engager dans ce genre de recherches; 
plus aguerri dans un nouveau combat, il a élé jugé, en 
1837, digne du premier prix que nous allons lui décerner 
aujourd’hui. Grâces à ses généreux eflorts, à ses actives et 
consciencieuses recherches , le monde industriel connaîtra 
bientôt, la part glorieuse que la Belgique a prise depuis 
la fin du siècle dernier à l’ayancement des arts. 


| ( 615 ) 

Après avoir examiné succinctement la situation de l’in- 
dustrie en Belgique sous les administrations autrichienne 
et française, il énumère successivement les différentes 
branches qui y fleurissent aujourd’hui , signale les circon- 
stances remarquables de leur introduction, les découvertes 
importantes qui les ont portées à leur degré actuel de 
perfection, et nomme tous les industriels belges qui ont 
attaché leurs noms à ces conquêtes. 

Traitant d'abord de l'invention la plus célèbre des 
temps modernes, de l'application de la vapeur aux travaux 
les plus délicats qui semblent ne réclamer que de l'adresse, 
comme à ceux qui exigent l'emploi des forces les plus gigan- 
tesques , il montre que nous avons adopté, aussitôt que 
nous ayons pu les connaître et les apprécier, ces nouveaux 
moyens d'accroître la prospérité des nations et le bien-être 
de toutes les classes d'hommes dont elles se composent. 

La fabrication des machines à vapeur, celle des ma- 
chines plus savantes encore auxquelles elles impriment le 
mouvement, celle des outils et instrumens de tout genre 
qui en sont les complémens, n’ont été introduites que plus 
tard, en Belgique; mais elles y ont pris si rapidement un 
tel essor que ce pays peut, aujourd'hui, être considéré 

- comme le grand atelier du continent pour la construction 
des machines. 

L'emploi de ces machines et de ces outils perfectionnés 
nous a permis de nous livrer avec un succès toujours crois- 
sant à la pratique de presque tous les arts : 

À l'exploitation des mines, 

Au traitement mêtallurgique de leurs produits, 

Au travail des métaux et des composés nombreux qu'ils 
fournissent, 

À la construction el à l'exploitation des chemins de fer, 

Tom. 1v. 44 


( 614 ) 

À la filature du coton , du lin et de la laine, 

A la fabrication de presque toutes les espèces de tissus, 

À la teinture et à l'impression de ces lissus, 

À la confection et à la peinture des papiers. 

Les arts purement chimiques se sont aussi acclimatés 
facilement sur un sol si fertile; et nous n’aurons bientôt 
plus rien à envier à nos rivaux, dans la fabrication de ces 
produits dont nous sommes redevables à une science qui, 
après une longue et languissante enfance, s’est élevée, 
d'un seul bond, au rang de celles que l’on considère au- 
jourd’hui comme les plus avancées. 

Quant aux arts qui touchent de plus près à ceux que 
l'on est convenu d'appeler libéraux , ils ont eu bien moins 
de peine encore à fleurir, sous cet heureux climat qui a vu 
naître tant d'artistes célèbres dans tous les genres. Ainsi, 
la gravure, la lithographie, la typographie, la fabrication 
des instrumens de musique, marchent, à grands pas, dans 
la voie du perfectionnement. 

Une énumération plus détaillée , et par conséquent plus 
complète de tous les genres d'industries nationalisés en 
Belgique, depuis la fin du siècle dernier, m'entraînerait au 
delà des bornes assignées à ce rapport. Mais je ne puis me 
dispenser de rappeler ici qu’un grand nombre d'indus- 
triels belges ont obtenu des prix ou des mentions très- 
honorables à tous les concours, à loutes les exposilions 
qui ont eu lieu, depuis 1802 jusqu’en 1835; que la der- 
nière de ces expositions a montré les pas immenses, 
qu'ils ont faits, malgré cette prudente lenteur qui les ca- 
ractérise, ou, plutôt, avec celle circonspection qui leur 
permet d'avancer toujours, sans jamais reculer. 

Rappellerai-je à votre souvenir les noms de ces compa- 
triotes si recommandables, par la constance, par la variété 


( 615 }) 
et par l'utilité de leurs travaux? Non. La plupart vivent 
encore et continuent à se consacrer à des études qui leur 
mériteront ces couronnes, que l’on ne dépose guère que 
sur des tombes. ; 

Mais je rendrai du moins public ce bel hommage que 
leur adresse l’auteur du mémoire que nous allons couron- 
ner : « C’est avec le sentiment d’une joie sincère, dill, 
c'est presqu’avec orgueil que je me suis chargé d’in- 
scrire, parmi les hommes utiles, tant de noms belges qui, 
plus tard, peut-être, eussent été oubliés ou, méconnus. 
Hommes utiles! est-il désormais un plus beau titre? c’est 
surtout pour eux que les pages de l’histoire doivent main- 
tenant s'ouvrir, car c’est sous leur égide que commence 
la grande époque du travail et du bien-être pour tous, que 
nos descendans se chargeront d'accomplir. » 


M. Briavoinne n’assistant pas à la séance, le secrétaire a 
été invité à lui faire parvenir la médaille d’or. 


M. Dumortier, l’un des commissaires pour la question des 
batraciens anoures, lit le rapport qui suit sur le mémoire 
de M. Lambotte, à qui a été décernée une médaille d’ar- 
gent. 

« Lorsque l’on veut connaître les lois qui régissent les 
organes intérieurs de l’homme, on est forcé de recourir 
à l'étude des animaux inférieurs qui, souvent, nous 
dévoilent d’une manière plus sensible et plus claire, ce 
que la création semble avoir pris à tâche de dérober à nos 
regards. 

La nature n’a pas isolé ses lois; et ses phénomènes si 
compliqués chez l'homme et les animaux supérieurs , se 

implifiant à mesure que les animaux deviennent plus 


( 616 ) 

imparfaits, finissent par y devenir d'une appréciation fa- 
cile. Chose étrange! ces êtres que, dans son superbe dédain, 
l’homme regarde comme vils et abjects, sont souvent ceux 
qui offrent les plus grands enseignemens pour la science ; 
ainsi, c’est l'étude des animaux inférieurs, comparée à celle 
de l’embryogénie humaine, qui a montré cette vérité bien 
faite pour humilier notre orgueil, que l'homme, avant 
d'arriver à son dernier développement, passe successive 
ment par des formes qui reproduisent l’état permanent de 
ces animaux inférieurs pour lesquels il n’a que du mépris. 

Parmi les êtres dont l'étude est la plus instructive, figu- 
rent d’abord les batraciens; on sait que ce sont les œufs 
de grenouilles qui ont servi à soulever le voile qui cou- 
vrait le grand mysière de la génération. Il n’est personne 
qui n'ait remarqué, au printemps, que ces animaux, au s0r- 
ür de l'œuf, se présentent d’abord sous la forme de tétards, 
qui , semblables à de petits poissons, sont privés de mem- 
bres et respirent de l'eau par des branchies. Parvenus à 
une certaine époque, tout à coup on leur voit naître deux 
palles postérieures, puis deux pattes antérieures ; la queue 
disparaît bientôt, les branchies se changent en poumons et 
le petit poisson est ainsi métamorphosé en un quadrupède, 
en une grenouille parfaite, respirant l’air comme l’homme 
et les animaux supérieurs. On voit qu'une question bien 
intéressante se présente, celle de savoir quelles sont les 
modifications que subissent les appareils sanguins et respi- 
ratoires dans le cours de la métamorphose que nous venons 
d'indiquer, et c’est ce point que l'académie a cru devoir 
proposer au concours. 

Un seul mémoire est parvenu en réponse à cette ques- 
tion ; il portait pour devise non verbis sed factis. Je n'en- . 
trerai pas, Messieurs, dans tous les détails analomiques que 


(617) 


comporte l'examen de ce mémoire ; ils ont élé traités avec 
une lucidité remarquable, lors de la séance de mai dernier, 
par un savant confrère dont la perte récente est si vive- 
ment sentie de chacun de nous. Je me bornerai à dire que 
ce mémoire présente plusieurs vues neuves et intéres- 
santes. Telle est la communication qu'il indique entre la 
cavité branchiale du tétard et sa cavité abdominale, telles 
sont encore les considérations de l’auteur sur la formation 
des cellules pulmonaires et des folicules cutanés, et ses 
observations sur les fonctions de la peau du tétard , comme 
organe respiratoire, appuyées sur des analogies entre les 
vaisseaux de la peau et ceux des placenta. Il est à regretter 
que l’auteur n'ait pas mis à profi les travaux de ses devan- 
ciers, et qu’il n’ail pas indiqué avec tout le détail nécessaire 
toutes les phases de métamorphose que la question com- 
portait; mais, dans les descriptions qu’il présente, l’auteur 
expose clairement les faits anatomiques; il les discute 
avec sagacité et en Lire souvent des inductions physiologi- 
ques bien établies. Par ces considérations , l'académie a 
décerné la médaille d'argent à l’auteur, M. Henri Lambotte, 
docteur en sciences à Namur, jeune savant qui offre les 
plus belles espérances. 

Messieurs, au moment ou nous commençons à recueil- 
lir les fruits de notre émancipation , il est beau d'assister 
au grand spectacle de la renaissance des lettres, des 
sciences et des arts. De quelque côté que vous tourniez vos 
regards , vous apercevez des hommes nouveaux qui se pré- 
sentent, de nouvelles capacités qui surgissent. De toutes 
parts une jeunesse intelligente, active, studieuse, s’avance. 
et se présente pour illustrer la Belgique. Si le développe- 
ment des beaux-arts a été plus rapide, celui des sciences et 
des lettres, pour s'opérer plus lentement, n’en est pas 


(618) 


moins remarquable. Voyez avec quelle activité, avec quelle 
ardeur on compulse les feuillets épars de notre histoire, 
avec quel intérêt on recueille tont ce qui se rattache à 
notre antique nationalité. C'est que l’amour sacré de la 
patrie échauffe tous les esprits; c’est qu'il dit à tous les 
cœurs que le grand jour de la régénération de la Belgique 
est enfin arrivé; c’est que chacun se dit avec lepoëte ro- 
main : Non, par un coupable sommeil je ne ferai point faute 
à l'honneur de mon pays! Dans ces circonstances , elle est 
grande la mission de la société chargée de donner l'impul- 
sion aux sciences et aux belles-leltres. Récompenser tous 
les mérites , si non simultanément, ce qui est impossible, 
du moins successivement ; encourager tous les talens, sti- 
muler tous les efforts, tel est le devoir de l'académie natio- 
nale ; la patrie peut être sûre qu’elle n’y manquera pas. » 


M. H. Lambolte, présent à la séance, a été invité à venir 
recevoir la médaille d’argent des mains de M. le directeur. 


M. De Hemptinne lit le rapport suivant, au nom de la 
commission pour la question sur les garances. 

« L'académie avait proposé pour le concours de 1835 
à 1837 la question suivante : Quelle est la quantité de 
malière colorante de nos garances comparées à celles 
d'Avignon et de Zélande? Peut-on obtenir des garances 
indigènes la même nuance que des garances étrangères ? 
Les vieilles garances ont-elles des avantages sur les nou- 
velles, et en quoi consistent ces avantages? Donner un 
moyen cerlain et facile pour reconnaître la falsification 
et la qualité des garances ? | 

La commission nommée par l'académie pour l'examen 
des mémoires envoyés au concours en réponse à cette 


( 619 ) 
queslion, avait regrellé, dans son rapport du 8 mai, de 
devoir se borner à la proposilion de la mention hono- 
rable, en faveur du mémoire portant l'épigraphe : Res 
non verba. Ce regret est devenu plus grand, lorsque 
l'académie fut informée que le mémoire était l’ouvrage 
de M. Henri Schlumberger de Mulhausen. 

Si M. Schlumberger, qui est avantageusement connu 
par plusieurs publications sur les arts industriels, et no- 
tamment sur la garance, avait dirigé son travail dans un 
sens plus en rapport avec les vues de l’académie , et avait 
traité la partie chimique de la question avec l'impor- 
tance qu’elle y attachait, la commission pense que le mé- 
moire aurait pu mériter la grande distinction, et dispenser 
l'académie de reproduire la même question pour le con- 
cours de 1837 à 1838. » 


L’'académie avait reçu encore un mémoire en réponse 
à une cinquième question de son programme, qui de- 
mandait un mémoire sur l'analyse algébrique dont le sujet 
était laissé au choix des concurrens, mais l’ouvrage pré- 
senté ne concernant que les élémens de la mécanique, 
l'académie a jugé que l’auteur n'avait pas satisfait à sa 
demande. 


M. le directeur a levé la séance à trois heures et demie. 


FIN DU TOME QUATRIÈME. 


+ 
%e 
e 


TABLE DES MATIÈRES 
DU TOME IV 


DES BULLETINS DE L ACADÉMIE ROYALE DE BRUXELLES. 


A, 


- 


Académies étrangères, 72—127—273-—289- 351. 

Analyse mathématique, 2—32-—81—387. 

Anatomie, 46—441—454-—495—504. 

Antiquités nationales, 21—121—162—240 —-252 -330—353—422 -505 
— 6513. 

Annuaire de l’académie , 28—71, 

Aurores boréales , 32—73—76—484. 

Association britannique, 289. 

Astronomie , 78—79—352—375. 


B. 


Bache, observations magnétiques, 72. — Aurores boréales, 73. 

Bavier, note sur le sucre de betteraves, 2—83, — Demande de renseigne 
mens , 32. — Note sur le cancer gamarellus pulex, 76—224. 

Bekker, commissaire pour l’examen d’un mémoire de M. Namur, 27—656. 
— Idem pour un mémoire de M, Burggraff, 76. — Sa mort, 273. — 
Discours prononcé sur sa tombe, 344, — Notice nécrologique, 478. 

Bestiaux (poids et mesures des), 39. 

Borgnet, sur un diplôme du IXe siècle, 157. —Sur quelques anciens 
manuscrits , 252. 

Botanique, 19-47-50-120-225-300—315-—358 —391-410- 433 -443 
— 447 —-485—505--519. 

Bowditch , sa traduction anglaise de la mécanique céleste , 2. 


622 TABLE DES MATIÈRES. 


Briavoinne (Natalis), mémoire couronné, 179—610. 

Bulletins, 28—71. 

Burggraeve, mémoire sur l’anatomie humaine, préparations anatomiques, 
47—413 —441. 

Burggraff, sa traduction du douzième surate de l’Alcoran , 75-176. 


C. 


Cantraine, sa nomination est approuvée par le Roi, 1. — Commissaire 
pour l’e*amen d’un mémoire de M. De Koninck sur les coquilles , 65, 
Rapport sur ce mémoire , 412. — Commissaire pour l’examen d’un mé- 
moire de M. Bavier sur le cancer pulex, 76. — Observations sur ce 
mémoire , 224. — Sur le système nerveux du genre mytilina, 106—146. 
— Sur le retour tardif du Martinet en 1837, 220. 

Carton, sur l’éducation des sourds-muets, 413 

Cauchy, commissaire rapporteur pour le concours de 1837, 33—179— 
610 — Commissaire pour l'examen de nouvelles voitures de M. Dietz, 
436. — Rapport sur un mémoire de M. Triven relatif aux waggons des 
chemins de fer, 437. — Commissaire pour le voyage de MM. Linden 
et Ghiesbrecht , 380. 

Chasles ;, note sur l’atraction des e//ipsoïdes , 388. —_ Son Histoire de la 
Géométrie, 423. 

Chimie , 59—61—83-—84-—94- 146 -277—283-352- 397—450—498. 

Colonne milliaire , 21—162-— 505. 

Conchyliologie, 65-412, 

Concours de 1837, 2—33—76—176—506. — Concours de 1838, 214. 

Congrès scientifique de France , 72—352. 

Cornelissen, commissaire pour le concours de 1837, 33-179._ Troisième 
volume de discours, mémoires, etc., 175 - Discours prononcé à 
l'inauguration du Casino de Gand en 1837 , 290. — Remarques sur une 
note de M. Marchal , 353. -—- Commissaire pour l’examen d’un mémoire 
de M. Joly, sur les antiquités nationales, 353. 

Crahay, observations météorologiques horaires, 5—131-—291—380, — 
Tableaux météorologiques, 65. — Observations météorologiques faites 
à Louvain en 1836, 97.—Sur l’ouragan du 1tr novembre, 428. — Com- 
missaire pour l'examen des mémoires de M. Plateau et de M Cudell, 
358 -505. — Des voitures de M Dietz, 437. 

Cudell, sur la colonne milliaire de Tongres, 505. 


TABLE DES MATIÈRES. 623 


D. 


Dandelin, commissaire pour le concouis de 1837, 33—180—idem pour 
l’examen des mémoires de MM. Plateau et Pagani, 358—387, 

De Gerlache, commissaire pour le concours de 1837, 76—176.—Rapport 
sur les travaux de l’académie de 1836 à 1837, 261—264,— Élu vice- 
directeur pour 1838 , 261.—Commissaire pour le mémoire de M, Cu- 
dell, 505. — Discours sur la révolution belge du XVI: siècle, 560. 

De He:xptinne, commissaire et rapporteur pour le concours de 1837, 
33—179--196—618.—Rapport sur une note de M. Bavier, 83. — Sa 
nouvelle pompe, 221. — Rapport sur la poudre vé;éto-animale de 
M. Van Roosbroek, 277. — Rapport verbal sur une note de M. Vloe- 
berghs , 440.— Commissaire pour l’examen des nouvelles voitures de 
ML. Dietz, 437.—Expérience sur la solidification de l’acide carbonique, 
478. 

De Koninck, description de coquilles, 65 —412.—Emploi de la phlo- 
ridzine, 94. 

De la Rive, aurore boréale du 12 novembre, 484. 

Delezenne, mémoire de la société royale des sciences de Lille , 1.—Au- 
rore boréale du 18 février, 128, 

De Ram, sa nomination , 518. 

De Smet , observation sur une chronique publiée par M. Lambin, 154.— 
Note sur l’entrée de la noblesse dans les anciens états des provinces 
Belgiques , 505.—Commissaire pour un mémoire de M, Joly, 353. 

Dietz , sur un nouveau remorqueur et de nouvelles voitures, 436, 

Dubus (Bernard), sur une nouvelle espèce de héron, 39.—Sur l’Jbis oli- 
vaceu ; 105. 

Dumont , sa nomination est approuvée par le Roi, 1.—Tableaux analy- 
tiques de minéralogie, 136.—Carte géologique de la Belgique , 373— 
461. 

Dumortier, sur les préparations anatomiques du docteur Burggraeve, 46. 
— Commissaire pour le concours de 1837, 34—150, — Commissaire et 
rapporteur pour le mémoire de M. Morren sur le séylidium gruminifo- 
lium, 358—485.—Remarques sur le merle roselin, 361.—Voyages de 

MM. Linden et Ghiesbrecht , 380,— Rapport sur un ouvrage de bota- 
uique de M, Vandevyvere, 410, Commissaire ct rapporteur pour une 
description de coquilles par M. De Koninck, 65 -412, Commissaire 
pour un mémoire d'anatomie par M, Burggraeve , 441.— Note sur le 


624 TABLE DES MATIÈRES. 


genre Dionæa , 443. — Commissaire pour un mémoire de M. Van Be- 
neden , 505. — Rapport sur le mémoire couronné de M. Lambotte , 
615. 


E. 


Élaerts, tremblement de terre à Sion, 74. 
Entomologie, 11 — 136 — 220 — 319 — 359 — 389 — 488. 
Étoiles filantes , 79 — 376. 


F. 


Fohmann, commissaire et rapporteur pour le mémoire couronné de 
M, Lambotte , 34 — 180. — Sa mort, 373 — 422. 

Forbes, sur l’anneau de saturne, 352. 

Fortia (marquis de), réponse à une note de M. Marchal, 376. 


G. 


Gachard , sa nomination, 518. 

Garnier , commissaire pour l’examen d’un mémoire d’analyse, 39-82 — 
135. — Son ouvrage sur la météorologie, 483. 

Géodésie, détermination géographique de l’observatoire de Bruxelles , 
278. 

Géographie ancienne, 164, 

Géologie, 373 — 461. 

Géométrie , 32 — 81 — 388. 

Gistl, son systema insectorum , 352. 

Gluge, note sur la structure microscopique des hydatides, 454.—Sur la 


structure de la couche extérieure de la peau dans plusieurs animaux, 
495. 
Goethals (comte), médaille à l'effigie du chanoine Goethals , 176. 


Herschel, lettre sur les nébuleuses , 375. — Observations horaires, 481. 
Histoire nationale , 66-154—157 237-474-6505. 


TABLE DES MATIÈRES, 625 


Humboldt (baron de), lettre sur un phénomène lumineux aperçu en 
Allemagne, et sur le magnétisme, 290. — Présentation d’un ouvrage 
sur la langue Kawi de Java , 351. — Circulaire relative aux observa- 
tions magnétiques , 427. 


J. 
Joly, antiquités nationales, 353. 


K. 


Kesteloot, opuscule sur Van Swieten, 31. 

Kickx, sur la Marchantia fragrans , 19. — Sur les plantes du littoral 
belge , 50. —Sur l’hybridité dans les fougères , 120.—Sur trois limaces 
nouvelles , 137. — Sur trois espèces indigènes du genre Sclerotium , 
315.— Sa nomination, 518. 


L. 


Lambotte, mémoire couronné , 180—433. — Note sur le Théridion mal- 
mignatte , 433488. 

Leroy, produit de la combustion de l’alcool autour du fil de platine, 
61--83—128-283- 322 —352, 

Littérature ancienne, 27-65 —342—353—375. 

Littérature française, 242—362—414. 

Littérature nationale , 68—176—609. 


M. 


Maas, observations météorologiques à Alost en 1836, 2 — Observations 
horaires, 5—131—291—380. 

Magnétisme terrestre, observations horaires, 38. — Observations des 
États-Unis , 72. — Observ. de Bruxelles , 129. — Lettre de M. de Hum- 
boldt, 291. — Lettre du major Sabine , 482. 

Marchal, sur un passage de Strabon et sur les Argonautes , 164, — Sur un 
passage de César , 342-353 375, 


626 TABLE DES MATIÈRES. 


Martens , sur un cas d’hybridité dans les fougères, 47. — Sur les produits 
de la combustion lente de la vapeur alcoolique et de la vapeur éthérée 
autour d’un fil de platine incandescent, 59. — Rapport sur une note 
de M. Leroy , relative au même objet, 83. -- Notice sur les caractères 
chimiques des chlorures de souffre , 84. — Commissaire pour le con- 
cour de 1837, 34-196. — Sur une note de M. Leroy, 285—322.— 
Esquisse d’une nouvelle classification chimique des corps, 397. 

Martynowski, mémoire analytique , 32—81—135. 

Mécanique industrielle , 436-437 

Météorologie, observations de Bruxelles, d’Alost et de Louvain en 1836, 
2—97. — Observations horaires , 5—131—291—380. — Température de 
la terre , 34. — Tableaux de M Crahay, 65 - Sur les froids des mois 
de mars , avril et mai 1837, 274. — Sur un phénomène lumineux, 290. 
— Sur l’ouragan du ier novembre, 428. 

Minéralogie, 136. 

Moke , sa nomination, 518. 

Mollusques , 15—41—106—137—141—380. 

Moreau de Jonnès, renseignemens sur une statistique générale de la 
France, 128. — Nouvelles tables de mortalité pour la France, 289. 

Morren , notice sur la vanille indigène , 225. — Sur le mouvement de la 
séve des dicotylédones, 300. — Sur le mouvement et l’anatomie du 
stylidium graminifolium, 358-485. — Sur la catalepsie des dracoce- 
phalum austriacum et moldavicum, 391. — Notice sur le professeur 
Fohmann, 422. — Sur le mouvement et l’anatomie du stylidium gra- 
minifolium et du stylidium corimbosum, 433. — Sur les plantes hypo- 
carpogées, 434. — Note sur l’effet pernicieux du duvet du platane, 
447.— Sur la circulation observée dans l’ovule, la fleur et le phoranthe 
du figuier, 605-619. Notice sur R. Courtois, 519. 


N. 


Namur, mémoire manuscrit en latin sur Rudolphus agricola , 28 — 65.— 
Bibliosraphie académique , 433, 


©. 


O’Sullivan de Grass (baron), tremblement de terre à Vienne, 127. 
Ornithologie, 39—105 220—361. 


A? 


TABLE DES MATIÈRES. 627 


Ouvrages présentés, 28 — 69 — 124 — 173 — 261 -— 286 — 347 — 369 
369 — 423 — 478 — 514 — 529. 


P. 


Pagani, commissaire et rapporteur pour un mémoire d’analyse de 
M. Martinowski, 32— 81 — 135. Commissaire pour le concours de 
1837 , 33—180. - Commissaire pour un mémoire de M. Plateau, 358. 
— Mémoire sur la théorie des logarithmes , 387—433.-— Commissaire 
pour l’examen des voitures de M. Dietz , 437. 

Philippart , note sur une fille née sans yeux , 273. 

Physique, 221—355. 

Plateau, sa nomination est approuvée par le Roi, 1.— Mémoire sur l’irra- 
diatiou , 355, 

! 


Q. 


Quetelet , observations météorologiques de 1836, 2.— Observations ho- 
raires, 5—131—291—38).— Température de la terre, 34,— Sur les froids 
des mois de mars, avril et mai 1837, 274.—Tremblement de terre, 74,— 
Aurores boréales , 76 —481.— Observations magnétiques, 38—71— 129 

… —130 — 291 —427 — 482, —_ Poids ei mesures des bestiaux ,39 — Oc- 
cultation de mars par la lune, 78.— Étoiles filantes, 79 —376.— Position 
géographique de l’observatoire de Bruxelles, 278. — Communications 
de lettres de MM. Moreau de Jonnès, Forbes, Herschel, 290 — 252 
—375—481. — Réclamation de -priorité en faveur de M. Cerquero , 
387. — Ouragan du 1er novembre , 428. — Commissaire pour les mé- 
moires de HM. Stacquez, Plateau, Pagani, 81—358—387.— Commissaire 
pour le voyage de MM, Linden et Ghiesbrecht et pour les voitures de 
M. Dietz, 380 —-437. — Rapport sur les travaux de l'académie, 554, 


R. 


Raoux , dissertation juridico-historique sur la loi salique , 154 —237 — 
413, 

Reiffenberg (baron de), rapport sur un mémoire de M. Namur, 27— 65, 
— Sur ia direction des études historiques, 66.— Sur l’antiquité des 


chanoine Goethals, 176.— Commissaire et rapporteur pour le con- 
cours de 1837, 76—176 — 606.—Sur les chansons de geste et les 
romans de Jourdain de Blaye et de Godefroid de Bouillon , 242—362. 
— Discours prononcé sur la tombe de M. Bekker ; notice nécrologi- 
que , 344—478.— Commissaire pour le voyage de MM. Linden et Ghies- 
brecht , 380. — Commissaire pour les mémoires de MM. Carton et 
Cudell, 413—505.— Fragment en langue romane , 414.—Notice sur 
Pierre l’Hermite , 474. — Sur un manuscrit de la bibliothèque de 
Tournay , 609. — Sur les découvertes d’antiquités nationales, 512. 

j 


628 | TABLE DES MATIÈRES. 
cartes à jouer, 66. — Sur le mot stampien , 68.—Médaille à l’effigie du 


Roulez , sur la colonne itinéraire de Tongres, 21—162.—Sur un anneau 
antique en or, 121. — Sur quelques instrumens antiques en pierre et 
en bronze, 230.—Sur une note de M. Marchal, 353.—Sur une empreinte 
trouvée près de Fleurus, 422.—Sur la géographie ancienne de la Bel- 
gique , 505.— Sa nomination, 518. 


S. 


Sabine, le major, lettre sur le magnétisme, 482, 

Sauveur, commissaire pour l’examen d’un mémoire de M. Burggraeve, 
413—441.—De M, De Koninck, 65.—De M. Carton, 413. 

Schlumberger, réclamation , 428, 

Société des antiquaires de la Morinie , programme , 2. 

Société d’horticulture de Gand, notice sur l’exposition du 10 mars; 
discours de M. Van Hulthem , prononcé en 1817, 128. — Rapport de 
M. Coryn, lu en 1834 — Discours du président et de M. Cornelissen, 
prononcés lors de l’inauguration du Casino , en 1837, 290. s 

Société royale de géologie du Cornouailles, mémoires, 1. s 

Société royale des sciences de Lille, mémoires, 1.—Programme , 2. 

Société havraise, travaux , 127, 

Stacquez , mémoire sur la géométrie, 32 — 81. 

Stassart (baron de), note de M. Bavier sur le sucre de betteraves, 2.—Mé- 
moire de M. De Brouckere, sur les caisses d'épargne, 31.— Tables , 6e 
édit. 176.— Commissaire pour le concours de 1837, 176.—Directeur 
pour 1837, 261.—Discours sur la part que prirent les Belges aux pro- 
grès de l'esprit humain, 530, 


Le 


Température de la terre, 34, 


TABLE DES MATIÈRES. 629 


Thiry, commissaire pour les mémoires de MM. Plateau et Pagani, 358— 
387. 

Tiedemann, sa nomination, 518. 

Timmermans, rapport sur un mémoire de géométrie de M. Stacquez, 
81.—Commissaire et rapporteur pour le concours de 1837, 33—180. 

Tremblemens de terre , 74—127. 

Triven , note sur les waggons des chemins de fer, 437—484. 


, 


Van Beneden , système nerveux du Zimneus glutinosus, 15.—Description 
d’une nouvelle espèce du genre Dreissena, 41. — Sur le mytilus poly- 
morphus , 141. — Anatomie du pneumodermum violaceum , 504. 

Van de Vyvere , sur les plantes phanérogames, etc., 410. 

Van Hasselt, mémoire couronné sur la poésie française en Belgique, 
176-606. — Sa nomination, 518. 

Van Mons, théorie de l’éther hydrique, 61. —- Aurore boréale du 18 fé- 
vrier , 76. — Sur l’oxide de carbide, 146. — Commissaire pour le con- 
cours de 1837, 196. Sur une note de M. Leroy, 230. — Lettre sur 
l’aldéhyde , 353. — Sur la nature du principe explosif dans les com- 
posés fulminans et détonans , 498. 

Van Roosbroek, sa poudre végéto-animale, 277. 

Verplancke, mémoire sur les garances , 34—214. 

Vloeberghs , recettes pour la teinture , 128—413—440, 

Voisin, sa nomination , 518. 


W. 


Waterkeyn , sur une aurore boréale observée à Malines, 32. 

Wesmael, sur un lépidoptère gynandromorphe , 11. — Commissaire pour 
un mémoire de M. De Koninck, 65. — Sur le fulgore porte-lanterne, 
136. — Commissaire pour le concours de 1837, 34—180, - Sur un in- 
secte qui détruit les scolytes , 220. — Sur le cancer pulex, 76-224.— 
Sur les larves d’un sarcophage , 319. — Sur les métamorphoses d’un 
Xylophage , 320. — Sur une difformité observée chez un lépidoptère, 
359. — Commissaire pour le voyage de M. Linden , 380. — Sur la vespa 
muraria de Linné, 389 — Commissaire et rapporteur d’un mémoire 


Tom. 1v. 45 


: d'anatomie de M. Bufbgraëve, 418-441 ST « mms: 
moire de M. Morren, , 487. — Idem pour Us de] 
505. * fn AE 

Willems, sur le a oË stampien, 240. A Heroo 
M Burggraÿ , 175—354 — Commissaire pour he 
LL: les antiquités : 3 | É 


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